Wallonie - Craie > Recours 782
Commission de recours pour le droit d’accès à l’information en matière d’environnement. Séance du 14 juin 2016 RECOURS N° 782 En cause de : Maîtres X et Y… Requérants, Contre : La Ville de Durbuy, représentée par son collège communal Basse Cour, 13 6940 BARVAUX s/O. Partie adverse. Vu la requête du 28 avril 2016, par laquelle les requérants ont introduit le recours prévu à l’article D.20.6 du Livre Ier du Code de l’environnement, contre le refus de la partie adverse de leur communiquer, si possible en version électronique, une copie des permis d'urbanisme délivrés pour les immeubles sis (…) ; Vu l’accusé de réception de la requête du 28 avril 2016 ; Vu la notification de la requête du 28 avril 2016 ; Vu la décision de la Commission de recours du 17 mai 2016 prorogeant le délai pour statuer; Considérant qu'à la demande des requérants de leur transmettre copie des permis d'urbanisme susvisés, la partie adverse leur a communiqué les informations suivantes : - un relevé des informations urbanistiques et environnementales disponibles sur la plateforme "WebGis" de la DGO4; - plusieurs extraits du plan de secteur; - le permis de lotir applicable à une partie des parcelles concernées; - des informations cadastrales; 2 Considérant que la partie adverse n'a dès lors pas transmis les informations sollicitées par les requérants; qu'en outre, elle leur a demandé une redevance de 100 euros pour la communication des informations envoyées; Considérant que le recours des requérants est à la fois dirigé contre le refus implicite de la partie adverse de leur transmettre copie des permis d'urbanisme susvisés et contre le montant de la redevance réclamée par la partie adverse; que, sur cet objet de leur recours, ils estiment que les documents transmis sont, vu les références de sites internet qu'ils contiennent en bas de page, tous disponibles sous forme électronique en sorte que, comme ils l'avaient demandé, ceux-ci auraient pu être transmis par la voie électronique, ce qui n'aurait entraîné aucun coût exigible puisque seul le coût de revient des copies papier peut être réclamé; qu'ils relèvent aussi que la redevance réclamée par la commune, qui fait référence à un coût horaire dans le règlement communal du 14 novembre 2012, semble destinée à couvrir les frais de personnel nécessités par la communication de ces informations, soit en l'espèce, quatre heures de recherches, ce qui est manifestement excessif, compte tenu de l'accessibilité desdites informations sur des sites internet; Considérant que les documents demandés, à savoir les permis d'urbanisme susvisés, constituent bien une information environnementale au sens de l'article D.6, 11°, du Livre Ier du Code de l'environnement, en sorte que la partie adverse avait l'obligation d'en transmettre une copie, le cas échéant par la voie électronique si c'était possible; Considérant, par ailleurs, que la partie adverse n'est pas en droit de réclamer une redevance pour les documents qu'elle a adressés aux requérants, ceux-ci ne les ayant pas sollicités; Considérant, au demeurant, qu'à supposer que ceux-ci aient constitué l'objet de la demande – quod non -, le montant réclamé doit être justifié; Considérant, à cet égard, qu’en vertu de l’article D.13, alinéa 3, du Livre Ier du Code de l’environnement, "le prix éventuellement réclamé pour la délivrance de l’information ne peut dépasser le coût du support de l’information et de sa communication"; Considérant que cette disposition tend à mettre en oeuvre l’article 6, § 8, de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et ratifiée par la Belgique, suivant lequel "chaque Partie peut autoriser les autorités publiques qui fournissent des informations à percevoir un droit pour ce service mais ce droit ne doit pas dépasser un montant raisonnable"; qu’elle vise aussi à transposer l’article 5, § 2, de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, en vertu duquel "les autorités publiques peuvent subordonner la mise à disposition des informations environnementales au paiement d’une redevance, pourvu que son montant n’excède pas un montant raisonnable"; Considérant qu’il ressort du préambule de la directive 2003/4/CE que l’article 5, § 2, de celle-ci "implique que, en principe, les redevances ne peuvent excéder les coûts réels de production du matériel en question" (considérant 18 du préambule) ; que, de même, l’exposé des motifs du projet devenu le décret du 16 mars 2006 - lequel a inséré dans le Livre Ier du Code de l’environnement la version actuelle de l’article D.13, alinéa 3 - précise que 3 l’intention du législateur régional wallon a été de garantir que le prix éventuellement réclamé par l’autorité publique pour la délivrance de copies ne puisse dépasser "le coût réel de production du matériel en question" (Doc. Parl. wallon, sess. 2005-2006, n° 309/1, page 8) ; Considérant que, dans un arrêt du 6 octobre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a indiqué que "les coûts relatifs à la « mise à disposition » d’informations environnementales, qui sont exigibles sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2003/4, englobent non seulement les frais postaux et de photocopie, mais également les coûts imputables au temps passé par le personnel de l’autorité publique concernée pour répondre à une demande d’informations individuelle, ce qui comprend, notamment, le temps pour chercher les informations en question et pour les mettre dans le format demandé"; que. par contre, selon le même arrêt, "les frais engendrés par la tenue d’une base de données qui est utilisée par l’autorité publique afin de répondre aux demandes d’informations environnementales ne peuvent pas être pris en considération lors du calcul d’une redevance pour la « mise à disposition » d’informations environnementales"; qu’en ce qui concerne l’exigence selon laquelle le montant de la redevance réclamée par l’autorité publique ne peut excéder un montant raisonnable, le même arrêt a souligné qu’il convenait "d’exclure toute interprétation de la notion de « montant raisonnable » susceptible d’avoir un effet dissuasif sur les personnes souhaitant obtenir des informations ou de limiter le droit d’accès à celles-ci" (C-71/14, East Sussex County Council c/Information Commissioner) ; Considérant qu’il incombe à la Commission, au vu et en tenant compte de ce qui précède, de s’assurer que les frais de photocopie de documents réclamés à une personne qui exerce le droit d’accès à l’information ne dépassent pas le coût réel de production du matériel en question et n’excèdent pas un montant raisonnable ; Considérant qu’en l’espèce, la partie adverse a entendu faire application d’un règlement communal du 14 novembre 2012 établissant une redevance sur la délivrance de renseignements administratifs urbanistiques; que, selon le document émanant de la partie adverse et déposé par les requérants, la délivrance de tels documents est soumise à une redevance de 24,80 euros par heure avec un forfait minimum de 50 euros; Considérant que, hormis le renvoi à ce règlement communal, la partie adverse n’a pas fourni à la Commission de recours d’élément tendant à établir concrètement que le montant de 100 € réclamé aux requérants ne dépasse pas le coût du support de l’information demandée et de sa communication ; Considérant que la Commission ne peut donc faire application du règlement communal sur ce point sans méconnaître les dispositions à respecter pour déterminer le montant des frais au paiement desquels les autorités publiques peuvent subordonner la mise à disposition d’informations environnementales, spécialement l’article 5, § 2, de la directive 2003/4/CE ; que les obligations prescrites par cette dernière disposition sont inconditionnelles et suffisamment précises ; que, pour éviter toute critique au regard du droit européen, la Commission se doit de respecter et de faire respecter lesdites obligations, en écartant des dispositions de droit interne qui y sont contraires (voir sur ce point la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, en particulier l’arrêt du 22 juin 1989, Fratelli Costanzo, 103/88, Rec., p. 1839) ; Considérant qu’il appartient à la partie adverse de déterminer le montant raisonnable dû pour couvrir le coût réel de production du matériel qu’implique la délivrance aux 4 requérants d’une copie des documents qu’il a sollicités, si elle estime qu’il y a lieu de le lui réclamer ; Considérant qu’une source d’inspiration sur ce point peut être recherchée, par exemple, mutatis mutandis, dans les dispositions de l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant les montants de la rétribution réclamée à l’occasion de la délivrance d’une copie d’un document administratif en application du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration, lesquels montants ne peuvent être supérieurs au prix coûtant (article 4, § 2, du décret du 30 mars 1995) ; Considérant, en conclusion, que la partie adverse n'est pas fondée à réclamer le coût de la délivrance des documents qu'elle a transmis, ceux-ci n'ayant pas été demandés par les requérants; que, par ailleurs, il lui appartiendra de déterminer le montant raisonnable dû pour couvrir le coût réel de production du matériel qu'implique la transmission d'une copie des permis d'urbanisme sollicités, étant rappelé que les requérants demandent que cette communication se fasse, si possible, par la voie électronique, PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DECIDE : Article 1er : Le recours est recevable et fondé. Article 2 : La partie adverse communiquera, dans les huit jours à dater de la notification de la présente décision, copie des permis d'urbanisme délivrés pour les immeubles sis Petite Enneille à Durbuy et situés sur les parcelles cadastrales Durbuy, 6e division (Grandhan), section E, numéros 323C, 323D, 324F, 324G et 332G. Article 3 : La partie adverse ne peut réclamer le paiement de la redevance de 100 euros qu'elle a exigée pour la transmission de documents non sollicités par les requérants. Article 4 : La partie adverse déterminera le montant raisonnable dû pour couvrir le coût réel de production du matériel qu’implique la délivrance aux requérants d’une copie des documents qu’ils ont sollicités, si elle estime qu’il y a lieu de le lui réclamer. Elle ne subordonnera pas à un paiement préalable l’envoi aux requérants d’une copie de ces documents. 5 Ainsi délibéré et prononcé à Namur le 14 juin 2016 par la Commission de recours composée de Madame S. GUFFENS, Présidente suppléante, Madame C. COLLARD et Messieurs A. LEBRUN, M. PIRLET et J-Fr. PÜTZ, membres effectifs, et Monsieur F. MATERNE, membre suppléant. La Présidente suppléante, Le Secrétaire, S. GUFFENS M. PIRLET