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Date: 23/5/2016
Commission fédérale de recours pour l'accès aux informations environnementales 23 mai 2016 DÉCISION INTERIMAIRE n° 2016-5 sur le refus implicite de donner accès aux documents en relation avec des contrôles des opérateurs en application du Règlement UE n°995/2010 (CFR/2015/5) GREENPEACE/ SPF SANTE PUBLIQUE, SECURITE DE LA CHAÎNE ALIMENTAIRE ET ENVIRONNEMENT 2 1. Un récapitulatif Par mail en date du 6 janvier 2016, Monsieur X demande au nom de Greenpeace au SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, une copie d’un certain nombre de documents qui portent sur les contrôles réalisés et qui ont été mentionnés comme suit dans le registre des contrôles par l’autorité belge compétente (art. 11 RBUE) dans sa version du 13 novembre 2015, qui mentionnait les contrôles réalisés en 2015 “sur les systèmes de diligence raisonnée de plusieurs opérateurs”: Opérateur étranger, juin 2015 Leary, Août 2015 Somex, Août 2015, Van Hoorebeke Août 2015 Vandecasteele, Août 2015 Vogel Import, Août 2015 Callens, Septembre 2015 Decolvenaere, 21/10/2015 Lemahieu, 16/11/2015 Bellimer, 17/11/2015 Les documents suivants sont demandés pour chacun de ces contrôles : 1. Correspondance (lettres et emails) avec : a. Les autorités belges (ex. douanes et Affaires étrangères) b. Les autorités étrangères dans les pays d’origine du bois contrôlé c. Les autorités des autre Etats membres de l’UE et spécialement leurs Autorités compétentes (RBUE) d. La Commission européenne e. L’entreprise visée par le contrôle f. Les autres acteurs privés, dont, le cas échéant, les fédérations professionnelles impliquées et les Organisations de contrôles (RBUE) g. Toute autre correspondance pertinente liée au contrôle 2. L’information relative : a. Aux mesures prises par l’opérateur pour récolter l’information nécessaire et identifier le risque d’illégalité du bois b. Aux mesures prises par l’opérateur pour évaluer le risque d'illégalité : contrôler l’information par rapport aux critères de risque et ses conclusions sur le degré de risque 3 c. Aux mesures prises par l’opérateur pour atténuer le(s) risque(s) identifié(s) d’illégalité d. L’évaluation de ses mesures par l’Autorité compétente au regard des dispositions du RBUE e. Le cas échéant, les conclusions et recommandations formulées par l’Autorité compétente à l’issu du contrôle 3. Toute autre information pertinente relative au contrôle concerné. Par e-mail en date du 4 février 2016, le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement rejette la demande pour les motifs suivants : - Il est tout d’abord signalé que le Règlement 995/2010 ne requiert pas que la correspondance demandée au point 1 de la demande soit collectée. Si une correspondance a eu lieu avec les instances mentionnées au point a, le SPF rejette la demande parce qu’il estime que l’intérêt public qui est servi par la publicité ne l’emporte pas sur la protection d’un avis ou d’une opinion communiqués volontairement et à titre confidentiel par un tiers à une instance environnementale, pour lesquels celui-ci a explicitement demandé la confidentialité, à moins qu'il n'ait consenti à la publicité (article 27, §1er, 8° de la loi du 5 août 2006). - Si une correspondance a eu lieu avec les instances mentionnées au point 1b/c/d, le SPF rejette la publicité sur la base du fait que l’intérêt public qui est servi par la publicité ne l’emporte pas sur la protection du caractère confidentiel des relations fédérales internationales de la Belgique et des relations de la Belgique avec les institutions supranationales et les relations de l'autorité fédérale avec les communautés et régions (article 27, §1er, 3° de la loi du 5 août 2006). - En ce qui concerne les informations demandées au point 2, il est avancé qu’il s’agit d’inspections comportant plusieurs parties, à savoir une analyse de documents et d’informations et un entretien, avec notamment, une personne chargée du Système de Diligence raisonnée au sein de l’entreprise. - Ces informations ne sont pas toutes reprises par l’Autorité compétente. Le résultat de l’inspection est basé sur un ensemble d’éléments dont les informations demandées ne sont qu’une partie. Cela vaut pour tous les contrôles concernés dont les documents sont demandés. Le SPF rejette la publication de ces informations parce que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas 4 sur la protection de l’intérêt de la confidentialité des délibérations du gouvernement fédéral et des autorités responsables qui en relèvent (article 27, § 1er, 6° de la loi du 5 août 2006). N’étant pas d’accord avec ce point de vue, en date du 19 février 2016, Monsieur X introduit un recours par e-mail auprès de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales, ci- après dénommée la Commission. La Commission ayant cessé ses activités à ce moment-là parce que le mandat des membres avait expiré, l’ancien secrétaire de la Commission a informé le demandeur, de manière informelle, que son recours ne pouvait pas être traité à ce moment-là et que la Commission devrait se prononcer à ce sujet lorsqu’elle aurait repris ses activités. 2. La demande de possibilité de traitement du recours Dans la première décision qu’elle avait prise, la Commission avait déjà été confrontée au fait que le recours avait été introduit avant qu’elle ait commencé ses activités et que le délai dans lequel elle doit prendre une décision était dépassé. L’article 38 de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement dispose que la Commission fédérale de recours pour l'accès aux informations environnementales statue sur le recours dans les plus brefs délais et notifie sa décision par écrit au demandeur et à l'instance environnementale dans un délai de trente jours calendriers au plus tard. Ce délai peut être prolongé de quinze jours sous certaines conditions. Étant donné que le législateur n’a fixé aucune sanction quant au non- respect de ce délai, ce délai doit être considéré comme un délai d’ordre. Le dépassement des délais fixés par la loi à la Commission n’a donc pas pour conséquence que la Commission fédérale de recours perd ses compétences décisionnelles. La Commission fédérale de recours est donc bien compétente pour prendre une décision quant au litige qui lui a été soumis. Dans sa décision n° 2014-19 la Commission a toutefois expliqué son point de vue comme suit : 5 “Il y a en outre lieu de tenir compte du fait qu’en créant la Commission fédérale de recours, le législateur fédéral avait l’intention de donner exécution à l’article 6.1 de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil dans lequel il est notamment avancé qu’il doit s’agir d’une procédure rapide à laquelle aucun voire peu de coûts sont liés. Dans l’exposé des motifs, il était toutefois erroné fait référence à la transposition de l’article 6.2 de cette directive. En tout cas, la Commission est tenue de prendre une décision dans un délai raisonnable et vu sa qualité d’organe de recours administratif spécifique, cette période ne peut certainement pas prendre l’ampleur de la période dans laquelle le Conseil d’Etat et le tribunal de première instance doivent se prononcer sur un recours en annulation introduit auprès de celui-ci ou une demande de donner exécution à une décision administrative.” Vu le bref délai qui s’est écoulé depuis que le recours a été introduit et le fait que la loi du 5 août 2006 n’a fixé aucune sanction quant au non- respect du délai dans la Commission peut traiter le recours, la Commission estime qu’elle peut prendre une décision, également en tenant compte du fait que le mandat des membres de la Commission a seulement été renouvelé par l’arrêté royal du 14 mars 2016 portant nomination des membres de la Commission fédérale de recours pour l'accès aux informations environnementales qui n’a été publié au Moniteur belge que le 15 avril 2016 et que ce n’est qu’en date du 10 mai 2016 qu’un nombre suffisant de membres de la Commission a prêté serment. 3. La recevabilité du recours La Commission estime que le recours est recevable. L’article 35 de la loi du 5 août 2006 dispose que le demandeur peut former un recours auprès de la Commission fédérale de recours pour l'accès aux informations environnementales contre une décision d'une instance environnementale visée à l'article 4, § 1er, si le délai imparti pour prendre la décision est venu à expiration ou, en cas de refus d'exécution ou d'exécution incorrecte d'une décision, ou en raison de toute autre difficulté qu'il rencontre dans l'exercice des droits que confère cette loi. Le recours doit 6 être introduit dans un délai de soixante jours. Le recours a été introduit le 31 mars 2016 contre une décision prise le 5 février 2016. Le recours a par conséquent été introduit dans le délai fixé par la loi et est recevable. 4. Le bien-fondé du recours La Commission doit préalablement déterminer si la demande d’information tombe sous le champ d’application de la loi du 5 août 2006. La loi du 5 août 2006 s’applique aux instances environnementales visées à l’article 3, 1°, a) et b), dont l’organisation et le fonctionnement sont régis par l’autorité fédérale ainsi qu’aux instances environnementales visées à l’article 3, 1°, c), qui sont sous leur contrôle (article 4, §1er, de la loi du 5 août 2006) et disposent d’informations environnementales (article 18, §1er de la loi). 4.1 Le champ d’application personnel Il est incontestable que le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement doit être considéré comme une instance environnementale au sens de l’article 4, §1er, de la loi du 5 août 2006, ce que la Commission l’avait déjà explicitement constaté dans les décisions précédentes. 4.2 Le champ d’application matériel La loi du 5 août 2006 octroie un droit d’accès à l’information en matière d’environnement. La notion “d’information environnementale” est décrite à l’article 3, 4° comme : “toute information, peu importe le support et la forme matérielle, dont dispose une instance environnementale concernant : a) l'état des éléments de l'environnement, tels que l'atmosphère, l'air, le sol, les terres, l'eau, le paysage, les sites naturels, y compris les biotopes humides, les zones côtières et maritimes, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, et l'interaction entre ces éléments ; b) l'état de santé de l'homme et sa sécurité y compris la contamination de la chaîne alimentaire, les conditions de vie 7 des personnes, pour autant qu'ils soient ou puissent être altérés par l'un des éléments de l'environnement visés au point a) ou, par l'intermédiaire de ces éléments, par l'un des facteurs tels que visés au point d) ou par les mesures et activités telles que visées au point e) ; c) l'état de sites culturels de valeur et de constructions, pour autant qu'ils soient ou puissent être altérés par les éléments de l'environnement tels que visés au point a) ou, par l'intermédiaire de ces éléments, par l'un des facteurs tels que visés au point d) ou par les mesures et activités telles que visées au point e) ; d) des facteurs, tels que les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs, les émissions, les déversements et autres rejets dans l'environnement qui ont ou sont susceptibles d'avoir des incidences sur les éléments de l'environnement tels que visés au point a) ou l'état de santé de l'homme et sa sécurité tels que visés au point b) ; e) les mesures et activités ayant ou étant susceptibles d'avoir des incidences sur les éléments tels que visés aux points a), b), c) ou d; f) les mesures et activités ayant pour objectif de garder en état, protéger, restaurer, développer l'état des éléments de l'environnement tels que visés au point a) ou l'état de santé de l'homme et sa sécurité tels que visés au point b), ou les sites culturels de valeur et de constructions tels que visés au point c), et de leur éviter toute pression, la limiter ou la compenser ; g) les analyses coûts-avantages et autres analyses et hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités visées aux points e) et f); h) les rapports sur l'application de la législation environnementale”. La Commission souligne que la notion d’information environnementale a une très vaste interprétation. Le fait qu’un grand nombre d’exemples soient mentionnés dans la définition indique que l’on ne peut pas donner une interprétation trop étroite à la notion. La Commission constate que le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement ne conteste pas que les documents demandés contiennent des informations environnementales au sens de la 8 loi du 5 août 2006. La Commission doit toutefois scrupuleusement vérifier si cela est le cas parce que ses compétences se limitent en effet à l’accès à ce type d’informations. 4.3 La possibilité d’invoquer des motifs d’exception Examen des arguments invoqués par le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement : 4.3.1. L’invocabilité de l’article 27, §1er, 3° de la loi du 5 août 2006 Le SPF Santé publique invoque l’article 27, §1er, 3° de la loi du 5 août 2006 pour refuser la correspondance échangée avec : - les autorités étrangères dans les pays d’origine du bois contrôlé - les autorités des autre Etats membres de l’UE et spécialement leurs Autorités compétentes (RBUE) - la Commission européenne parce qu’il estime que l’intérêt qui est servi avec la publicité ne l’emporte pas sur la protection du caractère confidentiel des relations fédérales internationales de la Belgique et des relations de la Belgique avec les institutions supranationales et les relations de l'autorité fédérale avec les communautés et régions. Toutefois, rien ne montre que cette correspondance peut être considérée comme ayant un caractère confidentiel, ni que la publicité peut porter préjudice à l’éventuel caractère confidentiel de ces relations. On ne peut dès lors que constater que cette motivation n’est pas suffisante pour invoquer le motif d’exception visé à l’article 27, §1er, 3° afin de refuser l’accès à la correspondance précitée. 4.3.2. L’invocabilité de l’article 27, §1er, 6° de la loi du 5 août 2006 A l’égard des documents demandés mentionnés au point 2, le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement invoque le motif d’exception de l’article 27, §1er, 6° de la loi du 5 août 2006. Ce motif d’exception dispose qu’une instance environnementale rejette la demande si l’intérêt public de la publicité ne l’emporte pas sur la protection de « la confidentialité des délibérations du gouvernement fédéral et des autorités responsables qui en relèvent”. Le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement n’invoque aucun élément concret dont on pourrait déduire que la publicité de ces 9 documents porte atteinte à la confidentialité des délibérations du gouvernement fédéral et des autorités responsables qui en dépendent. Par ailleurs, la Commission ne voit pas comment les arguments invoqués dans ce cadre présentent une quelconque relation avec le motif d’exception invoqué. 4.3.3. L’invocabilité de l’article 27, § 1er, 8° de la loi du 5 août 2006 En ce qui concerne la correspondance mentionnée au point 1, le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement invoque le fait que la publicité doit être refusée sur la base de l’article 27, §1er, 8° de la loi du 5 août 2006 parce que la publicité ne l’emporte pas sur la protection d’un avis ou une opinion communiqués volontairement et à titre confidentiel par un tiers à une instance environnementale, pour lesquels celui-ci a explicitement demandé la confidentialité, à moins qu'il n'ait consenti à la publicité. Dans ce cadre, la Commission souligne que ce motif d’exception ne peut être invoqué que sous certaines conditions très strictes. Il ne peut être invoqué qu’à l’égard d’opinions et d’avis et non à l’égard d’informations de fait. Ces opinions et avis peuvent uniquement émaner d’un tiers et par conséquent, non d’une autorité qui est concernée par l’application d’un cadre légal. Il est par ailleurs requis qu’il n’y ait aucune obligation juridique de fournir ces informations à l’autorité. Pour invoquer ce motif d’exception, il est également requis que la tierce personne ait explicitement invoqué la confidentialité au moment où l’instance environnementale a été mise en la possession des informations. Enfin, ce motif d’exception ne peut être invoqué qu’après avoir procédé à une mise en balance des intérêts ayant permis de constater que l’intérêt général qui est servi par la publicité ne l’emporte pas sur l’intérêt protégé. Il s’agit ici de conditions cumulatives, ce qui implique que si l’une des conditions n’est pas remplie, cela engendre automatiquement l’impossibilité d’invoquer ce motif d’exception. La Commission estime que la motivation du SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement contient peu d’indications concrètes que toutes les conditions sont remplies pour pouvoir invoquer ce motif d’exception. Cela n’est certainement pas le cas en ce qui concerne les informations échangées entre les autorités parce qu’elles ne peuvent pas être considérées comme des tiers. 10 5. Décision Un premier examen montre que la Commission de recours ne dispose pas de suffisamment d’informations pour déterminer si toutes les informations doivent être qualifiées d’informations environnementales au sens de la loi du 5 août 2006, bien que le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement n’avance aucune objection en la matière. La Commission doit toutefois vérifier de propre initiative si cela est le cas. De plus, la Commission constate que les motifs d’exception invoqués ne sont pas motivés de manière suffisamment concrète et que dans certains cas, il est déjà manifeste qu’ils ne constituent aucun fondement juridique suffisant pour refuser la publicité. En tout cas, il manque à la Commission un fondement suffisant pour justifier la non-publicité globale étant donné que seules les informations tombant sous la définition d’un motif d’exception peuvent être soustraites à la publicité. Sur la base de l’article 40 de la loi du 5 août 2006, la Commission demande au SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement de fournir tous les documents concernés à la Commission d’ici le 13 juin 2016 au plus tard. Bruxelles, le 23 mai 2016. La Commission était composée comme suit : Jeroen Van Nieuwenhove, président Frankie Schram, secrétaire et membre Hrisanti Prasman, membre Steven Vandenborre, membre F. SCHRAM J. VAN NIEUWENHOVE secrétaire président