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Avis n° 39
Sur le refus de donner accès aux documents dans le dossier administratif relatif au recouvrement de droits à charge de la Fédération de Russie
Date: 18/4/2016
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Transposition
Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs Section publicité de l’administration 18 avril 2016 AVIS n° 2016-39 Sur le refus de donner accès aux documents dans le dossier administratif relatif au recouvrement de droits à charge de la Fédération de Russie (CADA/2016/37) 2 1. Aperçu 1.1. Par un courriel du 4 novembre 2016, monsieur Hakim Boularbah demande, au nom de Yukos Universal Limited (ci-après Yukos), au SPF Finances d’exercer le droit à consulter le dossier administratif relatif au recouvrement de droits à charge de la Fédération de Russie. La fédération de Russie a été condamnée par jugement à payer une somme à Yukos qui est ainsi créancier. Par ordonnance du 24 juin 2015, le Président du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles a accordé l’exequatur des sentences prononcées dans ce cadre. En cas de condamnation à payer par un jugement, celui-ci doit être enregistré et le SPF Finances a le droit de percevoir une taxe de 3%. Le SPF Finances est donc également créancier et jouit d’un privilège légal (articles 142 et 148 du Code des droits d’enregistrements, d’hypothèque et de greffe, ci- après le Code). Il passe donc avant les autres créanciers. Auparavant, le SPF Finances pouvait prélever la taxe tant chez le débiteur (ici la Fédération de Russie) que chez le créancier (Yukos). La loi a depuis été modifiée en sorte qu’à l’heure actuelle, le SPF Finances ne peut s'adresser qu'au débiteur, soit la Fédération de Russie. Dès lors que, dans ce cas, il s'agit d'un débiteur étranger, la procédure entamée par le SPF Finances fait intervenir le SPF Affaires étrangères. Il y a donc un dossier administratif qui concerne les contacts entre le SPF Finances et le SPF Affaires étrangères au sujet de la Fédération de Russie quant à la taxe de 3% que celle-ci doit au SPF Finances. 1.2. Par lettre du 18 décembre 2015, le SPF Finances refuse l’accès pour les raisons suivantes : - le client n’a pas, dans ce dossier, la qualité de débiteur du droit de condamnation et il n’y a pas de recouvrement direct à charge de celui- ci, il doit en conséquence être considéré comme un tiers. La circonstance de fait selon laquelle le recouvrement forcé du droit d’enregistrement entre en concurrence avec le recouvrement de la somme principale qui est due à Yukos, n’y change rien. Cet incident, intervenant dans le cadre de l’exécution forcée, doit être traité selon les règles en vigueur dans le Code judiciaire ainsi dans le cadre des articles 150 et 184bis du Code. - conformément à l’article 236bis du Code, les fonctionnaires fiscaux sont tenus au secret le plus absolu en dehors de l’exercice de leurs fonctions. L’octroi de la consultation porterait donc atteinte à une obligation de secret instaurée par la loi. 3 La demande est dès lors rejetée en application de l’article 6, § 2, 2° de la loi du 11 avril 1994. 1.3. Par courriel de 6 avril 2016, monsieur Boularbah introduit auprès du SPF Finances une demande de reconsidération. Le même jour, il saisit pour avis la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administration, section publicité de l’administration, ci-après la Commission. 2. Recevabilité de la demande d’avis La Commission estime que la demande d’avis est recevable. La Commission constate que la demande de reconsidération adressée SPF Finances et la demande d’avis adressée à la Commission ont été introduites simultanément comme le requiert l’article 8, §2 de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration. 3. Bien-fondé de la demande d’avis L’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration consacrent le principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. L’accès aux documents administratifs ne peut être refusé que lorsque l’intérêt requis pour l’accès à des documents à caractère personnel fait défaut et lorsqu’un ou plusieurs motifs d’exception figurant à l’article 6 de la loi du 11 avril 1994 peuvent ou doivent être invoqués et qu’ils peuvent être motivés de manière concrète et pertinente. Seuls les motifs d’exception imposés par la loi peuvent être invoqués et doivent par ailleurs être interprétés de manière restrictive (Cour d’Arbitrage, arrêt n° 17/97 du 25 mars 1997, considérants B.2.1 et 2.2 et Cour d’Arbitrage, arrêt n° 150/2004 du 15 septembre 2004, considérant B.3.2). Le dossier administratif constitué, dans cette affaire, par le SPF Finances n’a d’autre objet que la perception des droits d’enregistrement dont la Fédération de Russie est redevable à l’égard de l’État belge. La Commission constate qu’en l’occurrence, Yukos n’est pas directement concerné par la perception des droits d’enregistrement dus non à son 4 bénéfice mais à celui de l’État belge. La perception des droits d’enregistrement résulte en effet de l’obligation d’enregistrement des jugements rendus exécutoires. L’administration fiscale ne peut recouvrer les sommes dues que par le biais du SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement. Le dossier administratif auquel le demandeur a demandé d’obtenir l’accès ne se compose que de documents « qui concernent les contacts entre le SPF Finances et les Affaires étrangères au sujet de la Fédération de Russie et la taxe de 3% que la Fédération de Russie doit au SPF Finances ». Il ne revient pas à la Commission de déterminer si l’administration est ou non un créancier privilégié. Elle ne peut se prononcer que sur le droit d’accès à des documents administratifs ainsi que l’a prévu la loi du 11 avril 1994. L’administration fiscale refuse l’accès en invoquant le secret fiscal. L’article 236bis du Code précise, précise en ses alinéas 1er et 2 : « Celui qui intervient, à quelque titre que ce soit, dans l'application des lois fiscales ou qui a accès dans les bureaux de l'Administration générale de la documentation patrimoniale, est tenu de garder, en dehors de l'exercice de ses fonctions, le secret le plus absolu au sujet de tout ce dont il a eu connaissance par suite de l'exécution de sa mission. Les fonctionnaires de l'Administration générale de la documentation patrimoniale, restent dans l'exercice de leurs fonctions, lorsqu'ils communiquent aux autres services administratifs de l'Etat, y compris les parquets et les greffes des cours et de toutes les juridictions et aux établissements ou organismes publics, les renseignements qui sont nécessaires à ces services, établissements ou organismes pour assurer l'exécution des dispositions légales ou réglementaires dont ils sont chargés ». Cette disposition interdit donc aux fonctionnaires de l’administration fiscale de fournir des informations en dehors de l’exercice de leurs fonctions en tant que celles-ci leur sont imposées par des dispositions légales ou réglementaires. Le Conseil d’État a examiné la question de savoir si le secret imposé aux fonctionnaires fiscaux vaut également pour le SPF Finances dans son ensemble. Il a ainsi jugé, dans ses arrêts n° 225.162 du 21 octobre 2013 et n° 231.194 du 12 mai 2015, quant à une disposition similaire du CIR 92, qu’indépendamment de l’obligation de secret qui pèse sur chaque fonctionnaire, le Code impose également la même obligation absolue à l’administration, et ce à l’égard de quiconque. 5 Il convient en conséquence d’encore démontrer, sur la base de l’article 6, § 2, 2° de la loi du 11 avril 1994, qu’il sera porté atteinte, par le fait de la publicité, au secret tel que prévu à l’article 236bis du Code. En outre, le Conseil d’État a jugé qu’il s’indique que l’administration fiscale examine si d’autres motifs d’exception ne peuvent être invoqués pour refuser l’accès à des documents contenus dans un dossier administratif. Bruxelles, le 18 avril 2016. F. SCHRAM M. BAGUET secrétaire présidente
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