Wallonie - Craie > Recours 860
Commission de recours pour le droit d’accès à l’information en matière d’environnement Séance du 19 octobre 2017 RECOURS N° 860 En cause de : l’ASBL Partie requérante, Contre : la Société wallonne des eaux Rue de la Concorde, 41 4800 VERVIERS Partie adverse. Vu la requête du 17 août 2017, par laquelle la partie requérante a introduit le recours prévu à l’article D.20.6 du livre Ier du code de l’environnement, contre le refus de la partie adverse de lui communiquer les conventions et avenants, volet financier y compris, concernant la valorisation des eaux d’exhaure dans le synclinal de Gomezée-Florennes ; Vu l’accusé de réception de la requête du 29 août 2017 ; Vu la notification de la requête à la partie adverse, en date du 29 août 2017 ; Vu la décision de la Commission du 14 septembre 2017 prolongeant le délai pour statuer ; Considérant qu’il ressort du dossier qu’après avoir conclu une convention d’échange d’informations (laquelle a connu plusieurs versions successives) et une convention d’étude, la partie adverse, l’Intercommunale namuroise des services publics, la SPRL Carrières les Petons, la S.A. Carrières Berthe et la S.A. Carmeuse ont conclu, le 19 mai 2011, une convention pour la valorisation des eaux d’exhaure dans le synclinal de Gomezée-Florennes ; qu’il est fait référence à ces conventions dans la motivation de l’arrêté du Gouvernement wallon du 15 décembre 2011 adoptant définitivement la révision partielle du plan de secteur de Philippeville-Couvin en vue de l’inscription d’une zone d’extraction à Florennes (Hemptinne), ainsi que dans la motivation d’un permis unique délivré à la S.A. Carmeuse le 24 octobre 2016 ; que la motivation de l’arrêté du Gouvernement wallon du 15 décembre 2011 indique qu’un premier avenant à la convention du 19 mai 2011 a été signé le 28 septembre 2011 ; Considérant que la partie requérante a demandé à la partie adverse de lui communiquer « les conventions concernant la valorisation des eaux d’exhaure sur le synclinal de Gomezée- Florennes, complètes avec avenants (y compris les conventions et/ou avenants concernant le volet financier) » ; Considérant que la partie adverse a répondu à cette demande comme suit : « L’étude hydrogéologique du synclinal de Florennes a été pilotée et cofinancée par plusieurs partenaires, votre demande a été soumise aux membres de ce groupe de travail comme prévu dans la convention multilatérale d’échange d’informations entre carriers et producteurs d’eau. Soucieux de préserver la confidentialité des conventions au motif d’éviter toute interprétation biaisée de leur contenu au risque de porter atteinte à leur intérêt économique légitime, une partie des membres du groupe a souhaité ne pas divulguer les conventions en question. La SWDE a donc été invitée à ne pas transmettre lesdites conventions » ; Considérant que la partie requérante a déclaré à la Commission qu’elle est en possession de la convention pour la valorisation des eaux d’exhaure du 19 mai 2011 (cette convention lui ayant été fournie par le cabinet du précédent Ministre de l’environnement), et que ce sont les « conventions et/ou avenants complets, volet financier y compris, postérieurs au 19 mai 2011 » qu’elle souhaite recevoir ; que le recours introduit auprès de la Commission porte dès lors uniquement sur le refus de la partie adverse de communiquer à la partie requérante les conventions ou avenants concernant la valorisation des eaux d’exhaure postérieurs au 19 mai 2011 ; Considérant que la partie adverse a transmis divers documents à la Commission : la convention d’échange d’informations (dans ses versions successives) et la convention d’étude qui ont précédé la conclusion de la convention pour la valorisation des eaux d’exhaure, la convention du 19 mai 2011, et l’avenant à cette dernière convention qui a été signé le 28 septembre 2011 ; que, parmi ces documents, seul l’avenant du 28 septembre 2011 fait partie de ceux dont, compte tenu des précisions qu’elle a apportées à la Commission, la partie requérante conteste le refus de communication ; Considérant que l’unique objet de l’avenant du 28 septembre 2011 consiste à remplacer l’article 6 de la convention du 19 mai 2011 ; que, dans sa version initiale, cette disposition prévoyait que la convention du 19 mai 2011 était conclue sous la condition suspensive que le Gouvernement wallon adopte avant le 30 septembre 2011 un arrêté définitif de révision du plan de secteur de Philippeville-Couvin, portant sur l’inscription d’une zone d’extraction à Florennes (Hemptinne) ; que l’avenant du 28 septembre 2011 a reporté à une date ultérieure l’échéance initialement fixée au 30 septembre 2011 ; qu’il ne comporte pas d’autre disposition ; Considérant qu’eu égard à la matière sur laquelle ils portent - la valorisation des eaux d’exhaure - et au fait qu’y voyant « une garantie sérieuse de bonne gestion et de respect des conditions et recommandations » (Moniteur belge, 26 mars 2012, page 18.260), le Gouvernement wallon s’est référé aux conventions conclues par la partie adverse, l’Intercommunale namuroise des services publics, la SPRL Carrières les Petons, la S.A. Carrières Berthe et la S.A. Carmeuse pour justifier, du point de vue de la gestion des eaux, la révision précitée du plan de secteur de Philippeville-Couvin en vue de l’inscription d’une zone d’extraction, la convention du 19 mai 2011 et, partant, son avenant du 28 septembre 2011 contiennent des informations qui constituent des informations environnementales soumises au droit d’accès à l’information que consacre et organise le livre Ier du code de l’environnement ; Considérant que la convention d’échange d’informations qu’ont conclue les parties à la convention du 19 mai 2011 et à son avenant du 28 septembre 2011 contient une clause de confidentialité ; qu’en vertu de cette clause, « les parties reconnaissent que toutes les informations qu’elles recevront de l’autre partie dans le cadre de la présente convention doivent être considérées comme des informations confidentielles dans le chef de la partie qui reçoit ces informations », étant toutefois entendu que « les parties pourront divulguer ces informations à tout tiers pour autant que cette divulgation résulte d’une obligation légale ou réglementaire » et que, « dans ce cas, la partie obligée de divulguer l’information en informera préalablement les autres parties tout en leur notifiant l’identité du tiers bénéficiaire » ; que la question peut se poser de savoir si la réserve de l’hypothèse dans laquelle la divulgation d’informations « résulte d’une obligation légale ou réglementaire » ne couvre pas le cas où la Commission, statuant sur un recours, ordonne la divulgation d’une information en application et dans le respect des règles fixées par le livre Ier du code de l’environnement ; qu’en tout état de cause, la seule existence de la clause de confidentialité figurant dans la convention d’échange d’informations ne correspond à aucun des motifs pour lesquels le livre Ier du code de l’environnement et la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement permettent de restreindre le droit d’accès du public aux informations environnementales ; Considérant que, de même, la volonté d’« éviter toute interprétation biaisée » du contenu d’une information n’est pas, comme telle, un motif admissible de refus de communication de cette information ; Considérant qu’en vertu de l’article D.19, § 1er, alinéa 1er, d), du livre Ier du code de l’environnement, le droit d’accès à l’information en matière d’environnement peut être limité dans la mesure où son exercice est susceptible de porter atteinte à la confidentialité des informations commerciales ou industrielles, lorsque cette confidentialité est légalement prévue afin de protéger un intérêt économique légitime (ce qui est incontestablement le cas : voir notamment sur ce point la jurisprudence selon laquelle les dispositions qui garantissent le droit au respect de la vie privée couvrent le secret des affaires, entre autres les arrêts de la Cour constitutionnelle n° 118/2007 du 19 septembre 2007 et n° 117/2013 du 7 août 2013) ; qu’une disposition analogue figure à l’article 27, § 1er, 7°, de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement ; que ce motif de limitation du droit d’accès à l’information doit être interprété de manière restrictive en tenant compte de l’intérêt que présente pour le public la divulgation d’une information, et qu’il incombe à l’autorité qui entend invoquer ledit motif de limitation du droit d’accès à l’information de mettre en balance, dans le cas particulier dont elle a à connaître, l’intérêt public servi par la divulgation avec l’intérêt servi par le refus de divulguer (article D.19, § 2, du livre Ier du code de l’environnement, et article 27, § 1er, de la loi du 5 août 2006) ; qu’en l’espèce, il convient d’avoir égard au fait que le Gouvernement wallon s’est référé aux conventions conclues par la partie adverse, l’Intercommunale namuroise des services publics, la SPRL Carrières les Petons, la S.A. Carrières Berthe et la S.A. Carmeuse pour justifier, du point de vue de la gestion des eaux, la révision du plan de secteur de Philippeville-Couvin en vue de l’inscription d’une zone d’extraction à Florennes (Hemptinne) ; que ces conventions présentent donc un intérêt environnemental tout particulier ; qu’il importe aussi de constater, d’une part, que l’unique objet de l’avenant du 28 septembre 2011 - reporter l’échéance prescrite pour la réalisation de la condition suspensive prévue par l’article 6 de la convention du 19 mai 2011, à savoir l’adoption par le Gouvernement wallon de l’arrêté définitif de révision du plan de secteur de Philippeville-Couvin pour l’inscription d’une zone d’extraction à Florennes (Hemptinne) - est singulièrement limité et, d’autre part, que cet avenant ne comporte pas d’information technique ou financière ; que, par conséquent, à supposer que l’on soit en l’espèce dans le champ d’application du motif précité de limitation du droit d’accès à l’information, la Commission n’aperçoit pas en quoi la divulgation de cet avenant pourrait porter une atteinte telle aux intérêts économiques de ses signataires ou de l’un ou l’autre d’entre eux que l’intérêt servi par le refus de divulguer l’avenant en question serait plus important que l’intérêt public servi par sa divulgation ; Considérant qu’il incombe donc à la partie adverse de communiquer l’avenant du 28 septembre 2011 à la partie requérante ; Considérant que la question se pose de savoir s’il n’existe pas d’autres conventions ou avenants relatifs à la valorisation des eaux d’exhaure dans le synclinal de Gomezée- Florennes ; qu’à cet égard, il y a lieu de relever que la motivation de l’arrêté précité du Gouvernement wallon du 15 décembre 2011 présente l’avenant du 28 septembre 2011 comme étant « un premier avenant » à la convention du 19 mai 2011, ce qui laisse entendre que la conclusion d’autres avenants a, pour le moins, été envisagée ; que, dans la demande d’information, la partie requérante fait état de ce que « d’autres avenants existent (…août 2014…) » ; que la partie adverse n’a pas indiqué à la Commission que l’avenant du 28 septembre 2011 serait le seul avenant à la convention du 19 mai 2011 ; que, dans ces conditions, la Commission estime nécessaire, pour statuer sur le recours complètement et en parfaite connaissance de cause, de demander à la partie adverse de lui indiquer si d’autres conventions ou avenants concernant la valorisation des eaux d’exhaure dans le synclinal de Gomezée-Florennes ont été conclus après le 19 mai 2011 et, dans l’affirmative, conformément à l’article D.20.8 du livre Ier du code de l’environnement, de les communiquer à la Commission, en y joignant, le cas échéant, une note d’observations ; que, pour autant que de besoin, la Commission croit utile de rappeler qu’en vertu de l’article D.20.9 du livre Ier du code de l’environnement, elle siège à huis clos et que, par ailleurs, selon l’article D.20.10 du même livre, ses membres sont tenus au secret des délibérations et des informations dont la confidentialité doit être préservée en vertu de l’article D.19 et dont ils viendraient à avoir connaissance à l’occasion de l’exercice de cette fonction ; PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DECIDE : Article 1er : Le recours est recevable et fondé, en tant qu’il porte sur le défaut de communication à la partie requérante de l’avenant du 28 septembre 2011 à la convention signée le 19 mai 2011 pour la valorisation des eaux d’exhaure dans le synclinal de Gomezée- Florennes. La partie adverse communiquera cet avenant à la partie requérante dans les huit jours de la notification de la présente décision. Article 2 : La partie adverse indiquera à la Commission, dans les huit jours de la notification de la présente décision, si, outre l’avenant du 28 septembre 2011, il existe d’autres conventions ou avenants, postérieurs au 19 mai 2011, concernant la valorisation des eaux d’exhaure dans le synclinal de Gomezée-Florennes. Dans l’affirmative et dans le même délai, elle communiquera ces documents (volet financier y compris) à la Commission. Article 3 : La Commission poursuivra l’examen du recours lors de sa prochaine séance, fixée le 17 novembre 2017. Ainsi délibéré et prononcé à Namur le 19 octobre 2017 par la Commission composée de Monsieur B. JADOT, président, Messieurs A. LEBRUN, Fr. MATERNE et J.-Fr. PÜTZ, membres effectifs, et Messieurs Fr. FILLEE et L. L’HOIR, membres suppléants. Le Président, Le Secrétaire, B. JADOT Fr. FILLEE