Wallonie - Craie > Recours 774
Commission de recours pour le droit d’accès à l’information en matière d’environnement Séance du 10 mai 2016 RECOURS N° 774 En cause de : Monsieur X… Requérant, Contre : la commune de Dison Rue Albert Ier, 66 4820 DISON Partie adverse. Vu la requête du 17 mars 2016, par laquelle le requérant a introduit le recours prévu à l’article D.20.6 du livre Ier du code de l’environnement, contre le traitement réservé à sa demande d’obtenir une copie des pièces du dossier relatif au permis d’urbanisme délivré à son voisin pour la construction d’un garage avec cave et grenier ; Vu l’accusé de réception de la requête du 6 avril 2016 ; Vu la notification de la requête à la partie adverse, en date du 6 avril 2016 ; Vu la décision de la Commission du 13 avril 2016 prolongeant le délai pour statuer ; Considérant que les informations réclamées par le requérant constituent incontestablement des informations environnementales soumises au droit d’accès à l’information que consacre et organise le livre Ier du code de l’environnement ; Considérant que le requérant conteste les éléments suivants de la réponse apportée par la partie adverse à sa demande d’information : le refus de communiquer une copie des plans afférents au permis litigieux, sans l’accord de l’architecte qui les a réalisés ; le refus de communiquer une copie des avis du service communal de l’urbanisme des 30 novembre 2015 et 6 janvier 2016 ; et l’obligation de payer un montant de 15 €, préalablement à la fourniture des copies demandées ; 1. Quant au refus de communiquer une copie des plans afférents au permis litigieux, sans l’accord de l’architecte qui les a réalisés Considérant que, selon la partie adverse, les plans afférents au permis litigieux « ne peuvent être copiés sans l’accord de l’architecte qui les a réalisés en vertu des droits d’auteur » ; Considérant qu’une autorité peut se fonder sur l’article D.19, § 1er, alinéa 1er, e), du livre Ier du code de l’environnement en vue de refuser la communication d’une copie de plans d’architecte, pour autant, du moins, que ceux-ci puissent être qualifiés d’oeuvre originale ; que, de même, l’article 30 de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement n’autorise la communication sous forme de copie d’une information environnementale protégée par le droit d’auteur que moyennant l’accord de l’auteur ou de la personne à qui ses droits ont été transmis ; que, cependant, tant l’article D.19, § 2, du livre Ier du code de l’environnement que la disposition précitée de la loi du 5 août 2006 précisent que, dans chaque cas particulier, l’intérêt servi par la divulgation doit être mis en balance avec l’intérêt spécifique servi par le refus de divulguer ; qu’en l’espèce, à supposer qu’ils présentent un degré d’originalité suffisant pour être protégés par le droit d’auteur, les plans litigieux sont appelés à constituer des pièces essentielles en vue de déterminer la teneur et les implications exactes du permis auquel ils se rapportent ; que l’examen de cette question requiert la possibilité d’examiner les plans en détail et, par conséquent, de s’en faire délivrer copie ; qu’en conséquence, la balance des intérêts penche en faveur de la communication en copie des documents demandés ; 2. Quant au refus de communiquer une copie des avis du service communal de l’urbanisme des 30 novembre 2015 et 6 janvier 2016 Considérant qu’il ressort du dossier que le service communal de l’urbanisme a, le 30 novembre 2015 et le 6 janvier 2016, donné des avis sur la demande de permis en cause ; que, selon la partie adverse, « ces avis ne sont pas obligatoires dans le cadre de la délivrance d’un permis d’urbanisme et constituent des communications internes émises par le service communal de l’urbanisme à destination du collège communal » ; que la partie adverse estime dès lors qu’il y a lieu de faire application de l’exception au droit d’accès à l’information que prévoit l’article D.18, § 1er, e), du livre Ier du code de l’environnement dans l’hypothèse où une demande concerne des communications internes ; Considérant qu’en l’espèce, la motivation du permis d’urbanisme litigieux fait expressément état des avis du service communal de l’urbanisme, en précisant, pour chacun d’eux, qu’il s’agit d’un avis favorable conditionnel ; qu’il est difficile de qualifier de « communications internes » au sens de l’article D.18, § 1er, e), du livre Ier du code de l’environnement des avis auxquels il est ainsi fait référence dans la motivation d’un permis d’urbanisme, qui est accessible au public ; Considérant, en tout état de cause, qu’à supposer que la disposition qui vient d’être citée trouve à s’appliquer dans le cas présent, l’article D.18, § 2, du livre Ier du code de l’environnement énonce que « les motifs de refus visés au § 1er sont interprétés de manière restrictive en tenant compte de l’intérêt que présente pour le public la divulgation de l’information » et que, « dans chaque cas particulier, l’autorité publique met en balance l’intérêt public servi par la divulgation avec l’intérêt servi par le refus de divulguer » ; que la partie adverse n’invoque aucune considération tendant à justifier concrètement qu’il conviendrait de faire prévaloir, en l’espèce, l’intérêt du refus de communiquer les avis du service communal de l’urbanisme sur l’intérêt que peut présenter leur divulgation pour le public ; qu’en outre, au vu du contenu de ces avis, l’on n’aperçoit pas de motif qui serait de nature à fournir une telle justification ; 3. Quant à l’obligation de payer un montant de 15 €, préalablement à la fourniture des copies demandées Considérant que le requérant formule deux critiques sur ce point : d’une part, il conteste le montant forfaitaire de 15 € qui lui est réclamé, lequel, selon lui, ne correspond pas au coût réel supporté par la partie adverse ; et, d’autre part, il estime que « subordonner l’envoi des copies demandées à un paiement préalable porte atteinte au droit d’accès à l’information environnementale dans la mesure où cette exigence est susceptible de retarder l’octroi des documents sollicités et d’empêcher le demandeur de prendre connaissance des documents à temps afin d’exercer les recours mis à sa disposition par le législateur » ; 3.1. Quant au montant réclamé au requérant Considérant qu’en vertu de l’article D.13, alinéa 3, du livre Ier du code de l’environnement, « le prix éventuellement réclamé pour la délivrance de l’information ne peut dépasser le coût du support de l’information et de sa communication » ; Considérant que cette disposition tend à mettre en oeuvre l’article 6, § 8, de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et ratifiée par la Belgique, suivant lequel « chaque Partie peut autoriser les autorités publiques qui fournissent des informations à percevoir un droit pour ce service mais ce droit ne doit pas dépasser un montant raisonnable » ; qu’elle vise aussi à transposer l’article 5, § 2, de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, en vertu duquel « les autorités publiques peuvent subordonner la mise à disposition des informations environnementales au paiement d’une redevance, pourvu que son montant n’excède pas un montant raisonnable » ; Considérant qu’il ressort du préambule de la directive 2003/4/CE que l’article 5, § 2, de celle-ci « implique que, en principe, les redevances ne peuvent excéder les coûts réels de production du matériel en question » (considérant 18 du préambule) ; que, de même, l’exposé des motifs du projet devenu le décret du 16 mars 2006 - lequel a inséré dans le livre Ier du code de l’environnement la version actuelle de l’article D.13, alinéa 3 - précise que l’intention du législateur régional wallon a été de garantir que le prix éventuellement réclamé par l’autorité publique pour la délivrance de copies ne puisse dépasser « le coût réel de production du matériel en question » (Doc. Parl. wallon, sess. 2005-2006, n° 309/1, page 8) ; Considérant que, dans un arrêt du 6 octobre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a indiqué que « les coûts relatifs à la « mise à disposition » d’informations environnementales, qui sont exigibles sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2003/4, englobent non seulement les frais postaux et de photocopie, mais également les coûts imputables au temps passé par le personnel de l’autorité publique concernée pour répondre à une demande d’informations individuelle, ce qui comprend, notamment, le temps pour chercher les informations en question et pour les mettre dans le format demandé » ; que. par contre, selon le même arrêt, « les frais engendrés par la tenue d’une base de données qui est utilisée par l’autorité publique afin de répondre aux demandes d’informations environnementales ne peuvent pas être pris en considération lors du calcul d’une redevance pour la « mise à disposition » d’informations environnementales » ; qu’en ce qui concerne l’exigence selon laquelle le montant de la redevance réclamée par l’autorité publique ne peut excéder un montant raisonnable, le même arrêt a souligné qu’il convenait « d’exclure toute interprétation de la notion de « montant raisonnable » susceptible d’avoir un effet dissuasif sur les personnes souhaitant obtenir des informations ou de limiter le droit d’accès à celles- ci » (C-71/14, East Sussex County Council c/Information Commissioner) ; Considérant qu’il incombe à la Commission, au vu et en tenant compte de ce qui précède, de s’assurer que les frais de photocopie de documents réclamés à une personne qui exerce le droit d’accès à l’information ne dépassent pas le coût réel de production du matériel en question et n’excèdent pas un montant raisonnable ; Considérant qu’en l’espèce, la partie adverse a entendu faire application de l’article 3, d), d’un règlement communal établissant une redevance sur la délivrance de documents et la fourniture de renseignements en matière d’urbanisme ; que cette disposition fixe les tarifs applicables en cas de demande de renseignements urbanistiques ; qu’après avoir fixé le tarif applicable à des catégories de demandes dans lesquelles la présente demande d’information n’entre pas, elle prévoit un montant de 15 € pour les « autres demandes (copie de permis, etc...) » ; que c’est ce dernier point du règlement que la partie adverse a entendu appliquer en l’espèce ; Considérant que, comme le relève le requérant, le montant de 15 € qui lui est ainsi réclamé présente un caractère forfaitaire ; Considérant que, hormis le renvoi à la disposition précitée du règlement communal, la partie adverse n’a, en dépit de l’invitation que lui a faite la Commission, pas fourni d’élément tendant à établir concrètement que le montant de 15 € réclamé au requérant ne dépasse pas le coût du support de l’information demandée et de sa communication ; que le règlement communal ne contient pas non plus d’élément en ce sens ; qu’il déclare certes que « les redevances dont il s’agit ne peuvent dépasser les frais réellement occasionnés à la commune » et que « le montant de la redevance (...) correspond à la contrepartie du service rendu », mais que ces affirmations paraissent difficilement pouvoir justifier l’application d’un tarif purement forfaitaire et, en tout état de cause, ne sont en rien étayées pour justifier le montant de 15 € réclamé au requérant ; Considérant que la Commission ne peut donc faire application du règlement communal sur ce point sans méconnaître les dispositions à respecter pour déterminer le montant des frais au paiement desquels les autorités publiques peuvent subordonner la mise à disposition d’informations environnementales, spécialement l’article 5, § 2, de la directive 2003/4/CE ; que les obligations prescrites par cette dernière disposition sont inconditionnelles et suffisamment précises ; que, pour éviter toute critique au regard du droit européen, la Commission se doit de respecter et de faire respecter lesdites obligations, en écartant des dispositions de droit interne qui y sont contraires (voir sur ce point la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, en particulier l’arrêt du 22 juin 1989, Fratelli Costanzo, 103/88, Rec., p. 1839) ; Considérant qu’il appartient à la partie adverse de déterminer le montant raisonnable dû pour couvrir le coût réel de production du matériel qu’implique la délivrance au requérant d’une copie des documents qu’il a sollicités, si elle estime qu’il y a lieu de le lui réclamer ; Considérant qu’une source d’inspiration sur ce point peut être recherchée, par exemple, mutatis mutandis, dans les dispositions de l’arrêté du gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant les montants de la rétribution réclamée à l’occasion de la délivrance d’une copie d’un document administratif en application du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration, lesquels montants ne peuvent être supérieurs au prix coûtant (article 4, § 2, du décret du 30 mars 1995) ; 3.2. Quant à l’obligation impartie au requérant de payer les frais de photocopie avant d’obtenir communication des documents demandés Considérant que, ni la directive 2003/4/CE, ni le livre Ier du code de l’environnement ne se prononcent expressément sur la question de savoir s’il est admissible de subordonner à un paiement préalable l’envoi d’une copie des documents demandés ; Considérant toutefois que ces textes doivent être interprétés et appliqués en ayant égard à la Convention d’Aarhus ; qu’en son article 4, § 8, celle-ci dispose que « les autorités publiques qui ont l’intention de faire payer les informations qu’elles fournissent font connaître aux auteurs des demandes d’informations le barème des droits à acquitter, en indiquant les cas (...) dans lesquels la communication des informations est subordonnée à leur paiement préalable » ; qu’il résulte de la disposition citée qu’il incombe à l’autorité publique qui a l’intention de faire payer les informations qu’elle fournit d’établir le « barème des droits à acquitter », et que c’est à cette occasion qu’il revient à ladite autorité de déterminer les cas dans lesquels la communication des informations est subordonnée à leur paiement préalable ; que l’exigence d’un paiement préalable ne peut donc être fixée cas par cas, au moment où l’autorité publique est saisie d’une demande particulière de communication d’une copie de documents ; qu’en l’espèce, outre ce qui a été dit au point 3.1. ci-dessus, le règlement communal dont se prévaut la partie adverse n’a pas prescrit le paiement préalable de la redevance qu’il prévoit ; que la partie adverse ne peut donc imposer un tel paiement préalable au requérant ; PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DECIDE : Article 1er : Le recours est recevable et fondé. Article 2 : La partie adverse communiquera au requérant, dans les huit jours de la notification de la présente décision, une copie des plans afférents au permis d’urbanisme délivré au voisin du requérant pour la construction d’un garage avec cave et grenier, ainsi que des avis du service communal de l’urbanisme des 30 novembre 2015 et 6 janvier 2016 donnés sur la demande de permis en cause. Article 3 : La partie adverse déterminera le montant raisonnable dû pour couvrir le coût réel de production du matériel qu’implique la délivrance au requérant d’une copie des documents qu’il a sollicités, si elle estime qu’il y a lieu de le lui réclamer. Elle ne subordonnera pas à un paiement préalable l’envoi au requérant d’une copie de ces documents. Ainsi délibéré et prononcé à Namur le 10 mai 2016 par la Commission composée de Monsieur B. JADOT, président, Madame Cl. COLLARD, Messieurs A. LEBRUN et J.-Fr. PÜTZ, membres effectifs, et Messieurs Fr. FILLEE et Fr. MATERNE, membres suppléants. Le Président, Le Secrétaire, B. JADOT Fr. FILLEE