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Cadas > Cada fédérale > Publicité de l'administration > Avis

Avis n° 81

Concernant une copie de la partie du procès-verbal qui justifie sa cotation et qui concerne les candidats retenus, qui seront nommés

Transposition

  Commission d’accès aux et de
   réutilisation des documents
           administratifs

  Section publicité de l’administration




                19 août 2019




            AVIS n° 2019-81

CONCERNANT UNE COPIE DE LA PARTIE DU
PROCES-VERBAL QUI JUSTIFIE SA COTATION
et QUI CONCERNE LES CANDIDATS RETENUS,
          QUI SERONT NOMMÉS
               (CADA/2019/75)
                                                                              2

   1. Un aperçu

1.1. Par lettre recommandée du 16 mai 2019 Madame X a demandé à la
Commission de nomination des huissiers de justice, l’obtention de la copie
de la partie du procès-verbal qui justifie sa cotation, ainsi que copie de la
partie du procès-verbal qui concerne les candidats retenus, qui seront
nommés, comme le prévoit l’article 513, § 6 du Code judiciaire.

1.2. Par lettre du 29 mai 2019 Maître Barthelemy, agissant pour
Madame X, demande à la Commission de nomination des huissiers de
justice de langue française le procès-verbal de l’audition qui la concerne,
mais également des procès-verbaux concernant les candidats nommés,
comme le prévoit l’article 513, § 6 du Code judiciaire.

1.3. Par lettre du 4 juin 2019 la Commission de nomination des huissiers
de justice de langue française refuse l’accès et invite le demandeur « à
réitérer la demande dans les délais légaux, conformément à l’article 513, §
6, du Code Judiciaire, à savoir après la publication officielle de la
nomination des nouveaux candidats-huissiers de justice par le Roi. »

1.4. Par courriel du 25 juin 2019 Maître Marc Nihoul, agissant pour
Madame X, demande à la Commission de nomination des huissiers de
justice de langue française le procès-verbal de l’audition qui la concerne,
mais également des procès-verbaux concernant les candidats nommés,
comme le prévoit l’article 513, § 6 du Code judiciaire. Il indique qu’en tout
état de cause la position de la Commission de nomination des huissiers de
justice de langue française est contraire à la loi du 11 avril 1994 ‘relative à
la publicité de l’administration’. Il demande sur cette base de donner accès
au procès-verbal d’audition de sa cliente ainsi qu’à ceux des autres
candidats.

1.5. La Commission de nomination des huissiers de justice de langue
française refuse de nouveau par lettre du 28 juin 2018 l’accès pour les
raisons suivantes : « La commission applique effectivement une
interprétation stricte de l’article 513 du Code judiciaire et
particulièrement de son paragraphe 6, selon lequel votre cliente pourrait
obtenir l’extrait du procès-verbal qui la concerne et celui qui concerne les
candidats nommés. La ratio legis principale de la disposition est de
permettre aux candidats malheureux de connaître les raisons pour
lesquelles ils n’ont pas été nommés et d’autres leur ont été préférés. Pour
                                                                            3

cause, ces nominations n’ayant pas encore eu lieu, comment la commission
de nomination pourrait-elle satisfaire à votre demande ?
Dans un souci de transparence, la commission de nomination a tenu
effectivement, en date du 15 mai 2019, à informer chaque candidat du
résultat obtenu à son épreuve orale, laquelle ne constitue qu’une étape
dans le processus de nomination. Certes, votre cliente est en droit
d’introduire un recours devant le Conseil d’Etat à l’encontre précisément
de cette décision de la commission de nomination, prise le 11 mai 2019 et
lui notifiée le 15 mai 2019.
Cette notification, non prévue légalement, a précédé les autres tâches
dévolues à la commission de nomination dans le cadre de la procédure de
nomination et énumérées à l’article 513, à savoir :
     - l’établissement et la transmission du classement provisoire au
         ministre de la Justice ;
     - l’examen des avis du procureur du roi ;
     - l’établissement du classement définitif et du procès-verbal motivé
         et la transmission du tout au ministre de la Justice (en l’espèce, le
         24 juin dernier).
Le ministre a désormais 40 jours pour nommer les intéressés candidats-
huissiers de justice, dont les nominations sont publiées au Moniteur Belge
(art. 513, § 5, C.jud.), Ce n’est qu’à ce moment qu’il sera porté,
officiellement, à la connaissance des candidats qu’ils ont été nommés ou
inversement, par défaut, qu’ils ne l’ont pas été. Tout extrait du procès-
verbal motivé pourra alors être transmis au candidat qui en ferait la
demande.
Si l’échéance pour introduire un recours, précisément un recours contre la
décision du 11 mai et notifiée le 15 mai, approche, rien n’empêche votre
cliente d’introduire un recours contre les nominations, une fois celles-ci
publiées au Moniteur Belge. Il lui sera alors loisible d’invoquer les
irrégularités ou illégalités qui seraient relevées dans la décision de la
commission de nomination par laquelle elle n’a pas obtenu les 50% de
points à l’épreuve orale, quand bien même elle n’aurait pas attaqué cette
décision préalable en tant que telle.
En définitive, la commission de nomination est d’avis que le droit au
recours de votre cliente devant le Conseil d’Etat n’est nullement menacé,
dès lors que la publication (obligatoire) de la nomination des futurs
candidats-huissiers de justice lui ouvrira un délai de 60 jours pour ce
faire. »

1.6. Par courriel du 1 juillet 2019 le demandeur réitère sa demande.
                                                                            4



1.7. Par courriel du 3 juillet 2019 le président de la Commission de
nomination des huissiers de justice de langue française répond le ceci : « Il
n’a jamais été de l’intention de la commission de nomination de refuser
l’accès à votre cliente à la copie de son procès-verbal, ainsi que celle du
procès-verbal concernant les candidats nommés. L’article 513, § 6, du
Code judiciaire, constitue en effet une application du principe de
transparence administrative, contraignant la commission de nomination à
transmettre les documents légalement requis au candidat qui en fait la
demande. Cette contrainte est toutefois conditionnée à des délais légaux,
au vu de la chronologie des paragraphes de l’article 513 du Code judiciaire
et de l’indication expresse du terme « nommé » en fin du § 6. Comme
indiqué à plusieurs reprises lors de nos échanges respectifs, nous vous
répétons bien volontiers que la commission sera en mesure de donner suite
favorable à votre demande, une fois les arrêtés de nomination publiés dans
le Moniteur belge. »

1.8. Par courriel du 11 juillet 2019 le demandeur demande à la
Commission de nomination des huissiers de justice de langue française à
nouveau de reconsidérer sa décision de refus. Par lettre du même jour, il
demande à la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents
administratifs, section publicité de l’administration, ci-après la
Commission, un avis.

2. La recevabilité de la demande d’avis

L’article 8, § 2 de la loi du 11 avril 1994 ‘relative à la publicité de
l’administration’ (ci-après : loi du 11 avril 1994) donne au demandeur la
possibilité lorsqu’il rencontre des difficultés pour obtenir la consultation
ou la correction d'un document administratif en vertu de la loi précitée,
d’adresser à l'autorité administrative fédérale concernée une demande de
reconsidération. Au même moment, il doit demander à la Commission
d'émettre un avis. La Commission estime que la demande du 25 juin 2019
doit être considérée comme la demande initiale, sur la base de la loi du 11
avril 1994. Le courrier du 1er juillet 2019 doit être considéré comme une
demande de reconsidération étant donné que le demandeur y souligne
qu’il a rencontré des difficultés pour obtenir l’accès aux documents
administratifs demandés. Cependant, il ne demande pas l’avis de la
Commission à ce moment. Le 11 juillet 2019, il demande à nouveau à la
Commission de nomination des huissiers de justice de langue française de
                                                                               5

reconsidérer sa décision. À cette date, il demande également l’avis de la
Commission. Étant donné que les exigences légales de simultanéité dans
un délai de trente jours suivant l’introduction de la première demande de
reconsidération sont respectées, la Commission estime que la demande
d’avis est recevable.

3. Le bien-fondé de la demande d’avis

La loi du 11 avril 1994 n’est d’application que si la Commission de
nomination des huissiers de justice est considérée comme une autorité
administrative fédérale. Le législateur n’a pas donné de définition plus
extensive de cette notion et a laissé son interprétation à l’entière discrétion
du pouvoir judiciaire. Cette jurisprudence a connu une nette évolution. De
plus, il convient de tenir compte du contexte dans lequel s’inscrit la notion
d’« autorité administrative ». Le pouvoir judiciaire se concentre
principalement sur l’interprétation de la notion dans le contexte de la
compétence du Conseil d’État à juger des actes administratifs, alors que la
loi du 11 avril 1994 est indépendante de l’existence d’un acte administratif.

Le droit fondamental comme principe

Il est important de ne pas perdre de vue l’objectif visé par le constituant
lorsqu’il a intégré la publicité de l’administration dans la Constitution.

Dans la Note explicative de l’article 24ter, devenu l’actuel article 32 de la
Constitution, il est clairement stipulé que « Les principes repris dans
l’article proposé sont valables à l’égard de toutes les autorités
administratives. L’interprétation concrète de cette notion sera faite par la
suite. Etant donné qu’en l’occurrence il s’agit de l’octroi d’un droit
fondamental, une interprétation aussi large que possible devra être
utilisée. On peut notamment renvoyer à l’article 14 des lois sur le Conseil
d’État et la jurisprudence du Conseil d’État à ce sujet » (Documents
parlementaires, Chambre, session 1992-1993, n° 839/1, p. 5).

Le pouvoir constituant avait donc un domaine d’application personnel très
vaste à l’esprit, mais a laissé au législateur le soin de l’interpréter. Dès lors
qu’il s’agit d’un droit fondamental, le législateur doit opter pour une
interprétation aussi vaste que possible. Ainsi, le législateur ne peut
interpréter la notion d’ « autorité administrative » trop restrictivement,
                                                                                              6

d’une manière qui serait contraire au vaste champ d’application que visait
le pouvoir constituant.

Le champ d’application de la loi fédérale relative à la publicité

Aux termes de son article 1er, alinéa 1er, la loi du 11 avril 1994 s’applique :
   a) aux autorités administratives fédérales ;
   b) aux autorités administratives autres que les autorités
       administratives fédérales, mais uniquement dans la mesure où,
       pour des motifs relevant des compétences fédérales, la présente loi
       interdit ou limite la publicité de documents administratifs.

La    loi    définit     l’autorité     administrative « une autorité
                                                              comme
administrative visée à l’article 14 de lois coordonnées sur le Conseil
d'État » (article 1er, alinéa 2, 1°, de la loi).

La notion d’« autorité administrative fédérale »

Dans l’exposé des motifs de l’avant-projet de loi qui est devenu la loi
fédérale ‘relative à la publicité de l’administration’ (Documents
parlementaires, Chambre, session 1992-1993, n° 1112/1, pp. 8-11), la
notion de « publicité de l’administration » a été expliquée comme suit :

         « Pour déterminer la notion « autorités administratives », on se fonde sur l’article
14 des lois coordonnées sur le Conseil d’État et par conséquent sur l’importante
jurisprudence du Conseil d’État en la matière. Il s’ensuit, et c’est important, que le champ
d’application de la loi évoluera en fonction des nouveaux développements qui se
présenteront dans le cadre de la législation et de la pratique administrative. En outre, la
jurisprudence du Conseil d’État offre un solide point d’appui et les critères employés
s’associent étroitement aux objectifs poursuivis par cette loi, c’est-à-dire offrir la publicité
à l’administré dans le cadre de sa relation avec l’administration quelle que soit sa forme.
Ces critères du Conseil d’État sont positifs et pas cumulatifs : l’exercice d’une mission
d’intérêt général, disposer d’une compétence coercitive de décision, l’implication des
autorités dans la création ou dans l’agrément, contrôle par l’autorité, disposer de certaines
prérogatives du pouvoir public et, négatifs : ne pas appartenir au pouvoir législatif ou
judiciaire.
          Une nouveauté à l’égard de la jurisprudence existante du Conseil d’État est qu’il
conviendra, pour ce qui est de l’application de la présente loi, de déterminer les autorités
administratives qui doivent être considérées comme autorités administratives fédérales et
celles qui doivent être considérées comme autorités administratives non fédérales. Les
autorités administratives fédérales sont, comme l’a précisé le Conseil d’État dans l’avis
qu’il a donné sur le présent projet, les administrations fédérales, les organismes [publics]
et les services publics assimilés, qui ressortissent à une autorité administrative fédérale,
                                                                                           7

ainsi que les personnes privées chargées par une autorité fédérale, à la suite d’événements
autres que fortuits, de l’exercice d’un service public fédéral. Fait également partie du
niveau fédéral le personnel des provinces qui dépend des autorités fédérales, y compris
les commissaires d’arrondissement.
         Les autorités administratives non-fédérales sont celles qui font partie des autres
niveaux administratifs - les Communautés, les Régions, les provinces et les communes,
comme par exemple les services des Communautés, des Régions ou des Commissions
Communautaires ou les établissements créés par ceux-ci, les personnes privées qui
exercent une mission d’intérêt général relevant des compétences des Communautés ou
des Régions, les organes communaux et provinciaux, les intercommunales, les C.P.A.S.,
les polders et wateringues, les fabriques d’église, etc.
         En ce qui concerne le niveau fédéral, le Conseil d’État a déjà qualifié d’autorité
administrative : les organes de l’administration de l’État, comme le Roi, les Ministres et
certains fonctionnaires agissant en exécution d’une délégation comme le Secrétaire
permanent au recrutement.
         Pour ce qui concerne le Roi en sa qualité d’autorité administrative, il convient
d’insister sur le fait qu’il ne l’est que pour des affaires couvertes par la responsabilité
ministérielle (cf. article 64 de la Constitution) mais, que le Roi lui-même ne peut être
considéré comme une autorité administrative. Les pièces et la correspondance qui se
trouvent chez le Chef d’État ne tombent en aucun cas sous l’application de la présente
loi.
          Les membres du cabinet ne sont pas non plus des autorités administratives : ils
sont les collaborateurs personnels des ministres et ne sont pas habilités à se substituer à
eux pour prendre des décisions qui incombent aux ministres. Etant donné et pour autant
qu’ils ne possèdent aucune compétence pour prendre des décisions fermes envers des
tiers, ils ne doivent pas être considérés, selon le Conseil d’État, comme une autorité
administrative.
         Les organes des services publics décentralisés fonctionnellement, qui ont un
pouvoir de décision autonome doivent être considérés comme une autorité
administrative. Ils ont été créés par un pouvoir public pour assurer un service d’intérêt
public et sont placés sous la haute direction de l’autorité. Ceci concerne entre autres la
Caisse générale d’Epargne et de Retraite, l’Office national de l’emploi, l’Office national
d’allocations familiales pour travailleurs salariés, la Commission bancaire, et cetera.
        A côté de ces autorités administratives stricto sensu, les institutions créées par
l’administration en vue de pourvoir un service public et dont font partie des particuliers
ou des entreprises privées ou qui sont érigées sous forme d’une société commerciale sont
à considérer comme une autorité administrative. Il s’agit entre autres du Crédit
communal de Belgique.
         Des questions se posent en ce qui concerne les entreprises avec une gestion mixte
et qui ont été créées pour assurer un service d’intérêt public et pour lesquelles, aussi bien
pour la composition du capital que pour la gestion, il est fait appel à la collaboration de
particuliers. Il s’agit de la Société nationale des chemins de fers belges, de la Banque
Nationale de Belgique, de la S.A.B.E.N.A., et cetera.
         La question de savoir si elles doivent être considérées comme autorité
administrative, est déterminée par le Conseil d’État après examen des lois spéciales qui
règlent le statut de ces organismes. Les récentes modifications au statut des entreprises
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publiques autonomes peuvent donc entraîner une révision de la jurisprudence en la
matière, ce qui est d’ailleurs également le cas pour les institutions publiques de crédit.
         En outre de ces organismes, la question doit être posée au sujet du caractère
d’autorité administrative des organismes qui ont été créés suite à une initiative privée
mais qui sont chargés d’une mission d’intérêt public.
         Par rapport à ces organismes qui ne sont pas des autorités administratives en tant
que telles, mais qui peuvent prendre des décisions habilitées d’un pouvoir public, qui sont
susceptibles d’être annulées par le Conseil d’État, la loi relative à la publicité de
l’administration n’est d’application que dans les affaires pour lesquelles l’organisme
obtient le caractère d’autorité administrative. Pour les entreprises avec une gestion mixte,
cela concerne par exemple la compétence qui est exercée à l’égard du personnel.
         Les organismes consultatifs publics (comme le Conseil central de l’Economie, le
Conseil supérieur des classes moyennes, le Conseil national du Travail), sont aussi soumis
à ce raisonnement : ils ne sont pas une autorité administrative quand ils formulent leur
avis, mais bien au moment de l’exécution de leur pouvoir de décision à l’égard de leur
personnel. Dans ce cas uniquement, ils tombent sous l’application de la présente loi.
         Il convient de souligner que ce qui précède ne vaut que pour les organismes qui
ne sont pas une autorité administrative en tant que telle mais qui n’obtiennent cette
qualification que dans la mesure où ils prennent des décisions habilitées d’un pouvoir
public. Ces organismes tombent uniquement sous l’application de la loi relative à la
publicité de l’administration dans les administrations fédérales pour les affaires pour
lesquelles ils possèdent le caractère d’autorité administrative.
         Ceci ne vaut donc pas pour les organismes et institutions qui dans leur ensemble
sont considérés par le Conseil d’État comme une autorité administrative. Pour ces
organismes ou institutions la question de savoir si un document concerne une affaire qui
est soumise au contrôle de légalité du Conseil d’État n’est pas pertinente. Tout document
qui se trouve chez de telles autorités administratives est un document administratif, et
par principe public. »


Il ressort de l’exposé des motifs qu’en se référant à l’article 14 des lois
coordonnées sur le Conseil d’État et à la jurisprudence y afférente pour
interpréter la notion d’ « autorité administrative », le législateur a voulu
lier le champ d’application de la loi du 11 avril 1994 au développement
éventuel de cette jurisprudence. Le législateur a ainsi opté pour une notion
« évolutive » qui permet de tenir compte des évolutions sociales. Parce que
la notion d’« autorité administrative » n’est pas définie à l’article 14 des lois
coordonnées sur le Conseil d’État, l’interprétation qui en est donnée dans
l’exposé des motifs est la reproduction d’une situation contemporaine
dépendante de la jurisprudence de l’époque. L’interprétation qui ressortait
de la jurisprudence du moment était extensive mais il n’était pas exclu que
la jurisprudence future évolue dans un sens plus restrictif si la nature d’un
organisme déterminé devait changer à l’avenir.
                                                                             9

Il ressort également de l’exposé des motifs qu’une distinction doit être faite
entre les services publics dits « organiques » et les services publics dits
« fonctionnels ». Tandis que les organismes et institutions qui, dans leur
ensemble, sont considérés comme des autorités administratives (les
services publics organiques, notamment les administrations fédérales)
doivent assurer la publicité de tous les documents en leur possession,
puisqu’ils sont considérés comme des documents administratifs, les
organismes qui ne sont pas des autorités administratives en tant que tels
(les services publics fonctionnels) doivent uniquement assurer la publicité
vis-à-vis des matières pour lesquelles ils ont le caractère d’autorité
administrative. Cette dernière catégorie est notamment composée
d’organismes qui ont été créés à l’initiative de particuliers mais qui sont
chargés d’une tâche d’intérêt général, d’entreprises à économie mixte et
d’une catégorie spécifique d’organes d’avis, à savoir les organes d’avis
publics (décrits comme des « organes ayant uniquement des compétences
d’avis […] auxquels le législateur a octroyé une personnalité morale et une
indépendance patrimoniale et budgétaire » dans A. MAST e.a., Overzicht
van het Belgisch Administratief Recht, Mechelen, Kluwer, 2009, p. 125 ;
au niveau fédéral, il s’agit plus spécifiquement du Conseil central de
l’Économie, du Conseil supérieur des Classes moyennes et du Conseil
national du Travail).

L’interprétation de la notion d’« autorité administrative » a évolué depuis
l’entrée en vigueur de la loi ‘relative à la publicité de l’administration’. La
Cour de cassation a estimé que des institutions créées ou agréées par les
autorités, qui sont chargées d’offrir un service public et n’appartiennent
pas au pouvoir judiciaire ou législatif, sont en principe des autorités
administratives, dans la mesure où leur fonctionnement est déterminé et
contrôlé par les autorités et qu’elles peuvent prendre des décisions
engageant des tiers (voy. notamment : Cass., 14 février 1997, n°
C.96.0211.N ; Cass., 10 septembre 1999, n° C.98.0141.F ; Cass., 6 septembre
2002, n° C.01.0382.N ; pour des commentaires de cette jurisprudence, voy.
notamment : S. BAETEN, « Variaties op verzelfstandigingsthema’s: enkele
bedenkingen over de tweewegenleer en het annulatiecontentieux naar
aanleiding van het Cassatiearrest van 8 november 1996 », C.D.P.K., 1999,
pp. 83-102 ; M. BOES, « De administratieve overheid: een ondefinieerbaar
begrip? », Ad amicissimum amici scripsimus. Vriendenboek Raf
Verstegen, Brugge, die Keure, 2004, pp. 27-30 ; A. MAST, o.c., nos 1017-
1020 ; P. NIHOUL, « La notion d’autorité administrative: retour à
l’orthodoxie », A.P.T., 2001, pp. 78-85 ; J.M. PIRET, « La notion d’autorité
                                                                                 10

administrative », A.P.T., 1999, pp. 236-238; F. VANDENDRIESSCHE, « De
invulling van het begrip administratieve overheid na de arresten
Gimvindus en BATC van het Hof van Cassatie », R.W., 2000-2001, pp. 497-
506 ; S. VAN GARSSE, « De ‘harmonicabewegingen’ van het begrip
administratieve overheid », Tijdschrift voor Gemeenterecht, 2002, pp.
308-313). S’il est vrai qu’en outre, la Cour de cassation a mis l’accent sur le
critère (fonctionnel) du pouvoir de prendre des décisions engageant des
tiers, l’on ne peut pas en déduire que le pouvoir de prendre des décisions
engageant des tiers est dans tous les cas une condition essentielle à la
qualification d’autorité administrative. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de
vue que les arrêts de la Cour de cassation portaient tous sur des organismes
de droit privé.

La qualification de la Commission de nomination des huissiers de justice

La composition de la Commission de nomination des huissiers de justice
est réglée par article 512 du Code judiciaire :

« § 1er. Il est institué une commission de nomination des huissiers de justice de
langue française et une commission de nomination des huissiers de justice de
langue néerlandaise. Ces deux commissions forment ensemble les commissions
de nomination réunies des huissiers de justice.

 La commission de nomination de langue néerlandaise est compétente pour :
 - le classement des candidats les plus aptes à une nomination de candidat-
huissier de justice, dont la langue du diplôme visé à l'article 510, § 3, 1°, est le
néerlandais ;
 - le classement des candidats à une nomination d'huissier de justice titulaire
dans les arrondissements judiciaires où ni la commission de nomination de langue
française ni les commissions de nomination réunies ne sont compétentes.

 La commission de nomination de langue française est compétente pour :
 - le classement des candidats les plus aptes à une nomination de candidat-
huissier de justice, dont la langue du diplôme visé à l'article 510, § 3, 1°, est le
français ;
 - le classement des candidats à une nomination d'huissier de justice titulaire
dans les arrondissements judiciaires situés en Région wallonne.

 Les commissions de nomination réunies sont compétentes pour :
 - le classement des candidats à une nomination d'huissier de justice titulaire
dans l'arrondissement judiciaire de Bruxelles ;
                                                                                  11

 - la rédaction du programme du concours d'admission visé à l'article 513.

 § 2. Chaque commission de nomination est composée comme suit :
 1° un magistrat en fonction choisi parmi les magistrats du siège des cours et
tribunaux et les magistrats du ministère public ;
 2 ° trois huissiers de justice qui sont issus de trois arrondissements judiciaires
différents, dont l'un a moins de trois ans d'ancienneté au moment de sa
désignation ;
 3° un professeur ou chargé de cours auprès d'une faculté de droit d'une
université belge, qui n'est pas huissier de justice ou candidat-huissier de justice ;
 4° un membre externe ayant une expérience professionnelle utile pour la
mission.

 § 3. Le ministre de la Justice nomme les membres des commissions de
nomination.
 Les membres huissiers de justice sont nommés sur présentation de la Chambre
nationale des huissiers de justice.

 Chaque membre est désigné pour faire partie de l'une ou de l'autre commission
de nomination, selon son rôle linguistique. Le rôle linguistique est déterminé
pour les huissiers de justice, les chargés de cours et les professeurs, par la langue
de leur diplôme. Au moins un membre de la commission de nomination de langue
française ou un suppléant doit justifier de la connaissance de l'allemand,
conformément aux articles 45, § 2, et 43quinquies de la loi du 15 juin 1935
concernant l'emploi des langues en matière judiciaire.

Il est désigné pour chaque membre un suppléant qui répond aux mêmes
conditions.
Un mandat au sein d'une commission de nomination est incompatible avec un
mandat politique.

Les membres d'une commission de nomination siègent pour une durée de quatre
ans ; un membre sortant peut être renommé une seule fois. Un membre effectif
qui se trouve dans l'impossibilité de continuer à exercer son mandat est remplacé
de plein droit par son suppléant, qui achève son mandat. Le président demande
que soit désigné un nouveau suppléant qui achève le mandat du membre
suppléant. »

La Commission estime que la Commission de nomination des huissiers de
justice de langue française ne peut pas être considérée comme une autorité
administrative au sens de l’article 14, §1er de la loi CE. En effet, elle est
tellement étroitement liée au fonctionnement du pouvoir judiciaire que le
législateur a prévu une forme spécifique d’accès pour les candidats-
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huissiers de justice à l’article 513, §6 du Code judiciaire. Il n’appartient
pas à la Commission d’interpréter la portée de cet article étant donné qu’il
constitue un fondement légal étranger à la publicité de l’administration.

Cependant, la Commission se doit de souligner que le fait qu’une
institution ne puisse pas être reconnue comme une autorité
administrative, ne signifie pas automatiquement que l’application de
l’article 32 de la Constitution et de la loi du 11 avril 1994 est exclue. Sur la
base de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle relative au champ
d’application de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle
des actes administratifs qui a un champ d’application personnel identique
à celui de la loi du 11 avril 1994 et à l’article 14 de la loi CE, la Commission
est en effet d’avis que le droit d’accès en vertu de la loi du 11 avril 1994
s’applique également à « des assemblées législatives ou de leurs organes, en
ce compris les médiateurs institués auprès de ces assemblées, de la Cour
des comptes et de la Cour d’arbitrage, ainsi que des organes du pouvoir
judiciaire et du Conseil supérieur de la Justice, relatifs aux marchés publics,
aux membres de leur personnel, ainsi qu'au recrutement, à la désignation,
à la nomination dans une fonction publique ou aux mesures ayant un
caractère disciplinaire ». Le législateur a précisément décrit les autorités
non administratives dont il souhaitait étendre la protection juridique ainsi
que le type d’actes de ces administrations couverts par celle-ci.
L’institution concernée ne figure pas parmi les institutions reprises à
l’article 14 de la loi CE. Il n’est donc pas non plus possible d’invoquer cette
interprétation élargie du champ d’application de la loi du 11 avril 1994.


Bruxelles, le 19 août 2019.




   F. SCHRAM                                                    K. LEUS
   secrétaire                                                  présidente

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