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COMMISSION D’ACCÈS
AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS
Section Publicité de l’administration
DÉCISION N° 18
2 décembre 2019
Commune – Annexes aux délibérations du conseil communal – Recevabilité –
Modalité de la publicité passive – Envoi électronique – Impact du droit de
consultation des conseillers communaux (article L1122-13 du CDLD) – R.G.P.D. –
Vie privée – Demande abusive (non) – Publication site internet – Respect des
droits des tiers – Communication partielle
Commission d’accès aux documents administratifs
Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes
Secrétariat – Tél. : 081/33 38 25
support.cada@spw.wallonie.be
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RÉGION WALLONNE
COMMISSION D’ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS
Séance du 2 décembre 2019
Décision n° 18
En cause : Monsieur […],
Partie requérante,
Contre : La Ville de Tournai,
Partie adverse,
Vu l’article 32 de la Constitution ;
Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, tel qu’il a été modifié par le décret
du 2 mai 2019, l’article 8, § 1er ;
Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, les articles L3231-1 et suivants ;
Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la
Commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu le recours introduit le 28 octobre 2019 ;
Vu la demande d’information adressée à la partie adverse le 28 octobre 2019 et reçue le 30 octobre
2019 ;
Vu la réponse de la partie adverse du 12 novembre 2019.
Objet et recevabilité du recours
1. La demande initiale du 25 septembre 2019, telle qu’elle ressort de l’échange de correspondance
sur la plateforme « Transparencia.be », entre la partie requérante et la partie adverse, porte sur
l’obtention d’une copie des annexes relatives aux points 32 (statuts administratif, pécuniaire et
cadre du personnel), 38 (Eurométropole Tour – Édition 2019), et 115 à 124 (finances
communales) des projets de délibérations du Conseil communal de la Ville de Tournai du 30
septembre 2019.
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Les documents sollicités sont des documents administratifs au sens de l’article 1er, alinéa 2, 2°,
du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration et de l’article L3211-3 du
Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après : le CDLD).
2. Dans sa réponse du 12 novembre adressée à la Commission, la partie adverse soulève
l’irrecevabilité de la demande en ce qu’elle serait prématurée.
3. En l’espèce, la demande initiale a été introduite, via la plateforme « Transparencia.be », le 25
septembre 2019. Comme la Commission l’a considéré dans sa décision n° 5 du 7 octobre 2019,
il convient de considérer, à défaut d’accusé de réception, que cette demande a été reçue le
premier jour ouvrable suivant, soit le 26 septembre 2019. La demande a été rejetée
implicitement par l’entité concernée à l’expiration du délai de 30 jours de la réception de la
demande initiale, soit en date du 25 octobre. Le délai de 30 jours pour introduire le présent
recours auprès de la Commission a pris effet le lendemain de l’expiration de ce délai, soit le 26
octobre 2019.
Le présent recours a été introduit le 25 octobre 2015 par courriel, qui ne constitue pas un mode
d’introduction du recours susceptible de conférer une date certaine. Toutefois, comme la
Commission l’a considéré dans sa décision n° 5 précitée, la date du courrier recommandé envoyé
à la partie adverse en application de l’article 8bis, alinéa 3, du décret du 30 mars 1995, confère,
le cas échéant, date certaine au recours. En l’espèce, la date certaine retenue pour le présent
recours, introduit par courriel le 25 octobre 2019, est le 28 octobre 2019, date à laquelle la
demande d’information a été envoyée à la partie adverse. Dans ce contexte, le requérant est
dans le délai pour introduire son recours, celui-ci commençant le 26 octobre.
Le recours est donc recevable ratione temporis.
4. La Commission attire toutefois l’attention sur le risque que prend la partie requérante de voir
son recours jugé prématuré lorsqu’elle choisit d’introduire son recours par courriel avant
l’expiration du délai de réponse de la partie adverse. En l’espèce, la partie adverse pouvait en
effet répondre à la demande initiale du requérant jusqu’au 25 octobre 2019. Ce n’est que parce
qu’elle ne l’a pas fait qu’il convient de considérer qu’il existe un refus implicite de la partie
adverse, permettant au requérant d’introduire un recours utile auprès de la Commission.
Examen du recours
5. Dans sa réponse du 7 novembre 2019 adressée directement à la partie requérante, la partie
adverse indique être disposée à communiquer les documents sollicités par voie postale,
moyennant le paiement de la redevance relative à la délivrance de photocopies par les services
administratifs, à majorer des frais d’envoi par courrier recommandé.
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La Commission constate que, dans ce courriel, la partie adverse ne s’oppose pas à la
communication des documents sollicités, mais conteste uniquement la modalité d’un envoi par
courrier électronique.
6. En ce qui est de la modalité de communication des documents, la Commission rappelle son avis
n° 245 du 10 décembre 2018 :
« L’article 4, §1er du décret wallon du 30 mars 1995 prévoit que ‘chacun, selon les conditions
prévues par le présent décret, peut prendre connaissance sur place de tout document
administratif, obtenir des explications à son sujet et en recevoir communication sous forme de
copie, selon les modalités arrêtées par le Gouvernement’. Selon le §2 du même article, ‘La
délivrance d’une copie d’un document administratif peut être soumise au paiement d’une
rétribution dont le montant est fixé par le Gouvernement. Le montant de cette rétribution ne
peut être supérieur au prix coûtant’.
Il résulte de ces dispositions que l’Administration doit respecter la volonté du demandeur de
consulter un document sur place, et/ou d’obtenir des explications son sujet, et/ou d’en recevoir
communication sous forme de copie sur place ou par courrier postal ou électronique. Cela ne
prive pas l’Administration d’essayer de privilégier une modalité plutôt qu’une autre, pour des
motifs propres au document concerné, mais elle ne peut pas contraindre le demandeur à suivre
une modalité plutôt qu’une autre.
En d’autres termes, si un demandeur exige l’envoi d’une copie d’un ou plusieurs documents
administratifs par courrier électronique, cette demande doit être satisfaite, sauf preuve d’une
difficulté particulière, notamment sur un plan purement technique ».
En l’espèce, la partie adverse doit procéder à l’envoi des documents par voie électronique, dès
lors qu’elle ne démontre pas l’existence de difficultés particulières liées à cette modalité.
7. Dans sa réponse du 12 novembre 2019 adressée à la Commission, la partie adverse s’oppose à
la communication des documents sollicités, et soulève plusieurs arguments justifiant ce refus.
8. Tout d’abord, la partie adverse précise, en ce qui concerne les projets de délibérations du conseil
communal, que « transmettre tels quels les documents existants avant leur approbation par le
conseil communal est sujet à méprise dès lors que rien n’indique qu’il s’agit de projets : ajouter
la mention ‘projet’ suppose d’en créer de nouveaux ».
Dès lors que, comme la Commission l’a indiqué dans le point 1 de la présente décision, le présent
recours porte uniquement sur la communication de certaines annexes aux projets de
délibérations et non des projets de délibérations en eux-mêmes, cet argument n’est pas
pertinent en l’espèce.
9. Ensuite, la partie adverse avance que la partie requérante ne pourrait se voir communiquer les
documents, sans se déplacer, car l’article L1122-13 du CDLD prévoit que « pour chaque point à
l’ordre du jour, toutes les pièces s’y rapportant sont mises, à la disposition, sans déplacement,
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des membres du conseil communal dès l’envoi de l’ordre du jour ». Elle en déduit que seuls les
conseillers communaux ont légalement le droit de consulter les pièces se rapportant à l’ordre
du jour, sans déplacement, de sorte que la demande de la partie requérante de se voir
communiquer une copie des annexes vise à l’obtention d’un droit d’information plus étendu
que celui des conseillers communaux. Selon la partie adverse, cette disposition doit être
entendue comme une exception, établie par le décret, au droit d’accès à de tels documents, qui
permet donc de rejeter la présente demande.
La Commission relève que l’article L1122-13, précité, du CDLD octroie un droit de consultation
aux conseillers communaux, mais ne restreint pas pour autant le droit pour un citoyen de
demander et de recevoir une copie desdits documents.
À cet égard, la Commission rappelle que le droit prévu à l’article 32 de la Constitution est un
droit fondamental et que les exceptions doivent s’entendre de manière restrictive. En effet, les
exceptions légales au droit d’accès aux documents administratifs en possession d’une commune
sont limitativement énumérées à l’article L3231-3 du CDLD, sans préjudice des autres exceptions
établies par la loi ou le décret pour des motifs relevant de l’exercice de l’autorité fédérale, de la
Communauté ou de la Région. L’article L1122-13, précité, du CDLD ne peut être considéré
comme constituant une telle exception.
10. Enfin, la partie adverse invoque, pour justifier son refus, (1) le respect du R.G.P.D.,
(2) l’impossibilité d’anonymiser tous les documents sollicités en raison de la masse des
documents sollicités, ainsi que (3) la crainte de publication de ces derniers sur le site
Transparencia.
11. Dans un premier temps, la Commission rappelle qu’en ce qui concerne les données à caractère
personnel au sens du règlement 2016/679 du 27 avril 2016 de l’Union européenne (R.G.P.D.),
il ne lui appartient pas de se prononcer sur la légalité du traitement imposé par la publicité de
l’administration au regard de ce règlement, cette compétence relevant strictement de la
nouvelle Autorité de protection des données.
Néanmoins, en ce qui concerne la protection de la vie privée, la Commission rappelle que
l’article 6, § 2, 1°, du décret wallon du 30 mars 1995 interdit à l’autorité communale de
transmettre des informations qui portent atteinte à la vie privée.
La Commission rappelle également que les données à caractère personnel, notamment au sens
du droit européen1, sont les informations relatives à une personne physique identifiée ou
identifiable, et notamment les informations spécifiques propres à l’identité physique,
physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale de la personne
concernée.
La Commission rappelle néanmoins que les données déjà rendues publiques, ou que les données
de personnes exerçant une fonction publique ne bénéficient pas d’une protection équivalente
1 Voyez notamment l’article 4, 1°, du Règlement 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à
l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, J.O., L119 du 4 mai 2016.
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à celles des autres personnes physiques. Elle partage également l’avis de l’ancienne Commission
de protection de la vie privée, selon laquelle « le fait même d'exercer une fonction publique ou
d'utiliser des ressources publiques ne peut pas aboutir à une négation totale du droit au respect
de la vie privée des personnes concernées »2.
Dès lors, il appartient à la partie adverse d’occulter, dans les documents sollicités, les mentions
qui relèvent de la vie privée (notamment les noms et adresses des personnes privées
mentionnées dans les documents sollicités).
12. La Commission précise ensuite qu’en ce qui concerne la charge de travail trop élevée alléguée
par la partie adverse au regard du motif d’exception prévu à l’article L3231-3 du CDLD (demande
manifestement abusive ou répétée), elle a déjà eu l’occasion de se prononcer à plusieurs
reprises. Elle a notamment précisé 3 :
« Une demande abusive est une demande qui nécessite pour y répondre un travail qui mette en
péril le bon fonctionnement de la commune. Un simple surcroît de travail ne peut suffire à
considérer une demande comme manifestement abusive ».
Il a par ailleurs été jugé par le Conseil d’État4 que :
« L'examen auquel il doit ainsi être procédé, d'abord pour vérifier si une pièce contient des
informations environnementales, et ensuite, le cas échéant, pour déterminer s'il y a lieu d'y
appliquer l'une ou l'autre des restrictions au droit d'accès aux informations environnementales,
ne se réduit pas à une simple opération matérielle consistant à extraire des pièces des dossiers.
Il faut aussi dresser la liste précise des pièces retirées des dossiers et rendre compte de manière
concrète et pertinente des motifs pour lesquels elles le sont. Vu le nombre de pièces en cause et
la minutie qui doit présider à l'examen auquel il y a lieu de procéder, la charge de travail
qu'occasionne celui-ci est d'une ampleur considérable.
Compte tenu de ce qui précède, réserver une suite favorable à une demande d'information qui,
comme en l'espèce, porterait, selon la partie intervenante, sur pas moins de 10.000 pages,
lesquelles ne sont pas toutes rédigées dans une des langues nationales, impliquerait une charge
de travail disproportionnée au regard des intérêts en cause. Il convient en effet d'avoir égard au
fait que les missions dont ce service est chargé présentent un caractère d'intérêt général et qu'il
importe de veiller à ce que leur exercice ne soit pas entravé ou déraisonnablement perturbé. Si
l'information du public doit faire partie des préoccupations de l'autorité administrative,
toutefois, celle-ci ne peut être tenue de consacrer une charge de travail d'une ampleur de celle
décrite ci-dessus, en vue de répondre à la demande de la partie requérante, fût-elle une
association de défense de l'environnement. Si légitimes que soient les intérêts de cette dernière,
ils ne suffisent pas à justifier que soient mises à la charge du S.P.F. concerné des obligations d'une
telle ampleur ».
2 Voyez les avis 9/2018, 8/2018 et 3/2018 du 17 janvier 2018, lesquels renvoient à l’avis 35/2007, considérant 9, de la Commission
de protection de la vie privée.
3 Voy. les avis n° 199 du 18 juin 2018, n° 255 du 4 février 2019, n° 258 du 25 février 2019, n° 266 du 18 mars 2019 et n° 294
du 24 mai 2019.
4 Voy. l’arrêt n° 243.357 du 8 janvier 2019.
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Il ressort de l’instruction du recours qu’en l’espèce, la partie adverse n’a pas valablement
démontré in concreto en quoi la demande concernant les annexes relatives aux trois
thématiques précitées du conseil communal du 30 septembre 2019 impliquerait une quantité
de travail à ce point importante qu’elle serait manifestement abusive. En effet, l’anonymisation
des documents sollicités, certes nombreux mais peu volumineux, n’entraînera pas, pour la partie
adverse, une charge de travail à ce point importante qu’elle risque de mettre à mal le bon
fonctionnement de la commune.
13. Enfin, en ce qui concerne la crainte de la partie adverse d’une publication sur le site
Transparencia, la Commission rappelle que les documents obtenus en application du droit
d’accès aux documents administratifs ne peuvent être utilisés ou diffusés à des fins
commerciales5. Si la publication sur un site internet d’un document obtenu à la suite d’une
demande d’accès peut relever de la simple utilisation, non commerciale, d’un tel document,
cette utilisation est toutefois limitée par le respect des droits des tiers. La Commission renvoie
à cet égard vers la décision n° 230.17 du 19 octobre 2017 de la CADA bruxelloise, qui a
considéré :
« Il appartient au citoyen qui a obtenu l’accès à un tel document et qui en dispose légitimement,
d’assumer la responsabilité de l’usage qu’il entend faire de ce document, notamment au regard des droits
intellectuels de l’administration ou des tiers et au regard de la loi du 8 décembre 1992 relative à la
protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel »6.
La mise en ligne de documents obtenus en application du droit d’accès aux documents
administratifs relève dès lors de la responsabilité de la partie requérante, à laquelle il appartient
de veiller au respect des droits des tiers, en ce compris le droit à la vie privée et le droit à la
protection des données à caractère personnel des personnes concernées. La partie adverse ne
peut justifier son refus par des craintes quant à une possible publication sur un site internet.
14. La partie requérante devant procéder à l’occultation de certaines données relevant de la vie
privée, la Commission accorde à celle-ci un délai de 30 jours afin de communiquer les documents
sollicités.
Dès lors, la Commission décide que la partie adverse doit communiquer à la partie requérante
une copie des documents sollicités, en occultant les éléments relevant de la vie privée, dans un
délai de 30 jours.
5 Article 10 du décret du 30 mars 1995 et article L3231-7 du CDLD.
6 Décision publiée dans Administration publique, 2018, pp. 175-180, avec obs. G. ROSOUX, « Réutilisation des informations du
secteur public et mise en ligne de documents administratifs : utiliser n’est pas réutiliser ».
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Par ces motifs, la Commission décide :
La partie adverse communique les documents sollicités en occultant les éléments relevant d’une
exception légale (vie privée) dans un délai de 30 jours à partir de la notification de la présente décision.
Ainsi décidé le 2 décembre 2019 par la Commission d’accès aux documents administratifs, délibéré par
Madame ROSOUX, Présidente suppléante et rapporteur, et Messieurs de BROUX, vice-président et
membre effectif, et CHOME, membre suppléant, et en présence de Mesdames DREZE et GRAVAR,
membres effectives.
Le Secrétaire, La Présidente suppléante,
E. CLAEYS G. ROSOUX
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