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Wallonie - Craie > Recours 646

Craie - Decision 646

  • Date : 2014-02-18
  • Copie locale : 646.pdf
  • Mots-clef : procès-verbal d’infraction, confidentialité des données, donnée à caractère personnel, protection de la vie privée, Commission européenne, loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement, émissions dans l’environnement, balance entre l'intérêt public servi par la divulgation et l'intérêt servi par le refus de divulguer

Transposition

                                                                                  Direction genoraiß"
                                                                                   RESS. NAT. ËNV.
                           Commission de recours pour le droit
                            d'accès à l'information en matière                     2 6 FEV. 2014
                                       d'environnement
                                   Séance du 18 février 2014
RECOURS N° 646
En cause de :     
                  Partie requérante.
Contre :          le Service public de Wallonie
                  Direction générale opérationnelle de l'agriculture, des ressources naturelles
                  et de l'environnement
                  Département des aides
                  Direction de l'octroi des aides agricoles
                  Chaussée de Louvain, 14
                  5000 NAMUR
                  Partie adverse.
        Vu la requête du 26 décembre 2013, par laquelle la partie requérante a introduit le
recours prévu à l'article D.20.6 du livre 1er du code de l'environnement, contre le refus de la
partie adverse de lui communiquer une copie du dossier d'examen de sanctions en matière
d'éco-conditionnalité relatif à Monsieur Pierre Hypacie et à son épouse ;
        Vu l'accusé de réception de la requête du 6 janvier 2014 ;
        Vu la notification de la requête à la partie adverse, en date du 6 janvier 2014 ;

        Considérant que des riverains d'une exploitation agricole située à Spy, qui sont
défendus par le même conseil que celui de la partie requérante dans la présente affaire, se
plaignent de ce que ladite exploitation ne respecte pas les normes environnementales de
stockage des effluents d'élevage ; que, dans une lettre du 28 mai 2013, ils se sont adressés à la
Commission européenne en vue de l'informer de cette situation et de lui faire part du fait que,
selon eux, l'administration régionale wallonne est en défaut d'établir « un pont institutionnel
et juridique » entre le constat de la violation des normes environnementales précitées et le
mécanisme de pénalités applicables aux bénéficiaires d'aides agricoles, alors que les normes
en question sont de celles dont le respect s'impose au titre de la « conditionnante » prescrite
par la réglementation européenne relative aux régimes de soutien des agriculteurs ; que c'est
dans ce contexte que la partie requérante a demandé à la partie adverse de lui communiquer
une copie du dossier d'examen des sanctions éventuellement envisagées « en matière d'éco-
conditionnalité » à rencontre des gérants de l'exploitation agricole considérée ;
        Considérant qu'à la suite de l'invitation qui lui a été faite de communiquer à la
Commission les documents composant le dossier dont la partie requérante réclame une copie,
la partie adverse a transmis huit documents : trois rapports du département de la police et des
contrôles consécutifs à une visite de l'exploitation agricole en cause ; une décision du
fonctionnaire sanctionnateur délégué infligeant une amende administrative au gérant de cette
exploitation en raison d'une violation du décret du 11 mars 1999 relatif au permis
d'environnement ; deux documents comportant des questions posées par la Commission
européenne aux autorités belges à la suite de la plainte contenue dans la lettre précitée du 28
mai 2013, ces questions portant, les unes sur la manière dont les autorités belges organisent de
manière générale, en Région wallonne, le système de contrôle et le régime de pénalités
applicables aux cas de non-conformité aux règles de la conditionnante, et les autres sur
l'application de ce système et de ce régime au cas particulier de l'agriculteur visé par la
plainte ; et enfin deux documents comprenant les réponses de la Région wallonne aux
questions de la Commission européenne ;
        Considérant que les informations comprises dans ces documents constituent
incontestablement des informations environnementales soumises au droit d'accès à
l'information que consacre et organise le livre 1er du code de l'environnement ;
        Considérant que, pour justifier son refus de communiquer les informations demandées
par la partie requérante, la partie adverse se prévaut de l'article D.19, § 1 , alinéa 1 , 1), du
                                                                              er         er
livre 1er du code de l'environnement, qui permet de limiter le droit d'accès aux informations
environnementales lorsque l'exercice de ce droit est susceptible de porter atteinte à la
confidentialité des données à caractère personnel ou des dossiers concernant une personne
physique si cette personne n'a pas consenti à la divulgation desdites informations ; que, dans
sa décision refusant de communiquer les informations demandées, la partie adverse a indiqué
que, sans l'accord de Monsieur Pierre Hypacie, elle ne pouvait faire part à la partie requérante
du « résultat de la procédure » ; que, dans une note d'observation qu'elle a adressée à la
Commission, la partie adverse a expliqué qu'à son estime, le fait de communiquer à des tiers
les données faisant l'objet de la demande d'information serait contraire à la loi du 8 décembre
1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère
personnel et aux dispositions qui, dans le décret du 27 juin 2013 prévoyant des dispositions
diverses en matière d'agriculture, d'horticulture et d'aquaculture, tendent à garantir la

demande d'information, « la décision finale décidant d'infliger une sanction financière », la
partie requérante « semble vouloir obtenir des données sensibles (...) du point de vue de la vie
privée de la personne concernée, puisqu'il s'agirait de donner une information relative à une
 somme d'argent déterminée que celle-ci a reçue » ;
         Considérant qu'il importe de constater que, parmi les informations contenues dans les
documents que la partie adverse a communiqués à la Commission, il en est qui ne se
rapportent en rien à une personne déterminée et qui, de ce fait, ne sont pas de nature à porter
atteinte au droit au respect de la vie privée de qui que ce soit ; qu'il en va ainsi des questions
posées par la Commission européenne aux autorités belges sur la manière dont celles-ci
organisent de manière générale, en Région wallonne, le système de contrôle et le régime de
pénalités applicables aux cas de non-conformité aux règles de la conditionnante, et des
réponses de la Région wallonne à ces questions ; que, partant, les considérations de protection
de la vie privée dont la partie adverse se prévaut ne peuvent être opposées à la demande
d'information, en tant que celle-ci porte sur les informations en question ;
         Considérant, par conséquent, que seules les données touchant à la situation particulière
des exploitants agricoles concernés par la demande d'information entrent a priori - sous
réserve de ce qui sera dit ci-après à propos des données relatives à des émissions dans
l'environnement - dans le champ d'application de l'exception au droit d'accès à l'information
que soulève la partie adverse ;
         Considérant que, si le droit au respect de la vie privée est un droit fondamental, dont la
sauvegarde est essentielle, il convient aussi d'observer qu'il en va de même du droit d'accès à
l'information, singulièrement du droit d'accès à l'information en matière d'environnement,
que consacrent, notamment, divers textes de droit international et européen, en particulier la
Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et
l'accès à la justice en matière d'environnement, conclue à Aarhus le 25 juin 1998, et la
directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant
l'accès du public à l'information en matière d'environnement ; qu'en application de ces textes
de droit international et européen, des dispositions particulières, figurant à l'article D.19 du
livre 1er du code de l'environnement et à l'article 27 de la loi du 5 août 2006 relative à l'accès
du public à l'information en matière d'environnement, soumettent à diverses règles le pouvoir
reconnu à l'autorité publique saisie d'une demande d'accès à l'information en cette matière de
limiter le droit d'accès à l'information en cas de risque d'atteinte à la vie privée ;
         Considérant qu'à cet égard, il convient d'abord d'observer qu'en vertu de l'article
D.19, § 2, alinéa 2, 2°, du livre 1er du code de l'environnement et de l'article 27, § 2, alinéa
 1 , de la loi du 5 août 2006, une demande d'information ne peut être rejetée pour des raisons
  er
tenant à la protection de la vie privée d'une personne lorsque cette demande est relative à des
émissions dans l'environnement ; qu'en l'espèce, certaines des données que contiennent les
documents que la partie adverse a communiqués à la Commission concernent des rejets de jus
de fumier dilués dans les égouts ; que, partant, les considérations de protection de la vie
privée qu'invoque la partie adverse ne peuvent être opposées à la demande d'information, en
tant que celle-ci porte sur les données en question ;
        Considérant que, par contre, le motif de limitation du droit d'accès à l'information
qu'invoque la partie adverse peut s'appliquer aux autres données touchant à la situation

interprété de manière restrictive en tenant compte de l'intérêt que présente pour le public la
divulgation de l'information, la même disposition ajoutant que l'autorité publique est tenue,
dans chaque cas particulier, de mettre en balance l'intérêt public servi par la divulgation avec
l'intérêt servi par le refus de divulguer ; que. de son côté, l'article 27, § 1 , de la loi du 5 août
                                                                               er
2006 est rédigé en ce sens que le rejet d'une demande d'accès à l'information pour le motif
indiqué suppose que l'intérêt du public servi par la publicité ne l'emporte pas sur la protection
de l'intérêt servi par le refus de divulguer ; qu'en l'espèce, il n'apparaît pas que les
considérations de protection de la vie privée dont la partie adverse se prévaut sont telles qu'il
se justifierait de ne pas divulguer les données en cause :
         - une part importante du contenu des documents qui, parmi ceux que la partie adverse
a communiqués à la Commission, émanent de services ou d'agents de la Région wallonne
compétents en matière d'environnement, a déjà été divulguée : ainsi, quand, dans la lettre
qu'ils ont adressée à la Commission européenne le 28 mai 2013, des riverains de
l'exploitation agricole concernée font état des informations que leur a transmises le
département de la police et des contrôles le 18 mars 2013, ils se réfèrent à des données dont le
contenu correspond à l'essentiel du contenu du rapport de contrôle établi par ce département
quelques jours auparavant, lequel rapport de contrôle est l'une des pièces centrales du dossier
transmis par la partie adverse ; on relève aussi qu'il ressort de Tune des pièces transmises par
la partie adverse (en l'occurrence un courriel d'un fonctionnaire de la Commission
européenne du 5 décembre 2013 posant des questions aux autorités belges) que le conseil des
riverains de l'exploitation agricole est en possession de la décision du fonctionnaire
sanctionnateur délégué infligeant une amende administrative au gérant de celle-ci en raison
d'une violation du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement; dans la
demande d'information qu'elle a introduite auprès de la partie adverse, la partie requérante
fait du reste état de cette décision ; dans ces conditions, il n'est pas suffisamment justifié de
refuser de divulguer les documents qui, parmi ceux que la partie adverse a communiqués à la
Commission, émanent de services ou d'agents de la Région wallonne compétents en matière
d'environnement ;
          - dans les documents transmis à la Commission, les réponses de la Région wallonne
aux questions posées par la Commission européenne en ce qui concerne l'application à
Monsieur Hypacie du système de contrôle et du régime de pénalités applicables aux cas de
non-conformité aux règles de la conditionnante, se limitent, en substance, à faire état des
résultats des visites de contrôle qui ont été effectuées et à indiquer que les procédures,
comportant la mise en oeuvre d'applications informatiques, établies pour déterminer les
réductions ou exclusions de paiement d'aides agricoles en cas de constatation de non-
conformité, sont en cours de traitement et donneront lieu aux décisions sur lesquelles elles ont
vocation à déboucher ; ainsi, dans le document le plus récent, qui date du 14 janvier 2014, la
Région wallonne signale, à propos de l'exploitation litigieuse, d'une part, que « la liquidation
du paiement des aides relatives à l'herbe fin 2013 a été réalisée avant la validation du constat
de mars 2013 », de sorte que « la perception de la somme indûment versée fera soit l'objet
d'une procédure de recouvrement soit d'une compensation lors d'un prochain paiement » et,
d'autre part, qu'« en ce qui concerne la prime à la vache allaitante, la réduction financière sera
appliquée lors du paiement du solde courant mars 2 0 1 4 » ; de telles informations ne
contiennent pas, en elles-mêmes, de donnée sensible appelant une protection particulière du
point de vue du droit au respect de la vie privée (comme, par exemple, le montant précis des
sanctions financières envisagées) ; aussi, en l'état du dossier, il n'est pas suffisamment justifié

         Considérant encore, pour autant que de besoin, que, spécialement dans le cadre d'un
régime dans lequel, comme en l'espèce, conformément à l'article D.10, alinéa 1 , du livre 1er
                                                                                    er
du code de l'environnement, il n'est pas requis de faire valoir un intérêt pour exercer le droit
d'accès à l'information, il n'appartient pas à la Commission de préjuger de l'utilisation que la
                                            1
partie requérante pourrait éventuellement faire de l'information qui lui est donnée ;
        Considérant enfin que, contrairement à ce que suggère la partie adverse dans la note
d'observation qu'elle a envoyée à la Commission, la circonstance que la Commission
européenne mène actuellement une enquête consécutive à la plainte que des riverains de
l'exploitation litigieuse lui ont adressée et qu'elle tiendra ceux-ci au courant de ses
investigations, n'est pas de nature à justifier qu'il soit refusé de donner suite à la demande
d'information introduite par la partie requérante ; que ces procédures ont en effet des objets
distincts ; qu'en outre, aucune disposition ne permet de refuser de communiquer une
information environnementale pour le motif que la Commission européenne examine la
compatibilité d'une réglementation ou d'une pratique nationale avec le droit européen,
                                      PAR CES MOTIFS,
                                LA COMMISSION DECIDE :
Article 1er : Le recours est recevable et fondé.
Article 2 : La partie adverse communiquera à la partie requérante (en son domicile élu, étant
le cabinet de son conseil), dans les quinze jours de la notification de la présente décision, une
copie des documents qu'elle a transmis à la Commission à la suite de l'invitation qui lui a été
faite de communiquer à celle-ci les documents composant le dossier d'examen de sanctions en
matière d'éco-conditionnalité relatif à Monsieur Pierre Hypacie et à son épouse.

Ainsi délibéré et prononcé à Namur le 18 février 2014 par la Commission composée de
Monsieur B. JADOT, Président, Madame C l . C O L L A R D , Messieurs A. L E B R U N , M.
PTRLET et J.-Fr. PÙTZ, membres effectifs, et Monsieur Fr. M A T E R N E , membre suppléant.
      Le Président,                                      Le Secrétaire,
                                                         M. PIRLET
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