Wallonie - Craie > Recours 818
Commission de recours pour le droit d’accès à l’information en matière d’environnement Séance du 9 mai 2017 RECOURS N° 818 En cause de : Monsieur représenté par Maître Requérant, Contre : la ville de Tournai Rue Saint-Martin, 52 7500 TOURNAI Partie adverse. Vu la requête du 27 février 2017, par laquelle le requérant a introduit le recours prévu à l’article D.20.6 du livre Ier du code de l’environnement, contre la suite réservée à sa demande d’obtenir communication de tout document, en possession de la partie adverse, relatif au projet d’extension de la maison de repos « l’Abbaye » située rue Abbé Dropsy, 27b, à Kain ; Vu l’accusé de réception de la requête du 8 mars 2017 ; Vu la notification de la requête à la partie adverse, en date du 8 mars 2017 ; Vu la décision de la Commission du 27 mars 2017 prolongeant le délai pour statuer ; Considérant que les informations réclamées par le requérant constituent incontestablement des informations environnementales soumises au droit d’accès à l’information que consacre et organise le livre Ier du code de l’environnement ; Considérant que la partie adverse a répondu comme suit à la demande d’information : « À ce stade, aucune demande de permis n’a été introduite : seuls des renseignements sur base d’un avant-projet « informel » ont été sollicités par les architectes du projet litigieux. En l’absence de demande de permis et s’agissant de plans non aboutis, nous doutons de notre droit à accéder à votre demande de vous transmettre les documents litigieux. En tout état de cause, ce projet, s’il est déposé, devra faire l’objet d’une enquête publique et, à ce moment-là, l’ensemble des pièces, y compris les pièces préparatoires seront mises à votre disposition. À toutes fins utiles, nous vous informons que le bureau d’architecture qui est venu nous contacter pour ce dossier est le bureau ….. » ; Considérant qu’il ressort des explications fournies à la Commission par la partie adverse que les architectes du projet litigieux ont présenté celui-ci, en en communiquant les plans, lors d’une réunion tenue avec les services de la partie adverse, que cette réunion « n’était qu’une prise de connaissance d’un avant-projet » et qu’elle « n’était pas décisionnelle » ; qu’il n’apparaît pas que cette réunion aurait donné lieu à l’établissement d’un document destiné à en faire le compte-rendu ou d’un document dans lequel la partie adverse aurait fait part aux architectes ou au maître de l’ouvrage de réponses à des demandes de renseignements ou d’observations sur l’avant-projet ; Considérant que, dans une note adressée à la Commission, la partie adverse insiste sur le fait que c’est « de bonne foi » que « le voisin (lui) a soumis (…) un avant-projet » ; qu’elle précise que « celui-ci n’était absolument pas encore figé au moment du rendez-vous » ; qu’elle en conclut que, « dès lors, la « relation de confiance » que peut avoir un demandeur d’avant-projet avec l’Administration peut être altérée d’autant qu’ils n’ont en aucun (cas) été avertis que ces documents pourraient être communiqués à des tiers particuliers » ; qu’elle ajoute que « la transmission de documents préparatoires est susceptible d’engendrer des malentendus et de créer des tensions inutiles » ; qu’elle se demande encore si, « au regard de la loi sur les droits d’auteur et de la loi sur la protection de la vie privée », il n’y a pas « un risque à transmettre ce type de documents sans l’accord de leur propriétaire ou des titulaires des droits d’auteur dès lors que la remise desdits documents, lesquels concernent un projet sur une propriété privée, ne s’inscrit pas dans le cadre d’une procédure légale mais résulte d’un contact informel » ; Considérant que, comme le relève le requérant, la circonstance qu’aucune demande de permis n’a été introduite n’est pas, au regard des dispositions du livre Ier du code de l’environnement relatives à l’accès aux informations environnementales, un motif admissible de refus de communication d’informations se rapportant au projet litigieux ; qu’il en va de même du fait que ce dernier devra, si et lorsqu’une demande de permis sera introduite, faire l’objet d’une enquête publique ; Considérant que, comme le relève également le requérant, lorsqu’elle invoque l’existence de « plans non aboutis », la partie adverse se réfère implicitement à l’article D.18, § 1er, d), du livre Ier du code de l’environnement, qui permet de rejeter une demande d’information concernant des documents en cours d’élaboration ou des documents ou données inachevés ; Considérant que le requérant soutient que cette disposition ne s’applique qu’à des documents élaborés par l’administration elle-même, et non pas à des documents qui - tel l’avant-projet évoqué dans la réponse de la partie adverse à la demande d’information - ont été élaborés par des tiers ; qu’il soutient aussi qu’en permettant de rejeter une demande d’information concernant des documents ou données inachevés, l’article D.18, § 1er, d), du livre Ier du code de l’environnement apporte une restriction au droit d’accès à l’information que ne prévoit pas la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, faite à Aarhus le 25 juin 1998 ; Considérant que la Commission estime ne pas être tenue de trancher ces questions dans la présente affaire ; Considérant, en effet, qu’est de toute façon a priori applicable dans la présente affaire une autre disposition du livre Ier du code de l’environnement permettant de restreindre l’accès aux informations environnementales, en l’occurrence l’article D.19, § 1er, alinéa 1er, g) ; que cette disposition prévoit la possibilité de limiter l’accès à l’information en vue d’éviter qu’il ne soit porté atteinte « aux intérêts ou à la protection de toute personne qui a fourni les informations demandées sur base volontaire sans y être contrainte par le décret ou sans que le décret puisse l’y contraindre, à moins que cette personne n’ait consenti à la divulgation de ces données » ; que ce motif peut être invoqué en l’espèce, dès lors qu’à ce stade aucun texte n’imposait aux architectes du projet litigieux l’obligation de communiquer à la partie adverse les plans qu’ils lui ont soumis, et qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier qu’ils auraient consenti à la divulgation desdits plans ; Considérant, en tout état de cause, que, quel que soit le motif pour lequel l’article D.18 ou l’article D.19 du livre Ier du code de l’environnement permet de restreindre le droit d’accès à l’information, il résulte de ces dispositions, d’une part, que les exceptions ou les limitations apportées au droit d’accès à l’information doivent être interprétées de manière restrictive en tenant compte de l’intérêt que présente pour le public la divulgation de l’information et, d’autre part, que l’autorité doit mettre en balance dans chaque cas particulier l’intérêt public servi par la divulgation avec l’intérêt servi par le refus de divulguer ; Considérant qu’il importe, en l’espèce, de tenir compte du fait que la partie adverse a été en contact avec le requérant et avec son fils à propos du projet litigieux ; que le dossier qu’elle a communiqué à la Commission contient, à cet égard, un échange de plusieurs courriels entre les services de la partie adverse et le requérant ou son fils ; qu’il en ressort que le fils du requérant a fait part à la partie adverse des griefs de sa famille à l’encontre du projet litigieux ; qu’ensuite, deux agents de la partie adverse se sont rendus sur place et ont été reçus, en tout cas, par le fils du requérant ; que les services de la partie adverse et le requérant ou son fils se sont communiqué divers documents ou informations, de caractère historique ou patrimonial, se rapportant aux lieux concernés par le projet litigieux ; qu’il y a spécialement lieu de relever que plusieurs des documents communiqués par le requérant aux services de la partie adverse l’ont été à la suite d’une demande de ceux-ci destinée à « pouvoir constituer un dossier historique et iconographique » ; Considérant qu’il apparaît ainsi que la partie adverse elle-même a estimé opportun et utile d’attacher une attention toute particulière aux préoccupations du requérant et de son fils quant au projet litigieux, et ce sans attendre qu’une demande de permis ne soit introduite pour celui-ci et que ne soit organisée l’enquête publique à laquelle il doit donner lieu ; Considérant que, dans ce contexte, le refus de communiquer au requérant les documents relatifs au projet litigieux que détient la partie adverse - à savoir les plans que lui ont transmis les architectes - aussi longtemps que ce projet ne fait pas l’objet d’une demande de permis ou d’une enquête publique, n’est ni cohérent ni compatible avec le principe de la légitime confiance qui doit présider aux relations entre l’autorité et le public ; Considérant qu’il appartient au requérant de tenir compte du fait que les plans détenus par la partie adverse portent sur un avant-projet et que celui-ci est susceptible d’évoluer ; qu’au bénéfice de cette précision, la Commission n’aperçoit pas en quoi la communication desdits plans au requérant serait susceptible d’engendrer des malentendus ou des tensions ou d’altérer la relation de confiance entre la partie adverse et les architectes ou le maître de l’ouvrage du projet litigieux ou, à tout le moins, en quoi le risque de tels effets négatifs serait en l’espèce à ce point aigu qu’il justifierait que les plans ne soient pas communiqués au requérant ; Considérant dès lors que, tout bien pesé, la balance des intérêts en présence penche en l’espèce du côté de la communication au requérant des plans détenus par la partie adverse ; Considérant qu’il y a lieu de préciser que, lorsqu’il est ainsi considéré que la balance des intérêts en présence penche du côté de la divulgation de l’information, l’application des dispositions du livre Ier du code de l’environnement relatives à l’accès aux informations environnementales peut conduire à imposer la communication d’un document émanant d’un tiers ou relatif à un tiers sans que celui-ci en ait été averti ou y ait consenti ; Considérant qu’une autorité peut se fonder sur l’article D.19, § 1er, alinéa 1er, e), du livre Ier du code de l’environnement en vue de refuser la communication d’une copie de plans, pour autant, du moins, que ceux-ci puissent être qualifiés d’oeuvre originale ; que, de même, l’article 30 de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement n’autorise la communication sous forme de copie d’une information environnementale protégée par le droit d’auteur que moyennant l’accord de l’auteur ou de la personne à qui ses droits ont été transmis ; que, cependant, comme déjà indiqué, l’article D.19 du livre Ier du code de l’environnement précise que, dans chaque cas particulier, l’intérêt servi par la divulgation doit être mis en balance avec l’intérêt spécifique servi par le refus de divulguer ; qu’il en va de même de l’article 30 de la loi du 5 août 2006 ; qu’en l’espèce, à supposer qu’ils présentent un degré d’originalité suffisant pour être protégés par le droit d’auteur, les plans réclamés par le requérant sont appelés à constituer des pièces essentielles en vue de déterminer la teneur et les implications exactes de l’avant-projet en cause ; qu’ils doivent pouvoir être examinés en détail ; que, dans un souci d’efficacité, ceci implique que le requérant puisse recevoir une copie des plans ; PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DECIDE : Article 1er : Le recours est recevable et fondé. Article 2 : La partie adverse communiquera au requérant, dans les huit jours de la notification de la présente décision, une copie des plans qui lui ont été présentés par les architectes de l’avant-projet d’extension de la maison de repos « l’Abbaye » située rue Abbé Dropsy, 27b, à Kain. Ainsi délibéré et prononcé à Namur le 9 mai 2017 par la Commission composée de Monsieur B. JADOT, président, Madame Cl. COLLARD, Messieurs A. LEBRUN, J.-Fr. PÜTZ et Br. QUÉVY, membres effectifs, et Monsieur Fr. FILLEE, membre suppléant. Le Président, Le Secrétaire, B. JADOT Fr. FILLEE