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Décision CFR 8

Sur le refus de donner accès aux relations entre certaines données des produits exportés

Date: 16/12/2019

Transposition

Commission fédérale de recours pour
    l’accès aux informations
       environnementales



                  16 décembre 2019




              DÉCISION n° 2019-8

   Sur le refus de donner accès aux relations entre
       certaines données des produits exportés

                    (CFR/2019/6)

GABERELL/SPF SANTE PUBLIQUE, SECURITE DE LA CHAÎNE
         ALIMENTAIRE ET ENVIRONNEMENT
                                                                         2

   1. Un récapitulatif

1.1. Par courriel du 14 octobre 2019, monsieur X demande au SPF Santé
publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement des
notifications d’exportations de pesticides depuis la Belgique pour 2018 et
2019. Comme il y a de nombreuses substances il demande seulement
celles qui l’intéressent en priorité :
- Amitraz
- Carbendazim
- Chloropicrin
- Dicholorvos
- Ferbam
- Fipronil
- Flufenoxuron
- Iprodione
- Methyl bromide
- Permithrin
- Propargite
- Triclosan
- 1,3-dichloropropene (CIS)
Il indique qu’il veut obtenir les informations suivantes : entreprise
exportatrice, volumes, concentration et utilisation prévue.

1.2. Par courriel du 14 octobre 2019 il demande au SPF Santé publique,
sécurité de la chaîne alimentaire et environnement de retirer le triclosan
de la liste, parce qu’« il semble qu’il ne soit utilisé qu’en tant que
biocide ».

1.3. Par courriel du 14 novembre 2019, le SPF Santé publique, Sécurité
de la Chaîne alimentaire et environnement donne en annexe un fichier
Excel reprenant les informations demandées concernant les notifications
d’exportation enregistrées par la Belgique en vertu de l’article 8 du
règlement 850/2004 pour les substances suivantes : Ambitraz,
Carbendazim, Chloropicrin, Dichlorvos, Ferbam, Fipronil, Flufenoxuron,
Iprodione, Methyl bromide, Permethrin, Propargite et 1,3-
dichloropropene (CIS). Les données transmises sont relatives à l’année
calendrier 2018 et 2019 (jusqu’au 14 octobre). Le SPF Santé publique,
Sécurité de la Chaîne alimentaire et environnement attire l’attention du
demandeur sur le fait qu’une notification d’exportation a pour but
d’informer la partie importatrice que l’envoi d’un produit chimique
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interdit ou strictement réglementé sur le territoire de la partie
exportatrice est susceptible d’avoir lui. Il attire également l’attention sur
le fait que les quantités renseignées dans le tableau correspondent à des
estimations et ne reflètent pas les quantités réellement exportées si
exportation il y a eu. Le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne
alimentaire et environnement signale enfin que la plupart des substances
susmentionnées (à l’exception du carbendazim, ferbam et permethrin)
sont listées dans la partie 2 de l’annexe 1 du règlement et de ce fait, leur
exportation ne peut avoir lieu sans l’obtention d’un consentement
explicite délivré par l’autorité compétente du pays de destination.

1.4. Par courriel du 14 novembre 2019 le demandeur demande de
recevoir le même fichier mais avec le nom de l’entreprise pour chaque
exportation, parce que le nom de l’entreprise a été introduit sur une
feuille séparée.

1.5. Par courriel du 18 novembre 2019 le SPF Santé publique, Sécurité de
la Chaîne alimentaire et environnement explique qu’il a sciemment fait
le choix de ne pas fournier les informations précises permettant d’établir
les liens entre les substances exportées et les entreprises belges
impliquées dans ces activités commerciales.

     « L’article 27, § 1er, 7° de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du
     public à l’information en matière d’environnement dispose que
     « Pour chaque information environnementale faisant l’objet d’une
     demande de publicité, l’instance environnementale qui reçoit la
     demande vérifie si des exceptions sont d’applications. Elle rejette la
     demande si l’intérêt du public servi par la publicité ne l’emporte pas
     sur la protection d’un des intérêts suivants : (…) 7° le caractère
     confidentiel des informations commerciales et industrielles, lorsque
     ces informations sont protégées afin de préserver un intérêt
     économique légitime, à moins que la personne d’où proviennent les
     informations n’ait consenti à la publicité. » Dans le cas qui nous
     occupe, nous avons conclu que fournir des éléments permettant de
     déterminer avec certitude quelle entreprise exportaient quelle
     substance pourrait créer un risque potentiel que cette divulgation
     porte un grave préjudice à la position concurrentielle des
     entreprises nationales par rapport aux entreprises nationales et
     étrangères. C’est autant plus le cas pour un petit marché comme la
     Belgique, particulièrement sensible à l’importation et à
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      l’exportation ; en publiant de telles données, nous pouvons donc
      porter atteinte à la protection des intérêts commerciaux légitimes.
      Partant et par application de l’article 28 de la loi suscitée prévoyant
      que « En ce qui concerne les informations environnementales
      devant être ou pouvant être publiées conformément à l’article 14,
      l’instance environnementale vérifie si des exceptions visées à
      l’article 27, § 1er, sont d’application. Elle ne publie pas l’information
      environnementale si l’intérêt du public ne l’emporte pas sur la
      protection d’un des intérêts visés par les exceptions », nous pouvons
      considérer que l’intérêts du public servi par la publicité ne
      l’emporte pas sur la protection de l’intérêt de garder la
      confidentialité, parce que la diffusion d’informations précisant les
      liens entre les substances exportées et les entreprises belges pourrait
      mettre en péril la position concurrentielle des entreprises
      concernées.

1.6. Par courriel du 25 novembre 2019 le demandeur indique au SPF
Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et environnement
qu’il désirerait « faire recours contre la décision car l’information sur les
entreprises exportatrices tombe (…) sous le coup de l’article 4.d. de la
Convention Aarhus ». Le demandeur ajoute ce qui suit :
« De notre point de vue le nom des entreprises exportatrices pour
chaque substance est clairement pertinente pour la protection de
l’environnement car elle nous permettra de savoir avec précision si
l’utilisation prévue du pesticide est dans un contexte agricole, santé
publique ou biocide par exemple. Ce que votre fichier ne me permet pas
de savoir en l’état. Prenez par exemple la substance perméthrine, il est
uniquement indiqué « insecticide » mais le fichier ne dit rien sur le
contexte de son utilisation dans le pays importateur, ce qui est
extrêmement pertinent pour la protection de l’environnement. Prenez
le fipronil : il s’agit d’un pesticide extrêmement toxique pour les
abeilles, et a été interdit pour cette raison dans l’UE, mais votre fichier
ne me permet pas de savoir si il sera utilisé dans l’agriculture. Nous
pensons que le public en Europe et dans les pays utilisateurs ont le droit
de savoir comment seront utilisées ces substances. Avec le nom de
l’entreprise exportatrice nous serons en mesure de le savoir.
D’autre part, tous ces pesticides ont été interdits dans l’UE pour des
raisons de protection de la santé ou de l’environnement. Il est donc
extrêmement pertinent du point de vue de la protection de
l’environnement de savoir qui continue à exporter ces substances dans
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des pays où ces substances ne seront pas moins dangereuses – c’est bien
souvent le l’inverse qui est vrai, en particulier dans le cas d’exportation
vers des pays en développement. De par leurs campagnes de
sensibilisation, les ONGS comme la nôtre contribue à la protection de
l’environnement en poussant les entreprises à renoncer à leurs
pesticides les plus dangereux et à les remplacer par des alternatives plus
sûres. Je vous fais également remarquer que l’ECHA a une approche
différente et fournit les notifications d’exportation avec le nom des
entreprises. Il est donc étonnant qu’il y ait deux jurisprudences
différentes dans l’UE à ce sujet.
Enfin concernant le secret des affaires, je pense que c’est aux entreprises
concernées de démontrer en quoi il serait affecté. De plus la Convention
Aahrus stipule qui doit être interprété de manière « restrictive ». Dans le
cas présent je ne vois pas en quoi la divulgation du nom de l’exportateur
nuirait au secret des affaires. Ces informations sur les exportations et
ventes de pesticides sont déjà connues de la concurrence. Il existe un
nombre innombrable d’entreprises spécialisées dans l’étude des marchés
qui vendent ces données à prix d’or. Un prix prohibitif pour des ONGs
comme la nôtre mais que la plupart des entreprises du secteur acceptent
de payer sans sourciller. Du côté de l’ECHA la seule information que
l’on refuse de divulguer est le nom de l’entreprise importatrice,
justement pour protéger le secret des affaires, et cela je peux le
comprendre. Car avec cette information on pourrait potentiellement
aller démarcher les clients du concurrent. Mais dans le cas présent
vraiment je ne vois pas.»

1.7. Par courriel du 27 novembre 2019 le SPF Santé publique, Sécurité
de la Chaîne alimentaire et Environnement rappelle le demandeur qu’il
peut introduire un recours contre la décision.

1.8. Par courriel du 28 novembre 2019 le demandeur introduit un
recours auprès de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux
informations environnementales, ci-après la Commission.

1.9. Par courriel du 28 novembre 2019 le secrétaire de la Commission
demande au SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et
Environnement de lui transmettre les documents concernés et lui
donne la possibilité de justifier son point de vue avant le 15 décembre
2019.
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1.10. Par courriel du 28 novembre 2019 le secrétaire de la Commission
invite le demandeur de délivrer à la Commission une copie de la
demande initiale.

1.11. Par courriel du 28 novembre 2019 la Commission reçoit une copie
de la demande initiale.

1.12. Par courriel du 2 décembre 2019 le SPF Santé publique, Sécurité
de la Chaîne alimentaire et Environnement confirme la bonne
réception de la notification par la Commission.

1.13. Par courriel du 11 décembre 2019 le SPF Santé publique, Sécurité
de la Chaîne alimentaire et Environnement envoie la Commission toute
correspondance avec le demandeur et les documents donné au
demandeur et le document originel.

1.14. Par téléphone, le secrétaire de la Commission reçoit le 12
décembre le code pour ouvrir les documents.

   2. La recevabilité du recours

La Commission de recours estime que le recours est recevable.
L’article 35 de la loi du 5 août 2006 dispose que le demandeur peut
former un recours auprès de la Commission fédérale de recours pour
l’accès aux informations environnementales contre une décision d'une
instance environnementale visée à l'article 4, § 1er, si le délai imparti
pour prendre la décision est venu à expiration ou, en cas de refus
d'exécution ou d'exécution incorrecte d’une décision, ou en raison de
toute autre difficulté qu’il rencontre dans l'exercice des droits que
confère cette loi. Le recours doit être introduit dans un délai de soixante
jours. Le recours a été introduit le 28 novembre 2019 contre une décision
du SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et
Environnement prise le 18 novembre 2019. Par conséquent, le recours a
été introduit dans le délai fixé par la loi et est donc recevable en relation
avec son objet.

   3. Le bien-fondé du recours

La Commission doit préalablement déterminer si les informations
demandées tombent sous le champ d’application de la loi du 5 août 2006.
                                                                            7

La loi du 5 août 2006 est d’application aux instances environnementales
visées à l’article 3, 1°, a) et b), dont l’organisation et le fonctionnement
sont réglés par l’autorité fédérale, ainsi qu’aux instances
environnementales visées à l’article 3, 1°, c) qui sont sous leur contrôle
(art. 4 §1er de la loi du 5 août 2006) et qui disposent d’informations
environnementales (article 18, §1er de la loi).

   3.1 Le champ d’application personnel

La loi du 5 août 2006 définit la notion d’instance environnementale
comme “a) une personne morale ou un organe créé par ou en vertu de la
Constitution, d’une loi, d’un décret ou d’une règle visée à l’article 134 de
la Constitution ;
b) toute personne physique ou morale qui exerce des fonctions
administratives publiques, y compris des tâches, activités ou services
spécifiques en rapport avec l’environnement ;
c) toute personne physique ou morale ayant des responsabilités ou des
fonctions publiques, ou fournissant des services publics, en rapport avec
l’environnement, sous le contrôle d’un organe ou d’une personne visé(e)
au point a) ou b).
Les organes et institutions avec une compétence judiciaire ne tombent
pas sous cette définition à moins qu’ils agissent avec une autre fonction
que judiciaire. Les assemblées législatives et les institutions y attachées ne
relèvent pas de cette définition, sauf si elles agissent en qualité
administrative.”

Le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et
Environnement est une partie de la personne morale État fédérale et
appartient à la catégorie mentionnée à l’article 3, 1°, a) de la loi du 5 août
2006 (voir Doc. Parl. Chambre, 2005-2006, 51-2511/001, 12-13). Le
recours est par conséquent dirigé contre une instance environnementale
au sens de cette loi.

   3.2 Le champs d’application matériel

3.2.1. La loi du 5 août 200 accorde un droit d’accès aux informations
environnementales.

L’information environnementale est définie dans l’article 3,4° de la loi du
5 août 2006 comme “toute information, peu importe le support et la
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forme matérielle, dont dispose une instance environnementale
concernant :
        a) l’état des éléments de l’environnement, tels que l’atmosphère,
        l’air, le sol, les terres, l’eau, le paysage, les sites naturels, y
        compris les biotopes humides, les zones côtières et maritimes, la
        diversité biologique et ses composantes, y compris les
        organismes génétiquement modifiés, et l’interaction entre ces
        éléments ;
        b) l’état de santé de l’homme et sa sécurité y compris la
        contamination de la chaîne alimentaire, les conditions de vie
        des personnes, pour autant qu’ils soient ou puissent être altérés
        par l’un des éléments de l’environnement visés au point a) ou,
        par l’intermédiaire de ces éléments, par l’un des facteurs tels que
        visés au point d) ou par les mesures et activités telles que visées
        au point e) ;
        c) l’état de sites culturels de valeur et de constructions, pour
        autant qu’ils soient ou puissent être altérés par les éléments de
        l’environnement tels que visés au point a) ou, par
        l’intermédiaire de ces éléments, par l’un des facteurs tels que
        visés au point d) ou par les mesures et activités telles que visées
        au point e) ;
        d) des facteurs, tels que les substances, l’énergie, le bruit, les
        rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs,
        les émissions, les déversements et autres rejets dans
        l’environnement qui ont ou sont susceptibles d’avoir des
        incidences sur les éléments de l’environnement tels que visés au
        point a) ou l’état de santé de l’homme et sa sécurité tels que
        visés au point b) ;
        e) les mesures et activités ayant ou étant susceptibles d’avoir des
        incidences sur les éléments tels que visés aux points a), b), c) ou
        d;
        f) les mesures et activités ayant pour objectif de garder en état,
        protéger, restaurer, développer l’état des éléments de
        l’environnement tels que visés au point a) ou l’état de santé de
        l’homme et sa sécurité tels que visés au point b), ou les sites
        culturels de valeur et de constructions tels que visés au point c),
        et de leur éviter toute pression, la limiter ou la compenser ;
        g) les analyses coûts-avantages et autres analyses et hypothèses
        économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités
        visées aux points e) et f);
                                                                             9

         h) les rapports         sur    l’application   de    la    législation
         environnementale”

3.2.2. Selon l’article 18 de la loi du 5 août 2006, il est requis que les
informations demandées existent et qu’elles se trouvent sur un support.
Pour qu’une information tombe sous le champ d’application de la loi, il
faut que l’instance environnementale soit effectivement en possession de
cette information. Ceci n’est pas le cas lorsqu’il apparait qu’une instance
environnementale doive manipuler les bases de données dont elle dispose
pour obtenir les informations demandées. Il s’agit en ce cas d’un
processus de création de nouvelles informations. Les informations
demandées par le demandeur se trouvent dans un fichier Excel. Les
documents fournis diffèrent du document original dans ce sens que le
SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement
a scindé les noms des entreprises exportatrices et les autres informations
en les enregistrant dans deux documents différents.

3.3. L’invocabilité des exceptions

La Commission estime que les motifs d’exception auxquels la demande
d’accès doit être confrontée sont mentionnés à l’article 27, §1er de la loi
du 5 août 2006. L’avis de la Commission est tel étant donné qu’il n’y a pas
lieu d’appliquer l’article 27, § 2 de la loi du 5 août 2006 qui porte sur les
émissions. Les informations demandées ont en effet été rendues
publiques dans deux documents. Seule la relation entre l’exportateur et
les substances et quantités concernées n’est pas visible. Cette relation
n’est pas en soi une émission, de sorte que l’article 27, § 2 précité n’est
pas applicable. Il en va de même pour l’article 28 de cette loi parce que
cette    disposition porte uniquement sur des informations
environnementales qui ont fait l’objet d’une publicité active.

La Commission constate que le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne
alimentaire et Environnement invoque seulement un motif d’exception
pour refuser le lien entre certains éléments des informations demandées,
à savoir l’article 27, § 1er, 7° de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du
public à l’information en matière d’environnement. Cet article dispose
que « [p]our chaque information environnementale faisant l’objet d’une
demande de publicité, l’instance environnementale qui reçoit la demande
vérifie si des exceptions sont d’applications. Elle rejette la demande si
l’intérêt du public servi par la publicité ne l’emporte pas sur la protection
                                                                            10

d’un des intérêts suivants : (…) 7° le caractère confidentiel des
informations commerciales et industrielles, lorsque ces informations sont
protégées afin de préserver un intérêt économique légitime, à moins que
la personne d’où proviennent les informations n’ait consenti à la
publicité. »
Cette disposition ne permet pas de soustraire chaque information
commerciale et industrielle à la publicité. Il faut en premier lieu
démontrer concrètement que ces informations sont confidentielles. Bien
que la description du motif d’exception ne corresponde pas entièrement
avec celle des secrets des affaires, la définition de la notion de secret des
affaires donne une bonne indication de quand il y a lieu de considérer
certaines informations commerciales et industrielles comme
confidentielles. La définition du secret des affaires à l’article I.17/1 du
livre I, titre 2, chapitre 9 du Code de droit économique, tel qu’inséré par
la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des secrets d'affaires (MB
14 août 2018, 64.584) qui est elle-même la transposition de la directive
(UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la
protection des savoir-faire et des informations commerciales non
divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la
divulgation illicites. Il est seulement question d’un secret d’affaires
lorsque l’information remplit les conditions cumulatives suivantes:
  a) elle est secrète en ce sens que, dans sa globalité ou dans la
      configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, elle n'est pas
      généralement connue des personnes appartenant aux milieux qui
      s'occupent normalement du genre d'information en question, ou ne
      leur est pas aisément accessible;
  b) elle a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète;
  c) elle a fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de
      façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des
      circonstances, destinées à la garder secrète.“
Le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et
Environnement ne démontre en tout cas pas suffisamment que ces
conditions sont remplies.

Par ailleurs, le risque de porter préjudice à l’intérêt protégé doit être réel.
La jurisprudence du Conseil d’État montre qu’il ne suffit pas qu’il y ait un
risque purement potentiel. Il ne suffit donc pas d’affirmer que « fournir
des éléments permettant de déterminer avec certitude quelle entreprise
exportaient quelle substance pourrait créer un risque potentiel que cette
divulgation porte un grave préjudice à la position concurrentielle des
                                                                           11

entreprises nationales par rapport aux entreprises nationales et
étrangères ». Il n’est pas suffisamment démontré que ce risque existe bel
et bien.

Les intérêts économiques et industriels qui bénéficient de la protection
doivent en outre, être protégés afin de préserver un intérêt économique
légitime. Il ne suffit pas d’affirmer ce qui suit : « C’est autant plus le cas
pour un petit marché comme la Belgique, particulièrement sensible à
l’importation et à l’exportation. » Le fait que la Belgique soit un petit
marché n’empêche pas que la loi du 5 août 2006 tende à transposer une
directive reprenant des règles harmonisées pour tous les États Membres
de l’Union européenne, que ceux-ci soient de petits ou grands marchés.

Même s’il devait être concrètement démontré que l’intérêt protégé est
bien présent et que la publicité de l’information y porterait préjudice,
cela n’est pas suffisant pour refuser la publicité de ces informations. Il
doit en effet s’avérer que lors de la mise en balance de l’intérêt protégé
des entreprises concernées et de l’intérêt qui est servi par la publicité, ce
dernier ne doit pas l’emporter. La Commission doit en tout cas constater
que les entreprises concernées exportent certaines substances qui sont
interdites sur le marché européen pour des raisons d’environnement,
d’agriculture et de santé et qui sont exportées vers des pays du tiers-
monde. Il y a au moins un intérêt général qui tient à l’existence d’un
débat public sur l’opportunité, d’un point de vue éthique, de de
continuer la production de tels produits au lieu de les remplacer par
d’autres produits moins nocifs. La Commission ne voit aucun élément
indiquant que les intérêts des entreprises concernées l’emportent sur cet
intérêt général.
                                                                            12

3.4. Décision

Bien que les informations du document original aient été scindées dans
deux documents distincts dont le second reprend le nom des entreprises
qui souhaitent exporter certaines substances, la Commission estime qu’il
n’est pas suffisamment démontré qu’il est satisfait aux conditions pour
invoquer les motifs d’exception visés à l’article 27, § 1er, 6° de la loi du 5
août 2006 afin de scinder la relation entre l’entreprise et les autres
informations. La Commission décide dès lors que le document original,
dans lequel les entreprises concernées sont associées aux exportations
potentielles de substances déclarées, doit être fourni au demandeur.

Bruxelles, le 16 décembre 2019.

La Commission était composée comme suit :

Jeroen Van Nieuwenhove, président
Frankie Schram, secrétaire et membre
Hrisanti Prasman, membre
Brecht Vercruysse, membre




   F. SCHRAM                                           J. VAN NIEUWENHOVE
   secrétaire                                                 président