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Date: 11/12/2017
Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales 11 décembre 2017 DÉCISION intérimaire n° 2017-15 sur le refus de donner accès aux documents transmis à la Commission européenne, dans le cadre des aides d’État relatives à la garantie que la Belgique doit donner pour les accidents nucléaires et qui ont été transmis aux instances européennes (CFR/2017/10) NOLLET/MINISTRE DE FINANCES 2 1. Un récapitulatif 1.1. Par courrier en date du 12 septembre 2017, Monsieur Jean-Marc Nollet demande à Monsieur Van Overtveldt, Ministre des Finances, une copie papier du projet d’arrêté royal ainsi que les documents relatifs à la garantie que la Belgique doit donner pour les accidents nucléaires et qui ont été transmis aux instances européennes. 1.2. Par courrier en date du 12 octobre 2017, le ministre répond positivement à une partie de cette demande. Le demandeur reçoit le projet d’arrêté royal établissant un programme de garantie de la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire soumis à l’avis du Conseil d’Etat, une copie du communiqué de presse émanant de la Commission européenne ainsi que la version publique (mais pas encore publiée) de la décision rendue par cette dernière. Le ministre ne donne pas suite à la demande dans la mesure où il s’agit de documents qui ont été transmis aux instances européennes dans le cadre de ce dossier et qui contiennent des informations d’entreprises confidentielles qui relèvent du secret professionnel sur la base de l’article 6, §1er, 7° de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration et sur la base de l’article 27, 7° de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement. 1.3. Par courrier en date du 16 novembre 2017, Monsieur Nollet introduit un recours auprès de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales, ci-après dénommée la Commission de recours, contre le refus partiel. 1.4. Par e-mail en date du 21 novembre 2017, le secrétaire de la Commission de recours demande au SPF Finances de lui transmettre les documents concernés et il attire l’attention sur la possibilité de transmettre une note circonstanciée pour le 1er décembre 2017 au plus tard. 1.5. Par e-mail en date du 30 novembre 2017, la Commission de recours reçoit les documents en question ainsi que la note circonstanciée du SPF Finances. Cette note contient la justification suivante : 3 a) La loi du 5 août 2006 relative à l’accès public à l’information en matière d’environnement. Attendu que Monsieur Nollet base sa demande d’information sur la loi du 5 août 2006 relative à l’accès public à l’information en matière d’environnement et qu’il convient donc de s’y référer. Qu’on rappelle que ladite loi transpose la directive européenne 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement. Que le champ d’application de cette loi se limite à la communication d’informations environnementales, au public dans la mesure où aucune exception ne peut être invoquée par l’instance environnementale. Qu’il y a donc lieu d’apprécier ces divers éléments au cas d’espèce. i) L’information environnementale L’article 3, 4° de la loi du 5 août 2006 définit la notion d’information environnementale. Le projet d’arrêté royal établissant un programme de garantie de la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire visé par la demande de Monsieur Nollet tombe sous le champ d’application de l’article 3, 4°, f). Cette disposition précise qu’est considérée comme information environnementale, toute information dont dispose une instance environnementale concernant : « les mesures et activités ayant pour objectif de garder en état, protéger, restaurer, développer l'état des éléments de l'environnement tels que visés au point a) ou l'état de santé de l'homme et sa sécurité tels que visés au point b), ou les sites culturels de valeur et de constructions tels que visés au point c), et de leur éviter toute pression, la limiter ou la compenser ». Le projet d’arrêté royal dont question vise à mettre en œuvre la garantie de l’État prévue par l’article 10/1 de la loi du 22 juillet 1985 sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire, lequel permet aux exploitants d’installations nucléaires de bénéficier d’une garantie de l’État, moyennant rémunération, dans la mesure où le marché privé de l’assurance et des garanties financières ne leur offre pas les couvertures requises. 4 Actuellement, le marché des assurances en Belgique présente un déficit dans deux segments 1 particuliers, à savoir les dommages environnementaux et les dommages aux personnes se manifestant plus de dix ans après l’accident nucléaire. En conséquence, en cas d’accident nucléaire ayant des répercussions dommageables sur l’un de ces deux segments, la garantie d’État pourrait intervenir. C’est donc bien [dans] ce sens que le projet d’arrêté royal contient une information environnementale (des mesures visant à compenser toute pression sur l’état des éléments de l’environnement ou l’état de santé de l’homme). Cette information environnementale a été intégralement communiquée puisque l’entièreté du projet d’arrêté royal a été transmise à Monsieur Nollet. Il a également obtenu copie du projet du rapport au Roi, lequel détaille et explique chaque disposition du projet d’arrêté royal. Monsieur Nollet a donc obtenu toutes les informations nécessaires. En conséquence, l’on ne voit pas à quelle information environnementale (telle que définie à l’article 3, 4° de la loi du 5 août 2006) supplémentaire Monsieur Nollet prétend encore accéder. ii) L’accès du public Il ressort de la directive européenne 2003/4/CE du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement que l’intention est de diffuser, le plus largement possible, auprès du grand public l’information en matière d’environnement (voir le considérant n° 9 de ladite directive). La loi du 5 août 2006 reprend ce principe et c’est donc bien en sa qualité de citoyen que Monsieur Nollet agit. Le citoyen « lambda » pouvant demander l’accès à l’information environnementale, il paraît évident qu’il fallait prévoir des exceptions à la publicité afin de préserver des intérêts supérieurs. iii) Les exceptions à la publicité La loi du 5 août 2006 prévoit en ses articles 27 à 32 une série d’exceptions à la publicité. Ainsi, il existe certains cas de figure ou, bien qu’une information environnementale existe, elle ne doit pas être communiquée au demandeur. En l’espèce, comme déjà mentionné ci‐dessus, l’on estime que Monsieur Nollet a d’ores et déjà accédé à toute l’information environnementale contenue dans ce dossier. Cependant, à titre subsidiaire, si l’on devait considérer que d’autres informations environnementales existent (quod 1 soit un sous‐ensemble du risque de responsabilité défini par référence à un type de péril ou de dommage. 5 non), il faudrait alors les considérer comme bénéficiant des exceptions visées par les articles 27, §1er, 3° et 27, §1er, 7° de la loi du 5 août 2006. En effet, il semble que Monsieur Nollet considère que les documents transmis à la Commission européenne, dans le cadre des aides d’Etat, devraient également lui être communiqués. Cela est inexact dans la mesure où ces documents ne contiennent aucune autre information environnementale que celles déjà communiquées par la transmission du projet d’arrêté royal, du rapport au Roi et du projet de la décision publique de la Commission européenne. Néanmoins, même à considérer que lesdits documents contiendraient une information environnementale supplémentaire, ils ne pourraient pas être transmis à Monsieur Nollet. En effet, ces documents contiennent également des informations financières, commerciales et industrielles confidentielles. Ainsi, la notification transmise à la Commission européenne est frappée de confidentialité et contient la mention : « Strictly privileged & confidential. Contains business secrets ». Ce document est donc bien exclu de la publicité sur base de l’article 27, §1er, 7° lequel précise que l’instance environnementale rejette la demande si l’intérêt du public servi par la publicité ne l’emporte pas sur la protection de l’intérêt suivant : « le caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles, lorsque ces informations sont protégées afin de préserver un intérêt économique légitime (…) ». En l’espèce, il convient de particulièrement protéger les secrets d’affaires des assureurs et des exploitants nucléaires. Cette confidentialité est par ailleurs reconnue par la Commission européenne elle‐même (voir point 2.b. ci‐dessous). Egalement, ces mêmes documents sont encore exclus de la publicité sur base de l’article 27, §1er, 3° lequel protège « le caractère confidentiel des relations fédérales internationales de la Belgique et des relations de la Belgique avec les institutions supranationales (..) ». En l’occurrence, l’on ne peut communiquer aux citoyens les documents confidentiels transmis par l’Etat belge à la Commission européenne dans le cadre de la législation relative aux aides d’Etat. Ces relations sont protégées et les documents transmis sont exclus de la publicité. b) La législation européenne Enfin, dans la mesure où l’on comprend que Monsieur Nollet prétend à un droit d’accès aux documents échangés avec la Commission européenne dans le cadre de la législation relative aux aides d’Etat, il convient donc de se référer à la législation européenne applicable en cette matière et, plus particulièrement, des dispositions relatives au secret professionnel et la protection des informations confidentielles. 6 En l’espèce, il s’agit notamment : ‐ du Règlement 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Ce Règlement est d’application directe en Belgique et doit dès lors être respecté. L’on se réfère plus particulièrement à son article 24 sur le secret professionnel, lequel stipule : « La Commission et les Etats membres, ainsi que leurs fonctionnaires et autres agents, y compris les experts indépendants mandatés par la Commission, sont tenus de ne pas divulguer les informations couvertes par le secret professionnel qu’ils ont recueillies en application du présent règlement ». ‐ du Règlement 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement 659/1999 visé ci‐avant et, plus particulièrement, son nouvel article 11 ter. ‐ de la Communication de la Commission C(2003) 4582 du 1er décembre 2003 sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’Etat. Il résulte de ces différentes dispositions que lorsque des informations sont reconnues par la Commission comme étant frappée de confidentialité, elles ne peuvent être divulguées et sont couvertes par le secret professionnel. Dans le dossier dont objet, la Commission européenne a bel et bien considéré certaines informations comme étant confidentielles. Cela ressort clairement de l’encadré figurant en première page de sa décision finale du 14 juillet 2017, publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 10 novembre 2017. C’est donc bien pour cette raison qu’elle a occulté différentes informations. En conséquence, seule la décision (version publique) rendue par la Commission européenne peut être divulguée. Communiquer à Monsieur Nollet d’autres documents reviendrait à violer le Règlement 659/1999 du 22 mars 1999. 2. La recevabilité du recours La Commission de recours estime que le recours est recevable. L’article 35 de la loi du 5 août 2006 dispose que le demandeur peut former un recours auprès de la Commission fédérale de recours pour l'accès aux informations environnementales contre une décision d'une instance environnementale visée à l'article 4, § 1er, si le délai imparti pour prendre la décision est venu à expiration ou, en cas de refus d'exécution ou d'exécution incorrecte d’une décision, ou en raison de toute autre difficulté qu’il rencontre dans l'exercice des droits que 7 confère cette loi. Le recours doit être introduit dans un délai de soixante jours. Le recours a été introduit le 16 novembre 2017 contre une décision prise le 17 octobre 2017. Par conséquent, le recours a été introduit dans le délai fixé par la loi et est donc recevable. Le recours n’est toutefois recevable que dans la mesure où les documents demandés par le demandeur n’ont pas déjà été fournis. La correspondance avec le SPF Finances montre que c’est le cas pour les documents suivants : ‐ L’entièreté du projet d’arrêté royal établissant un programme de garantie de la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire ‐ le rapport au Roi ‐ le projet de la décision publique de la Commission européenne. 3. Le bien-fondé du recours La Commission doit préalablement déterminer si les informations demandées tombent sous le champ d’application de la loi du 5 août 2006. La loi du 5 août 2006 s’applique aux instances environnementales visées à l’article 3, 1°, a) et b), dont l’organisation et le fonctionnement sont régis par l’autorité fédérale ainsi qu’aux instances environnementales visées à l’article 3, 1°, c), qui sont sous leur contrôle (article 4, § 1er, de la loi du 5 août 2006) et disposent d’informations environnementales (article 18, § 1er de la loi). 3.1 Le champ d’application personnel L’article 4, § 1er de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement dispose qu’elle est d’application aux instances environnementales visées à l’article 3, 1°, a) et b), dont l’organisation et le fonctionnement sont réglés par l’autorité fédérale, ainsi qu’aux instances environnementales visées à l’article 3, 1°, c) qui sont sous leur contrôle. Cette loi définit la notion d’instance environnementale comme “a) une personne morale ou un organe créé par ou en vertu de la Constitution, d’une loi, d’un décret ou d’une règle visée à l’article 134 de la Constitution ; b) toute personne physique ou morale qui exerce des fonctions administratives publiques, y compris des tâches, activités ou services spécifiques en rapport avec l’environnement ; 8 c) toute personne physique ou morale ayant des responsabilités ou des fonctions publiques, ou fournissant des services publics, en rapport avec l’environnement, sous le contrôle d’un organe ou d’une personne visé(e) au point a) ou b). Les organes et institutions avec une compétence judiciaire ne tombent pas sous cette définition à moins qu’ils agissent avec une autre fonction que judiciaire. Les assemblées législatives et les institutions y attachées ne relèvent pas de cette définition, sauf si elles agissent en qualité administrative.” En sa qualité de représentant de l’État fédéral, le Ministre des Finances appartient à la catégorie mentionnée à l’article 3, 1°, a) de la loi du 5 août 2006 (voir Doc. Parl. Chambre, 2005 – 2006, 51 2511/001, 12 – 13). Le recours est par conséquent dirigé contre une instance environnementale au sens de cette loi. 3.2 Le champ d’application matériel La loi du 5 août 2006 accorde un droit d’accès aux informations environnementales sur la base de l’article 18 sans qu’il faille justifier d’un intérêt à cette fin. L’objet du recours porte sur des documents transmis aux instances européennes dans le cadre du dossier relative à un programme de garantie de la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire transmis à la Commission européenne. L’information environnementale est définie comme “toute information, peu importe le support et la forme matérielle, dont dispose une instance environnementale concernant : a) l’état des éléments de l’environnement, tels que l’atmosphère, l’air, le sol, les terres, l’eau, le paysage, les sites naturels, y compris les biotopes humides, les zones côtières et maritimes, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, et l’interaction entre ces éléments ; b) l’état de santé de l’homme et sa sécurité y compris la contamination de la chaîne alimentaire, les conditions de vie des personnes, pour autant qu’ils soient ou puissent être altérés par l’un des éléments de l’environnement visés au point a) ou, par l’intermédiaire de ces éléments, par l’un des facteurs tels que 9 visés au point d) ou par les mesures et activités telles que visées au point e) ; c) l’état de sites culturels de valeur et de constructions, pour autant qu’ils soient ou puissent être altérés par les éléments de l’environnement tels que visés au point a) ou, par l’intermédiaire de ces éléments, par l’un des facteurs tels que visés au point d) ou par les mesures et activités telles que visées au point e) ; d) des facteurs, tels que les substances, l’énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs, les émissions, les déversements et autres rejets dans l’environnement qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement tels que visés au point a) ou l’état de santé de l’homme et sa sécurité tels que visés au point b) ; e) les mesures et activités ayant ou étant susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments tels que visés aux points a), b), c) ou d; f) les mesures et activités ayant pour objectif de garder en état, protéger, restaurer, développer l’état des éléments de l’environnement tels que visés au point a) ou l’état de santé de l’homme et sa sécurité tels que visés au point b), ou les sites culturels de valeur et de constructions tels que visés au point c), et de leur éviter toute pression, la limiter ou la compenser ; g) les analyses coûts-avantages et autres analyses et hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités visées aux points e) et f); h) les rapports sur l’application de la législation environnementale” On peut déduire de la note du SPF Finances qu’à défaut d’une description claire par le demandeur, les documents non transmis sont “les documents transmis à la Commission européenne, dans le cadre des aides d’Etat”. Une fraction ou une partie des informations environnementales qui ont été transmises au demandeur est également présente dans ces documents. Contrairement à ce qu’affirme le SPF Finances, cela n’empêche pas que le ministre soit tenu d’également divulguer les informations concernées dans ces documents complémentaires. Le demandeur doit en effet avoir la possibilité de vérifier l’affirmation qu’il s’agit des mêmes informations. 10 Le point de vue du SPF Finances selon lequel les informations restantes contiennent “également des informations financières, commerciales et industrielles”, ne peut pas mener à la conclusion qu’il ne s’agirait pas d’informations environnementales. Selon la Commission de recours, ces informations doivent être qualifiées comme telles parce qu’en effet, “les analyses coûts-avantages et autres analyses et hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités visées aux points e) et f)” doivent également être considérées comme telles. 3.3 La possibilité d’invoquer des motifs d’exception 3.3.1. L’évaluation du motif d’exception invoqué dans la décision du ministre La Commission de recours constate que le ministre des Finances invoque l’article 6, § 1er, 7° de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration et l’article 27, §1er, 7° de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement pour refuser la publicité. La Commission souhaite souligner qu’étant donné qu’elle estime que les informations concernées dans les documents demandés doivent être considérées comme des informations environnementales, seul l’article 27, §1er, 7° de la loi du 5 août 2006 peut être invoqué. Selon la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et du Conseil d’État, un motif d’exception peut seulement être valablement invoqué lorsque son application peut être motivée concrètement. Le ministre a omis de motiver concrètement la raison pour laquelle il estime que l’article 27, § 1er, 7° de la loi du 5 août 2006 peut être invoqué à juste titre pour refuser les documents concernés. 3.3.2. L’évaluation par la Commission de recours Après analyse des documents lui confiés et après avoir pris connaissance de la note détaillée du SPF Finances, la Commission de recours en vient à l’analyse suivante : 11 3.3.2.1. L’invocabilité du motif d’exception mentionné à l’article 27, §1er, 7° de la loi du 5 août 2006 L’article 27, §1er, 7° de la loi du 5 août 2006 dispose qu’une instance environnementale doit rejeter la publicité d’informations si elle estime que l’intérêt public servi par la publicité ne l’emporte pas sur la protection du caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles, lorsque ces informations sont protégées afin de préserver un intérêt économique légitime, à moins que la personne d'où proviennent les informations n'ait consenti à la publicité. Ce motif d’exception ne permet pas de soustraire toutes les informations commerciales et industrielles à la publicité mais uniquement les informations qui, par leur nature, ont un caractère confidentiel. Pour invoquer ce motif d’exception, il est donc nécessaire de démontrer que toutes les informations présentes dans le document demandé, ou une partie de celles-ci, ont un caractère confidentiel et que celui-ci peut être démontré concrètement. Il est notamment possible de déduire le caractère confidentiel du fait que les informations ne quittent pas une entreprise sauf s’il y a une obligation légale à cette fin et l’entreprise fait tout pour empêcher que ces informations soient diffusées d’une manière ou d’une autre. Il ne suffit pas de se référer à la notification dans laquelle les documents qui ont été fournis à la Commission européenne doivent être considérés comme étant confidentiels et contient la mention : « Strictly privileged & confidential. Contains business secrets ». De plus, il ne suffit pas que des informations commerciales et industrielles confidentielles soient en jeu, il faut encore examiner si l’intérêt qui est servi par la publicité ne l’emporte pas. En tout cas, on ne peut nier qu’un intérêt général est servi par la publicité d’informations sur l’assurance en cas d’accidents nucléaires. Ce n’est que si toutes les conditions sont remplies que le motif d’exception concerné peut être invoqué et même si c’est le cas, il peut être procédé à la publicité si celui dont l’intérêt est protégé consent à celle-ci. Le consentement ne joue dès lors un rôle qu’après qu’il a été décidé que les informations relèvent de l’intérêt protégé par la loi et après que la balance des intérêts n’a pas montrée qu’il faut procéder à la publicité. 12 Bien qu’une instance environnementale soit tenue de protéger les secrets d’affaires des assureurs et des exploitants nucléaires, il faut encore démontrer de manière convaincante que les informations concernées peuvent être qualifiées comme telles. En tout cas, il ne suffit pas de chercher un appui dans la réglementation européenne en la matière et plus spécifiquement dans “des dispositions relatives au secret professionnel et la protection des informations confidentielles”. En l’espèce, selon le SPF Finances, il s’agit notamment : ‐ du Règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article [93 du traité CE]. Ce Règlement est d’application directe en Belgique et doit dès lors être respecté. L’on se réfère plus particulièrement à son article 24 sur le secret professionnel, lequel stipule : « La Commission et les Etats membres, ainsi que leurs fonctionnaires et autres agents, y compris les experts indépendants mandatés par la Commission, sont tenus de ne pas divulguer les informations couvertes par le secret professionnel qu’ils ont recueillies en application du présent règlement ». ‐ du Règlement 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement 659/1999 visé ci- avant et, plus particulièrement, son nouvel article 11ter. ‐ de la Communication de la Commission C(2003) 4582 du 1er décembre 2003 sur le secret professionnel dans les décisions en matière d’aides d’Etat. La Commission de recours tient avant tout à signaler que le règlement (UE) 2015/1589 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne a entre-temps été adopté à la place du règlement (CE) 659/1999. L’article 30 de ce règlement contient une disposition identique à celle de l’article 24 de cet ancien règlement. Le SPF Finances déclare être tenu au secret professionnel qui est à présent réglé à l’article 30 du règlement (UE) 2015/1589 et que cela 13 ressort de “l’encadré figurant en première page de sa décision finale du 14 juillet 2017, publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 10 novembre 2017”. Selon le droit belge, cela ne suffit toutefois pas pour refuser la publicité sur cette base. La Commission de recours est tenue d’évaluer elle-même le secret professionnel, indépendamment de l’évaluation de la Commission européenne, qui est d’ailleurs basée sur des règles de droit (européennes) autres que la notion de « caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles » figurant à l’article 27, §1er, 7° de la loi du 5 août 2006. D’ailleurs, l’éventuelle obligation de réserve dans le cadre du régime d’aides d’Etat est avant tout basée sur l’initiative de la Belgique afin de considérer certaines informations comme confidentielles conformément à l’article 11ter du règlement (CE) n° 794/2004. La conclusion est dès lors qu’il est requis que, indépendamment de l’argumentation relative à l’éventuelle obligation de réserve dans le cadre du régime d’aides d’Etat, il soit concrètement démontré quelles informations doivent être spécifiquement considérées comme des informations commerciales et industrielles confidentielles au sens de la disposition légale précitée. 3.3.2.2. L’invocabilité du motif d’exception mentionné à l’article 27, § 1er, 3° de la loi du 5 août 2006 L’article 27, § 1er, 3° de la loi du 5 août 2006 dispose qu’une instance environnementale rejette la publicité d’informations en matière d’environnement si elle estime que l’intérêt du public servi par la publicité ne l’emporte pas sur le caractère confidentiel des relations fédérales internationales de la Belgique et des relations de la Belgique avec les institutions supranationales et les relations de l’autorité fédérale avec les communautés et régions. La formulation de cette disposition légale et les circonstances de l’affaire montrent que l’invocabilité de ce motif d’exception peut être préalablement évaluée si la Commission de recours a une idée précise des informations qui doivent être considérées comme des informations économiques et commerciales confidentielles au sens de l’article 27, § 1er, 7°, de la loi du 5 août 2006. 14 4. Décision La Commission de recours estime que le document demandé doit être considéré comme des informations environnementales en la possession d’une instance environnementale et que pour le moment, un nombre insuffisant d’arguments ont été avancés pour démontrer que les informations demandées doivent être considérées comme des informations commerciales et économiques confidentielles qui tomberaient dans le champ d’application de l’article 27, § 1er, 7° de la loi du 5 août 2006. La Commission demande dès lors sur la base de l’article 40 de la loi du 5 août 2006 que le Ministre des Finances lui transmette les documents demandés afin qu’elle puisse exercer la mission qui lui est conférée par la loi. Aucun motif d’exception ne peut être invoqué contre la Commission sur la base de la loi du 5 août 2006. La Commission invite le Ministre à exposer des éléments concrets qui justifient l’invocation de l’article 27, § 1, 7° de la loi du 5 août 2006 dans une note adressée à la Commission. La Commission souhaite recevoir ces informations et éventuellement ces arguments pour le 15 février 2018 au plus tard. Bruxelles, le 11 décembre 2017. La Commission était composée comme suit : Jeroen Van Nieuwenhove, président Frankie Schram, secrétaire et membre Hrisanti Prasman, membre Henri Kevers, membre suppléant F. SCHRAM J. VAN NIEUWENHOVE secrétaire président