Wallonie - Craie > Recours 800
Commission de recours pour le droit d’accès à l’information en matière d’environnement Séance du 26 septembre 2016 RECOURS N° 800 En cause de : la société X, représentée par Maîtres Y et Z Partie requérante, Contre : le Service public de Wallonie Direction générale opérationnelle de l’aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l’énergie Département de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme Direction juridique, des recours et du contentieux Service des exécutions forcées des décisions judiciaires Rue des Brigades d’Irlande, 1 5100 JAMBES Partie adverse. Vu la requête du 25 août 2016, par laquelle la partie requérante a introduit le recours prévu à l’article D.20.6 du livre Ier du code de l’environnement, contre le refus de la partie adverse de réserver une suite favorable à sa demande d’avoir accès aux vingt derniers dossiers traités par le Service des exécutions forcées des décisions judiciaires ; Vu l’accusé de réception de la requête du 5 septembre 2016 ; Vu la notification de la requête à la partie adverse, en date du 5 septembre 2016 ; Considérant qu’un arrêt de la Cour d’appel de Liège du 26 juin 2012 a ordonné à charge de A., de la S.A. B. et de la S.A. X. la remise en état des lieux, par enlèvement d’installations construites en infraction sur le territoire de la commune de (…) ; Considérant que, le 15 décembre 2015, le fonctionnaire délégué de l’urbanisme a indiqué à la S.A. B. qu’il ressortait d’une visite de contrôle que l’essentiel des travaux avait été réalisé et qu’une éventuelle demande de permis pour un projet concernant le site pouvait être examinée ; que, toutefois, le 5 février 2016, le fonctionnaire délégué de l’urbanisme a informé la S.A. B. que, sur instruction de la Direction générale de l’aménagement du territoire, il y avait lieu de considérer comme nul et non avenu le courrier du 15 décembre 2015 et que le dossier relatif à l’exécution de l’arrêt de la Cour d’appel de Liège du 26 juin 2012 avait été transmis au service en charge des exécutions forcées des décisions judiciaires ; Considérant que, le 23 février 2016, la partie requérante a, par l’intermédiaire de ses conseils, adressé à la partie adverse une lettre dans laquelle elle conteste tout particulièrement l’éventualité d’une exécution forcée de l’arrêt de la Cour d’appel de Liège du 26 juin 2012 ; Considérant que, le 19 juillet 2016, les conseils de la partie requérante, agissant au nom de celle-ci, ont demandé à la partie adverse d’« avoir accès aux 20 derniers dossiers traités par vos services d’exécution forcée, et donc clôturés, sur la base des articles D.10 et suivants du Code de l’environnement », en précisant être disposés à se rendre dans les bureaux de la partie adverse pour consulter lesdits dossiers ; qu’ils décrivent comme suit l’objectif de la demande : « (…) [L]’objectif poursuivi par cette demande est de mieux cerner la position de l’Administration dans le cadre de l’exécution forcée des décisions judiciaires qu’elle obtient et l’attitude qu’elle adopte dans les dossiers qu’elle a à traiter. (…) [L]e but de la demande n’est pas d’obtenir une modification des effets contraignants de l’arrêt de la Cour d’Appel, mais bien de mieux cerner la manière dont la Région wallonne exécute ces décisions. Il ne s’agit pas non plus de contrôler votre Administration, mais bien de connaître sa ligne de conduite et de nous assurer que le dossier de notre cliente est bien traité de manière identique et qu’il ne fait pas l’objet d’un traitement différent » ; Considérant que cette demande constitue la demande d’information en cause dans la présente affaire ; qu’elle a été rejetée par la partie adverse par un courrier du 18 août 2016, celle-ci estimant la demande manifestement abusive au sens de l’article D.18, § 1er, b), du livre Ier du code de l’environnement ; Considérant que, parmi les arguments qu’elle invoque à cette fin, la partie adverse fait notamment valoir ce qui suit dans sa décision de rejet de la demande d’information : « La consultation des vingt dossiers, liste aléatoire, est (…) abusive en ce que l’autorité administrative devrait mettre en œuvre des moyens disproportionnés par rapport à l’intérêt de votre cliente, qui ne pourrait être servi par la divulgation des documents contenus dans ces dossiers qui recèlent des données confidentielles (document à caractère personnel, des pièces issues d’informations ou d’instructions judiciaires,…) (art. D.19 du Code de l’environnement). La charge de travail pour la consultation - à savoir l’extraction préalable des pièces qui n’entrent pas dans le champ d’application du décret et ensuite la remise en ordre des dossiers - représente une charge actualisée de deux jours. En effet, les dossiers sont au siège de la C.R.A.I.E. pour laquelle les pièces furent numérotées. Les vingt derniers dossiers clôturés contiennent des informations qui ne peuvent être raisonnablement qualifiées de données environnementales, dès lors que ces informations sont étrangères : - à l’état de l’environnement ; - aux facteurs environnementaux et mesures administratives qui ont ou sont susceptibles d'avoir des incidences sur les « facteurs » ou « les éléments » de l'environnement. Il s’ensuit qu’en l’espèce, nonobstant l’interprétation large de la Commission, n’entrent pas dans le champ d’application de l’article D.10, notamment, les informations : - relatives aux relations avec les cabinets ministériels, les avocats, les huissiers, la police, les rapports avec le parquet (détermination de la mesure de réparation,…), avec certaines administrations (collège communal, fonctionnaires,…) ; - relatives aux procédures des marchés publics ; - relatives aux situations familiales, patrimoniales ; - concernant les besoins sociaux et économiques des contrevenants (expulsion et relogement, médiation de dettes, initiative de la Région relative au « plan HP »,…) ; - relatives aux récupérations des frais à charge des condamnés ; - … Outre ce qui est prévu à l’article D.19, ces informations doivent être retirées des dossiers » ; Considérant que la partie adverse a communiqué à la Commission les vingt derniers dossiers qu’elle a clôturés ; qu’ils totalisent 2675 pièces, dont le contenu et l’ampleur sont très divers ; Considérant que, comme l’impliquent naturellement les missions d’un service chargé de l’exécution forcée des décisions judiciaires qui ordonnent la remise en état des lieux ou l’exécution d’ouvrages ou de travaux d’aménagement en cas d’infraction urbanistique, ces dossiers comportent un grand nombre de pièces contenant des données ou des informations ayant effectivement l’un ou l’autre des objets qu’indique la partie adverse dans le passage de sa réponse à la demande d’information qui vient d’être cité ; Considérant que, pour toutes les pièces constitutives desdits dossiers - et notamment pour celles qui ont l’un ou l’autre des objets indiqués ci-dessus -, il convient de se demander si les informations qu’elles contiennent sont des informations environnementales soumises au droit d’accès à l’information que consacre et organise le livre Ier du code de l’environnement ; que ceci réclame un examen minutieux, à opérer, non pas de manière générale et abstraite, mais concrètement et pièce par pièce ; Considérant que, lorsqu’il est établi qu’il s’agit d’informations environnementales, l’autorité publique doit ensuite se demander, pour chaque pièce concernée, si l’un ou l’autre des motifs pour lesquels les articles D.18 et D.19 du livre Ier du code de l’environnement et l’article 27 de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement permettent de restreindre le droit d’accès à l’information peut ou doit trouver à s’appliquer et, si oui, procéder dans chaque cas particulier à la balance des intérêts en présence ; que, sur ce point également, un examen minutieux s’impose ; qu’il importe tout particulièrement, dans cet examen, d’avoir égard à la diversité et à l’acuité des intérêts en présence, et notamment de ceux des nombreux tiers concernés par les dossiers auxquels la partie requérante souhaite avoir accès ; Considérant que l’examen auquel il doit ainsi être procédé, d’abord pour vérifier si une pièce contient des informations environnementales, et ensuite, le cas échéant, pour déterminer s’il y a lieu d’y appliquer l’une ou l’autre des restrictions au droit d’accès aux informations environnementales, ne se réduit pas à une simple opération matérielle consistant à extraire des pièces des dossiers, puis, après consultation, à remettre ceux-ci en ordre ; qu’il faut aussi dresser la liste précise des pièces retirées des dossiers et rendre compte de manière concrète et pertinente des motifs pour lesquels elles le sont ; que, même s’il est possible, dans certains cas, d’opérer des regroupements par types de pièces, il n’en reste pas moins que, vu le nombre de pièces en cause et la minutie qui doit présider à l’examen auquel procéder, la charge de travail qu’occasionne celui-ci est d’une très grande ampleur ; Considérant que, compte tenu de ce qui précède, réserver une suite favorable à une demande d’information qui, comme en l’espèce, porte en bloc sur toutes les pièces constitutives des vingt derniers dossiers traités et clôturés par le service de la Région wallonne chargé des exécutions forcées des décisions judiciaires en matière d’urbanisme, impliquerait une charge de travail disproportionnée au regard des intérêts en cause ; qu’il convient en effet d’avoir égard au fait que les missions dont ce service est chargé présentent un caractère d’intérêt général et qu’il importe de veiller à ce que leur exercice ne soit pas entravé ou déraisonnablement perturbé ; que l’information du public doit faire partie des préoccupations de la partie adverse ; que, toutefois, celle-ci ne peut être tenue de consacrer une charge de travail d’une ampleur de celle décrite ci-dessus, en vue de répondre à la demande d’une seule personne, qui, comme en l’espèce, formule cette demande pour examiner si un dossier qui est propre à sa situation ne fait pas l’objet d’un traitement discriminatoire ; que, si légitimes que soient les intérêts particuliers de la partie requérante, ils ne suffisent pas à justifier que soient mises à charge de la partie adverse des obligations d’une telle ampleur ; Considérant que, tout bien pesé, la demande d’information introduite par la partie requérante est dès lors manifestement abusive, et qu’il n’y a pas lieu d’y réserver une suite favorable ; Considérant qu’en ordre subsidiaire, la partie requérante suggère que soit autorisé l’accès à un nombre de dossiers « plus limité (…), mais suffisant pour être représentatif de [l]a ligne de conduite » de la partie adverse » ; que, vu l’ampleur des dossiers traités par la partie adverse et de la charge de travail qu’implique le traitement d’une demande visant à les consulter, même un nombre de dossiers inférieur à vingt mais encore suffisamment représentatif de la ligne de conduite de la partie adverse (dix par exemple) nécessiterait toujours une charge de travail disproportionnée ; que la suggestion faite en ordre subsidiaire par la partie requérante n’est donc pas de nature à conduire à une conclusion différente de celle indiquée ci-dessus, PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DECIDE : Article unique : Le recours est rejeté. Ainsi délibéré et prononcé à Namur le 26 septembre 2016 par la Commission composée de Monsieur B. JADOT, président, Messieurs A. LEBRUN et Fr. MATERNE, membres effectifs, et Monsieur Fr. GADISSEUR, membre suppléant. Le Président, Le Secrétaire, B. JADOT Fr. GADISSEUR