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Date: 26/9/2016
Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales 26 septembre 2016 DÉCISION n° 2016-19 sur le refus de donner accès à un tableau pluriannuel des écarts négatifs et de la hauteur des compensations qui ont dû être apportées en précisant quel était le taux d’actualisation en vigueur et quel était le taux qui avait été atteint pour chacune de ces années (CFR/2016/13) NOLLET/SYNATOM (2) 2 1. Un récapitulatif 1.1 Par courrier recommandé en date du 27 juin 2016 Monsieur Jean- Marc Nollet demande à Synatom « un tableau pluriannuel des écarts négatifs et la hauteur des compensations qui ont dû être apportées au cours des cinq dernières années (si possible les dix dernières années) en précisant quel était le taux d’actualisation en vigueur et quel était le taux qui avait été atteint pour chacune de ces années ». 1.2 Par courrier en date du 8 juillet 2016, Synatom refuse de fournir cette information demandée parce que celle-ci ne peut pas être considéré comme des informations environnementales au sens de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement. Les informations sont strictement financières et ne relèvent pas des catégories d’informations environnementales visées à l’article 3, 4°, a) à h) de cette loi. Synatom émet également des réserves quant au fait qu’elle puisse être considérée comme une instance environnementale au sens de l’article 3, 1° de la loi du 5 août 2006. 1.3 N’étant pas d’accord avec ce point de vue, Monsieur Jean-Marc Nollet introduit, par courrier recommandé en date du 20 juillet 2016, un recours auprès de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales, ci-après dénommée la Commission. La Commission reçoit ce courrier le 27 juillet 2016. 1.4 Par mail en date du 28 juillet 2016, le secrétariat de la Commission demande à Synatom de lui fournir les documents concernés et lui donne la possibilité de justifier son point de vue. 1.5. Par lettre envoyée par courrier électronique et par poste de 12 août 2016 Synatom réagit comme suite : « Après examen de cette demande, Synatom considère qu’il ne peut actuellement y être donné de suite favorable dans la mesure où Synatom ne dispose pas des informations susvisées sous la forme demandée. Au demeurant, comme indiqué dans son courrier du 8 juillet 2016, Synatom rappelle que les informations demandées constituent des informations à caractère strictement financier ne rentrant pas dans le champ d’application de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière environnement. 3 A ce titre, nous vous demandons de bien vouloir nous communiquer les motifs en sens contraire qui auraient été avancés dans le recours introduit par Monsieur Nollet. La présente vous est adressée sous toutes réserves et sans reconnaissance préjudiciable.» 1.6 Lors de sa réunion du 22 août 2016, la Commission décide de permettre à Synatom d’avoir accès au recours de Monsieur Nollet. Dans cette décision, la Commission mentionne ce qui suit: « La Commission souhaite avant tout attirer l’attention sur le fait que la procédure devant la Commission est une procédure de recours administratif et non une procédure juridictionnelle. Cela a pour conséquence que le droit de défense ne s’y applique pas. La Commission prend, en toute indépendance, une nouvelle décision sur la demande d’accès faite par Monsieur Nollet à l’ONDRAF. Cette décision remplace la décision de refus (partiel) que l’ONDRAF a prise à l’égard de cette demande. Contrairement à une procédure devant un juge, la procédure devant la Commission n’est pas contestable. La Commission souhaite en outre attirer l’attention sur l’article 10 de l’arrêté royal du 20 décembre 2006 relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales, qui dispose que les délibérations de la Commission de recours sont confidentielles ainsi que toutes informations obtenues dans le cadre de sa mission. Ni le législateur ni le Roi n’ont édicté de règles spécifiques pour l’accès à certains documents reçus par la Commission si ce n’est que la personne ayant introduit le recours et l’administration ont un droit d’accès immédiat aux informations d’enregistrement du recours. On ne peut pas non plus déduire de l’article 37, § 3 de la loi du 5 août 2006 que la Commission devrait automatiquement communiquer le recours à l’instance environnementale. Il est seulement stipulé que la Commission doit informer l’instance environnementale concernée de l’introduction d’un recours contre la décision qu’elle a prise ainsi que de l’objet de celui-ci, ce qui a également été fait dans ce cas. La Commission estime toutefois qu’elle est également soumise à la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration et 4 qu’elle doit en outre être considérée comme une instance environnementale à laquelle s’applique la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement. A défaut d’une procédure spéciale, les dispositions de ces lois respectives sont d’application. Cela a pour conséquence que dans la mesure où la demande porte sur un document administratif ne contenant aucune information environnementale, seule la Commission, à l’exception d’une délégation qu’elle aurait elle-même autorisée, est compétente pour prendre une décision sur l’accès dans le délai imparti à cette fin. La Commission estime que le recours introduit par Monsieur Jean- Marc Nollet ne contient aucune information confidentielle concernant le recours introduit auprès de celle-ci qui pourrait avoir un impact négatif sur la procédure en cours auprès de la Commission et que les motifs d’exception de la loi du 11 avril 1994, loi qui est d’application dans le cas présent parce que les informations figurant dans le recours ne peuvent pas être considérées comme des informations environnementales, ne doivent pas ou ne peuvent pas être invoqués. » 1.7. Lors de sa réunion du 22 août 2016, la Commission décide de transmettre à Synatom un courrier dans lequel Synatom est prié de justifier, de manière détaillée, sa réponse dans sa décision. 1.8. Par courrier en date du 1er septembre 2016, Synatom fournit à la Commission « un addendum au rapport triennal 2013 relatif à la réévaluation des provisions pour le démantèlement des centrales nucléaires ». Synatom précise que « l’addendum confidentiel traite des différents scénarios de démantèlement compte tenu de la prolongation de la durée de fonctionnement de Tihange 1. L’addendum comprend : - une présentation faite sous forme de slides à la Commission des provisions nucléaires le 5 mai 2014 reprenant les principales variations entre le nouveau scénario calculé et le scénario financier du 18 septembre 2013 ; - les annexes modifiées concernant la provision de démantèlement dans le cadre de la prolongation de Tihange 1. » Synatom souligne qu’en aucune façon l’envoi à la Commission constitue une reconnaissance du caractère environnemental des informations 5 contenues dans les documents précités et que ces derniers contiennent, pour l’essentiel, des informations financières ne rentrant pas dans le champ d’application de la loi du 5 août 2006. En particulier, les pages 2, 4, 6 à 8 et 15 à 22 de la présentation faite à la Commission des provisions nucléaires, ainsi que les annexes modifiées relatives à la provision de démantèlement dans le cadre de la prolongation de Tihange 1, ne peuvent en aucun cas être considérées comme des informations à caractère environnemental. 1.9. A la demande de Synatom, le secrétaire de la Commission se rend à un entretien dans les bureaux de Synatom en date du 22 septembre 2016. 2. La recevabilité du recours La Commission estime que le recours est recevable. L’article 35 de la loi du 5 août 2006 dispose que le demandeur peut former un recours auprès de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales contre une décision d’une instance environnementale visée à l’article 4, § 1er, si le délai imparti pour prendre la décision est venu à expiration ou, en cas de refus d’exécution ou d’exécution incorrecte d’une décision, ou en raison de toute autre difficulté qu’il rencontre dans l’exercice des droits que confère cette loi. Le recours doit être introduit dans un délai de soixante jours. Le recours a été introduit le 20 juillet 2016 contre la décision de Synatom du 8 juillet 2016. Le recours a été introduit dans le délai fixé par la loi et est par conséquent recevable. 3. Le bien-fondé du recours La Commission doit préalablement déterminer si les informations demandées tombent sous le champ d’application de la loi du 5 août 2006. La loi du 5 août 2006 s’applique aux instances environnementales visées à l’article 3, 1°, a) et b), dont l’organisation et le fonctionnement sont régis par l’autorité fédérale ainsi qu’aux instances environnementales visées à l’article 3, 1°, c), qui sont sous leur contrôle (article 4, §1er, de la loi du 5 août 2006) et disposent d’informations environnementales (article 18, §1er de la loi). 6 3.1 Le champ d’application personnel Synatom émet explicitement dans sa décision de refus de 8 juillet 2016 et dans sa lettre à la Commission de 1 septembre 2016 des réserves quant au fait qu’elle puisse être qualifiée d’instance environnementale au sens de l’article 3, 1° de la loi du 5 août 2006. Une instance environnementale y est définie comme : a) une personne morale ou un organe créé par ou en vertu de la Constitution, d’une loi, d’un décret ou d’une règle visée à l’article 134 de la Constitution ; b) toute personne physique ou morale qui exerce des fonctions administratives publiques, y compris des tâches, activités ou services spécifiques en rapport avec l’environnement ; c) toute personne physique ou morale ayant des responsabilités ou des fonctions publiques, ou fournissant des services publics, en rapport avec l’environnement, sous le contrôle d’un organe ou d’une personne visé(e) au point a) ou b). Les organes et institutions avec une compétence judiciaire ne tombent pas sous cette définition à moins qu’ils agissent avec une autre fonction que judiciaire. Les assemblées législatives et les institutions y attachées ne relèvent pas de cette définition, sauf si elles agissent en qualité administrative. La loi du 11 avril 2003 sur les provisions constituées pour le démantèlement des centrales nucléaires et pour la gestion des matières fissiles irradiées dans ces centrales stipule que Synatom est l’acronyme de la Société belge des Combustibles nucléaires visée à l’article 1er de l’arrêté royal du 10 juin 1994 instituant au profit de l’État une action spécifique de Synatom (MB 28 juin 1994) et dont le statut est organisé par l’article 179, §1er, de la loi du 8 août 1980 relative aux propositions budgétaires 1979-1980 (MB 15 août 1980). L’article 179, §1er, de la loi du 8 août 1980 dispose ce qui suit : « L’Etat est autorisé à prendre une participation dans le capital d’une société mixte qui a pour objet de gérer les activités relatives au cycle des combustibles nucléaires ainsi que les provisions constituées pour le démantèlement des centrales nucléaires et pour la gestion de matières fissiles irradiées dans ces centrales nucléaires, à l’exception des activités énoncées dans le § 2 ci-après ». 7 Synatom ne peut pas être considérée comme une personne morale ou un organe créé par ou en vertu de la Constitution, d’une loi, d’un décret ou d’une règle visée à l’article 134 de la Constitution. On ne peut pas non plus avancer que Synatom est une personne physique ou morale ayant des fonctions publiques. En tout cas, dans la mesure où la loi du 11 avril 2003 lui a confié le rôle de société d’approvisionnement nucléaire, Synatom doit être considérée comme une personne morale qui est sous le contrôle de l’État et a des responsabilités ou des fonctions publiques ou offre des services publics relatifs à l’environnement. La Commission estime dès lors que Synatom tombe sous le champ d’application personnel de la loi du 5 août 2006. 3.2 Le champ d’application matériel 3.2.1. La loi du 5 août 2006 octroie un droit d’accès aux informations environnementales. La notion « d’information environnementale » est décrite à l’article 3, 4° comme : “toute information, peu importe le support et la forme matérielle, dont dispose une instance environnementale concernant : a) l’état des éléments de l’environnement, tels que l’atmosphère, l’air, le sol, les terres, l’eau, le paysage, les sites naturels, y compris les biotopes humides, les zones côtières et maritimes, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, et l’interaction entre ces éléments ; b) l’état de santé de l’homme et sa sécurité y compris la contamination de la chaîne alimentaire, les conditions de vie des personnes, pour autant qu’ils soient ou puissent être altérés par l’un des éléments de l’environnement visés au point a) ou, par l’intermédiaire de ces éléments, par l’un des facteurs tels que visés au point d) ou par les mesures et activités telles que visées au point e) ; c) l’état de sites culturels de valeur et de constructions, pour autant qu’ils soient ou puissent être altérés par les éléments de l’environnement tels que visés au point a) ou, par l’intermédiaire 8 de ces éléments, par l’un des facteurs tels que visés au point d) ou par les mesures et activités telles que visées au point e) ; d) des facteurs, tels que les substances, l’énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs, les émissions, les déversements et autres rejets dans l’environnement qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement tels que visés au point a) ou l’état de santé de l’homme et sa sécurité tels que visés au point b) ; e) les mesures et activités ayant ou étant susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments tels que visés aux points a), b), c) ou d ; f) les mesures et activités ayant pour objectif de garder en état, protéger, restaurer, développer l’état des éléments de l’environnement tels que visés au point a) ou l’état de santé de l’homme et sa sécurité tels que visés au point b), ou les sites culturels de valeur et de constructions tels que visés au point c), et de leur éviter toute pression, la limiter ou la compenser ; g) les analyses coûts-avantages et autres analyses et hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités visées aux points e) et f); h) les rapports sur l’application de la législation environnementale”. 3.2.2 Pour qu’une information doit être considéré comme information environnementale, il est nécessaire que cette information existe. Dans son courrier du 12 août 2016 Synatom a avancé qu’« il ne peut actuellement pas y être donnée de suite favorable dans la mesure où Synatom ne dispose pas des informations susvisée sous la forme demandée ». Durant sa réunion du 22 août 2016, la Commission a décidé d’adresser une lettre à Synatom dans laquelle elle explique qu’il ne suffit pas de répondre que les informations « sous la forme demandée » ne sont pas disponibles. Il faut en effet donner une interprétation vaste à la notion d’information environnementale au sens de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement. C’est plutôt la notion d’information qui est centrale que la forme sous laquelle cette information est disponible. Un demandeur ne peut en effet pas savoir sous quelle forme certaines informations environnementales sont disponibles étant donné qu’aucune liste publique de tous les documents 9 dont dispose une instance environnementale n’est disponible. La Commission estime qu’à la lumière de l’article 32 de la Constitution et en application l’article 4 du Traité d’Aarhus et des articles 1 à 4 de la directive 2003/4/CE, la demande de disposer «d’un tableau pluriannuel des écarts négatifs et la hauteur des compensations qui ont dû être apportées au cours des cinq dernières années (si possible les dix dernières années) en précisant quel était le taux d’actualisation en vigueur et quel était le taux qui avait été atteint pour chacune de ces années», doit être interprétée de manière telle que cette demande porte également sur les documents qui, sur le plan de leur contenu correspondent aussi à cette description, même s’ils existent sous une forme autre qu’“un tableau pluriannuel”. Ce n’est que dans la mesure où de tels documents ne sont pas disponibles que la demande peut être rejetée. Dans ce cadre, la Commission se réfère à l’article 25 de la loi du 5 août 2006 qui s’énonce comme suit : “Si l’information environnementale est disponible ou peut raisonnablement être mise à disposition sur le support, sous la forme et le format électronique demandés, l’instance environnementale qui détient l’information fournit le document administratif concerné sur le support demandé, dans la forme demandée et dans le format électronique demandé. Si cela n’est pas possible, l’instance environnementale communique au demandeur dans sa décision sous quel autre support, sous quelle(s) autre(s) forme(s) ou sous quel autre format le document administratif à caractère environnemental est disponible ou peut raisonnablement être mis à disposition.” Durant l’entretien du 22 septembre 2016, Synatom a explicitement confirmé au secrétaire de la Commission que Synatom ne dispose pas de documents particuliers qui, vu ce qui vient d’être expliqué et considéré, satisfont dans leur ensemble et sur le plan du contenu, à la demande de Monsieur Nollet de disposer “«d’un tableau pluriannuel des écarts négatifs et la hauteur des compensations qui ont dû être apportées au cours des cinq dernières années (si possible les dix dernières années) en précisant quel était le taux d’actualisation en vigueur et quel était le taux qui avait été atteint pour chacune de ces années». Vu cette déclaration explicite de Synatom, faite en toute connaissance de la portée de la loi du 5 août 2006, la Commission estime que la demande 10 doit être rejetée parce que Synatom ne dispose pas de l’information demandée. Le recours doit dès lors être rejeté. Bruxelles, le 26 septembre 2016. La Commission était composée comme suit : Jeroen Van Nieuwenhove, président Frankie Schram, secrétaire et membre Hrisanti Prasman, membre Steven Vandenborre, membre suppléant F. SCHRAM J. VAN NIEUWENHOVE secrétaire président