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Date: 24/10/2016
Commission fédérale de recours pour l'accès aux informations environnementales 24 octobre 2016 DÉCISION n° 2016-21 sur le refus implicite de donner accès aux accords et documents en relation avec l’exploitation de l’aéroport de Zaventem (CFR/2015/5) X/ MINISTRE DE LA MOBILITE 2 1. Un récapitulatif 1.1 Par courrier recommandé en date du 31 janvier 2015, Madame X demande à obtenir “sous forme de copie soit à mon domicile, soit par courriel à l’adresse desmaele.nathalie@belgacom.net”: - tous accords, conventions, actes unilatéraux: - soit garantissant ou autorisant à l’exploitant de l’aéroport de Zaventem des heures d’ouverture de l’aéroport et un (des) nombres de mouvements qui y sont autorisés, de même que les sanctions qui seraient prévues en cas de non-respect ; - soit contraignant l’exploitant de l’aéroport de faire en sorte qu’un nombre déterminé de mouvements soit possible et/ou que des heures d’ouverture de l’aéroport soient assurées ; - tous documents adressés à l’exploitant de l’aéroport, ou par lui, soit avant la délivrance de la licence d’exploitation, soit après celle-ci et qui concernent les heures d’ouverture de l’aéroport et le nombre de mouvements à garantir, de même que les sanctions qui seraient prévues en cas de non-respect.” 1.2 La ministre n’ayant pas répondu à la demande dans le délai de trente jours prescrit par la loi, Madame Desmaele introduit, par courrier recommandé avec accusé de réception, un recours auprès de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales, ci-après dénommée la Commission. Par courrier recommandé avec accusé de réception à la même date, elle informe également la ministre compétente pour la mobilité de l’introduction de ce recours. 1.3 Par e-mail en date du 3 avril 2015, le secrétariat de la Commission prie la Ministre de lui transmettre les documents demandés pour le 15 avril 2015 au plus tard. 1.4 Le secrétariat de la Commission a, à plusieurs reprises, pris contact par téléphone avec le cabinet de la Ministre compétente. Il en ressort que les documents demandés ne sont pas présents au cabinet et que le cabinet s’engage à demander les documents aux différentes administrations qui relèvent des compétences de la ministre. 1.5 Le mercredi 24 juin 2015 a eu lieu, à l’invitation du cabinet de la ministre, une réunion de concertation avec le cabinet de la Ministre et 3 un représentant du SPF Mobilité. L’administration ne semble pas être au courant du recours introduit. Par ailleurs, il s’avère qu’en réponse à la lettre du 25 mars 2015, un courrier a été envoyé à Madame X et que cette réponse aurait également été transmise à la Commission. La Commission n’a toutefois pas reçu ces courriers. Elle en reçoit une copie le 25 juin 2015 sans avoir la certitude que ces courriers ont effectivement été envoyés. Dans cette réponse donnée à Madame X, l’accès aux documents demandés est refusé sur la base de l’article 27, § 1er de la loi du 5 août 2006 et à titre de justification, il est avancé qu’il s’agit d’un contrat de vente signé le 10 novembre 2004 entre l’Etat belge et plus spécifiquement Macquarie et que les autres documents portent sur cette transaction. Ces documents contiennent des informations commerciales et sont, pour cette raison, couverts par des clauses de confidentialité que l’Etat belge s’est engagé à respecter. Le secrétaire de la Commission a signalé au représentant du cabinet que cette motivation n’était pas suffisante et qu’il est par conséquent requis que ces documents soient mis à la disposition de la Commission et ce, d’ici la prochaine réunion de la Commission le 6 juillet 2015. 1.6 Le lundi 6 juillet 2015, le Cabinet de la ministre compétente fait savoir par téléphone que le contrat de vente ne sera pas transmis à la Commission et qu’il est examiné par un bureau d’avocats. 1.7. Le lundi 6 juillet 2015, la Commission adopte une position provisoire dans laquelle elle estime qu’en l’état actuel des choses, elle n’a pas la possibilité d’exercer les missions qui lui sont conférées par la loi dans un délai raisonnable. 1.8. Dans une réaction à la décision de la Commission, la Ministre confirme par courrier en date du 23 juillet 2015 qu’elle est prête à mettre les conventions à la disposition de la Commission dès qu’elle reçoit celles-ci de la Société fédérale de Participations et d’Investissement. 1.9. Par courrier du 9 septembre 2015, la Ministre confirme tout d’abord sa volonté de collaborer avec la Commission. Elle précise de manière générale que son cabinet et elle-même ne disposent d’aucun accord, convention ou acte général garantissant certaines heures d’ouverture ou un certain nombre d’opérations à l’aéroport de Bruxelles-National en dehors du texte légal et réglementaire et ou des licences ou permis relatifs à l’exploitation de l’aéroport qui sont tous accessibles au public, 4 comme par exemple le permis environnemental relatif à l’exploitation de l’aéroport. Elle affirme qu’il est toujours matériellement impossible de transmettre à Madame X ou à la Commission d’autres informations que les informations jointes. La ministre transmet à la Commission deux documents qu’elle a entre-temps eus en sa possession, à savoir le contrat de vente du 10 novembre 2004 (Stock purchase agreement). Elle transmet en outre à la Commission une convention à la même date entre les représentants de la BIAC (Shareholders agreement). 1.10 Par sa décision n° 2015-20 du 28 septembre 2015, la Commission estime que les documents qui lui ont été fournis ne répondent pas à la demande de Madame X et ne font par conséquent pas l’objet du recours introduit par celle-ci. Elle a en outre estimé que le recours introduit par Madame X reste pendant dans la mesure où il porte sur les documents auxquels la Commission n’a pas encore eu accès et qui seraient en la possession de la Ministre, de son cabinet ou des services administratifs qui relèvent de ses compétences. Il appartient à la Ministre de vérifier si ses collaborateurs ou son administration sont en possession des documents. Si la Ministre constate que les documents qui contiennent les informations demandées ne sont pas en sa possession, il suffit alors qu’elle renvoie la demanderesse vers l’autorité administrative fédérale ou l’instance environnementale fédérale qui, selon ses informations est en possession des documents, soit sur la base de l’article 5, alinéa 2 de la loi du 11 avril 1994 pour autant que les documents demandés ne puissent pas être qualifiés d’informations environnementales et sur la base de l’article 21, §2 de la loi du 5 août 2006 dans la mesure où les documents doivent être qualifiés d’informations environnementales. 1.11 Par courrier en date du 18 janvier 2016, la Ministre, signale à la Commission que Belgocontrol n’est en possession d’aucun document contenant des informations environnementales au sens où la demanderesse souhaite les obtenir. 1.12. Lors de la première réunion de la Commission dans sa nouvelle composition le lundi 23 mai 2016 (décision 2016-2), une décision intérimaire est prise et il y est demandé au ministre compétent de fournir à la Commission les documents se rapportant à l’objet du recours introduit pour autant qu’ils soient en la possession du SPF Mobilité. 5 1.13. Aucune suite n’ayant encore été donnée à cette décision, la Commission décide, lors de sa réunion du 27 juin 2016, de rappeler sa décision intérimaire (décision 2016-2) au ministre compétent et lui demande de donner une réponse à la Commission pour le 15 juillet au plus tard. Un courrier similaire a également été envoyé au président du SPF Mobilité et Transport. 1.14. N’ayant toujours reçu aucune réponse lors de sa réunion du 1er août 2016, la Commission décide d’inviter un agent du service juridique du SPF Mobilité et Transport sur la base de l’article 40, alinéa 2 de la loi du 5 août 2006 afin d’apporter quelques précisions quant à l’existence ou non de documents éventuels satisfaisant à la demande. 1.15. Par courrier en date du 1er août 2016 que la Commission a reçu le 8 août 2016, le Ministre informe la Commission et la demanderesse que toutes les informations se trouvent sur le site Internet de Belgocontrol. Le ministre signale également que les réponses aux questions se trouvent dans l’arrêté royal du 25 avril 2014 portant approbation du troisième contrat de gestion entre l’Etat et Belgocontrol ainsi que dans l’arrêté royal du 21 juin 2004 octroyant la licence d’exploitation de l’aéroport de Bruxelles-National. Ces mêmes informations ont également été communiquées à la demanderesse. 1.16. Par e-mails en date des 8 et 9 septembre 2016, le SPF Mobilité est formellement invité à l’audition du 26 septembre 2016 à 10h. 1.17. Par courrier en date du 13 septembre 2016, le SPF Mobilité et Transport informe la Commission que la Direction générale Transport aérien ne dispose pas de documents pouvant apporter des informations plus concrètes sur la demande. Il est suggéré que la Brussels Airport Company et / ou la Société fédérale de Participations et d’Investissements, qui détiennent un pourcentage des actions de BAC, soient mieux placées pour apporter une réponse. Enfin, il est également signalé que lors de l’audition du 26 septembre 2016, le SPF Mobilité sera représenté par Monsieur Pierre Sohier. 1.18. Lors de la réunion de la Commission du 26 septembre 2016 a lieu l’audition de Monsieur Pierre Sohier, qui représente le SPF Mobilité et Transport. L’entretien ne permet pas à la Commission d’en déduire que 6 des documents répondant à la demande de Madame X sont en la possession du SPF Mobilité et Transport. 2. La recevabilité du recours La Commission constate que le recours est recevable. Le recours a en effet été introduit le 25 mars 2015 contre l’absence de décision concernant une demande de publicité du 21 janvier 2015. Aucune décision n’a en effet été prise quant à cette demande de sorte que l’article 36, dernier alinéa, qui dispose qu’à défaut de décision, le délai d'introduction du recours ne prend pas cours. 3. Le bien-fondé du recours 3.1. Le champ d’application personnel La Commission doit préalablement déterminer si les informations demandées tombent sous le champ d’application de la loi du 5 août 2006. La loi du 5 août 2006 s’applique aux instances environnementales visées à l’article 3, 1°, a) et b), dont l’organisation et le fonctionnement sont régis par l’autorité fédérale ainsi qu’aux instances environnementales visées à l’article 3, 1°, c), qui sont sous leur contrôle (article 4, §1er, de la loi du 5 août 2006) et disposent d’informations environnementales (article 18, §1er de la loi). Cette loi définit la notion d’instance environnementale comme “a) une personne morale ou un organe créé par ou en vertu de la Constitution, d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution; b) toute personne physique ou morale qui exerce des fonctions administratives publiques, y compris des tâches, activités ou services spécifiques en rapport avec l'environnement; c) toute personne physique ou morale ayant des responsabilités ou des fonctions publiques, ou fournissant des services publics, en rapport avec l'environnement, sous le contrôle d'un organe ou d'une personne visé(e) au point a) ou b). Les organes et institutions avec une compétence judiciaire ne tombent pas sous cette définition à moins qu'ils agissent avec une autre fonction que judiciaire. Les assemblées législatives et les institutions y attachées ne 7 relèvent pas de cette définition, sauf si elles agissent en qualité administrative.” Il ne fait aucun doute que le Ministre compétent pour la Mobilité doit être considéré comme l’organisme de la personne morale Etat fédéral et doit donc être considéré comme une instance environnementale au sens de l’article 3, 1°, a) de la loi du 5 août 2006. 3.2. Le champ d’application matériel La loi du 5 août 2006 octroie un droit d’accès aux informations environnementales. La notion d’instance environnementale est décrite à l’article 3, 4° comme: “toute information, peu importe le support et la forme matérielle, dont dispose une instance environnementale concernant : a) l’état des éléments de l’environnement, tels que l’atmosphère, l’air, le sol, les terres, l’eau, le paysage, les sites naturels, y compris les biotopes humides, les zones côtières et maritimes, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, et l’interaction entre ces éléments ; b) l’état de santé de l’homme et sa sécurité y compris la contamination de la chaîne alimentaire, les conditions de vie des personnes, pour autant qu’ils soient ou puissent être altérés par l’un des éléments de l’environnement visés au point a) ou, par l’intermédiaire de ces éléments, par l’un des facteurs tels que visés au point d) ou par les mesures et activités telles que visées au point e) ; c) l’état de sites culturels de valeur et de constructions, pour autant qu’ils soient ou puissent être altérés par les éléments de l’environnement tels que visés au point a) ou, par l’intermédiaire de ces éléments, par l’un des facteurs tels que visés au point d) ou par les mesures et activités telles que visées au point e) ; d) des facteurs, tels que les substances, l’énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs, les émissions, les déversements et autres rejets dans l’environnement qui ont ou sont susceptibles d’avoir des 8 incidences sur les éléments de l’environnement tels que visés au point a) ou l’état de santé de l’homme et sa sécurité tels que visés au point b) ; e) les mesures et activités ayant ou étant susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments tels que visés aux points a), b), c) ou d; f) les mesures et activités ayant pour objectif de garder en état, protéger, restaurer, développer l’état des éléments de l’environnement tels que visés au point a) ou l’état de santé de l’homme et sa sécurité tels que visés au point b), ou les sites culturels de valeur et de constructions tels que visés au point c), et de leur éviter toute pression, la limiter ou la compenser ; g) les analyses coûts-avantages et autres analyses et hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités visées aux points e) et f); h) les rapports sur l’application de la législation environnementale”. La loi du 5 août 2006 étant d’application, il est requis que les informations demandées se trouvent dans les documents en la possession d’administrations dont le ministre compétent pour la mobilité est responsable. Malgré de multiples interrogations et une audition, la Commission n’a toutefois pu retrouver aucun document satisfaisant aux souhaits de la demanderesse. Étant donné qu’après une enquête approfondie et de longue durée et l’utilisation de toutes les possibilités dont elle dispose conformément à la loi du 5 août 2006, la Commission a constaté que ni le ministre compétent pour la mobilité ni les administrations compétentes en la matière qui sont sous la tutelle de celui-ci, à savoir Belgocontrol et le SPF Mobilité, ne disposent d’aucun document, la décision ne peut être autre que le caractère non-fondé du recours. Le fait que dans son courrier du 8 août 2016, le ministre a renvoyé la demanderesse vers le site Internet de Belgocontrol et a affirmé que toutes les informations demandées pouvaient y être trouvées ne porte pas préjudice à cette conclusion étant donné que la Commission a pu elle- même constater que les informations demandées ne se trouvaient pas dans les documents présents sur le site Internet de Belgocontrol. 9 Bruxelles, le 24 octobre 2016. La Commission était composée comme suit : Jeroen Van Nieuwenhove, président Frankie Schram, secrétaire et membre Hrisanti Prasman, membre F. SCHRAM J. VAN NIEUWENHOVE secrétaire président