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Cadas > Cada wallonne > Publicité de l'administration

2019-304

  • Date: 2019-304
  • Compétence : Décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, art. 8, § 1 er  ; Code de la Démocratie locale et de la Décentralisation, art. L3231-1 et suivants
  • Base juridique :

Transposition

                         COMMISSION D’ACCÈS
              AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS
               Section Publicité de l’administration
                                       AVIS n° 304
                                     15 juillet 2019
   RW – Ministre-Président – Armes – Licences d’exportation – Obligation de
collaboration avec la CADA – Secret des affaires – Relations internationales de la
Région – Justification in concreto des exceptions à la publicité – Communication
                                             partielle
                         Commission d’accès aux documents administratifs
                                  Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes
                                     Secrétariat – Tél. : 081/33 38 19
                                     support.cada@spw.wallonie.be

                                            RÉGION WALLONNE
                     COMMISSION D’ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS
                                       Séance du 15 juillet 2019
                                                   Avis n° 304
En cause :       L’asbl … et l’asbl …
                 Parties demanderesses,
                 Représentées par Me …
Contre :         Le Ministre-Président de la Région wallonne, dont le cabinet est établi rue Mazy 25-27
                 à 5100 Namur
                 Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, l’article 8, §t 1er et 2 ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la
Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu la demande d’avis datée du 17 juin 2019 ;
Vu la demande de reconsidération adressée le même jour à la partie adverse ;
Vu l’accusé de réception et la demande d’information adressée à la partie adverse le 21 juin 2019 ;
Vu la réponse de la partie adverse datée du 10 juillet 2019 ;
Objet de la demande
La demande initiale du 15 mai 2019 porte sur la communication de l’existence et, le cas échéant, la
communication des copies des licences d’exportation d’armes vers le Royaume d’Arabie Saoudite
délivrées entre le 29 octobre 2017 et la date de la demande, soit le 15 mai 2019.
Les documents sollicités sont des documents administratifs au sens de l’article 1er, alinéa 1, 2°, du décret
du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration.
                                  Commission d’accès aux documents administratifs
                                           Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes
                                              Secrétariat – Tél. : 081/33 38 25
                                              support.cada@spw.wallonie.be

La demande est donc recevable.
Obligation de collaboration avec la CADA
La partie adverse n’a pas confirmé l’existence des documents réclamés, ni communiqué de copies de
ceux-ci.
Selon l’article 12 de l’arrêté du gouvernement wallon du 9 juillet 1998, « à la demande du président et
dans le cadre du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration, les autorités
administratives sont tenues de communiquer à la Commission tous les documents et renseignements
utiles ». Aucune exception à cette obligation de collaboration dans l’instruction du dossier ne peut être
invoquée.
La partie adverse a fait valoir d’une part que le décret wallon du 2 mai 2019 modifiant le décret wallon
du 30 mars 1995 n’était pas encore entré en vigueur, et d’autre part que les documents ne lui avaient
pas été demandés par le président de la Commission.
Ces arguments sont fallacieux, dès lors que la Commission s’efforce depuis plusieurs années d’exercer
sa mission en requérant systématiquement, via le secrétariat et sous l’autorité de la Présidente,
l’examen des documents demandés dans tous les dossiers qui lui sont soumis. A diverses reprises (avis
2015-85/1 et 2015-86/1), la Commission a même sursis à statuer afin d’obtenir copie des documents
demandés. Dans l’immense majorité des cas, désormais, les autorités administratives concernées
fournissent la copie des documents demandés, et permettent ainsi à la Commission d’exercer son
contrôle sur ceux-ci. La Commission n’a jamais communiqué les documents transmis par la partie
adverse ni à la partie demanderesse, ni à quiconque.
En outre, la Commission avait déjà expressément indiqué dans son rapport annuel de 2015, à l’occasion
d’une réflexion sur la problématique de l’accès aux licences d’exportation d’armes :
« en cas de demande d’accès à des documents administratifs concernant les armes, la CADA demandera
à l’autorité administrative concernée la communication des documents sollicités ainsi qu’une note
d’observations.
A la question de savoir si les informations confidentielles doivent/peuvent être retirées avant la
transmission des documents à la CADA, la réponse est négative. La Commission a besoin de l’intégralité
des documents pour pouvoir juger de la pertinence des exceptions invoquées par l’autorité
administrative ou pour pouvoir, le cas échéant, en invoquer elle-même »1.
En refusant de communiquer la moindre information à la CADA, dans un dossier certes sensible, la partie
adverse fait obstruction à la mission dévolue à la CADA, laquelle participe pourtant à la protection d’un
droit fondamental, garanti par l’article 32 de la Constitution. Cette attitude est d’autant plus paradoxale
que le législateur wallon vient expressément de confirmer l’obligation de collaboration prévue par
l’arrêté du gouvernement wallon du 9 juillet 1998 précité.2 Le refus de collaboration de la partie adverse
avec la CADA n’est donc pas admissible.
1 Rapport annuel 2015, p. 28. (http://www.cada-wb.be/index.php?id=4485).
2 Selon le futur article 8ter du décret wallon du 30 mars 1995, tel qu’il sera modifié par le décret du 2 mai 2019, « L’entité
concernée transmet au secrétaire de la Commission copie du document objet de la demande du requérant dans les quinze
jours de la demande, ainsi que tout autre élément de droit ou de fait, document ou renseignement qui ont motivé sa décision
de rejet ».
                                       Commission d’accès aux documents administratifs
                                                 Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes
                                                    Secrétariat – Tél. : 081/33 38 25
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Fondement de la demande
1. – Dans sa réponse du 10 juillet 2019, la partie adverse invoque deux motifs pour justifier son refus de
communication des informations demandées : le respect du secret des affaires, d’une part, et la
protection des relations internationales de la Région, d’autre part.
2. – Selon une jurisprudence constante de la Commission, la vie privée et le secret des affaires
constituent des motifs d’exception à l’accès aux documents administratifs prévus par l’article 6, §2, 1°
du décret wallon du 30 mars 1995 et par l’article 6, §1er, 7° et §2, 1° de la loi fédérale du 11 avril 1994
relative à la publicité de l’administration (voy. notamment les avis 2015-99, 2018-210, 2018-215 et 2018-
236).
Selon la Commission européenne, ce principe protège notamment « les informations techniques et
financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de
fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché,
les fichiers de clients et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou
encore la politique de vente d’une entreprise »3. La directive européenne du 8 juin 2016 définit pour sa
part les secrets d’affaires comme « des informations qui répondent à toutes les conditions suivantes: a)
elles sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de
leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui
s'occupent normalement du genre d'informations en question, ou ne leur sont pas aisément
accessibles ; b) elles ont une valeur commerciale parce qu'elles sont secrètes ; c) elles ont fait l'objet, de
la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des
circonstances, destinées à les garder secrètes »4.
La présente Commission a déjà rappelé à de multiples reprises que la partie adverse doit apprécier in
concreto, pièce par pièce, la nature confidentielle des informations en cause. Il faut également que la
divulgation des informations concernées soit de nature à causer un dommage économique ou
commercial à leur détenteur.
Cet examen doit se faire pour chacun des éléments des licences d’exportation d’armes et doit,
conformément à la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, être
explicité dans la décision relative à la demande d’accès. Dans ce cadre, la partie adverse ne peut
envisager cette exception qu’en tenant compte de ce que toute limite à la publicité de l’administration
est de stricte interprétation, dès lors qu’elle restreint la portée d’un droit fondamental prévu par
l’article 32 de la Constitution.
Dès lors que la partie adverse n’a pas communiqué à la Commission les documents demandés, celle-ci
est dans l’impossibilité d’apprécier l’application de cette exception, portant par-là atteinte au droit
fondamental de l’accès aux documents administratifs.
3. – La partie adverse justifie encore son refus par la protection des relations internationales de la
Région, conformément à l’article 6, §1er, 5° du décret wallon du 30 mars 1995.
3 Art. 18 de la Communication de la Commission relative aux règles d'accès au dossier de la Commission dans les affaires
relevant des articles 81 et 82 du traité CE, des articles 53, 54 et 57 de l'Accord EEE et du règlement (CE) n°139/2004 du
Conseil (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE), Journal officiel C 325 du 22.12.2005.
4 Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des
informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites, Journal
officiel L 157 du 15.6.2016.
                                      Commission d’accès aux documents administratifs
                                                 Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes
                                                    Secrétariat – Tél. : 081/33 38 25
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A cet égard, la Commission ne peut que renvoyer à la jurisprudence récente du Conseil d’Etat5, selon
laquelle la confidentialité de certaines informations en matière de licences d’exportation d’armes peut
être justifiée par la protection des relations internationales de la Région :
« En l'espèce, il se justifie de maintenir la confidentialité des pièces nos 1 à 3 du dossier administratif non
pas parce qu'il s'agit de licences d'exportation d'armes et d'un avis de la commission d'avis sur les
licences d'exportation d'armes conventionnelles/produits à double usage en tant que tels mais parce
que ces documents, s'ils étaient communiqués aux parties requérantes et au public, pourraient avoir
des incidences importantes sur les relations internationales et européennes de la partie adverse et la
priver, à l'avenir, d'informations qui lui sont nécessaires dans le cadre du contrôle qu'elle doit exercer
lors du traitement des demandes de licences d'exportation d'armes notamment quant à la situation des
pays destinataires de ces armes. Au regard de certaines dispositions (articles 4, 8 et 9) de la Position
commune 2008/944/PESC, […] la Belgique et, par conséquent les régions qui la composent, ont une
obligation de confidentialité dans les échanges d'informations qu'ils ont avec les autres partenaires
européens au sujet de ces exportations. Il s'ensuit que la publicité éventuelle des pièces précitées du
dossier administratif pourrait mettre à mal la coopération de la Belgique avec ses partenaires
européens ».
Dès lors que la partie adverse n’a pas communiqué à la Commission les documents demandés, celle-ci
est néanmoins à nouveau dans l’impossibilité d’apprécier l’application de cette exception. Cela porte
donc de la même manière atteinte au droit fondamental de l’accès aux documents administratifs.
4. – Selon l’art. 6, § 4 du décret wallon du 30 mars 1995, les documents demandés peuvent être
partiellement communiqués, dès lors que ces licences d’exportation d’armes contiendraient par ailleurs
des informations qui ne sont pas couvertes par les secrets d’affaires ou qui ne portent pas atteinte aux
relations internationales de la Région wallonne. Ce, pour autant que ce travail ne porte pas atteinte de
manière disproportionnée à l’intérêt du service, tenant le plus grand compte du droit fondamental
d’accès aux documents administratifs consacré par l’article 32 de la Constitution. L’existence
d’informations relatives à des secret d’affaires ou portant atteinte aux relations internationales de la
Région dans les licences d’exportation d’armes sollicitées ne fait donc pas obstacle à la communication
des parties de ces licences qui ne sont pas concernées par les deux exceptions invoquées.
Il ressort d’ailleurs précisément de la jurisprudence du Conseil d’Etat, citée par les parties
demanderesses, que la confidentialité éventuelle des licences d’exportation d’armes demandées ne
peut aller « jusqu’à empêcher les parties requérantes d’identifier correctement la nature du matériel
concerné par chaque licence », renvoyant notamment à un tableau récapitulatif reprenant les
différentes licences délivrées et indiquant pour chacune d’entre elles la catégorie de marchandise
concernée (voy. C.E., arrêts n° 242.022 à 242.031 du 29 juin 2018). Dans le même esprit, dans son arrêt
n° 169/2013 du 19 décembre 2013, la Cour constitutionnelle a considéré qu’ « en instaurant une
exception générale et absolue au droit à la transparence administrative pour l’ensemble des certificats
et licences […], le législateur décrétal a pris une mesure qui n’est pas proportionnée à l’objectif
poursuivi » (pt. B.21.3, voy. aussi pt. B.26.4). Dans ses arrêts n° 244.800 à 244.804 du 14 juin 2019, le
Conseil d’Etat a d’ailleurs encore souligné que la confidentialité des licences d’exportation d’armes
« doit rester exceptionnelle ».
5 Voy. arrêts n° 244.800 à 244.804 du 14 juin 2019.
                                     Commission d’accès aux documents administratifs
                                                Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes
                                                   Secrétariat – Tél. : 081/33 38 25
                                                   support.cada@spw.wallonie.be

Or, la justification donnée par la partie adverse pour refuser la communication de l’existence et de la
copie des licences d’exportation d’armes demandées, dans sa formulation abstraite et générale, réitère
en réalité l’exception générale et absolue condamnée en 2013 par la Cour constitutionnelle. Cette
justification n’est donc pas admissible.
5. – Pour le surplus, il appartient à la partie adverse de veiller à ce que la décision prise à la suite de la
demande de reconsidération soit adoptée par l’organe compétent de la partie adverse, conformément
à l’arrêt du Conseil d’État n° 238.457 du 8 juin 2017.
                               La Commission rend l’avis suivant :
Les documents demandés doivent être communiqués, sous réserve de l’occultation des informations
relevant des secrets d’affaires ou pouvant porter atteinte aux relations internationales de la Région.
Ainsi délibéré le 15 juillet 2019 par la Commission d’accès aux documents administratifs composée de
Mesdames MICHIELS, Présidente, GRAVAR, membre effective, et DREZE, membre effective, et de
Messieurs LEVAUX, membre effectif, et DE BROUX, membre effectif, vice-président et rapporteur.
                   Le Secrétaire,                                                 La Présidente,
                  E. CLAEYS                                                         V. MICHIELS
                                  Commission d’accès aux documents administratifs
                                           Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes
                                              Secrétariat – Tél. : 081/33 38 25
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transparencia/cadas/abelrgnwlncadapub/avis_n_304_anonymise/start.txt · Dernière modification : 2020/10/11 12:45 de 127.0.0.1