Wallonie - Craie > Recours 922
Commission de recours pour le droit
d’accès à l’information en matière
d’environnement
Séance du 13 septembre 2018
RECOURS N° 922
En cause de : l’asbl
ayant pour conseil Maître
Partie requérante,
Contre : le Service public de Wallonie
Direction générale opérationnelle de l’agriculture, des ressources naturelles
et de l’environnement
Département de l’environnement et de l’eau
Direction des eaux souterraines
Avenue Prince de Liège, 15
5100 JAMBES
Partie adverse.
Vu la requête du 26 juillet 2018, par laquelle la partie requérante a introduit le recours
prévu à l’article D.20.6 du livre Ier du code de l’environnement, contre le traitement réservé à
sa demande d’obtenir des informations relatives à l’établissement du répertoire des masses
d’eaux souterraines et aux décisions qui ont exclu l’aquifère de la Boverie de la liste des
masses d’eau répertoriées en Région wallonne ;
Vu l’accusé de réception de la requête du 7 août 2018 ;
Vu la notification de la requête à la partie adverse, en date du 7 août 2018 ;
Vu la décision de la Commission du 29 août 2018 prolongeant le délai pour statuer ;
Considérant que, le 30 avril 2018, la partie requérante a adressé à la partie adverse une
lettre dans laquelle elle déclare qu’elle « s’interroge sur la méthode qui a mené à
l’établissement du répertoire des masses d’eaux souterraines en Région wallonne » ; que,
dans cette lettre, elle se réfère à divers passages de la motivation du permis unique délivré le
12 octobre 2017 à la S.A. Lhoist Industrie, et notamment au passage suivant :
« L’article 5 de la Directive-cadre Eau précise que les États membres de l’Union
européenne doivent effectuer une caractérisation initiale de toutes les masses d’eau
souterraine pour évaluer leurs utilisations et la mesure dans laquelle elles risquent de
ne pas répondre aux objectifs de qualité de chaque masse d’eau souterraine prévus à
l’article 4. Afin de pouvoir répondre à cet impératif, des masses d’eau ont dû être
définies. La mise en application de l’article 5 de la Directive cadre sur l’Eau a abouti
en Région wallonne à un découpage en 33 masses d’eau souterraine qui ont été
répertoriées et approuvées par la PPGIE (Plate-forme permanente pour la gestion
intégrée de l’eau) et par le Gouvernement wallon. L’aquifère de la Boverie ne figure
pas sur cette liste et ne constitue donc pas en elle-même une masse d’eau souterraine
au sens de la Directive-cadre Eau ». ;
Considérant que la lettre de la partie requérante du 30 avril 2018 se conclut comme
suit :
« L’Abbaye de Rochefort, qui dispose de droits sur les eaux de cet aquifère de la
Boverie, souhaite obtenir (…) la méthode retenue pour dresser le répertoire des
masses d’eaux souterraines et les décisions de l’administration motivées et
approuvées par la PPGIE et par le Gouvernement, qui ont exclu l’aquifère de la
Boverie de la liste des masses d’eau répertoriées en Région wallonne. » ;
Considérant que, le 29 mai 2018, la partie adverse a répondu comme suit à la partie
requérante :
« En Région wallonne, les travaux relatifs à la délimitation des masses d’eau
souterraine ont débuté en 2001 et ont été menés par un comité d’experts réunissant les
services universitaires spécialisés en hydrogéologie et l’Administration. Les résultats
de ces travaux concertés ont été actés par la Conférence ministérielle de Liège du 30
novembre 2001.
Les masses d’eau souterraine telles que définies dans la Directive à partir des
aquifères, ont été déterminées tant par des critères hydrogéologiques que par des
critères non hydrogéologiques. La méthodologie utilisée pour la délimitation et la
caractérisation des masses d’eau souterraine est reprise dans le tome III de l’état des
lieux des sous-bassins hydrographiques des premiers plans de gestion. Il s’agit d’un
document édité en mars 2005. Vous trouverez ci-annexée une copie partielle de ce
tome III qui reprend la partie relative à la délimitation et à la caractérisation des
masses d’eau souterraine. » ;
Considérant que, le 8 juin 2018, la partie requérante a accusé réception de la réponse
de la partie adverse ; qu’après un rappel de l’objet de sa demande d’information, elle s’est
adressée à la partie adverse dans les termes suivants :
« Vous me faites savoir que les résultats des travaux concertés pour la délimitation
des masses d’eau souterraine distinctes ont été actés par la Conférence ministérielle
de Liège du 30 novembre 2001. La méthodologie de 2005 que vous m’avez fait
parvenir n’a pu être utilisée pour prendre une décision en novembre 2001. De plus,
cette méthodologie concerne les eaux de surface alors que l’aquifère de la Boverie est
constitué par des eaux souterraines.
Par ailleurs, nous ne m’avez pas transmis la décision du Gouvernement et sa
motivation sur pied de critères hydrogéologiques et sur pied de critères non
hydrogéologiques, qui exclut l’aquifère de la Boverie des masses d’eau distinctes en
Région wallonne.
C’est pourquoi je vous demande de me faire parvenir par retour de courrier, les
documents sollicités. » ;
Considérant que, le 10 juillet 2018, la partie adverse a écrit ce qui suit à la partie
requérante :
« Tout d’abord, je vous confirme que les documents transmis lors de notre premier
envoi reprennent bien la méthodologie de délimitation et de caractérisation des
masses d’eau souterraine, comme le confirme d’ailleurs le titre de ce chapitre : « 3.
Délimitation et caractérisation des masses d’eau souterraine ». Ce chapitre 3 fait
partie d’un document dénommé « État des lieux des sous-bassins hydrographiques -
tome III : Méthodologie » édité par la Région wallonne en mars 2005 après
finalisation par l’Observatoire des eaux de surface en novembre 2004.
Il faut savoir qu’au Département de l’Environnement et de l’Eau, la Direction des
Eaux de surface est chargée de la coordination de la mise en œuvre de la Directive
Cadre sur l’Eau. Ce tome III fait partie d’un ensemble de documents beaucoup plus
complet dénommé « État des lieux ». Ces états des lieux initiaux sont requis par
l’article 5 de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE).
Vous retrouvez dans le document transmis, aux points 3.1. et 3.2., les grandes étapes
qui ont conduit à l’édition du tome III en 2005. Les travaux ont débuté en 2001. Une
première étape importante du processus a consisté à déterminer les aquifères
transfrontaliers. Les résultats de ces premiers travaux concertés ont été actés par la
Conférence ministérielle de Liège du 30 novembre 2001. Les travaux se sont ensuite
poursuivis pour aboutir à une méthodologie réalisée en concertation entre les services
concernés de la Région wallonne. Elle a alors été approuvée par la Plate-forme
Permanente pour la Gestion Intégrée de l’Eau (PPGIE) en séance du 10 décembre
2003. Après 2005, les travaux se sont poursuivis avec pour objectif de finaliser les
premiers plans de gestion par district hydrographique. Ceux-ci ont été approuvés en
séance du 27 juin 2013 par le Gouvernement wallon.
Vous pouvez retrouver tous les documents relatifs à la Directive Cadre sur le site
internet portail de la DGO3, à l’adresse : http://environnement.wallonie.be/, dans le
menu de gauche sous l’onglet « eau » puis sous l’onglet « Directive Cadre eau ».
Comme vous le constaterez à la lecture du document transmis précédemment, les
notions de masse d’eau souterraine et d’aquifère sont différentes. Les aquifères sont
déterminés par leurs critères hydrogéologiques tandis que les masses d’eau
souterraine peuvent être déterminées tant par des critères hydrogéologiques que par
des critères non-hydrogéologiques, ce qui est le cas en Région wallonne. Pour le
détail, je vous renvoie aux documents déjà transmis.
En Wallonie, le souci de ne pas multiplier à l’excès les masses d’eau souterraine est
resté à l’esprit des techniciens et scientifiques afin de ne pas alourdir la gestion
ultérieure de ces masses d’eau. Aucun aquifère n’est exclu des masses d’eau
souterraine en Région wallonne.
Je joins en annexe la carte reprenant l’emplacement et les limites des masses d’eau
souterraine ainsi qu’une copie de l’ordre du jour de la séance du Gouvernement
wallon du 27 juin 2013 (voir le point B.37). » ;
Considérant qu’à la suite de la réception de la lettre de la partie adverse dont le
contenu vient d’être reproduit, la partie requérante saisit la Commission ; qu’au point C de
son recours, elle définit l’objet de celui-ci dans les termes suivants :
« Ce recours a pour but d’ordonner l’accès à l’information en matière
d’environnement, et plus précisément, de demander à recevoir la copie des :
- Décision de la Conférence ministérielle de Liège du 30 novembre 2001 ainsi que
toutes les pièces du dossier administratif motivant le choix effectué par le
Gouvernement et qui ont permis au Ministre de l’Environnement de délivrer le permis
unique du 12 octobre 2017 en soutenant que : « L’aquifère de la Boverie ne figure pas
sur cette liste et ne constitue donc pas en elle-même une masse d’eau souterraine au
sens de la Directive-cadre Eau. » ;
- Décision du Gouvernement wallon du 27 juin 2017 [lire : 2013] ainsi que toutes les
pièces du dossier administratif motivant le choix effectué par le Gouvernement. » ;
Considérant que, lorsque la Commission est saisie d’un recours dirigé contre le
traitement réservé à une demande d’information que le requérant a introduite auprès d’une
autorité publique, l’objet de ce recours est limité par l’objet qui a été donné à la demande
d’information ; que le requérant ne peut donc étendre l’objet de la demande d’information à
l’occasion du recours qu’il forme auprès de la Commission ;
Considérant que, pour s’assurer du respect des principes qui viennent d’être indiqués,
il importe donc de circonscrire avec précision l’objet de la demande d’information que la
partie requérante a introduite auprès de la partie adverse ;
Considérant qu’en l’espèce, l’objet de la demande d’information, tel qu’il a été
formulé dans les lettres que la partie requérante a adressées à la partie adverse le 30 avril 2018
et le 8 juin 2018, est double :
- d’une part, la partie requérante a demandé à la partie adverse d’obtenir « la méthode retenue
pour dresser le répertoire des masses d’eaux souterraines » ;
- et, d’autre part, elle a demandé à la partie adverse d’obtenir, selon les termes de sa lettre du
30 avril 2018, « les décisions de l’administration motivées et approuvées par la PPGIE et par
le Gouvernement, qui ont exclu l’aquifère de la Boverie de la liste des masses d’eau
répertoriées en Région wallonne », cette demande étant précisée, dans sa lettre du 8 juin
2018, comme visant à recevoir « la décision du Gouvernement et sa motivation sur pied de
critères hydrogéologiques et sur pied de critères non hydrogéologiques, qui exclut l’aquifère
de la Boverie des masses d’eau distinctes en Région wallonne » ;
Considérant qu’en ce qui concerne la demande d’obtenir « la méthode retenue pour
dresser le répertoire des masses d’eaux souterraines », la question peut se poser de savoir s’il
s’agit bien d’une demande d’information soumise aux dispositions du livre Ier du code de
l’environnement relatives à l’accès à l’information dite passive ou sur demande, c’est-à-dire
d’une demande de communication d’informations disponibles dans un document préexistant,
ou s’il ne s’agit pas plutôt d’une demande visant à obtenir des explications, impliquant
l’établissement d’un document nouveau, ce qui n’entre pas dans le champ d’application des
dispositions précitées ; que, quoi qu’il en soit, la partie adverse a répondu à cette demande de
la partie requérante, en lui communiquant divers documents, parmi lesquels figure l’extrait
d’un document édité par la Région wallonne en mars 2005 qui explique la méthodologie
retenue par la Région wallonne pour la délimitation et la caractérisation des masses d’eau
souterraine ; que, ce faisant, elle a répondu à la demande de la partie requérante d’obtenir « la
méthode retenue pour dresser le répertoire des masses d’eaux souterraines » ;
Considérant que, dans son second objet, la demande d’information part du présupposé
que la Région wallonne a « exclu » l’aquifère de la Boverie de la liste des masses d’eau
souterraine répertoriées sur son territoire ;
Considérant que ce présupposé est inexact ; qu’en effet, il ressort du dossier, et
notamment des explications que la partie adverse a données à la partie requérante le 10 juillet
2018 :
- d’une part, que la délimitation des masses d’eau souterraine qui a été opérée par la Région
wallonne n’exclut aucun aquifère de ces masses d’eau, ceci étant corroboré par le fait que,
comme le montre la carte indiquant l’emplacement et les limites des masses d’eau souterraine
en Wallonie, qui est annexée à la lettre précitée du 10 juillet 2018, le découpage de la Région
wallonne en masses d’eau souterraine concerne l’ensemble du territoire de la Région ;
- et, d’autre part, que les notions de masse d’eau souterraine et d’aquifère sont différentes, la
partie adverse expliquant à ce sujet, dans la lettre du 10 juillet 2018, que « [l]es aquifères sont
déterminés par leurs critères hydrogéologiques tandis que les masses d’eau souterraine
peuvent être déterminées tant par des critères hydrogéologiques que par des critères non-
hydrogéologiques, ce qui est le cas en Région wallonne » ;
Considérant que, dès lors, aucun reproche ne peut être adressé à la partie adverse en ce
qui concerne le traitement qu’elle a réservé au second objet de la demande d’information ; que
la Commission tient à préciser qu’en faisant ce constat, elle ne se prononce ni sur la
pertinence, ni sur la régularité de la délimitation des masses d’eau souterraine qui a été opérée
par la Région wallonne, et notamment du fait que, lors de cette délimitation, l’aquifère de la
Boverie n’a pas été considéré comme constituant en tant que tel, en lui-même et à lui seul, une
masse d’eau souterraine ;
Considérant, pour le surplus, qu’en tant que la partie requérante, au point C de son
recours, demande à la Commission de recevoir d’autres informations que celles réclamées
dans les lettres qu’elle a adressées à la partie adverse le 30 avril 2018 et le 8 juin 2018, elle
sollicite des informations excédant l’objet de la demande d’information ; qu’elle étend ainsi
l’objet de la demande d’information à l’occasion du recours qu’elle forme auprès de la
Commission, ce qui, comme indiqué plus haut, ne peut être admis ;
PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DECIDE :
Article unique : Le recours est rejeté.
Ainsi délibéré et prononcé à Namur le 13 septembre 2018 par la Commission composée de
Monsieur Benoît JADOT, président, Messieurs André LEBRUN, Frédéric MATERNE et
Jean-François PÜTZ, membres effectifs, et Monsieur Frédéric FILLEE, membre suppléant.
Le Président, Le Secrétaire,
B. JADOT Fr. FILLEE