Wallonie - Craie > Recours 573
Commission de recours pour le droit d'accès à l'information en matière d'environnement Séance du 7 janvier 2013 R E C O U R S N° 573 En cause de : Requérante, Contre : la Direction générale opérationnelle de l'Agriculture, des Ressources naturelles et de l'Environnement du Service public de Wallonie Département de la police et des contrôles Direction de Charleroi Rue de l'Ecluse, 22 6000 CHARLEROI Partie adverse. Vu la requête du 25 octobre 2012, par laquelle la requérante a introduit le recours prévu à l'article D.20.6 du livre 1er du code de l'environnement, contre l'absence de suite réservée à sa demande d'obtenir une copie des résultats des analyses, au cours des cinq dernières aimées, des échantillons d'eaux souterraines prélevés via le réseau de piézomètres installé sur le pourtour du terminal de produits pétroliers situé dans le zoning industriel de Feluy, dont la réalisation a été imposée au titre d'une condition du permis d'exploiter délivré par la députation permanente du Hainaut, le 13 juin 2001, à la S.A. T O T A L F I N A E L F Vu l'accusé de réception de la requête du 7 novembre 2012 ; Vu la notification de la requête à la partie adverse, en date du 7 novembre 2012 ; Vu la décision de la Commission du 19 novembre 2012 prolongeant le délai pour statuer ; Vu les notes d'observations déposées par les parties ainsi que par la S.A. Total Belgium ; Entendu en leurs explications, lors de la réunion de la Commission de ce jour, Madame K. De Clercq, représentant la partie adverse, et Monsieur J.-Y. Dumont, représentant la S.A. Total Belgium ; Considérant que la partie adverse a transmis à la Commission divers documents qui comprennent les informations sollicitées par la requérante pour les années 2008 à 2012 ; que lesdits documents ont été communiqués à la partie adverse par la S.A. Total Belgium, avec l'indication que « ces documents sont la propriété du Groupe Total » et qu'« ils ne peuvent être divulgués à des tiers ni reproduits sans son autorisation » ; Considérant que les informations en cause constituent incontestablement des informations environnementales soumises au droit d'accès à l'information que consacre et organise le livre 1er du code de l'environnement ; Considérant, quant à la procédure suivie devant la Commission, que celle-ci a fait usage du pouvoir que lui reconnaît l'article D.20.9, alinéa 2, du livre 1er du code de l'environnement, de convoquer et d'entendre les parties ainsi que toute personne concernée par la demande d'information ; que, comme la demande d'information introduite par la partie requérante porte sur des documents qui concernent les activités de la S.A. Total Belgium, que c'est celle-ci qui les a communiqués à la partie adverse, et qu'elle l'a fait avec l'indication mentionnée plus haut, la Commission a estimé que ladite société était concernée par la demande d'information et qu'il convenait de lui donner la faculté de faire valoir ses observations ; qu'il est à cet égard indifférent que la S.A. Total Belgium ne soit pas une « autorité publique » soumise aux dispositions du livre 1er du code de l'environnement relatives à l'accès à l'information environnementale et que le permis d'exploiter du 13 juin 2001 lui fasse obligation de tenir les informations litigieuses à la disposition de la partie adverse ; qu'il y a donc lieu de prendre en considération, non seulement les arguments et observations exposés par la partie requérante et la partie adverse, mais aussi ceux développés par la S.A. Total Belgium ; Considérant que l'article D.10 du livre 1er du code de l'environnement reconnaît en principe à toute personne le droit d'accès à une information environnementale détenue par une autorité publique ; que diverses dispositions, contenues, en particulier, aux articles D.18 à D.20 du livre 1er du code de l'environnement et aux articles 27 à 32 de la loi du 5 août 2006 relative à l'accès du public à l'information en matière d'environnement, déterminent de manière précise dans quels cas et à quelles conditions des exceptions ou des limites peuvent être apportées à ce droit ; Considérant qu'en tant que telle, la seule circonstance que la S.A. Total Belgium a communiqué les informations litigieuses à la partie adverse en indiquant que « ces documents sont la propriété du Groupe Total » et qu'« ils ne peuvent être divulgués à des tiers ni reproduits sans son autorisation », ne correspond à aucun des motifs pour lesquels les dispositions précitées du livre 1er du code de l'environnement et de la loi du 5 août 2006 permettent de restreindre le droit d'accès du public à l'information en matière d'environnement ; qu'il en va en tout cas ainsi dès lors que la S.A. Total Belgium a, en vertu du permis d'exploiter du 13 juin 2001, l'obligation de mettre lesdites informations à la disposition de la partie adverse ; Considérant que la partie adverse suggère de rejeter la demande d'information en se fondant sur l'article D.19, § 1 , alinéa 1 , c), du livre 1er du code de l'environnement, qui er er permet de limiter le droit d'accès à l'information lorsque son exercice est susceptible de porter atteinte à la bonne marche de la justice ; qu'elle explique à cet égard que la lecture des informations fournies par la S.A. Total Belgium fait apparaître l'existence d'une pollution historique, et qu'elle a informé le Procureur du Roi de Charleroi du fait que ladite société a, à son estime, enfreint l'article 5 du décret du 5 décembre 2008 relatif à la gestion des sols en n'avisant pas de cette situation le fonctionnaire chargé de la surveillance ; qu'elle en déduit que « la divulgation des informations pourrait avoir des impacts négatifs sur le processus judiciaire, notamment en n'ayant plus aucun contrôle sur la diffusion de l'information » ; que cette thèse ne peut être retenue ; qu'en effet, l'on n'aperçoit pas en quoi la communication des informations litigieuses à la requérante pourrait avoir une quelconque incidence sur une enquête ou des poursuites relatives à une infraction - à supposer celle-ci établie, question sur laquelle il n'appartient pas à la Commission de se prononcer - consistant, dans le chef de la S.A. Total Belgium, à avoir été en défaut d'aviser le fonctionnaire chargé de la surveillance de la survenance d'une situation visée par l'article 5 du décret du 5 décembre 2008 ; Considérant que, dans la note qu'elle a fait parvenir à la Commission, la S.A. Total Belgium estime qu'il y a lieu, en l'espèce, d'appliquer l'article D.18, § 1 , d), du livre 1er du er code de l'environnement, qui permet de rejeter une demande d'information lorsque celle-ci concerne des documents en cours d'élaboration ou des documents ou données inachevés ; qu'elle explique à ce sujet que les résultats des analyses que contiennent les documents litigieux sont des résultats bruts, « obtenus dans le cadre d'une procédure en cours, qui doit faire l'objet d'une évaluation périodique » ; que cette thèse ne peut pas non plus être retenue ; qu'en effet, si les analyses en question font partie d'un processus continu, réalisé chaque année et impliquant une appréciation constante de l'évolution des situations analysées, chacun desdits documents se présente, pour l'année à laquelle il se rapporte, comme étant un document finalisé ; qu'au demeurant, la mention « rapport final » ou « version finale » figure sur ces documents ; Considérant que, dans la note qu'elle a fait parvenir à la Commission, la S.A. Total Belgium expose encore ce qui suit : « Le dépôt de Feluy est exploité depuis le début des années 1990 par Total Belgium (ex Fina). Auparavant, sur l'emprise du dépôt, étaient présentes les installations de stockage et de distribution de l'ancienne raffinerie « Chevron » exploitée par ce dernier de 1970 à 1980. Ces activités ont impacté les sols de manière certaine. Nous sommes donc confrontés à des pollutions historiques que nous examinons de manière systématique et régulière depuis maintenant de nombreuses années. Toutes ces informations sont bien entendu à la disposition des autorités compétentes en la matière mais nous ne souhaitons pas que ces résultats soient diffusés de manière brute à de tierces personnes qui n'ont peut-être pas les connaissances requises pour pouvoir les interpréter, qui plus est, sans la possibilité pour Total Belgium de pouvoir détailler les mesures que nous mettons en place afin de maîtriser le risque de dispersion des polluants. Nous craignons que ces résultats puissent être exploités pour nuire à notre image alors que tout est mis en oeuvre pour gérer de manière adéquate ce risque de dispersion de pollutions, dont nos activités ne sont pourtant pas directement à l'origine. (...) Nous proposons par contre de faire une présentation des résultats des analyses des eaux souterraines du dépôt de Feluy, ainsi que des nombreuses actions qui en ont découlé et ce lors d'une prochaine réunion de la Commission Sécurité-Environnement du Parc industriel de Feluy, commission à laquelle participent activement autant Total Belgium que Madame Durieux » ; Considérant que, ni le livre 1er du code de l'environnement, ni la loi du 5 août 2006 ne permettent à la Commission de restreindre ou de modaliser le droit d'accès du public à l'information en matière d'environnement sur la base de l'une ou l'autre des considérations qui viennent d'être indiquées ; Considérant qu'il importe spécialement d'observer que la Commission ne peut préjuger, ni de l'interprétation que la requérante pourrait donner aux informations en cause, ni de l'utilisation qu'elle pourrait en faire ; que, par contre, la Commission ne peut qu'inviter la requérante à faire preuve de prudence en la matière et, bien entendu, à respecter strictement la légalité ; Considérant enfin que, comme le relève la partie adverse, les documents qu'a communiqués la S.A. Total Belgium ont un objet plus large que les seules informations réclamées par la requérante ; que, toutefois, la partie adverse indique qu'il est difficile d'extraire lesdites informations de leur contexte, que se limiter à communiquer les seules informations réclamées par la requérante « ne représenterait pas de manière équitable la globalité de la situation », et que « cela tronquerait ainsi la réalité environnementale de l'étude globale » ; que, si elle analyse de la sorte les documents que lui a communiqués la S.A. Total Belgium, la partie adverse n'a d'autre choix, pour garantir le droit à l'information de la requérante, que de transmettre à celle-ci lesdits documents dans leur totalité ; PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DECIDE : Article 1er : Le recours est recevable et fondé. Article 2 : La partie adverse communiquera à la partie requérante, dans les huit jours de la notification de la présente décision, une copie des résultats des analyses, portant sur les années 2008 à 2012, des échantillons d'eaux souterraines prélevés via le réseau de piézomètres installé sur le pourtour du terminal de produits pétroliers situé dans le zoning industriel de Feluy, dont la réalisation a été imposée au titre d'une condition du permis d'exploiter délivré par la deputation permanente du Hainaut, le 13 juin 2001, à la S.A. TOTALFÎNAELF B E L G I U M . Ainsi délibéré et prononcé à Namur le 7 janvier 2013 par la Commission composée de Monsieur B. JADOT, Président, Madame Cl. C O L L A R D , Messieurs A. L E B R U N , M. PIRLET et J.-Fr. PÛTZ, membres effectifs, et Monsieur Fr. M A T E R N E , membre suppléant. Le Président, v Le Secrétaire, M. PIRLET .y