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Wallonie - Craie > Recours 861

Craie - Decision 861

  • Date : 2017-10-19
  • Copie locale : 861.pdf
  • Mots-clef : décision d’agir en justice - recevabilité du recours ratione temporis - autorité publique - information environnementale - procédure juridictionnelle - bonne marche de la justice - balance entre l'intérêt public servi par la divulgation et l'intérêt servi par le refus de divulguer - procédure devant le Conseil d’État - procédure d’accès aux informations environnementales

Transposition

                          Commission de recours pour le droit
                           d’accès à l’information en matière
                                      d’environnement
                                Séance du 19 octobre 2017
RECOURS N° 861
En cause de :     représentée par
                  Partie requérante,
Contre :          la commune de Fléron
                  représentée par Maîtres Pierre Lejeune et Guillaume Gailliet
                  Rue des Fories, 2
                  4020 LIEGE
                  Partie adverse.
        Vu la requête du 21 août 2017, par laquelle la partie requérante a introduit le recours
prévu à l’article D.20.6 du livre Ier du code de l’environnement, contre le refus de la
commune de Fléron de lui communiquer, si possible en version électronique, la décision de
son conseil communal autorisant le collège communal à introduire un recours au Conseil
d'État contre le permis d'urbanisme que la commune de Soumagne a délivré le 13 mars 2017 à
la S.A. Property & Advice pour la construction d'un complexe commercial, ainsi que les
décisions du collège communal décidant d'agir en annulation et en suspension de ce permis ;
        Vu l’accusé de réception de la requête du 29 août 2017 ;
        Vu la notification de la requête à la partie adverse, en date du 29 août 2017 ;
        Vu la décision de la Commission du 14 septembre 2017 prolongeant le délai pour
statuer ;
        Quant à la recevabilité du recours ratione temporis

         Considérant que le recours est dirigé contre la décision de la partie adverse rejetant la
demande d’information que lui ont adressée les conseils de la partie requérante le 13 juillet
2017 ; que ladite décision a été communiquée à ceux-ci dans une lettre des conseils de la
partie adverse datée du 16 août 2017 ; que le recours, introduit le 21 août 2017, a dès lors été
formé dans le délai de quinze jours prescrit par l’article D.20.6, alinéa 2, du livre Ier du code
de l’environnement ; que, contrairement à ce que soutient la partie adverse dans la note
d’observations qu’elle a adressée à la Commission, il importe peu, à cet égard, qu’elle avait
déjà fait part aux conseils de la partie requérante, le 2 juin 2017, de son refus de transmettre
les documents qui font l’objet de la demande d’information ; qu’en effet, il ressort de la lettre
des conseils de la partie adverse du 16 août 2017 que c’est bien la demande faite le 13 juillet
2017 qui est présentée comme n’étant pas acceptée, et ce pour un motif spécifique, explicité
dans ladite lettre ; que le recours n’est donc pas tardif ;
         Quant au point de savoir si la partie adverse agit en l’espèce en qualité d’« autorité
         publique » tenue de respecter les dispositions du livre Ier du code de l’environnement
         relatives au droit d’accès à l’information
         Considérant que, dans la note d’observations qu’elle a adressée à la Commission, la
partie adverse écrit que la demande d’information est contraire à l’article D.11, 1°, alinéa 2,
du livre Ier du code de l’environnement ; qu’en vertu de cette disposition, les personnes et
institutions visées à l’alinéa 1er de l’article D.11, 1° - ce qui est notamment le cas d’une
commune - ne sont pas des « autorités publiques » tenues de respecter les dispositions du livre
Ier du code de l’environnement relatives au droit d’accès à l’information « lorsqu’elles
exercent une fonction juridictionnelle ou collaborent à l’administration de la justice » ; qu’en
se fondant sur l’article D.11, 1°, alinéa 2, la partie adverse semble ainsi soutenir qu’en sa
qualité de partie au recours qu’elle a introduit auprès du Conseil d’État contre le permis
d’urbanisme délivré pour le projet litigieux, elle ne peut être considérée comme étant une
« autorité publique » tenue de respecter les dispositions du livre Ier du code de
l’environnement relatives au droit d’accès à l’information ;
         Considérant qu’en introduisant une action en justice ouverte à toute personne justifiant
d’un intérêt pour contester la délivrance d’un permis d’urbanisme, une commune n’exerce pas
une fonction juridictionnelle et ne peut être considérée, à proprement parler, comme
collaborant à l’administration de la justice ; qu’il importe à cet égard d’observer que l’article
D.11, 1°, alinéa 2, du livre Ier du code de l’environnement est à comprendre au regard des
dispositions qui, à l’article 2, § 2, alinéa 2, de la Convention sur l’accès à l’information, la
participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière
d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et ratifiée par la Belgique, et à l’article 2,
2), alinéa 2, de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier
2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, prévoient ou
permettent de prévoir que la notion d’« autorité publique » n’englobe pas les organes ou
institutions « agissant dans l’exercice de pouvoirs judiciaires » (voir sur ce point les travaux
préparatoires du décret du 16 mars 2006, qui a inséré l’article D.11, 1°, alinéa 2, dans le livre
Ier du code de l’environnement : Doc. Parl. wall., sess. 2005-2006, n° 309/1, p. 25) ; qu’en sa
qualité de partie au recours qu’elle a introduit auprès du Conseil d’État contre le permis
d’urbanisme délivré pour le projet litigieux, la partie adverse n’agit pas « dans l’exercice de
pouvoirs judiciaires » au sens des dispositions citées de droit international et européen ; qu’il
est donc erroné de soutenir, en se fondant sur l’article D.11, 1°, alinéa 2, du livre Ier du code
de l’environnement, que la partie adverse ne serait pas, en l’espèce, une autorité publique

tenue de respecter les dispositions du livre Ier du code de l’environnement relatives au droit
d’accès à l’information ;
        Quant au point de savoir si l’information demandée est une information
        environnementale
        Considérant que, dans la note d’observations qu’elle a adressée à la Commission, la
partie adverse estime aussi que « l’information demandée n’est pas une information
environnementale » ; qu’elle soutient à cette fin que « la décision d’introduire un recours en
annulation prise par une commune n’est pas une « mesure » au sens du code de
l’environnement et ne comporte du reste aucune information environnementale au sens de ce
même code » ;
        Considérant qu’en vertu de l’article D.6, 11°, c), du livre Ier du code de
l’environnement, la notion d’« information environnementale » couvre toute information,
détenue par une autorité publique, concernant les mesures (« y compris les mesures
administratives, telles que les politiques, les dispositions législatives, les plans, les
programmes, les accords environnementaux ») ou les activités qui, en substance, ont ou sont
susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement, ainsi que les mesures ou activités
destinées à protéger celui-ci ; que le terme « mesures » au sens de cette disposition est à
entendre au sens usuel et ne se prête pas à être interprété restrictivement, le membre de phrase
« y compris les mesures administratives, telles que les politiques, les dispositions législatives,
les plans, les programmes, les accords environnementaux » se limitant à donner des exemples,
non exhaustifs, de mesures ; que, lorsqu’une autorité publique décide d’introduire un recours
contre un permis d’urbanisme délivré pour un projet auquel elle s’oppose et qui - tel le projet
litigieux d’implantation d’un complexe commercial - est susceptible d’avoir des incidences
sur l’environnement, elle prend une mesure qui est elle-même susceptible d’avoir de telles
incidences ou de protéger l’environnement ; que, pour qu’une mesure ayant cet objet entre
dans le champ d’application de la notion d’« information environnementale » au sens de la
disposition précitée du livre Ier du code de l’environnement, il n’est pas requis que la décision
qui l’exprime comporte elle-même, en outre, une information environnementale particulière ;
que la thèse de la partie adverse sur ce point ne peut donc pas être suivie non plus ;
        Quant à l’application des règles relatives au droit d’accès aux informations
        environnementales en cas de demande de communication de documents afférents à
        une procédure juridictionnelle ou dont une juridiction peut ordonner la production, et
        quant au point de savoir si la demande d’information peut ou doit être rejetée en raison
        d’une atteinte à la bonne marche de la justice
        Considérant que, dans sa réponse à la demande d’information, la partie adverse a
justifié comme suit son refus d’y réserver une suite favorable : « la législation relative à la
publicité administrative n’est pas applicable lorsqu’une demande tend à faire déposer devant
une juridiction des documents dont cette juridiction peut ordonner la production, ou lorsque
les documents auxquels l’accès est en cause sont afférents à une procédure juridictionnelle, ce
qui est le cas en l’espèce » ; que, dans la note d’observations qu’elle a adressée à la
Commission, la partie adverse réitère cette argumentation en soutenant que la demande
d’information porte atteinte à la bonne marche de la justice ; qu’à cette occasion, elle signale
que, dans son mémoire en intervention devant le Conseil d’État, la partie requérante a saisi
celui-ci d’une demande identique à celle qui est adressée à la Commission, et ce pour vérifier
la recevabilité du recours introduit par la partie adverse auprès du Conseil d’État ; que, selon

la partie adverse, la demande de la partie requérante vise à interférer dans la procédure en
cours devant le Conseil d’État ;
         Considérant que plusieurs arrêts du Conseil d’État indiquent que les formes de
publicité organisées par la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration ne
sont applicables ni lorsqu’elles tendent à faire déposer devant une juridiction des documents
dont cette juridiction peut ordonner la production, ni lorsque les documents auxquels l’accès
est en cause sont afférents à une procédure juridictionnelle (voir notamment les arrêts
Michaux, n° 51.549 du 6 février 1995, et S.P.R.L. Biljef, n° 205.402 du 17 juin 2010) ; que
cette jurisprudence porte sur le droit d’accès à l’information dans d’autres matières que
l’environnement ; qu’en ce qui concerne le droit d’accès aux informations environnementales,
il faut avoir égard à la Convention d’Aarhus et à la directive 2003/4/CE, précitées ; que ces
textes de droit international et européen n’excluent pas et ne se prêtent pas à être interprétés
comme excluant purement et simplement du champ d’application des dispositions relatives à
l’accès aux informations environnementales des demandes de communication de documents
afférents à une procédure juridictionnelle ou dont une juridiction peut ordonner la production ;
qu’il en va nécessairement de même des dispositions du livre Ier du code de l’environnement
et de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière
d’environnement qui appliquent ou transposent la Convention d’Aarhus et la directive
2003/4/CE ;
         Considérant qu’en application de la Convention d’Aarhus et de la directive 2003/4/CE,
l’article D.19, § 1er, du livre Ier du code de l’environnement permet de limiter le droit d’accès
aux informations environnementales pour divers motifs, notamment lorsqu’il apparaît que son
exercice est susceptible de porter atteinte à la bonne marche de la justice et à la possibilité
pour toute personne d’être jugée équitablement ; que le § 2 du même article précise que les
motifs de limitation visés au § 1er sont interprétés de manière restrictive en tenant compte de
l’intérêt que présente pour le public la divulgation de l’information et que, dans chaque cas
particulier, l’autorité publique met en balance l’intérêt public servi par la divulgation avec
l’intérêt servi par le refus de divulguer ; que, de son côté, la loi du 5 août 2006 dispose, en son
article 27, § 1er, que l’instance environnementale qui reçoit une demande d’information la
rejette si l’intérêt du public servi par la publicité ne l’emporte pas sur la protection de divers
intérêts, parmi lesquels « la procédure d’un procès administratif » et la possibilité pour toute
personne d’être jugée équitablement ; que c’est au regard de ces dispositions qu’il convient
d’examiner si, en l’espèce, il est justifié de refuser de communiquer à la partie requérante les
documents qu’elle a réclamés à la partie adverse ;
         Considérant que la Commission n’aperçoit pas en quoi la double circonstance que la
demande d’information porte sur des documents afférents à la procédure en cours devant le
Conseil d’État et que la partie requérante a saisi celui-ci d’une demande identique à celle qui
est adressée à la Commission impliquerait, à elle seule, qu’en ordonnant la communication
des décisions réclamées par la partie requérante, la Commission porterait véritablement et
concrètement atteinte à la bonne marche de la procédure en cours devant le Conseil d’État ou,
à tout le moins, y porterait une atteinte telle que l’intérêt servi par le refus de divulguer les
décisions concernées serait plus important que l’intérêt servi par leur divulgation ; que le fait
de réserver une suite favorable à la demande de la partie requérante d’obtenir communication
de ces décisions en application des dispositions relatives à l’accès aux informations
environnementales n’emporterait, par lui-même, aucune appréciation de la question de savoir
si le recours que la partie adverse a introduit auprès du Conseil d’État est ou non recevable et
n’interférerait donc pas avec le contenu de la réponse que pourrait apporter le Conseil d’État à

cette question ; que, de surcroît, la partie adverse est malvenue à refuser de communiquer à la
partie requérante l’une des décisions en cause, en l’occurrence la décision du conseil
communal autorisant le collège communal à saisir le Conseil d'État, alors que, comme elle le
signale dans la note d’observations qu’elle a adressée à la Commission, cette décision est
accessible au public sur son site Internet (http://www.fleron.be/ma-commune/vie-
politique/conseil-communal/decisions/2017/pv-definitif-con20170523.pdf) ; qu’il n’est dès
lors pas justifié de refuser de communiquer à la partie requérante les décisions en cause en se
prévalant de l’intérêt de la bonne marche de la procédure en cours devant le Conseil d’État ;
        Quant à la thèse suivant laquelle la demande d’information doit être traitée selon les
        dispositions propres à la procédure devant le Conseil d’État
        Considérant que, dans la note d’observations qu’elle a adressée à la Commission, la
partie adverse soutient, en ordre subsidiaire, que la demande d’information doit être traitée
selon les dispositions propres à la procédure devant le Conseil d’État ; qu’à cette fin, elle
rappelle qu’en vertu de l’article 19, alinéa 6, des lois coordonnées sur le Conseil d’État, « sauf
preuve contraire, l’avocat est présumé avoir été mandaté par la personne capable qu’il prétend
représenter » ; qu’au vu du texte et de l’économie de cette disposition ainsi que de la
jurisprudence du Conseil d’État qui en fait application, la partie adverse déclare, d’une part,
que la partie requérante exige de la commune de Fléron « une démarche dont le législateur a,
précisément, voulu la dispenser lors de l’introduction du recours » et, d’autre part, que la
partie requérante est « mal fondée de demander à la Commission d’ordonner la production des
délibérations du collège communal et du conseil, alors que (…) la charge de la preuve pèse
sur elle, ses allégations et supputations ne constituant en rien la preuve contraire exigée » et
qu’« elle n’invoque aucun élément de nature à étayer sa demande » ;
        Considérant que l’article 19, alinéa 6, des lois coordonnées sur le Conseil d’État tend
uniquement à régler une question de procédure applicable aux recours formés auprès du
Conseil d’État ; qu’il n’a pas vocation à s’appliquer aux demandes d’information qui, telle la
demande litigieuse, sont introduites auprès des autorités publiques sur la base des dispositions
relatives à l’accès aux informations environnementales ; que la thèse de la partie adverse
repose sur une confusion entre les dispositions réglant la procédure devant le Conseil d’État et
celles qui régissent la procédure d’accès aux informations environnementales ; qu’elle ne
trouve aucun fondement dans l’une ou l’autre de ces dispositions ;
                                       PAR CES MOTIFS,
                                 LA COMMISSION DECIDE :

Article 1er: Le recours est recevable et fondé.
Article 2 : Dans les huit jours de la notification de la présente décision, la partie adverse
communiquera à la partie requérante, si possible en version électronique, la décision de son
conseil communal autorisant le collège communal à introduire un recours au Conseil d'État
contre le permis d'urbanisme que la commune de Soumagne a délivré le 13 mars 2017 à la
….. pour la construction d'un complexe commercial, ainsi que les décisions du collège
communal décidant d'agir en annulation et en suspension de ce permis.
Ainsi délibéré et prononcé à Namur le 19 octobre 2017 par la Commission composée de
Monsieur B. JADOT, président, Messieurs A. LEBRUN, Fr. MATERNE, J.-Fr. PÜTZ et Br.
QUEVY, membres effectifs, et Monsieur L. L’HOIR, membre suppléant.
       Le Président,                                      Le Secrétaire,
       B. JADOT                                           Fr. FILLEE
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