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Avis n° 64
Questions sur l'application de la loi du 11 avril 1994 sur le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme
Date: 13/8/2012
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Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs Section publicité de l’administration 13 août 2012 AVIS n° 2012-64 Questions sur l’application de la loi du 11 avril 1994 sur le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme (CADA/2012/58) 2 1. Récapitulatif Par un courrier non daté, le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme a apparemment posé plusieurs questions à la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, Section publicité de l’administration, ci-après dénommée la Commission. La Commission n’a pas reçu ce courrier. Par courrier du 23 juillet 2012, le Centre a réitéré à la Commission ses questions ainsi formulées : “Si le Centre devait faire face à une demande de consultation par une personne mise en cause en vertu de l’article 4 de la loi, le Centre peut-il se prévaloir de tout ou partie des dispositions suivantes : Article 6, § 1er, 2°, les libertés et les droits fondamentaux des administrés et article 6, § 2, 1°, vie privée Peut-on considérer qu’un requérant qui s’adresse au Centre peut bénéficier de ces deux dispositions concernant les éléments relatifs à sa demande ou à sa plainte en sorte que le Centre serait le garant de ces droits ou pourrait refuser de communiquer les éléments du dossier à des tiers, et particulièrement à la personne mise en cause ? Il faut savoir que nous nous engageons auprès de tout requérant à ne pas prendre d’initiative (information, proposition de conciliation, plainte, …) sans son accord. Nous lui offrons également la possibilité de rester anonyme, même si dans ce cas, nous lui indiquons que certaines démarches ne pourront pas être entreprises sans qu’il y ait un risque d’identification. Article 6, § 1er, 5° - la recherche et la poursuite de faits punissables et article 6, § 1er, 8°, le secret de l’identité de la personne qui a communiqué le document ou l’information à l’autorité administrative à titre confidentiel pour dénoncer un fait punissable ou supposé tel Peut-on considérer que la formulation de l’article 3, § 2, 5° de la loi qui crée le Centre implique que notre mission vise la recherche et la poursuite de faits punissables ? En effet, les lois citées comportent des dispositions pénales et certains dossiers traités dans ce cadre peuvent 3 aboutir à des procédures pénales (plaintes simples, plaintes avec constitution de partie civile ou citation directe). Dans l’affirmative, cela implique-t-il que le Centre doit se limiter à se prévaloir de cet article uniquement dans des dossiers où il apparaît que les dispositions pénales des lois peuvent être appliquées ? Ou ne peut-il s’en prévaloir qu’à partir du moment où une procédure pénale est effectivement entamée ? Est-ce que le caractère confidentiel évoqué au 8° implique une référence explicite à la confidentialité ou peut-il se déduire de la nature ou du contexte du document ou de l’information ? Article 6, § 2, 2° obligation de secret Peut-on considérer que, dans le cadre du traitement des requêtes individuelles, les collaborateurs du Centre sont soumis à une obligation de secret au sens de cet article ? En ce sens, la divulgation à des tiers, concernés, d’éléments relatifs à un dossier individuel peut-il être constitutif de faute ? 2. Recevabilité de la demande L’article 8, § 3, de la loi du 11 avril 1994 stipule que toute autorité administrative fédérale peut consulter la Commission. A la lumière de l’article 8, § 2, de cette loi, cette consultation peut uniquement porter sur des questions générales et non pas sur des questions ayant trait à une demande concrète. Pour que l’article 8, § 3, de la loi du 11 avril 1994 peut être invoqué, le requérant doit être une autorité administrative fédérale. Pour cette raison, la Commission est tenue de vérifier si le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme peut être qualifié comme tel. Le droit d'accès tel que garanti par l'article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 ne s'applique qu'à l'égard des documents administratifs. Un document administratif est “toute information, sous quelque forme que ce soit, dont une autorité administrative dispose” (voir l’article 1er, alinéa 2, 2°, de la loi). La loi du 11 avril 1994 définit une autorité administrative comme “une autorité administrative visée à l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat” (voir l’article 1er, alinéa 2, 1°, de la loi). 4 Le droit fondamental comme point de départ Il est important de ne pas perdre de vue l’objectif du constituant lorsqu'il a intégré la publicité de l'administration dans la Constitution. Dans la Note explicative de l'article 24ter, l'actuel article 32 de la Constitution, il est explicitement stipulé que : “Les principes repris dans l'article proposé sont valables à l'égard de toutes les autorités administratives. L'interprétation concrète de cette notion sera faite par la suite. Etant donné qu'en l'occurrence il s'agit de l'octroi d'un droit fondamental, une interprétation aussi large que possible devra être utilisée. On peut notamment renvoyer à l'article 14 des lois sur le Conseil d'Etat et la jurisprudence du Conseil d'Etat à ce sujet.” (Documents Parlementaires, Chambre, S.E. 1992-1993, 839/1, 5). Le constituant visait donc un champ d'application personnel très vaste, mais il a laissé au législateur le soin de l'interpréter. Vu qu'il s'agit d'un droit fondamental, le législateur doit opter pour une interprétation aussi vaste que possible. Par ailleurs, lorsqu’il choisit la notion “d'autorité administrative” pour l'interprétation du champ d'application personnel, le législateur ne peut l’interpréter de manière trop restrictive, au risque que la loi soit en contradiction avec le vaste champ d'application que le constituant envisageait. Champ d'application de la loi fédérale en matière de publicité La loi du 11 avril 1994 s'applique, sur la base de l'article 1er, alinéa premier, aux : a) autorités administratives fédérales ; b) autorités administratives autres que les autorités administratives fédérales, mais uniquement dans la mesure où, pour des motifs relevant des compétences fédérales, la loi interdit ou limite la publicité de documents administratifs. 5 Notion d’"autorité administrative (fédérale)" Dans l'exposé des motifs du projet de loi qui est devenu la loi fédérale relative à la publicité (Documents parlementaires, Chambre, 1992-1993, 1112/1, 8-11), la notion d’"autorité administrative" est définie comme suit: “Pour déterminer la notion d’"autorités administratives", on se fonde sur l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat et par conséquent sur l'importante jurisprudence du Conseil d'Etat en la matière. Il s'ensuit, et c'est important, que le champ d'application de la loi évoluera en fonction des nouveaux développements qui se présenteront dans le cadre de la législation et de la pratique administrative. En outre, la jurisprudence du Conseil d'Etat offre un solide point d'appui et les critères employés s'associent étroitement aux objectifs poursuivis par cette loi, à savoir d’offrir la publicité à l'administré dans le cadre de sa relation avec l'administration, quelle que soit sa forme. Ces critères du Conseil d'Etat sont positifs et non cumulatifs : exercer une mission d'intérêt général, disposer d'une compétence coercitive de décision, impliquer les autorités dans la création ou dans l'agrément, contrôle par l'autorité, disposer de certaines prérogatives du pouvoir public et, négatifs : ne pas appartenir au pouvoir législatif ou judiciaire. Une nouveauté par rapport à la jurisprudence existante du Conseil d'Etat est qu'il conviendra, pour ce qui est de l'application de la présente loi, de déterminer les autorités administratives qui doivent être considérées comme autorités administratives fédérales et celles qui doivent être considérées comme autorités administratives non fédérales. Les autorités administratives fédérales sont, comme l'a précisé le Conseil d'Etat dans l'avis qu'il a rendu sur le présent projet, les administrations fédérales, les organismes publiques et les services publics assimilés, qui ressortissent à une autorité administrative fédérale, ainsi que les personnes privées chargées par une autorité fédérale, à la suite d'événements autres que fortuits, de l'exercice d'un service public fédéral. Fait également partie du niveau fédéral le personnel des provinces qui dépend des autorités fédérales, y compris les commissaires d'arrondissement. Les autorités administratives non fédérales sont celles qui font partie des autres niveaux administratifs - les Communautés, les Régions, les provinces et les communes, comme les services des Communautés, des Régions ou des Commissions communautaires ou les établissements créés par ceux-ci, les personnes privées qui exercent une mission d'intérêt général relevant des compétences des Communautés ou des Régions, les organes communaux et provinciaux, les intercommunales, les C.P.A.S., les polders et wateringues, les fabriques d'église, etc. En ce qui concerne le niveau fédéral, le Conseil d'Etat a déjà qualifié d'autorité administrative : les organes de l'administration de l'Etat, comme le Roi, les Ministres et certains fonctionnaires agissant en exécution d'une délégation, comme le Secrétaire permanent au recrutement. Pour ce qui concerne le Roi en sa qualité d'autorité administrative, il convient d'insister sur le fait qu'il ne l'est que pour des affaires couvertes par la responsabilité ministérielle (cf. article 64 de la Constitution) mais que le Roi lui-même ne peut être considéré comme une autorité administrative. Les pièces et la correspondance dont dispose le Chef d'Etat ne tombent en aucun cas sous l'application de la présente loi. 6 Les membres du cabinet ne sont pas non plus des autorités administratives: ils sont les collaborateurs personnels des ministres et ne sont pas habilités à se substituer à eux pour prendre des décisions qui incombent aux ministres. Etant donné et pour autant qu'ils ne possèdent aucune compétence pour prendre des décisions fermes envers des tiers, ils ne doivent pas être considérés, selon le Conseil d'Etat, comme une autorité administrative. Les organes des services publics décentralisés fonctionnellement, qui ont un pouvoir de décision autonome, doivent être considérés comme une autorité administrative. Ils ont été créés par un pouvoir public pour assurer un service d'intérêt public et sont placés sous la haute direction de l'autorité. Ceci concerne entre autres la Caisse générale d'Epargne et de Retraite, l'Office national de l'emploi, l'Office national d'allocations familiales pour travailleurs salariés, la Commission bancaire, et cetera. A côté de ces autorités administratives stricto sensu, les institutions créées par l'administration en vue de pourvoir un service public et dont font partie des particuliers ou des entreprises privées ou qui sont érigées sous forme d'une société commerciale sont à considérer comme une autorité administrative. Il s'agit entre autres du Crédit communal de Belgique. Des questions se posent en ce qui concerne les entreprises à gestion mixte et qui ont été créées pour assurer un service d'intérêt public et pour lesquelles, aussi bien pour la composition du capital que pour la gestion, il est fait appel à la collaboration de particuliers. Il s'agit de la Société nationale des chemins de fers belges, de la Banque Nationale de Belgique, de la SAB.E.NA, et cetera. La question de savoir si elles doivent être considérées comme autorité administrative, est déterminée par le Conseil d'Etat après examen des lois spéciales qui règlent le statut de ces organismes. Les récentes modifications au statut des entreprises publiques autonomes peuvent donc entraîner une révision de la jurisprudence en la matière, ce qui est d'ailleurs également le cas pour les institutions publiques de crédit. En outre de ces organismes, la question doit être posée au sujet du caractère d'autorité administrative des organismes qui ont été créés suite à une initiative privée mais qui sont chargés d'une mission d'intérêt public. Par rapport à ces organismes qui ne sont pas des autorités administratives en tant que telles, mais qui peuvent prendre des décisions habilitées d'un pouvoir public, qui sont susceptibles d'être annulées par le Conseil d'Etat, la loi relative à la publicité de l'administration n'est d'application que dans les affaires pour lesquelles l'organisme obtient le caractère d'autorité administrative. Pour les entreprises à gestion mixte, cela concerne par exemple la compétence qui est exercée à l'égard du personnel. Les organismes consultatifs publics (comme le Conseil central de l'Economie, le Conseil supérieur des classes moyennes, le Conseil national du Travail) sont aussi soumis à ce raisonnement : ils ne sont pas une autorité administrative quand ils formulent leur avis, mais bien au moment de l'exécution de leur pouvoir de décision à l'égard de leur personnel. Dans ce cas uniquement, ils tombent sous l'application de la présente loi. Il convient de souligner que ce qui précède ne vaut que pour les organismes qui ne sont pas une autorité administrative en tant que telle mais qui n'obtiennent cette qualification que dans la mesure où ils prennent des décisions habilitées d'un pouvoir public. Ces organismes tombent uniquement sous l'application de la loi relative à la 7 publicité de l'administration dans les administrations fédérales pour les affaires pour lesquelles ils possèdent le caractère d'autorité administrative. Ceci ne vaut donc pas pour les organismes et institutions qui dans leur ensemble sont considérés par le Conseil d'Etat comme une autorité administrative. Pour ces organismes ou institutions, la question de savoir si un document concerne une affaire qui est soumise au contrôle de légalité du Conseil d'Etat n'est pas pertinente. Tout document dont disposent de telles autorités administratives est un document administratif, et par principe public.” L'exposé montre d'une part le but du législateur de faire suivre au domaine d'application de la loi du 11 avril 1994 le développement possible de cette jurisprudence en se référant à l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat et la jurisprudence y relative afin de compléter la notion "autorité administrative". Le législateur a en effet opté pour une notion "évolutive", tenant ainsi suffisamment compte des évolutions sociales. La notion d’"autorité administrative" n'étant même pas définie à l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, l'interprétation qui en est donnée dans l'Exposé des Motifs reproduit une situation liée au temps et, en outre, une interprétation de la jurisprudence existante. L'évolution qui a eu lieu à ce moment dans la jurisprudence était en pleine extension bien qu'il ne fut pas exclu que la future jurisprudence évoluerait de manière restrictive si la nature d'un certain organisme devait changer à l'avenir. D'autre part, il y a lieu d’opérer une distinction entre les services publics "organiques" et "fonctionnels". Alors que tous les documents qui sont en la possession d'organismes et institutions qui, dans leur ensemble, sont considérés comme des autorités administratives (services publics organiques, notamment les administrations fédérales) doivent être considérés comme des documents administratifs et sont donc publics, la publicité ne s'applique, pour les organismes qui, en tant que tels, ne sont pas des autorités administratives (services publics fonctionnels), qu'à l'égard des matières pour lesquelles un tel organisme a le caractère d'autorité administrative. En ce qui concerne cette dernière catégorie, il s'agit notamment d'organismes qui ont été créés à l'initiative d'un particulier mais qui sont chargés d'une tâche d'intérêt général, d'entreprises à gestion mixte et d'une catégorie spécifique d'organismes consultatifs (décrits dans A. MAST et autres, Overzicht van het Belgisch Administratief Recht, Mechelen, Kluwer, 2009, p. 125, comme “des organismes chargés de compétences purement consultatives […] auxquels le législateur a octroyé une personnalité juridique et une 8 indépendance patrimoniale et budgétaire" (traduction) ; au niveau fédéral, il s'agit plus précisément du Conseil central de l'Economie, du Conseil supérieur des Classes moyennes et du Conseil national du Travail). L'interprétation de la notion d’"autorité administrative" a évolué depuis l'entrée en vigueur de la loi relative à la publicité. La Cour de Cassation a estimé que les institutions créées ou agréées par les pouvoirs publics, qui sont chargées d'un service public et ne font pas partie du pouvoir judiciaire ou législatif, constituent en principe des autorités administratives dans la mesure où leur fonctionnement est déterminé et contrôlé par les pouvoirs publics et qu'elles peuvent prendre des décisions obligatoires à l'égard de tiers (voir notamment : Cass. 14 février 1997, n° C.96.0211.N ; Cass. 10 septembre 1999, n° C.98.0141.F ; Cass. 6 septembre 2002, n° C.01.0382.N ; pour les commentaires dans la doctrine, voir notamment : S. BAETEN, “Variaties op verzelfstandigingsthema’s: enkele bedenkingen over de tweewegenleer en het annulatiecontentieux naar aanleiding van het Cassatiearrest van 8 november 1996”, C.D.P.K. 1999, 83-102 ; M. BOES, “De administratieve overheid: een ondefinieerbaar begrip?”, Ad amicissimum amici scripsimus. Vriendenboek Raf Verstegen, Brugge, die Keure, 2004, 27-30 ; S. DE SOMER, “Het begrip administratieve overheid: stand van zaken van a never ending story”, R.W. 2011-12, 1614-1639 ; A. MAST e.a., o.c., nos. 1017-1020 ; P. NIHOUL, “La notion d’autorité administrative: retour à l’orthodoxie”, Adm. Publ., 2001, 78-85; J.M. PIRET, “La notion d’autorité administrative”, Adm. Publ., 1999, 236-238 ; F. VANDENDRIESSCHE, “De invulling van het begrip administratieve overheid na de arresten Gimvindus en BATC van het Hof van Cassatie”, R.W., 2000-2001, 497- 506 ; S. VAN GARSSE, “De ‘harmonicabewegingen’ van het begrip administratieve overheid”, Tijdschrift voor Gemeenterecht, 2002, 308- 313). La Cour de Cassation a, il est vrai, insisté sur le critère (fonctionnel) de la possibilité de prendre des décisions obligatoires à l'égard de tiers. On ne peut cependant pas en déduire que la compétence de pouvoir prendre des décisions obligatoires à l'égard de tiers est, dans tous les cas, une condition nécessaire pour qu’il soit question d'autorité administrative. Par ailleurs, on ne peut perdre de vue que les arrêts de la Cour de Cassation portaient toujours sur des institutions de droit privé. 9 Qualification du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme Le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme a été institué par la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, auprès du Premier Ministre et cet organe jouit de la personnalité juridique (voir article 1er de la loi). Dans l’exercice de sa mission, le Centre agit en toute indépendance (voir article 3, alinéa premier, de la loi). Il a pour mission de promouvoir l'égalité des chances et de combattre toute forme de distinction, d'exclusion, de restriction ou de préférence fondée sur : 1° la nationalité, la prétendue race, la couleur de peau, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique ; 2° l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, la fortune, l'âge, la conviction religieuse ou philosophique, l'état de santé actuel ou futur, le handicap, la conviction politique, la caractéristique physique ou génétique ou l'origine sociale. Le Centre exerce sa mission dans un esprit de dialogue et de collaboration avec les associations, instituts, organes et services qui, en tout ou en partie, accomplissent la même mission ou sont directement concernés par l'accomplissement de cette mission. Le Centre a également pour mission de veiller au respect des droits fondamentaux des étrangers, d'éclairer les pouvoirs publics sur la nature et l'ampleur des flux migratoires et de développer la concertation et le dialogue avec tous les acteurs publics et privés concernés par les politiques d'accueil et d'intégration des immigrés. Le Centre est en outre chargé de stimuler la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains (voir article 2 de la loi). 10 Le Centre est habilité : 1° à effectuer toutes les études et recherches nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; 2° à adresser des avis et recommandations aux pouvoirs publics en vue de l'amélioration de la réglementation en application de l'article 2 de la présente loi ; 3° à adresser des recommandations aux pouvoirs publics et aux personnes et institutions privées sur la base des résultats des études et des recherches visées sous le 1° ; 4° à aider, dans les limites de sa mission définie à l'article 2, toute personne sollicitant une consultation sur l'étendue de ses droits et obligations. Cette aide permet au bénéficiaire d'obtenir des informations et des conseils sur les moyens de faire valoir ses droits ; 4bis. à recevoir, dans les limites de sa mission définie à l'article 2, des plaintes, à les traiter et à accomplir toute mission de médiation qu'il juge utile, ceci sans préjudice des compétences des médiateurs fédéraux ; 5° à ester en justice dans les litiges auxquels pourrait donner lieu l'application de : - la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie ; - la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale ; - la loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en vue de la répression de la traite et du trafic des êtres humains ; - le chapitre Vbis de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail ; - la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination. 6° à assurer, dans le cadre de ses missions, un soutien et une guidance à des institutions, organisations et dispensateurs d'assistance juridique ; 7° à produire et fournir toute information et toute documentation utiles dans le cadre de sa mission ; 8° à accomplir toute autre mission confiée par tout pouvoir public ; 9° à recueillir et publier sans possibilité d'identification des parties en cause, les données statistiques et les décisions jurisprudentielles utiles à l'évaluation de la loi du 30 juillet 1981 précitée et de la loi du 6 janvier 2003 tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 11 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme ; 10° à demander à l'autorité compétente, lorsque le Centre invoque des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination, tel que visé par les lois des 30 juillet 1981 et 6 janvier 2003 précitées, de s'informer et de tenir le Centre informé des résultats de l'analyse des faits dont question. Les autorités informent le Centre de manière motivée des suites qui y sont réservées (voir article 3, alinéa 2, de la loi). Aux termes de l’article 5 de la loi du 15 février 1993, le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, le statut organique du Centre. Ce statut arrêtera notamment : 1° la structure du Centre de manière à pouvoir organiser de façon optimale des différentes compétences mentionnées à l'article 3 et garantir la collaboration des Communautés et des Régions ; 2° les modalités de désignation de ses membres ; 3° le statut de ses collaborateurs ; 4° les modalités de son financement. Il est clair que le Centre doit être considéré comme une autorité administrative organique fédérale et que tous ses documents doivent par conséquent être considérés comme documents administratifs au sens de la loi du 11 avril 1994. 3. Discussion plus détaillée de l’invocabilité de certains motifs d’exception par le Centre 3.1 Généralités Les motifs d’exception mentionnés à l’article 6, §§ 1er et 2, de la loi du 11 avril 1994 ne sont pas invocables par la personne qui peut bénéficier de la protection. Les exceptions ne protègent en effet pas les intérêts qu’elles énumèrent en soi. C’est l’autorité administrative qui, au moment de la demande de publication, vérifie si les conditions sont remplies pour invoquer un motif d’exception. Le respect des conditions peut donc évoluer dans le temps. L’invocabilité des motifs d’exception est même limitée dans le temps, soit parce que les conditions ne peuvent plus être invoquées après un certain temps, soit parce que les documents administratifs demandés doivent être déposés, au terme d’une période de 30 ans, aux Archives générales du Royaume et aux Archives de l’Etat 12 dans les provinces, ce qui ne permet plus, en principe, d’invoquer des motifs d’exception pour empêcher leur publication. En outre, la Commission tient à souligner qu’une décision de non- publication doit toujours être motivée de manière concrète et pertinente, à moins que la motivation formelle ne soit elle-même exclue par l’article 4 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs. Cet article stipule notamment que la motivation formelle n’est pas requise lorsque la motivation peut violer le droit au respect de la vie privée. La Commission a pourtant déjà affirmé qu’une motivation minimale était requise même dans ce cas, de sorte que l’on puisse au moins déterminer l’exception qui est invoquée à l’obligation de motivation formelle. 3.2 L’invocabilité de l’article 6, § 1er, 2°, et de l’article 6, § 2, 1°, de la loi du 11 avril 1994 en faveur d’un plaignant L’article 6, § 1er, 2°, de la loi du 11 avril 1994 précise qu’une autorité administrative doit refuser la publication d'un document administratif si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection des libertés et des droits fondamentaux des administrés. L’article 6, § 2, 1°, de la loi du 11 avril 1994 précise qu’une autorité administrative doit refuser la publication d’un document administratif si elle porte atteinte à la vie privée, sauf si la personne concernée a préalablement donné son accord par écrit à la consultation, à l’explication ou à la communication sous forme de copie. L’examen des travaux préparatoires de la loi du 11 avril 1994 révèle que la protection de la vie privée a fait l’objet d’un examen distinct par rapport à la protection des autres droits et libertés. Par conséquent, l’article 6, § 1er, 2°, de la loi du 11 avril 1994 ne peut être invoqué pour refuser la publication d’informations dans un document administratif dont la publication porte atteinte à la protection de la vie privée. En outre, les deux motifs d’exception requièrent une appréciation différente. Dans le cas de l’article 6, § 2, 1°, de la loi du 11 avril 1994, il faut uniquement constater que la publication porte atteinte à la vie privée pour que l’autorité administrative doive la refuser. Dans le cas de l’application de l’article 6, § 1er, 2°, de la loi du 11 avril 1994, l’atteinte aux libertés et droits fondamentaux ne suffit pas pour refuser la 13 publication. Il faut aussi vérifier systématiquement s’il n’y a pas d'intérêt général spécifique servi par la publicité et qui l'emporte sur la protection des libertés et des droits fondamentaux des administrés. La motivation doit chaque fois être concrète. 3.3 L’invocabilité de l’article 6, § 1er, 5°, de la loi du 11 avril 1994 L’article 6, § 1er, 5°, de la loi du 11 avril 1994 stipule qu’une autorité administrative doit refuser la publication d’un document administratif si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la recherche ou la poursuite de faits punissables. Ce motif d’exception ne vise pas à protéger des personnes, mais à ne pas empêcher la recherche et la poursuite de faits punissables par la publication de certaines informations ou documents. Ce motif d’exception doit dès lors être invoqué dans cette perspective. Le fait que le Centre soit compétent pour ester en justice dans les litiges auxquels l’application de différentes lois peut donner lieu, ne signifie pas automatiquement que l’information du centre concernant cette action puisse relever du motif d’exception de l’article 6, § 1er, 5°, de la loi du 11 avril 1994. Même pour une information provenant d’un dossier pénal, ce motif d’exception ne peut d’ailleurs pas être automatiquement invoqué. L’information contenue dans un dossier pénal et obtenue avec l’autorisation du procureur général doit en effet être considérée, selon le Conseil d’Etat, comme un document administratif dont la publication est régie conformément à la loi du 11 avril 1994 et la non-publication est uniquement possible sur la base d’un motif d’exception prévu à l’article 6 de cette loi (voir notamment Conseil d’Etat, arrêt n° 66.860 du 18 juin 1997). En outre, la Commission tient à souligner que le motif d’exception de l’article 6, § 1er, 5°, de la loi du 11 avril 1994 peut uniquement être invoqué après qu’il a été établi qu’aucun intérêt général spécifique ne l’emporte sur l’intérêt protégé par ce motif d’exception. 3.4 L’invocabilité de l’article 6, § 1er, 8°, de la loi du 11 avril 1994 Le motif d’exception de l’article 6, § 1er, 8°, poursuit un tout autre objectif. Il vise à protéger l’identité de la personne qui porte un fait punissable ou supposé tel à la connaissance de l’autorité. Non seulement 14 le nom, mais aussi tous les éléments pouvant donner lieu à l’identification du plaignant pour autant que ce dernier ait exprimé qu’il tenait à maintenir le caractère confidentiel de son identité. L’article 6, § 1er, 8°, ne requiert pas que la publication porte atteinte à la vie privée de l’intéressé. Si les conditions pour invoquer l’article 6, § 1er, 8°, de la loi du 11 avril 1994 ne sont pas remplies, il est possible de se baser éventuellement sur l’article 6, § 2, 1°, de cette loi. Le cas échéant, l’identité pourra uniquement être protégée s’il est prouvé que sa publication porte atteinte à la vie privée de l’intéressé. L’article 6, § 2, 1°, ne protège pas uniquement le plaignant, mais également la vie privée d’autres personnes. 3.5 L’invocabilité de l’article 6, § 2, 2°, de la loi du 11 avril 1994 Le motif d’exception de l’article 6, § 2, 2°, de la loi du 11 avril 1994 oblige une autorité administrative à refuser la publication du document administratif lorsqu’elle porte atteinte à une disposition relative au secret prévue par la loi. Pour pouvoir invoquer ce motif d’exception, une obligation de réserve doit être impartie à une personne et cette obligation doit trouver son fondement dans une loi formelle. Les dispositions relatives au secret, comme les obligations de discrétion fixées par arrêté ou insérées dans un code de déontologie, ne répondent pas à cette condition. Un exemple de disposition relative au secret figure à l’article 458 du Code pénal. Il doit toutefois être clair qu’une disposition relative au secret a aussi ses limites et ne peut être invoquée pour tout type d’information. Le non-respect d’une disposition relative au secret peut être sanctionné de différentes manières selon le cas, ne fût-ce que parce que les conditions diffèrent systématiquement. Il faut d’ailleurs aussi procéder à une appréciation au cas par cas, compte tenu des circonstances concrètes. Bruxelles, le 13 août 2012. F. SCHRAM J. BAERT Secrétaire Président
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