Wallonie - Craie > Recours 946

Craie - Decision 946

Transposition

                          Commission de recours pour le droit
                            d’accès à l’information en matière
                                        d’environnement
                                    Séance du 6 mars 2019
RECOURS N° 946
En cause de :     La S.A. I
                  Représentée par Maître
                  Requérante,
Contre :          Le Service de la Pêche du Service Public de Wallonie
                  Avenue Prince de Liège, 7
                  5100 Jambes
                  Partie adverse.
        Vu la requête du 4 décembre 2018, par laquelle la requérante a introduit le recours
prévu à l’article D.20.6 du livre Ier du code de l’environnement, à l’encontre de la réponse de
la partie adverse fournie à sa demande d’accès d’information relative à des résultats des
pêches électriques pratiquées, par la partie adverse, dans la Mehaigne, avant et après la
pollution en aval du village de Fumal survenue le 31 août 2017 ;
        Vu l’accusé de réception de la requête du 11 décembre 2018 ;
        Vu la notification de la requête à la partie adverse, en date du 11 décembre 2018;
        Vu la décision de la Commission du 17 décembre 2018 prolongeant le délai pour
statuer ;
        Considérant qu’à la demande d’informations de la requérante du 2 novembre 2018, la
partie adverse a répondu le 22 novembre 2018 que le dossier relatif à la pollution à laquelle il
est fait référence était en cours d’instruction et que les informations demandées étaient, dès
lors, couvertes par le secret de l’instruction ;
        Considérant que, dans son recours à la Commission, la requérante conteste ce motif de
refus ; qu’elle fait valoir que le fait que les informations demandées soient versées dans un

dossier pénal n’en empêche la communication qu’à la condition que leur communication
entrave la recherche ou la poursuite des faits punissables ou la possibilité pour toute personne
d’être jugée équitablement ; qu’elle estime que le refus qui lui est opposé ne démontre pas que
ces conditions seraient réunies en l’espèce ;
        Considérant qu’interpellée par la Commission, la partie adverse a confirmé son refus
de communiquer les informations demandées et a fait valoir les éléments complémentaires
suivants :
                - elle ignore si la requérante est constituée partie civile dans la procédure
                    pénale en cours ;
                - le rapport qui contient les informations demandées contient aussi une
                    évaluation du dommage subi par d’autres titulaires de droits de pêche que
                    la requérante ;
                - dans sa mission d’élaboration du rapport contenant les informations
                    demandées par la requérante, le service de la pêche ne serait pas une
                    autorité publique au sens du livre Ier du code de l’environnement parce
                    qu’il participerait au constat et à la recherche d’infractions ;
        Considérant qu’en réaction à cette réponse, la Commission a réinterpellé la partie
adverse en lui demandant à l’initiative de qui le rapport contenant les informations demandées
avait été établi ; que la partie adverse a répondu, le 17 janvier, que le rapport avait été établi à
son initiative ; que la Commission a alors demandé à la partie de préciser, d’une part, le
fondement officiel de la compétence du service de la pêche d’établir de tels rapports, et,
d’autre part, la base sur laquelle le rapport avait été transmis au Tribunal ; qu’aucune réponse
n’a été apportée à ces dernières questions ;
        Considérant que les informations dont la communication est demandée constituent
incontestablement des informations environnementales soumises au droit d’accès à
l’information que consacre et organise le livre Ier du code de l’environnement ;
        Considérant qu’il ressort des explications que la partie adverse a fournies à la
Commission que le rapport contenant les informations demandées a été établi à son initiative ;
qu’il n’apparaît pas que l’établissement du rapport ait été conditionné par l’existence d’une
procédure pénale ;
        Considérant qu’en conséquence, en l’espèce, il n’apparaît pas que la partie adverse
aurait participé au constat ou à la recherche d’infractions lorsqu’elle a procédé à des pêches
électriques consécutives à une pollution puis fait rapport des résultats de celles-ci ; que c’est
donc en qualité d’autorité publique au sens de l’article D.11 du livre Ier du code de
l’environnement que la partie détient les informations résultant de l’exercice de ces missions ;
        Considérant que la qualité de la requérante de partie civile dans la procédure pénale en
cours est sans incidence sur le droit d’accès à l’information régi par les articles D.10 et
suivants du livre Ier du code de l’environnement ;
        Considérant que l’article D.19 du livre Ier du code de l’environnement limite le droit
d’accès à l’information lorsque son exercice est susceptible de porter atteinte à la bonne
marche de la justice, à la possibilité pour toute personne d'être jugée équitablement ou à la
capacité d'une autorité publique de mener une enquête à caractère pénal ou disciplinaire ;
qu’en vertu du second paragraphe de la disposition, cette limitation doit être interprétée

restrictivement, en tenant compte de l’intérêt que présente pour le public la divulgation de
l’information et l’autorité est tenue de procéder à une balance de l’intérêt public servi par la
divulgation avec l’intérêt servi par le refus de divulguer ;
         Considérant que la partie adverse ne précise pas en quoi la communication des
informations demandées serait en l’espèce susceptible de compromettre le secret de
l’instruction ou d’entraver la recherche ou la poursuite de faits punissables ; qu’en outre, en
tout état de cause, dans le contexte exposé ci-dessus (à savoir le fait que, d’une part, le rapport
contenant les informations demandées a été établi à l’initiative de la partie adverse et que,
d’autre part, il n’apparaît pas que l’établissement du rapport ait été conditionné par l’existence
d’une procédure pénale), la Commission estime, sous réserve des considérations ci-après, que
l’intérêt public servi par la divulgation prime sur l’intérêt, non démontré, qui justifierait le
refus ;
         Considérant toutefois que la communication des passages du rapport contenant, in
fine, aux pages 23 à 27, des informations relatives au calcul précis du dommage subi en
propre par des personnes (en l’occurrence des sociétés de pêche) autres que la requérante,
pourrait porter atteinte à la possibilité, pour ces personnes, d'être jugées équitablement ; que la
Commission n’aperçoit pas quel serait l’intérêt public servi par la divulgation de ces
informations ; qu’en tout état de cause, si légitimes qu’ils soient, les intérêts particuliers de la
requérante ne suffisent pas à justifier le risque d’atteinte au droit des tiers précités d’être jugés
équitablement qui pourrait résulter de la divulgation desdites informations ;
                                        PAR CES MOTIFS,
                                 LA COMMISSION DECIDE :
Article 1er : Le recours est recevable et fondé.
Article 2 : La partie adverse communiquera à la partie requérante, dans les huit jours de la
notification de la présente décision, une copie du rapport contenant les résultats des pêches
électriques pratiquées par elle, dans la Mehaigne, avant et après la pollution en aval du village
de Fumal survenue le 31 août 2017, à l’exception des pages 23 à 27 (évaluation des
dommages subis par d’autres titulaires de droits de pêche que la requérante) .
Ainsi délibéré et prononcé à Namur le 6 mars 2019 par la Commission composée de Madame
Nathalie VAN DAMME, présidente suppléante, Messieurs André LEBRUN, Jean-François
PÜTZ et Frédéric MATERNE, membres effectifs et Monsieur Frédéric FILLEE, membre
suppléant.
         La Présidente,                                        Le Secrétaire,
         N. VAN DAMME                                          Fr. FILLEE