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Wallonie - Craie > Recours 778
Craie - Decision 778
- Date : 2016-05-10
- Copie locale : 778.pdf
- Mots-clef : permis d’urbanisme, plan d’architecte, propriété intellectuelle, œuvre originale, droit d’auteur, balance entre l'intérêt public servi par la divulgation et l'intérêt servi par le refus de divulguer, protection de la vie privée, prix coûtant, paiement préalable
Transposition
Commission de recours pour le droit d’accès à l’information en matière d’environnement Séance du 10 mai 2016 RECOURS N° 778 En cause de : Madame Y… Requérante, Contre : la commune de Soumagne Avenue de la Coopération, 38 4630 SOUMAGNE Partie adverse. Vu la requête du 25 mars 2016, par laquelle la requérante a introduit le recours prévu à l’article D.20.6 du livre Ier du code de l’environnement, contre le traitement réservé à sa demande d’obtenir une copie de divers documents urbanistiques ; Vu l’accusé de réception de la requête du 6 avril 2016 ; Vu la notification de la requête à la partie adverse, en date du 6 avril 2016 ; Vu la décision de la Commission du 13 avril 2016 prolongeant le délai pour statuer ; Considérant que les informations réclamées par la requérante constituent incontestablement des informations environnementales soumises au droit d’accès à l’information que consacre et organise le livre Ier du code de l’environnement ; Considérant que la requérante conteste les éléments suivants de la réponse apportée par la partie adverse à sa demande d’information : d’une part, le refus de communiquer une copie des plans afférents aux permis d’urbanisme PU11/A83 et PU15/A60 ; et, d’autre part, l’obligation de payer un montant de 33,30 €, préalablement à la fourniture des copies demandées ; 1. Quant au refus de communiquer une copie des plans afférents aux permis litigieux Considérant que, dans sa réponse à la demande d’information, la partie adverse n’a pas communiqué à la requérante une copie des plans afférents aux permis litigieux, mais l’a invitée à s’adresser à cette fin à l’architecte qui les a établis ; qu’elle a, à cette fin, fait valoir que « les plans rest[e]nt propriété de l’architecte » ; Considérant qu’une autorité peut se fonder sur l’article D.19, § 1er, alinéa 1er, e), du livre Ier du code de l’environnement en vue de refuser la communication d’une copie de plans d’architecte, pour autant, du moins, que ceux-ci puissent être qualifiés d’oeuvre originale ; que, de même, l’article 30 de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement n’autorise la communication sous forme de copie d’une information environnementale protégée par le droit d’auteur que moyennant l’accord de l’auteur ou de la personne à qui ses droits ont été transmis ; que, cependant, tant l’article D.19, § 2, du livre Ier du code de l’environnement que la disposition précitée de la loi du 5 août 2006 précisent que, dans chaque cas particulier, l’intérêt servi par la divulgation doit être mis en balance avec l’intérêt spécifique servi par le refus de divulguer ; qu’en l’espèce, à supposer qu’ils présentent un degré d’originalité suffisant pour être protégés par le droit d’auteur, les plans litigieux sont appelés à constituer des pièces essentielles en vue de déterminer la teneur et les implications exactes des permis auxquels ils se rapportent ; que l’examen de cette question requiert la possibilité d’examiner les plans en détail et, par conséquent, de s’en faire délivrer une copie, plutôt que d’avoir seulement la faculté de les consulter dans les bureaux de l’administration communale ; qu’il n’est pas établi avec certitude que la communication à la requérante des documents dont la partie adverse accepte de lui fournir une copie suffit à la compréhension des permis en cause ; que, dès lors qu’une personne qui exerce le droit d’accès à l’information relative à l’environnement n’a pas à faire valoir un intérêt à cette fin (article D.10, alinéa 1er, du livre Ier du code de l’environnement), la Commission n’a pas à apprécier la pertinence de l’affirmation de la partie adverse, contenue dans un courrier qu’elle lui a adressé, selon laquelle « objectivement, il résulte de la demande qu’elle revêt un intérêt privé, faisant intervenir un litige d’ordre familial, et non un intérêt public » ; qu’en conséquence, la balance des intérêts penche en faveur de la communication en copie des documents demandés ; que, toutefois, si des plans figurant des pièces d’habitation ont été déposés à l’appui des demandes de permis, ces plans ne doivent pas être communiqués, dès lors qu’ils sont couverts par le droit au respect de la vie privée ; 2. Quant à l’obligation de payer un montant de 33,30 €, préalablement à la fourniture des copies demandées Considérant que la requérante pose deux questions sur ce point : d’une part, elle se demande si le montant de 33,30 € qui lui est réclamé « correspond aux règles applicables » ; et, d’autre part, elle invite la Commission à examiner si ce montant « pouvait être demandé préalablement à l’envoi » ; 3.1. Quant au montant réclamé à la requérante Considérant qu’en vertu de l’article D.13, alinéa 3, du livre Ier du code de l’environnement, « le prix éventuellement réclamé pour la délivrance de l’information ne peut dépasser le coût du support de l’information et de sa communication » ; Considérant que cette disposition tend à mettre en oeuvre l’article 6, § 8, de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et ratifiée par la Belgique, suivant lequel « chaque Partie peut autoriser les autorités publiques qui fournissent des informations à percevoir un droit pour ce service mais ce droit ne doit pas dépasser un montant raisonnable » ; qu’elle vise aussi à transposer l’article 5, § 2, de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, en vertu duquel « les autorités publiques peuvent subordonner la mise à disposition des informations environnementales au paiement d’une redevance, pourvu que son montant n’excède pas un montant raisonnable » ; Considérant qu’il ressort du préambule de la directive 2003/4/CE que l’article 5, § 2, de celle-ci « implique que, en principe, les redevances ne peuvent excéder les coûts réels de production du matériel en question » (considérant 18 du préambule) ; que, de même, l’exposé des motifs du projet devenu le décret du 16 mars 2006 - lequel a inséré dans le livre Ier du code de l’environnement la version actuelle de l’article D.13, alinéa 3 - précise que l’intention du législateur régional wallon a été de garantir que le prix éventuellement réclamé par l’autorité publique pour la délivrance de copies ne puisse dépasser « le coût réel de production du matériel en question » (Doc. Parl. wallon, sess. 2005-2006, n° 309/1, page 8) ; Considérant que, dans un arrêt du 6 octobre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a indiqué que « les coûts relatifs à la « mise à disposition » d’informations environnementales, qui sont exigibles sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2003/4, englobent non seulement les frais postaux et de photocopie, mais également les coûts imputables au temps passé par le personnel de l’autorité publique concernée pour répondre à une demande d’informations individuelle, ce qui comprend, notamment, le temps pour chercher les informations en question et pour les mettre dans le format demandé » ; que. par contre, selon le même arrêt, « les frais engendrés par la tenue d’une base de données qui est utilisée par l’autorité publique afin de répondre aux demandes d’informations environnementales ne peuvent pas être pris en considération lors du calcul d’une redevance pour la « mise à disposition » d’informations environnementales » ; qu’en ce qui concerne l’exigence selon laquelle le montant de la redevance réclamée par l’autorité publique ne peut excéder un montant raisonnable, le même arrêt a souligné qu’il convenait « d’exclure toute interprétation de la notion de « montant raisonnable » susceptible d’avoir un effet dissuasif sur les personnes souhaitant obtenir des informations ou de limiter le droit d’accès à celles- ci » (C-71/14, East Sussex County Council c/Information Commissioner) ; Considérant qu’il incombe à la Commission, au vu et en tenant compte de ce qui précède, de s’assurer que les frais de photocopie de documents réclamés à une personne qui exerce le droit d’accès à l’information ne dépassent pas le coût réel de production du matériel en question et n’excèdent pas un montant raisonnable ; Considérant qu’en l’espèce, la partie adverse a entendu faire application d’un règlement communal établissant une redevance pour la délivrance de photocopies, dont le montant est fixé à 0,10 € pour une face A4 noir et blanc, à 0,20 € pour une face A3 noir et blanc, à 0,50 € pour une face A4 couleurs, et à 1 € pour une face A3 couleurs ; qu’elle a fourni à la Commission un inventaire des pièces mises à la disposition de la requérante ; qu’elle a également communiqué à la Commission le calcul détaillé qui l’a conduite à réclamer à la requérante un montant de 33,30 € ; que ce calcul est présenté comme suit : 94 pages A4 noir et blanc à 0,10 €, 52 pages A4 couleurs à 0,20 €, 11 pages A3 noir et blanc à 0,50 €, et 8 pages A3 couleurs à 1 € ; qu’il est permis de se demander si, dans ce calcul, la partie adverse n’a pas commis une erreur dans l’application de son règlement, en intervertissant les tarifs applicables respectivement aux faces A3 noir et blanc et A4 couleurs, mais qu’à supposer que tel est le cas, cette erreur permet à la requérante de se voir réclamer un montant inférieur à celui auquel conduirait la correcte application du règlement ; Considérant qu’il ressort du préambule du règlement communal produit par la partie adverse que celle-ci a entendu « établir une redevance couvrant le coût de la dépense à prendre en considération (location des photocopieurs, entretien, fonctionnement, papier, encre, prestations du personnel) » ; que, dans une lettre adressée à la Commission, elle a précisé que la redevance ainsi établie « couvre insuffisamment et partiellement, non seulement le coût des copies (l’encre, le papier, l’usure de la machine,...) mais aussi les prestations du personnel pour répondre à la demande » ; que, dans le courriel, envoyé à la Commission, dans lequel elle communique le calcul du montant réclamé à la requérante, elle a encore précisé, d’une part, que ce montant « comprend les coûts de matériel (papier, encre, agrafes, amortissement de l’imprimante et prestations,...) » et, d’autre part, que « les frais postaux n’ont même pas été comptabilisés, étant entendu qu’il est également loisible au demandeur de venir retirer les documents ou d’envoyer sa cliente venir les chercher contre remboursement » ; Considérant que les divers éléments qui viennent d’être cités permettent de considérer que le montant de 33,30 € réclamé à la requérante ne dépasse pas le coût réel de production du matériel en question et n’excède pas un montant raisonnable ; 3.2. Quant à l’obligation impartie à la requérante de payer les frais de photocopie avant d’obtenir communication des documents demandés Considérant que, ni la directive 2003/4/CE, ni le livre Ier du code de l’environnement ne se prononcent expressément sur la question de savoir s’il est admissible de subordonner à un paiement préalable l’envoi d’une copie des documents demandés ; Considérant toutefois que ces textes doivent être interprétés et appliqués en ayant égard à la Convention d’Aarhus ; qu’en son article 4, § 8, celle-ci dispose que « les autorités publiques qui ont l’intention de faire payer les informations qu’elles fournissent font connaître aux auteurs des demandes d’informations le barème des droits à acquitter, en indiquant les cas (...) dans lesquels la communication des informations est subordonnée à leur paiement préalable » ; qu’il résulte de la disposition citée qu’il incombe à l’autorité publique qui a l’intention de faire payer les informations qu’elle fournit d’établir le « barème des droits à acquitter », et que c’est à cette occasion qu’il revient à ladite autorité de déterminer les cas dans lesquels la communication des informations est subordonnée à leur paiement préalable ; que l’exigence d’un paiement préalable ne peut donc être fixée cas par cas, au moment où l’autorité publique est saisie d’une demande particulière de communication d’une copie de documents ; qu’en l’espèce, le règlement communal dont se prévaut la partie adverse n’a pas prescrit le paiement préalable de la redevance qu’il prévoit ; qu’il ne suffit pas à cet égard de soutenir, comme la partie adverse l’a indiqué à la Commission, qu’il est d’usage dans la commune de payer la redevance au préalable, sauf urgence démontrée ; que le « souci de rapidité, de bonne gestion et d’efficacité », dont la partie adverse a fait état auprès de la Commission pour justifier l’exigence d’un paiement préalable, ne suffit pas davantage à faire obstacle à l’obligation, qu’impose l’article 4, § 8, de la Convention d’Aarhus, d’imposer cette exigence dans le texte même qui fixe le barème applicable ; que la partie adverse ne peut donc imposer un tel paiement préalable à la requérante ; PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DECIDE : Article 1er : Le recours est recevable et partiellement fondé. Article 2 : La partie adverse communiquera à la requérante (en son domicile élu, étant le cabinet de son conseil), dans les huit jours de la notification de la présente décision, une copie des plans afférents aux permis d’urbanisme PU11/A83 et PU15/A60, à l’exception, s’il y en a, de plans figurant des pièces d’habitation. Article 3 : La partie adverse ne subordonnera pas à un paiement préalable l’envoi à la requérante d’une copie des documents qu’elle a réclamés. Ainsi délibéré et prononcé à Namur le 10 mai 2016 par la Commission composée de Monsieur B. JADOT, président, Madame Cl. COLLARD, Messieurs A. LEBRUN et J.-Fr. PÜTZ, membres effectifs, et Messieurs Fr. FILLEE et Fr. MATERNE, membres suppléants. Le Président, Le Secrétaire, B. JADOT Fr. FILLEE
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