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2020 - D50

Transposition

                     COMMISSION D’ACCÈS
            AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS
            Section Publicité de l’administration
                                 DÉCISION N° 50
                                    4 mai 2020
RW – Ministre-Président – Décisions du Gouvernement wallon – Obligation de
  collaboration avec la CADA (article 8ter) – Qualité de parlementaire du
  requérant – Séparation des pouvoirs – Secret des délibérations (non) –
                          Communication d’office
                     Commission d’accès aux documents administratifs
                              Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes
                                 Secrétariat – Tél. : 081/33 31 80
                                 support.cada@spw.wallonie.be

                                                           -2-
                                            RÉGION WALLONNE
                     COMMISSION D’ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS
                                          Séance du 4 mai 2020
                                                 Décision n° 50
En cause :        […],
                  Partie requérante,
Contre :          La Région wallonne, représentée par son Ministre-Président Elio Di Rupo,
                  Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret
du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la
Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit par courrier recommandé le 5 février 2020 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 7 février 2020 et reçue le 10 février 2020 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 10 mars 2020 ;
Vu les observations de la partie adverse datées du 23 avril 2020 ;
Vu les observations en réponse de la partie requérante datées du 28 avril 2020 ;
Vu les observations en réplique de la partie adverse datées du 30 avril 2020.
Objet et recevabilité du recours
     1. Le recours porte sur l’obtention d’une copie des « points 9, 15, 18, 25, 28 et 33 de la séance du
          28 novembre 2019 du Conseil des Ministres1, ainsi que leurs annexes ».
1 Lire « Gouvernement wallon ».
                                  Commission d’accès aux documents administratifs
                                           Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes
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     2. Les documents sollicités sont des documents administratifs au sens de l’article 1er, alinéa 2, 2°,
           du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration.
     3. La demande, datant du 9 décembre 2019, a été rejetée implicitement par l’entité concernée à
           la date du jeudi 9 janvier 2020. La partie requérante a introduit valablement son recours dans
           le délai de 30 jours visé à l’article 8bis, alinéa 1er, second tiret, du décret du 30 mars 1995, le
           lendemain du rejet implicite.
Quant à l’obligation de collaboration de la partie adverse avec la Commission
     4. Dans sa réponse du 10 mars 2020, la partie adverse expose les motifs justifiant, selon elle, que
           les documents sollicités ne soient pas communiqués à la partie requérante, dont le secret des
           délibérations qui, à son estime, « implique que le Gouvernement ne puisse transmettre, même
           à la CADA, de tels documents ».
     5. L’article 8ter, alinéa 1er, du décret wallon du 30 mars 1995, tel qu’il a été inséré par l’article 7 du
           décret du 2 mai 20192, dispose :
           « L’entité concernée transmet au secrétaire de la Commission copie du document objet de la
           demande du requérant dans les quinze jours de la demande, ainsi que tout autre élément de droit
           ou de fait, document ou renseignement qui ont motivé sa décision de rejet. Elle y joint, le cas
           échéant, une note d’observations. […] ».
     6. La réponse, datée du 10 mars 2020, de la partie adverse à une demande d’information reçue le
           10 février 2020 ne respecte pas le délai de quinze jours établi par l’article 8ter, alinéa 1er, précité,
           de sorte qu’elle est tardive.
           Néanmoins, la Commission estime qu’il y a lieu de tenir compte, pour l’examen du présent
           recours, des éléments communiqués par la partie adverse, même s’ils ont été communiqués en
           dehors du délai visé à l’article 8ter, alinéa 1er, du décret du 30 mars 19953.
     7. En ce qui concerne le refus de communiquer à la Commission les documents sollicités,
           la Commission rappelle qu’aucune exception à l’obligation de collaboration dans l’instruction du
           dossier, instaurée par la disposition précitée, n’est prévue par le décret, et ce même si la partie
           adverse expose les motifs qui justifieraient, selon elle, que les documents sollicités ne
           pourraient pas être communiqués à la partie requérante.
           L’exigence de collaboration posée dans l’article 8ter du décret du 30 mars 1995 vise en effet à
           permettre à la Commission d’exercer la mission légale qui lui est dévolue, laquelle suppose une
           appréciation concrète de l’application éventuelle des exceptions prévues par le décret, en
           tenant compte du contenu des documents sollicités.
2 Cette exigence renforce en outre l’obligation prévue par l’article 12 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998,
selon lequel « à la demande du président et dans le cadre du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration,
les autorités administratives sont tenues de communiquer à la Commission tous les documents et renseignements utiles ».
3 En ce sens, voy. aussi la décision n° 12 du 2 décembre 2019.
                                        Commission d’accès aux documents administratifs
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           Il ressort en outre de l’esprit du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration
           que les informations obtenues par la Commission dans le cadre de l’instruction du dossier sont
           confidentielles4.
     8. Le projet initial d’article devenu l’article 8ter du décret du 30 mars 1995 a d’ailleurs été amendé
           afin de garantir la collaboration des autorités concernées avec la Commission5.
           L’article 8ter, alinéa 2, du décret wallon du 30 mars 1995, tel qu’il a été inséré par l’article 7 du
           décret du 2 mai 2019, prévoit ainsi qu’ « [à] défaut de communication par l’entité concernée de
           la copie du document […], la Commission fait d’office droit au recours et décide, moyennant le
           respect des exceptions prévues à l’article 6 du présent décret, la production du document
           demandé ».
           Le refus de communiquer à la Commission les documents sollicités est donc en contradiction
           flagrante avec l’intention du législateur. Ce refus de collaboration pourrait d’ailleurs devenir
           systématique et empêcher ainsi que la Commission puisse exercer pleinement la mission légale
           qui lui est dévolue, et qui se fonde sur la garantie du droit fondamental visé à l’article 32 de la
           Constitution6. Ce refus a pour conséquence que, conformément à l’article 8ter, alinéa 2, précité,
           la Commission doit faire droit au recours, moyennant le respect des exceptions prévues à
           l’article 6 du présent décret.
     9. Comme la Commission l’a indiqué en point 6, elle accepte néanmoins de tenir compte des
           éléments avancés par la partie adverse pour apprécier l’application d’éventuelles exceptions
           justifiant le refus de communiquer les documents sollicités, tout en déplorant l’absence de
           communication des documents sollicités qui l’empêche d’apprécier concrètement l’existence
           de ces exceptions et qui entrave, partant, sa mission légale.
Quant aux motifs d’exception
     10. La partie adverse soulève tout d’abord la qualité de parlementaire wallon de la partie
           requérante, qui l’empêcherait de revendiquer le droit d’accès aux documents administratifs
           reconnu à « chacun » par l’article 32 de la Constitution, sauf à démontrer un intérêt personnel,
           distinct de son intérêt fonctionnel, pour l’obtention des documents sollicités.
           La reconnaissance d’un tel droit méconnaîtrait la séparation des pouvoirs et les mécanismes de
           responsabilité d’un gouvernement devant le parlement et de contrôle politique du pouvoir
           exécutif par le pouvoir législatif, prévus par les articles 56, 101, 115, 118, 121 et 123 de la
           Constitution, et mis en œuvre notamment par les articles 40, 70, 71 de la loi spéciale de réformes
           institutionnelles. Il existerait dès lors, selon la partie adverse, un « détournement de
           procédure » dans le chef de la partie requérante.
4 Voy. la décision n° 48 du 2 mars 2020.
5 « L’amendement fait suite à l’observation de la CADA par laquelle celle-ci constate et déplore l’absence de collaboration de
certaines autorités qui ne communiquent pas le document sollicité, voire qui ne répondent pas à sa demande. Il prévoit la
production d’office du document demandé comme mesure sanctionnant l’absence de collaboration des autorités administratives
concernées. L’amendement intègre le principe du contradictoire, comme le préconise la CADA » (Doc. parl., Parlement wallon,
2017-2018, n° 1075/3, p. 3).
6 Comp. avec la décision n° 45 du 27 avril 2020.
                                      Commission d’accès aux documents administratifs
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     11. En prévoyant que « chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s’en
           faire remettre une copie », l’article 32 de la Constitution garantit la reconnaissance la plus large7
           des bénéficiaires du droit fondamental d’accès aux documents administratifs. La Cour
           constitutionnelle a rappelé, à cet égard, dans son arrêt n° 169/2013 du 19 décembre 2013 :
           « Des exceptions au principe de la publicité des documents administratifs ne sont possibles que dans
           les conditions fixées par la loi, le décret ou l’ordonnance. Elles doivent être justifiées et sont de stricte
           interprétation (Doc. parl., Sénat, 1991-1992, n° 100-49/2°, p. 9) » (B.16.2, alinéa 2)8.
           Le décret du 30 mars 1995, qui met en œuvre ce droit fondamental, ne soumet l’accès aux
           documents administratifs à aucune condition de démonstration d’un intérêt, sauf pour les
           documents à caractère personnel, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
           En sa qualité de citoyen, la partie requérante bénéficie dès lors du droit reconnu par l’article 32
           de la Constitution, et mis en œuvre par le décret du 30 mars 1995, sans devoir justifier d’un
           intérêt.
     12. La partie requérante ne se prévaut pas de sa qualité de parlementaire pour fonder son recours.
           Contrairement à ce que soutient la partie adverse, ni le fait que la partie requérante soit
           également un parlementaire wallon, ni les mécanismes de contrôle existant entre le pouvoir
           exécutif et le pouvoir législatif, ne peuvent avoir pour effet de supprimer ou de limiter le droit
           fondamental d’accès aux documents administratifs dont bénéficient l’ensemble des citoyens,
           en ce compris la partie requérante.
           Les mécanismes institutionnels dont bénéficient les parlementaires ou le parlement à l’égard du
           gouvernement ne peuvent en effet restreindre le droit individuel reconnu à tous par l’article 32
           de la Constitution, leurs logiques respectives étant fondamentalement distinctes.
           Contrairement à ce que soutient la partie adverse, il n’existe aucun « détournement de la
           procédure » dans le chef de la partie requérante, dès lors que l’invocation du droit individuel
           qui lui est reconnu par l’article 32 de la Constitution lui permet d’accéder aux documents qui
           sont également, sur cette base, accessibles à tous les citoyens9.
     13. La partie adverse soulève ensuite l’exception du secret des délibérations du Gouvernement et
           le respect du principe de la délibération collégiale, de sorte que les notes au Gouvernement et
           les dossiers qui accompagnent la délibération doivent rester secrets.
7 Voy. C.E., n° 62.547 du 14 octobre 1996, SA Électrification du Rail et Duchêne c. État belge : l’usage du terme « chacun »
dans l’article 32 de la Constitution « indique que ce droit s’applique à tous, personnes physiques ou personnes morales ».
8 Voy. aussi C. Const., n° 167/2018 du 29 novembre 2018, B.7.2.
9 En ce sens, voy. Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/4, pp. 3-4.
                                        Commission d’accès aux documents administratifs
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14. L’article 6, § 2, du décret du 30 mars 1995 dispose :
    « L'autorité administrative régionale ou non régionale rejette la demande de consultation,
    d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, qui lui est
    adressée en application du présent décret, si la publication du document porte atteinte :
    […]
    3° au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du
    Gouvernement ou auxquelles une autorité régionale est associée ».
15. En ce qui concerne l’exception liée au secret des délibérations du Gouvernement, visée à l’article
    6, § 2, 3°, du décret du 30 mars 1995, la Commission a, dans son avis n° 122 du 6 mars 2017,
    considéré :
    « En ce sens, le Conseil d’Etat a récemment jugé que ‘Les communications internes et les messages
    échangés entre le cabinet du ministre et l’administration sont des documents qui sont couverts par
    le secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir
    exécutif régional et qui figurent au nombre des documents que l’ordonnance du 30 mars 1995
    relative à la publicité de l’administration permet de soustraire à la publicité’ (C.E., arrêt n° 223.260
    du 24 avril 2013, Commune d’Auderghem). En vue de respecter cette exception, il convient
    néanmoins de démontrer concrètement que la diffusion de la note révélerait des opinions et prises
    de position des parties impliquées dans le processus de décision ou que cette diffusion risquerait de
    paralyser le processus de discussion politique.
    En synthèse, la Commission estime que la divulgation d’une note de l’administration ayant pour
    objectif d’éclairer ou d’orienter la décision politique, avant sa communication au ministre, et donc
    avant la prise de décision, peut porter atteinte au secret des délibérations, au sens de l’article 6, §2,
    3° du décret. En revanche, il n’est pas impossible qu’après la prise de décision, cette atteinte
    disparaisse ou s’amenuise. En toute hypothèse, il faut à chaque fois procéder à une appréciation au
    cas par cas (dans le même sens : Doc.parl., Chambre, sess. 1992-1993, n° 1112/1, p. 16) ».
16. En l’espèce, la Commission constate tout d’abord que, par rapport aux documents initialement
    sollicités auprès de la partie adverse, la partie requérante a limité son recours, comme indiqué
    en point 1, et a précisé avoir déjà reçu, en sa qualité de parlementaire, la « notification » des
    décisions du gouvernement adoptées le 28 novembre 2019, mais que cette notification ne lui
    permettait pas d’appréhender les décisions de façon complète. La partie requérante a dès lors
    limité son recours aux « décisions prises par le Gouvernement wallon en sa séance du 28
    novembre 2019 :
    -    Point 9 : la notification ne précise pas nommément les bénéficiaires des subventions et les
         montants précis alloués à chaque bénéficiaire ;
    -    Point 15 : la notification ne permet pas de connaître le montant ni l’objet de la subvention ;
    -    Point 18 : la notification ne permet pas de connaître le montant ni l’objet ni les bénéficiaires
         de la subvention ;
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    -    Point 25 : la notification ne permet pas de connaître les personnes désignées par le
         Gouvernement wallon ;
    -    Point 28 : la notification ne permet pas de connaître la portée ni les bénéficiaires de la
         décision gouvernementale ;
    -    Point 33 : la notification ne permet pas de connaître les personnes désignées par le
         Gouvernement wallon ».
    Il ressort dès lors du contenu de la requête que le recours ne concerne pas, de manière générale,
    les décisions visées aux points 9, 15, 18, 25, 28 et 33 de la séance du 28 novembre 2019, ainsi
    que l’ensemble de leurs annexes, mais les seuls documents – figurant soit dans la décision elle-
    même, soit dans une annexe –, le cas échéant, partiellement occultés, permettant de connaître
    les éléments précis, énumérés ci-dessus, relatifs à des décisions du Gouvernement qui ont été
    adoptées lors de la séance du 28 novembre 2019.
17. De tels éléments, ainsi limités, ne portent pas sur des documents préparatoires, inachevés ou
    incomplets, soumis à la délibération du Gouvernement wallon, et qui seraient dès lors
    susceptibles de porter atteinte au secret des délibérations, visé à l’article 6, § 2, 3°, du décret
    du 30 mars 1995, mais uniquement sur des documents qui contiennent des éléments de
    décisions qui ont été adoptées par ce Gouvernement le 28 novembre 2019, sans avoir égard à
    la phase préalable de délibération, ni a fortiori au contenu de celle-ci.
    Les documents sollicités ne relèvent dès lors pas de l’exception liée au secret des délibérations.
18. Vu la crise sanitaire actuelle et la situation de confinement, la Commission accorde le délai
    maximal légal de 60 jours à la partie adverse pour transmettre les documents.
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                           Par ces motifs, la Commission décide :
La partie adverse communique les documents sollicités, tels qu’ils sont précisés dans le point 16 de la
présente décision, et ce dans un délai de 60 jours à partir de la notification de la présente décision.
Ainsi décidé le 4 mai 2020 par la Commission d’accès aux documents administratifs, délibéré par
visioconférence par Madame ROSOUX, Présidente suppléante et rapporteur, et Messieurs de BROUX,
membre effectif et vice-président, et LEVAUX, membre effectif, et en présence de Madame DREZE,
membre effective.
                        Le Secrétaire,                                         La Présidente suppléante,
                          E. CLAEYS                                             G. ROSOUX
                                Commission d’accès aux documents administratifs
                                         Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes
                                            Secrétariat – Tél. : 081/33 31 80
                                            support.cada@spw.wallonie.be