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Avis n° 97
Concernant une copie des instruments de payements et de documents échangés entre l’Etat et des institutions financières
Date: 19/08/2019
- Copie locale: avis-2019-97.pdf
Transposition
Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs Section publicité de l’administration 19 août 2019 AVIS n° 2019-97 CONCERNANT UNE COPIE DES INSTRUMENTS DE PAYEMENTS ET DE DOCUMENTS ECHANGES ENTRE L’ETAT ET DES INSTITUTIONS FINANCIERES (CADA/2019/92) 2 1. Un aperçu 1.1. Par lettre du 11 juin 2019 référencée « SPF.FIN.2 » Maître Gérard Leplat, curateur de la faillite des Forges de Clabecq a demandé, en cette qualité, le droit de consulter et de prendre copie d’une série de documents administratifs sur pied de la loi sur la transparence administrative du 11 avril 1994. Ce courrier est reçu par l’administration en date du 25 juin 2019. Il demande l’accès aux : a. Les instruments de payement du 6 avril 1998 et du 5 février 1999 ; b. Les décisions administratives d’effectuer les payements visés du 6 avril 1998, 5 février 1999 et 15 décembre 2015 accompagnées de leurs dossiers administratifs inventoriés ; c. La réponse de l’Etat à un courrier du 24 janvier 1997 de la SNCI ; d. La lettre envoyée par l’Etat à la BNP Paribas Fortis le 17 juillet 2015 ; e. Tout autre échange entre l’Etat et la SNCI/CGER/BNP Paribas Fortis concernant ces paiements (notamment ceux où l’Etat prévient la Banque des paiements à intervenir ou ceux où la Banque réclamerait paiement à l’Etat en exécution de la garantie) ; f. Tout échange entre le service du Crédit Public et la SNCI/CGER relativement au report des garanties consenties par l’Etat suite aux difficultés de paiement de la SA Forges de Clabecq ; g. Si elles existent, les conventions entre l’Etat et la SNCI/CGER/BNP Paribas Fortis relatives à l’exécution de cette garantie. 1.2. Par lettre du juillet 2019, le SPF Finances refuse l’accès aux documents demandés. Il invoque les motifs suivants : « I. Inapplication de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration 1. Les documents auxquels vous demandez accès correspondent, pour l’essentiel, à ceux dont vous sollicitiez la production, dans vos conclusions de synthèse du 7 mars 2019, sur pied de l’article 19, alinéa 3 du Code judiciaire dans le cadre de la procédure vous opposant à l’Etat belge actuellement pendante devant la Cour d’appel de Bruxelles (R.G. 2018/AR/1043). Les documents supplémentaires auxquels vous sollicitez l’accès s’inscrivent manifestement dans le contexte de la même procédure. 3 2. Or, par son arrêt du 27 mai 2019, la Cour d’appel de Bruxelles a refusé de faire droit à cette demande au motif que l’intérêt pour la Curatelle des Forges de Clabecq d’accéder à ces documents n’était pas suffisamment établi : « 12. A ce stade du litige, dans le cadre d’une appréciation sommaire (prima facie) des droits invoqués par les parties en vertu de l’article 19, alinéa 3, du Code judiciaire, il apparaît que l’Etat belge base sa demande sur deux fondements légaux, à savoir la subrogation (premier fondament) et la cession de créance (second fondement). La production de documents sollicitées par la curatelle des Forges de Clabecq s’inscrit apparemment dans une réfutation du premier fondement invoqué. Dans l’hypothèse où le second fondement devrait être retenu, et ce indépendamment de la question du fondement légal de la mesure avant dire droit postulée par la curatelle des Forges de Clabecq, l’utilité des documents dont la production est sollicitée n’apparaît donc pas. Dans l’hypothèse contraire, l’appréciation de l’utilité de la mesure requiert un examen approfondi du dossier que la mise en état sur pied de l’article 19, alinéa 3 du Code judiciaire n’autorise pas. Compte tenu de l’apparente complexité de l’actuelle procédure qui fait suite à deux autres procédures mues au niveau européen et belge jusque devant les plus hautes juridictions, de l’existence de contestations émises par l’Etat belge en du principe d’économie de procédure qui domine la Code judiciaire, l’utilité de la production des documents réclamés par la Curatelle des Forges de Clabecq et l’intérêt de cette dernière à les obtenir ne sont, à ce stade, pas suffisamment établis. Il se déduit de ce qui précède que les demandes de la Curatelle des Forges de Clabecq – formées à titre principal, subsidiaire et très subsidiaire – ne sont pas fondées. » (point 12, pp. 14 et 14 ; souligné par l’Etat belge). 3. Les enseignements de l’arrêt précité sont en tous points applicables à votre demande de publicité administrative prise sur pied de la loi du 11 avril 1994, et ce d’autant plus que la curatelle invoquait déjà les dispositions de cette loi pour fonder sa demande de mesures avant dire droit soumise à la Cour d’appel de Bruxelles. En effet, la présente demande n’a d’autre finalité que de vous permettre d’obtenir accès et l’utilisation, dans la procédure judiciaire en cours, 4 de documents dont l’inutilité a déjà été constatée par la Cour d’appel de Bruxelles. 4. Or, il est constant que la loi sur la publicité administrative ne saurait être invoquée pour obtenir l’accès à des documents en vue de leur utilisation dans une procédure devant une juridiction qui à la capacité d’en ordonner elle-même la production. Si tel était le cas, les demandes de publicité risqueraient de faire entrave au bon fonctionnement de la justice, et en particulier aux règles judiciaires relatives aux mesures avant dire droit. La jurisprudence du Conseil d’Etat est en effet fixée en ce ces : « les formes de publicité organisées par la loi du 11 avril 1994 ne sont pas applicables lorsqu’elles tendent à faire déposer devant une juridiction des documents dont cette juridiction peut ordonner la production ».1 Les décisions précitées révèlent qu’en l’espèce, une demande de production de documents devant l’ordre judiciaire ne peut être fondée que sur l’article 877 du Code judiciaire. Le Conseil d’Etat a ainsi décidé à différentes reprises – notamment dans l’arrêt Vuzdugan du 5 février 2009 2 – de se déclarer incompétent pour statuer sur un recours en annulation d’une décision de refus d’accès à des documents et fondé sur la loi du 11 avril 1994, au motif que ces documents faisaient par ailleurs l’objet d’un différend devant les tribunaux de l’ordre judiciaire. 5. L’Etat belge ne pourrait dès lors accéder à votre demande, qui constitue manifestement une tentative détournée obtenir des informations dont la production vous a par ailleurs été refusée par la voie judiciaire, sans heurter le principe de la séparation des pouvoirs et entraver le bon fonctionnement de la justice. II. Motifs d’exception 6. Si toutefois, par impossible, il fallait considérer qu’elle ne serait pas contraire au principe de la séparation des pouvoirs et qu’elle soit 1 C.E. (11e ch.), 29 août 1995, nr. 54.901, S.A. La Herseautoise ; C.E. (11e ch.), 6 février 1995, n° 51.549, Michaux ; C.E. (6e ch.), 8 mars 1996, arrêt n° 58.514, Tarabichi et Keppens ; C.E. (6e ch.), 18 décembre 1996, n° 63.650, S.A. La Herseautoise. La Conseil d’État souligne explicitement qu’il s’agit de procédures distinctes soumises à des textes propres. 2 C.E. (9e ch), 5 février 2009, n° 190.238, Vuzdugan. 5 recevable sur base de la loi du 11 avril 1994, encore convient-il de considérer que votre demande devrait être rejetée sur base des motifs suivants. 7. Premièrement, et comme il sera développé ci-après, certains documents sollicités, soit ont déjà été communiqués à la curatelle, soit pour d’autre, ne sont plus en possession de l’Etat belge. 8. Deuxièmement, eu égard à l’arrêt précité de la Cour d’appel de Bruxelles ayant considéré notamment sur la base de la loi du 11 avril 1994, que les documents dont vous avez en vain sollicité la production en justice ne présentent à ce stade aucune utilité pour la curatelle, la réitération de cette demande sous la forme d’une demande fondée adressée directement à l’Etat belge est manifestement abusive. Le caractère manifestement abusif d’une demande en application de l’article 6, § 3, 3°, de cette loi ne saurait du reste et en toute hypothèse être apprécié indépendamment de la théorie générale de l’abus de droit. La Cour de cassation définit à cet égard l’abus de droit comme « l’exercice d’un droit d’une manière qui dépasse manifestement les limites de l’exercice normal de celui-ci par une personne prudente en diligente ».1 Or, l’un des critères permettant d’évaluer le caractère abusif d’une demande est le fait, pour une personne, d’exercer son droit « sans intérêt ou motif légitime ou sans intérêt raisonnable et suffisant ».2 9. Troisièmement, doit également être rejetée une demande formulée de façon manifestement trop vague (article 6, § 3, 4°, de la loi du 11 avril 1994). 10. Quatrièmement, l’intérêt de la publicité de certains des documents auxquels la curatelle sollicite l’accès ne l’emporte pas sur plusieurs des intérêts protégés par l’article 6 de la loi du 11 avril 1994. Cet article impose à l’autorité administrative soumise à demande de publicité de ne pas y faire droit lorsque l’intérêt de publicité ne l’emporte pas notamment sur : 1 Cass. 10 juin 2004, Pas. p. 996 ; Cass. 6 janv. 2006, Pas. 2006, p. 71 ; Cass. 9 févr. 2005, Pas., 2005, p. 329 ; Cass. 12 déc. 2005, Pas., 2005, p. 2498 ; Cass. 9 mars 2009, J.T. 2009, p. 392. 2 Cass. 17 mai 2002, JT, 2002, p. 694 ; Cass. 30 jan. 2003, R.G.D.C., 2004, p. 405. 6 « 6° un intérêt économique ou financier fédéral, la monnaie ou le crédit public ; 7° le caractère par nature confidentiel des informations d’entreprise ou de fabrication communiquées à l’autorités. » Il impose en substance à l’autorité d’effectuer une mise en balance entre d’une part l’intérêt de la publicité pour le demandeur et, d’autre part, l’intérêt légal protégé par le motif d’exception. Or, en l’absence d’utilité des documents auxquels vous sollicitez l’accès, les intérêts précités l’emportent nécessairement sur l’intérêt à la publicité de l’information. En l’occurrence, les documents auxquels vous sollicitez l’accès sont, pour la plupart, liés à des conventions relatives à des opérations financières que l’Etat belge a conclu avec des acteurs privés tel que la SNCI/CGER/BNP et qui ne pourraient être divulgués sans porter atteinte à la nature confidentielle des secrets d’affaires qu’ils contiennent. 11. Eu égard à ce qui précède, votre demande doit être rejetée pour les motifs suivants : - Pour tout ce qui concerne les instruments de payement du 6 avril 1998, du 5 février 1999 et du 15 décembre 2015 (y compris les décisions administratives et dossiers administratifs inventoriés ainsi que la correspondance et les éventuelles conventions entre l’Etat et la SNCI/CGER/BNP Paribas Fortis concernant ces paiements), ces documents correspondent pour l’essentiel à ceux dont vous sollicitiez la production dans vos conclusions du 7 mars 2019 (points b, c, e, f et g du dispositif). Par courrier du 21 août 2018, l’Etat belge a par ailleurs déjà indiqué à la Curatelle n’avoir pas pu retrouver les extraits de compte reprenant les deux premiers paiements qui remontent à plus de 20 ans. La publicité de ces documents dont l’existence s’est perdue ne peut donc plus être ordonnée. Il est en effet admis que la loi du 11 avril 1994 ne saurait résulter en une obligation pour l’autorité administrative de recréer ou reconstituer des documents administratifs n’ayant jamais existé, ayant disparu ou ayant été détruits. Une des conditions d’application de cette loi est en effet de porter sur les documents 7 administratifs dont une autorité administrative « dispose » (article 1er, b), 2°). Cette condition fait défaut pour les documents précités. En outre, la consultation sollicitée de ces pièces est dépourvue de toute utilité pour la Curatelle. Celle-ci admet en effet elle- même l’existence des trois paiements, intervenus en date des 6 avril 1998, 5 février 1999 et 15 décembre 2015. Ces paiements sont par ailleurs incontestablement établis par les éléments du dossier de sorte qu’il est manifestement abusif d’en demander la publicité. Pour le surplus, il est renvoyé aux points 53 à 60 des secondes conclusions additionnelles de synthèse sur les mesures avant dire droit de l’Etat belge prises le 12 avril 2019 dans la cause pendante devant la Cour d’appel de Bruxelles sous le n° 2018/AR/1043, tenues pour être ici expressément reproduites, et dont il ressort que la demande concernant ces documents est pour partie formulée de manière manifestement vague et pour le surplus manifestement abusive. - La demande de consulter et obtenir copie de « tout échange » entre le service du Crédit Public et la SNCI/CGER relativement au report des garanties consenties par l’Etat et de toutes conventions relatives à l’exécution de cette garanties correspond pour l’essentiel à la demande de production de documents formulée dans vos conclusions de synthèse du 7 mars 2019 (point d, l et m du dispositif). A cet égard, votre demande de pouvoir consulter « tout échange » relatif au report de la garantie est formulée de façon manifestement trop vague au sens de l’article 6, § 3, 4° de la loi du 11 avril 1994 puisqu’elle ne cible pas de façon précise et déterminée les documents ni même la matière concernée par la demande. Par ailleurs, cette demande doit également être considérée comme manifestement abusive. En effet, il est fait état de ce report de garantie dans de nombreux instruments vous ayant déjà été communiquées et notamment dans la décision de la Commission européenne du 18 décembre 1996, de la Cour d’appel de Bruxelles du 19 octobre 2012 qui est devenu irrévocable, ou encore dans courriers du 1er juillet 1996 ou du 22 8 janvier 1997 que produit la Curatelle elle-même dans ses conclusions. Complémentairement à ces éléments, l’Etat belge a par ailleurs retrouvé et vous a transmis, dans ses conclusions de synthèse du 12 avril 2019 (pièce n° 32), une lettre du 14 novembre 1996 du Ministre confirmant explicitement cette extension à la SNCI ce qui coupe court à toute discussion. Les éléments du dossier démontrent que cette prorogation est incontestablement intervenue et la Curatelle en est parfaitement consciente. Il en est également ainsi de la demande se rapportant aux conventions relatives à l’exécution de cette garantie, qui est formulée de façon trop vague et est pour le reste manifestement abusive. Pour le surplus, il est renvoyé aux points 35 à 52 et 58 et 60 des secondes conclusions additionnelles de synthèse sur les mesures avant dire droit de l’Etat belge prises le 12 avril 2019 dans la cause pendante devant la Cour d’appel de Bruxelles sous le n° 2018/AR/1043, tenues pour être ici expressément reproduites, et dont il ressort que la demande concernant ces documents est pour partie formulée de manière manifestement vague et pour le surplus manifestement abusive. - Vous sollicitez également la consultation ou la copie de plusieurs conventions de cession de parts de la SFP dans la SNCI/CGER ainsi que de la convention de fusion de la SNCI/CGER et de « toutes autres conventions » liées à celles précitées. Cette demande correspond pour l’essentiel à la demande de production de documents formulée dans vos conclusions de synthèse du 7 mars 2019 (point i, j et k du dispositif). Tous ces documents sollicités par la curatelle à propos du processus de privatisation de la SNCI/CGER sont dépourvus d’utilités dans la procédure judiciaire en cours et la demande de publicité est partant, manifestement abusive. La demande est par ailleurs formulée de manière manifestement vague. 9 Au surplus, ces documents concernent des conventions conclues entre l’Etat belge et des acteurs privés dont la publicité est protégée par les motifs d’exception liés à l’intérêt économique ou financier fédéral et au caractère par nature confidentiel des informations d’entreprise tels que mentionnés ci-dessus. Pour le surplus, il est renvoyé aux points 47 à 52 des secondes conclusions additionnelles de synthèse sur les mesures avant dire droit de l’Etat belge prises le 12 avril 2019 dans la cause pendante devant la Cour d’appel de Bruxelles sous le n° 2018/AR/1043, tenues pour être ici expressément reproduites, et dont il ressort que la demande concernant ces documents est pour partie formulée de manière manifestement vague et pour le surplus manifestement abusive. - Vous sollicitez enfin la publicité des documents suivants : « Les avis de la Commission d’évaluation des Actifs de l’Etat, notamment celui mentionné dans le préambule de l’arrêté royal du 18 juillet 1997 » et les dossiers administratifs inventoriées accompagnant les arrêtés royaux du 20 juillet 1994, du 14 septembre 1995, du 18 juillet 1997 et du 21 décembre 1996. Ces demandes, qui s’inscrivent dans le même contexte judiciaire que celui rappelé ci-avant et sont dès lors pareillement dépourvues d’utilité, doivent également être considérées comme manifestement abusives pour les motifs indiqués ci- avant. » 1.3. Le demandeur introduit une « demande de reconsidération » auprès du SPF Finances par lettre du 5 août 2019. Le même jour il demande par courriel et lettre à la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l’administration, ci-après la Commission, un avis. 2. La recevabilité de la demande d’avis La Commission estime que la demande d’avis est recevable. L’article 8, § 2 de la loi du 11 avril 1994 ‘relatif à la publicité de l’administration’ (ci- après : loi du 11 avril 1994) donne au demandeur la possibilité lorsqu’il rencontre des difficultés pour obtenir la consultation ou la correction d'un document administratif en vertu de la loi précitée, d’adresser à l'autorité administrative fédérale concernée une demande de reconsidération. Au 10 même moment, il doit demander à la Commission d'émettre un avis. La demande de reconsidération est introduite le 5 août 2019 et la demande d’avis le même jour. Les conditions de l’article 8, § 2 de la loi du 11 avril 1994 sont dès lors remplies. 3. Le bien-fondé de la demande d’avis L’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 consacrent le principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. L’accès aux documents administratifs ne peut être refusé que lorsque l’intérêt requis pour l’accès à des documents à caractère personnel fait défaut et lorsqu’un ou plusieurs motifs d’exception figurant à l’article 6 de la loi du 11 avril 1994 peuvent ou doivent être invoqués et qu’ils peuvent être motivés de manière concrète et pertinente. Seuls les motifs d’exception imposés par la loi peuvent être invoqués et doivent par ailleurs être interprétés de manière restrictive (Cour d’Arbitrage, arrêt n° 17/97 du 25 mars 1997, considérants B.2.1 et 2.2 et Cour d’Arbitrage, arrêt n° 150/2004 du 15 septembre 2004, considérant B.3.2). La Commission souligne que le droit d’accès aux documents administratifs ne vaut que si les documents administratifs demandés existent et sont en la possession du SPF Finances. Même si l’autorité administrative fédérale est soumise à l’obligation d’archiver nombre de documents administratifs, cette obligation n’est pas absolue dans le sens où les documents administratifs peuvent - dans certains cas très rapidement - être détruits sous réserve de l’autorisation de l’archiviste général du Royaume. Même si une obligation de conservation existe, découlant de la loi relative aux archives même ou d’une autre législation, cela n’empêche pas que certains documents se perdent ou ne puissent pas être retrouvés. On peut uniquement exiger du SPF Finances qu’il effectue une recherche en profondeur afin de déterminer s’il dispose des « preuves des deux paiements qui auraient été consentis par l’État à la banque SNCI/CGER en 1998 et 1999 » et prouve que la destruction de certains documents a eu lieu. Le fait que sur la base des listes de sélection et de destruction, le SPF Finances dispose de la possibilité de détruire des documents administratifs, mais qu’il n’en a pas fait usage, a pour conséquence que ces documents administratifs restent soumis à la loi du 11 avril 1994. Le SPF Finances ne peut également pas simplement refuser l’accès aux documents administratifs dont il considère que le demandeur devrait déjà 11 disposer. En effet, le demandeur indique qu’il n’est pas en possession de certains documents administratifs relatifs aux « décisions de report des échéances de la garantie de l’État ». Il souhaite au moins consulter les documents dont il ne dispose pas. La Commission souhaite en outre souligner que le droit d’accès aux documents administratifs est défini comme suit à l’article 4 de la loi du 11 avril 1994 : « Le droit de consulter un document administratif d'une autorité administrative fédérale et de recevoir une copie du document consiste en ce que chacun, selon les conditions prévues par la présente loi, peut prendre connaissance sur place de tout document administratif, obtenir des explications à son sujet et en recevoir communication sous forme de copie. ». Le droit d’accès ne comprend dès lors pas le droit de faire des copies soi-même. Premièrement, le SPF Finances invoque le fait que l’existence d’une procédure juridique empêche l’utilisation de la loi du 11 avril 1994. Le demandeur affirme que les documents administratifs demandés peuvent jouer un rôle dans la résolution du conflit qui fait l’objet de la procédure juridique invoquée. La Commission a déjà rejeté cet argument dans plusieurs avis. La principale raison est que le législateur n’a pas prévu un tel motif d’exception. L’application d’un motif d’exception sans fondement légal est contraire à l’article 32 de la Constitution. La Commission tient à souligner que la possibilité de demander, en vertu de l’article 877 du Code judiciaire, la production de documents à un juge saisi du litige, a une finalité fondamentalement différente de celle du droit d’accès accordé par l’article 32 de la Constitution et par la loi du 11 avril 1994. L’article 877 du Code judiciaire permet, lors d’un litige, à une partie de demander la remise de certains documents dont elle estime qu’ils pourraient jouer un rôle dans la résolution du litige. Il revient au juge de déterminer si la remise des documents demandés dans le cadre de la procédure introduite devant lui contribue à la résolution de ce litige. Cependant, le juge n’est pas lié par les motifs d’exception repris dans la loi du 11 avril 1994. En effet, cette loi n’est en principe pas d’application au pouvoir judiciaire. Seules les autorités administratives fédérales peuvent être soumises à la loi du 11 avril 1994 qui reprend une série de motifs d’exception pouvant ou devant être invoqués lorsque ceux-ci peuvent être motivés de manière suffisamment concrète. L’évaluation de la publicité de documents administratifs sur la base de la loi du 11 avril 1994 n’implique aucunement d’évaluer l’utilité de ces documents dans la résolution d’un éventuel litige 12 introduit devant un juge. Sur la base de la jurisprudence du Conseil d’État, la Commission a également jugé que lorsque le demandeur introduit un recours contre un refus de donner suite à une demande de reconsidération, il ne peut s’adresser qu’au juge saisi du litige. Le fait que tout le monde peut recourir à la publicité de l’administration tel que garanti par l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 ne porte pas atteinte à la séparation des pouvoirs. Si les documents concernés sont présentés dans le cadre d’une procédure judiciaire, il revient toujours au juge de déterminer si ces documents ont la moindre utilité dans le cadre de la procédure introduite devant lui. Le droit d’accès en vertu de la loi du 11 avril 1994 n’y porte pas préjudice. Par ailleurs, la Commission tient à souligner que dans ses conclusions du 12 avril 2019, le SPF Finances est d’accord avec le point de vue selon lequel la procédure reprise dans le code judiciaire permettant au juge de demander que certains documents soient déposés au dossier et le droit d’accès prévu par la loi du 11 avril 1994, sont deux procédures bien distinctes. En revanche, le Conseil d’État a effectivement décidé à différentes reprises – notamment dans l’arrêt Vuzdugan du 5 février 2009 cité par la Curatelle – de se déclarer incompétent pour statuer sur un recours en annulation d’une décision de refus d’accès à des documents et fondé sur la loi du 11 avril 1994, au motif que ces documents faisaient par ailleurs l’objet d’un différend devant les tribunaux de l’ordre judiciaire. Cette décision est critiquée par la doctrine et par les commissions d’accès aux documents. Cette critique consiste à relever que l’existence d’une procédure juridictionnelle ne constitue pas une exception à l’obligation de publicité passive de la loi du 11 avril 1994. Il s’en déduit que l’existence d’une procédure judiciaire n’est pas un motif valable pour s’opposer au recours devant le Conseil d’État prévu par l’article 8 de la loi du 11 avril 1994. Cette critique n’affecte cependant en rien l’argumentation du concluant. Celui-ci [le SPF Finances] n’invoque pas la jurisprudence du Conseil d’État pour prétendre que, compte tenu de la présente procédure judiciaire, la Curatelle ne pourrait pas diligenter une procédure devant le Conseil d’État. L’État soutient uniquement que la loi du 11 avril 1994 ne constitue pas un fondement juridique pertinent pour solliciter la production de documents administratifs dans le cadre de la présente procédure judiciaire, seul l’article 877 du Code judiciaire pouvant être invoqué. […] 13 Il y a lieu de relever à titre surabondant que l’affirmation de la Curatelle selon laquelle l’article 877 du Code judiciaire limiterait les droits consacrés par l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 est dénuée de fondement. Ces dispositions ont, comme expliqué ci-avant, des champs d’application différents et autonomes l’un par rapport à l’autre. L’affirmation de la Curatelle repose sur la prémisse inexacte que l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 permettraient de demander la production en justice de documents administratifs dans une plus large mesure que celle prévue par l’article 877 du Code judiciaire – quod non. Pour le surplus, le fait que la demande de production de documents soit obligatoirement fondée sur l’article 877 du Code judiciaire n’a évidemment pas pour effet de priver la Curatelle du droit de demander la consultation des documents qui, par hypothèse, ne seraient pas produits sur pied de l’article 877 du Code judiciaire. Ceci démontre à nouveau que l’article 877 du Code judiciaire ne restreint pas la portée de l’article 32 de la Constitution et de la loi du 11 avril 1994. Le débat n’est pas là. » (pp. 17-18) Le rejet d’une demande d’accès à des documents administratifs sur la base de la loi 11 avril 1994 peut par conséquent uniquement reposer sur les motifs d’exception repris dans cette loi. Ceci implique également que le refus de donner suite à la demande sur la base de la loi du 11 avril 1994 ne peut pas reposer sur des arguments invoqués provenant des documents qui sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire introduite devant la cour d’appel. C’est pourquoi une demande d’accès à des documents administratifs ne peut pas être rejetée parce que ces documents administratifs ne seraient pas utiles au demandeur. L’évaluation de l’utilité de l’accès à des documents administratifs ne relève pas des compétences de l’administration. Cela revient uniquement au demandeur. Le SPF Finances invoque deux motifs d’exception formels pour justifier son refus. À cet égard, la Commission tient à indiquer que ces deux motifs d’exception ne peuvent en principe pas être invoqués en même temps : la formulation manifestement trop vague de la demande implique en effet que l’autorité administrative ne peut pas vraiment identifier quels sont les documents administratifs que le demandeur souhaite obtenir. Pour pouvoir invoquer le caractère manifestement abusif, l’autorité 14 administrative doit savoir exactement quels documents le demandeur souhaite obtenir. La Commission souhaite également souligner que ces deux motifs d’exception concernent la demande dans son ensemble et non certains documents administratifs demandés. Tout d’abord, le SPF Finances invoque le caractère manifestement abusif de la demande, motif d’exception repris à l’article 6, §3, 4° de la loi du 11 avril 1994. La Commission n’exclut pas automatiquement que la demande puisse être rejetée pour cette raison. Cependant, la Commission tient à souligner qu’une motivation suffisante est requise pour invoquer ce motif d’exception. En ce qui concerne cette possibilité, la Commission renvoie à l’avis émis de sa propre initiative, à savoir l’avis 2019-33 du 1er avril 2019 qui est consultable sur son site internet (www.documentsadministratifs.be). Ensuite, le SPF Finances invoque la formulation manifestement trop vague de la demande, motif d’exception repris à l’article 6, §3, 4° de la loi du 11 avril 1994. La Commission ne peut pas approuver le recours à ce motif d’exception. Elle ne voit pas comment le demandeur peut mieux formuler sa demande. La Commission tient néanmoins à souligner que nombre de documents administratifs demandés ne doivent pas nécessairement être inventoriés. En effet, l’exigence d’inventorisation ne constitue pas une obligation à laquelle l’autorité administrative est soumise. Toutefois, conformément à la loi relative aux archives, un certain classement est censé être fait au moment où les documents administratifs concernés sont transférés aux Archives générales du Royaume et aux archives de l’État dans les Provinces. Le fait que le demandeur demande l’accès à « une convention ou un acte administratif » ne signifie pas que la formulation de cette demande est manifestement trop vague pour la simple raison que le demandeur ne connaît pas la date précise du document administratif demandé. Une demande doit en effet être estimée suffisamment claire si un fonctionnaire compétent en la matière comprend de quel document administratif il s’agit. Il va également de soi que le demandeur n’est pas toujours informé de l’existence d’un document administratif ou de la portée de la correspondance échangée entre l’État et la Banque au sujet des prêts consentis aux Forges. La Commission doit souligner que lorsqu’il est estimé que la formulation d’une demande est trop vague à ce stade, l’administration n’est pas tenue de prier le demandeur de préciser sa demande sur la base de la loi du 11 avril 1994. Cela n’empêche bien 15 entendu pas le demandeur d’introduire une nouvelle demande d’accès avec une formulation plus précise. De plus, le SPF Finances invoque deux motifs d’exception de fond pour refuser la publicité. Premièrement, il invoque l’article 6, §1er, 6° de la loi du 11 avril 1994 sur la base duquel une autorité administrative « rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants : (…) 6° un intérêt économique ou financier fédéral, la monnaie ou le crédit public ; » Pour invoquer ce motif d’exception, le SPF Finances doit démontrer qu’il y a effectivement des informations relevant de l’article 6, §1er, 6° de la loi du 11 avril 1994 dans les documents administratifs demandés. En outre, il doit concrètement démontrer que l’intérêt général servi par la publicité ne l’emporte pas sur l’intérêt que le législateur souhaite protéger. La Commission tient à souligner qu’il n’y a pas lieu de procéder à une mise en balance avec l’intérêt spécifique aux demandeurs. Dans tous les cas, aucune information ne peut être soustraite à la publicité sur la base de ce motif d’exception dans la mesure où l’information est déjà connue du public de manière légale, par exemple car elle figure dans un arrêté royal publié au Moniteur belge. Ce n’est pas forcément le cas lorsqu’il s’agit d’informations parues dans les journaux étant donné qu’elles n’ont pas nécessairement été obtenues légalement. Deuxièmement, le SPF Finances invoque l’article 5, § 1er, 7° de la loi du 11 avril 1994 selon lequel une autorité administrative « rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants : (…) 7° le caractère par nature confidentiel des informations d'entreprise ou de fabrication communiquées à l'autorité ». Ce motif d’exception ne protège pas toutes les informations d’entreprises ou de fabrication. Elles ne sont protégées que si elles sont confidentielles par nature. En d’autres mots, il doit s’agir d’informations considérées comme un secret d’affaires au sens de la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des secrets d’affaires. Dans ce cas également, cette constatation ne mène pas automatiquement au secret. Dans les faits, la mise en balance des intérêts doit avoir lieu entre d’une part l’intérêt général servi par la publicité et d’autre part l’intérêt protégé par la loi. Cette mise en balance revient au SPF Finances. 16 La Commission tient à rappeler au SPF Finances le principe de publicité partielle selon lequel seule une partie des informations peut être soustraite à la publicité, partie soumise à un motif d’exception, et que toutes les autres informations doivent être rendues publiques. Bruxelles, le 19 août 2019. F. SCHRAM K. LEUS secrétaire présidente
transparencia/cadas/abelfedcadapub/avis-2019-97/start.txt · Dernière modification : 2020/09/28 23:41 de 127.0.0.1