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Avis n° 64

Sur le refus d’accès aux listings individualisés

Transposition

Commission d’accès aux et de
 réutilisation des documents
         administratifs

Section publicité de l’administration




              4 juin 2018




          AVIS n° 2018-64

SUR LE REFUS D’ACCÈS AUX LISTINGS
         INDIVIDUALISÉS
             (CADA/2018/61)
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   1. Un aperçu

1.1. Par courrier en date du 8 février 2018, la Commune d’Aubange
sollicite, auprès du SPF Finances, l’accès au listing individualisé des
enrôlements effectués au profit de la Commune d’Aubange en ce qui
concerne le ‘Fonds des Frontaliers’.

1.2. Par un autre courrier du 8 février 2018, la Commune d’Aubange
sollicite également auprès du SPF Finances l’accès au listing individualisé
des enrôlements effectués au profit de la Commune d’Aubange en
matière de précompte immobilier.

1.3. Par un troisième courrier en date du 8 février 2018, la Commune
d’Aubange sollicite l’accès au listing individualisé des enrôlements
effectués au profit de la Commune d’Aubange en matière de centimes
additionnels à l’impôt des personnes physiques, en complément aux
données statistiques globales transmises par courrier en date du 9 octobre
2017.

1.4. Dans une lettre en date du 30 avril 2018, le SPF Finances refuse
implicitement les demandes de la Commune d’Aubange.

1.5. Par courrier en date du 17 mai 2018, la Commune introduit « une
demande de reconsidération » auprès du SPF Finances. Par un autre
courrier en date du même jour, elle introduit une demande d’avis auprès
de la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents
administratifs, section publicité de l’administration, ci-après dénommée
Commission.

   2. La recevabilité de la demande d’avis

La Commission estime que la demande d’avis est recevable. L’article 8, §
2, de la loi du 11 avril 1994 “relative à la publicité de l’administration”
(ci-après: la loi du 11 avril 1994) prescrit que le demandeur introduise
simultanément une demande de reconsidération auprès de l’autorité
administrative concernée et une demande d’avis auprès de la
Commission. La demanderesse s’est conformée à cette obligation de
simultanéité.
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   3. Le fondement de la demande d’avis

L’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 consacrent le
principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. L’accès aux
documents administratifs ne peut être refusé que lorsque l’intérêt requis
pour l’accès à des documents à caractère personnel fait défaut et
lorsqu’un ou plusieurs motifs d’exception figurant à l’article 6 de la loi du
11 avril 1994 peuvent ou doivent être invoqués et qu’ils peuvent être
motivés de manière concrète et pertinente. Seuls les motifs d’exception
imposés par la loi peuvent être invoqués et doivent par ailleurs être
interprétés de manière restrictive (Cour d’Arbitrage, arrêt n° 17/97 du 25
mars 1997, considérants B.2.1 et 2.2 et Cour d’Arbitrage, arrêt n°
150/2004 du 15 septembre 2004, considérant B.3.2).

La Commission souhaite tout d’abord noter que le droit d’accès prévu par
l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 ne s’applique que
dans la mesure où les documents administratifs demandés existent. On ne
peut déduire de ces dispositions aucune obligation de créer de nouveaux
documents.

La Commission relève que le SPF Finances n’invoque aucune exception à
l’appui de son refus d’autoriser l’accès aux documents administratifs
demandés. Dans la mesure où les documents existent, le SPF Finances
peut refuser leur divulgation à la condition que des motifs d’exception
soient invoqués et qu’ils soient motivés de manière concrète et
pertinente. Dans la mesure où tel n’est pas le cas, le SPF Finances est tenu
de divulguer les documents administratifs demandés.

Dans ses arrêts n° 239.399, 239.400, 239.401, 239.402, 239.402, 239.403 et
239.404 du 13 octobre 2017, qui sont relatifs à un objet similaire, le
Conseil d’État déclare ce qui suit :

     « Considérant que s’il est exact que l’établissement et la perception des
     centimes additionnels au précompte immobilier relève du pouvoir de
     l’État fédéral en vertu des articles 469 et suivants du CIR 1992, il n’en
     reste pas moins qu’il s’agit d’un impôt communal et que l’État fédéral
     accomplit cette mission pour le compte des communes; que l’organisation
     du procédé par lequel l’administration fédérale est chargée de la
     perception et du recouvrement des centimes additionnels pour compte
     des communes n’implique pas que ces dernières ne puissent réclamer
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aucune information ou obtenir aucune explication quant à la manière
dont cette mission légale, certes étrangère à un mandat de droit civil, est
remplie; que lorsqu’un pouvoir public agit « pour le compte » d’un autre,
il est dans la nature de cette relation que cet autre puisse lui demander de
« rendre compte » de la manière dont il s’est acquitté de sa mission, ainsi
que l’exprime l’article 1993 du Code civil à propos du mandat de droit
civil ;

Considérant que la jurisprudence a établi (arrêt Semalu invoqué par la
partie adverse) que le caractère en principe confidentiel d’un dossier fiscal
ne peut être opposé à un tiers, lorsque sa demande de communication
porte sur des informations pertinentes pour l’appréciation et le contrôle
de sa propre situation fiscale ; que si cette jurisprudence concerne
l’hypothèse d’un contribuable dont la dette fiscale est influencée par la
situation d’un autre contribuable dont il est débiteur solidaire, il
n’apparaît pas qu’il y ait lieu de raisonner différemment lorsque le
demandeur de communication est le créancier de la dette fiscale, étant
donné que sa situation patrimoniale est directement influencée par une
décision – de dégrèvement en l’occurrence – prise à l’égard de son
débiteur; qu’en l’espèce, la décision au dossier de laquelle la requérante
demande à avoir accès la prive de recettes fiscales à concurrence de
13.261.528,26 €; qu’étant directement intéressée par la décision de
dégrèvement, la commune requérante ne peut être considérée comme un
tiers dans le cadre de l’établissement de l’impôt, et l’agent de la partie
adverse qui lui communiquerait des informations à ce sujet n’agirait pas
en dehors de l’exercice de ses fonctions; que l’article 337, alinéa 1er, du
CIR 1992 ne peut donc être invoqué pour justifier l’existence d’une
obligation de secret opposable à la requérante au sens de l’article 6, § 2,
2°, de la loi du 11 avril 1994 ;

Considérant que l’accès au dossier fiscal relatif au dégrèvement qui est à
l’origine de la diminution des recettes fiscales de la requérante doit lui
permettre de s’assurer de la régularité de cette décision ; que même si
celle-ci est devenue définitive et que l’éventuelle constatation de son
irrégularité serait sans incidence sur la situation du contribuable qui en a
bénéficié, la commune serait fondée à s’en prévaloir à l’appui d’une action
en responsabilité qu’elle pourrait intenter contre l’État en vue d’obtenir
réparation, sur base du droit commun, du préjudice qu’un dégrèvement
irrégulier – et donc vraisemblablement fautif au sens de l’article 1382 du
Code civil – lui aurait causé ;

Considérant que la propriété immobilière, qui est la base du précompte
immobilier, est établie par des registres publics – la conservation des
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     hypothèques – et reprise dans les informations, publiques elles aussi, de
     l’administration du cadastre; que les titres de propriété sont accessibles au
     public et ne sont pas couverts par le droit au respect de la vie privée; qu’à
     supposer que certains éléments du dossier ayant abouti à la décision de
     dégrèvement relèvent de la vie privée du contribuable – ce qui, d’une
     part, s’agissant d’une personne morale, ne semble concerner que le secret
     industriel et commercial, et qui, d’autre part, ne pourrait se constater que
     par la consultation dudit dossier –, encore faudrait-il observer que les
     agents de la requérante sont eux aussi tenus au secret professionnel, et
     que les informations en cause ont trait à la juste perception de l’impôt,
     laquelle relève du «bien-être économique du pays» au sens de l’article 8
     de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
     fondamentales, de sorte que si ingérence il devait y avoir dans la vie
     privée du contribuable en cause, elle pourrait être justifiée au regard de
     cet article ;

     Considérant que, pour l’application de l’article 6, § 2, 1°, de la loi du 11
     avril 1994 relative à la publicité de l’administration, dans l’hypothèse où
     la publication de certaines pièces du dossier porterait atteinte à la vie
     privée d’un contribuable, ces pièces peuvent être soustraites à la publicité
     en application du § 4 du même article, mais le reste du dossier doit être
     communiqué ; que le moyen est fondé. »

Enfin, la Commission souhaite encore attirer l’attention sur le principe
de la publicité partielle sur la base de laquelle seules les informations qui
tombent sous la définition d’un motif d’exception peuvent être
soustraites à la publicité. Toutes les autres informations doivent être
divulguées.




Bruxelles, le 4 juin 2018.




   F. SCHRAM                                                      K. LEUS
   secrétaire                                                    présidente

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