Cadas > Cada wallonne > Publicité de l'administration
COMMISSION D’ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS Section publicité de l’administration AVIS n° 210 3 août 2018 Région wallonne - Gouvernement – Tourisme – Rapport du Commissaire du Gouvernement - Secret des affaires - Intérêt économique ou financier de la Région - Communication partielle RÉGION WALLONNE COMMISSION D’ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS Séance du 3 août 2018 Avis n° 210 En cause : Monsieur X, domicilié Partie demanderesse, Contre : la Région wallonne, représentée par le Ministre en charge du tourisme, Partie adverse, Vu l’article 32 de la Constitution ; Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, l’article 8, §§ 1 et 2 ; Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ; Vu la demande d’avis datée du 22 juin 2018 ; Vu la demande de reconsidération adressée le même jour à la partie adverse ; Vu l’accusé de réception et la demande d’information adressée à la partie adverse le 26 juin 2018 ; Vu la réponse de la partie adverse en date du 16 juillet 2018 ; 1. Objet de la demande La demande initiale, adressée au Ministre en charge du Tourisme le 22 mai 2018, porte sur l’obtention d’une copie des documents suivants : « - l’étude portant sur la valorisation générale du site des Lacs de l’Eau d’Heure commandé par le gouvernement wallon à la SA Immowal (cf communiqué de presse du Ministre Collin du 21/02/2018) : LACS DE L’EAU D’HEURE : MISSION DE VALORISATION DU SITE CONFIÉE À IMMOWAL Publié le 21/02/2018 Sur proposition du Ministre wallon du Tourisme, René COLLIN, le Gouvernement wallon a délégué à la S.A. Immowal la réalisation d'une étude portant sur la valorisation générale du site des Lacs de l'Eau d'Heure et ce, en étroite collaboration avec le Commissariat général au Tourisme (CGT). Un premier rapport est attendu pour le 14 mai 2018. - des rapports, concernant la période de Janvier 2014 à ce jour, que le commissaire du gouvernement désigné auprès de l’ASBL les barrages de l’eau d’heure (Numéro d’entreprise BE 0458.576.309) a adressés à Monsieur le Ministre Collin, conformément à ses missions définies au sein du décret du 12 février 2004 ». 2. Recevabilité de la demande La partie adverse est une autorité administrative. Dès lors, les documents sollicités, dont elle dispose, constituent des documents administratifs au sens de l’article 1er, alinéa 2, 2°, du décret du 30 mars 1996 relatif à la publicité de l’administration. La demande est recevable. 3. Fondement de la demande 1. En ce qui concerne le premier objet de la demande, la partie adverse indique, dans sa réponse à la Commission, que le rapport en question ne peut être communiqué, en raison de ce qu’il a été rédigé par Immowal, société qui ne peut pas être considérée comme une autorité administrative soumise à l’application des lois/décrets en matière de publicité de l’administration. Par ailleurs, la partie adverse répond que certaines données économiques, budgétaires, financières liées aux activités de l’asbl Les lacs de l’Eau d’Heure sont confidentielles au sens de l’article 6, §1er, 7°, de la loi du 11 avril 1994. La partie adverse relève que la demande de communication a été introduite par certaine députés wallons et que des mesures particulières de consultation avaient été prises afin de garantir la confidentialité et ce, sans transmission aux députés. En ce qui concerne le second objet, la partie adverse répond que les mêmes raisons justifient la non- communicabilité des rapports des commissaires. En outre, la partie adverse fait valoir que l’article 10 du décret du 12 février 2004 prévoit que les rapports ne sont transmis qu’au Ministre-Président, au Ministre de Tutelle, ainsi qu’au Ministre du Budget et, éventuellement au Ministre de la Fonction publique. La partie adverse estime que cette disposition est volontairement limitative afin de permettre aux commissaires d’exercer sereinement leur mission. Enfin, la partie adverse expose que certains contentieux sont en cours, dans lesquels l’asbl est directement concernée et que la transmission des informations pourrait nuire à ses intérêts futurs. 2. Le fait que le rapport de la SA Immowal ait été rédigé par une société anonyme n’est pas, en soi, de nature à faire obstacle à la communicabilité des documents qui sont détenus par une autorité administrative. En effet, conformément à l’article 1er, alinéa 2, 2° du décret du 30 mars 1995 sur la publicité de l’administration, constitue un document administratif « toute information, sous quelque forme que ce soit, dont une autorité administrative dispose ». 3. Le décret du 12 février 2004 relatif aux commissaires du Gouvernement et aux missions de contrôle des réviseurs au sein des organismes d'intérêt public est applicable à la S.A. Immowal, en vertu de son article 3, §1er, 29°. L’article 10 de ce décret dispose comme suit : « Le Commissaire du Gouvernement fait spécialement rapport au Ministre-Président, au Ministre de tutelle et au Ministre du Budget à propos de toute décision ou tout acte de l'organe de gestion qui risque d'avoir une incidence significative sur la mise en oeuvre de la mission de service public de l'organisme, sur le budget de la Région wallonne ou, le cas échéant, sur les obligations découlant du contrat de gestion. Le Commissaire du Gouvernement fait, de même, spécialement rapport au Ministre ayant la fonction publique dans ses attributions à propos de toute décision ou tout acte de l'organe de gestion qui risque d'avoir une incidence significative sur le statut des agents de l'organisme ». Cette disposition n’a pas pour objet et n’est pas de nature à faire obstacle aux dispositions relatives à la publicité de l’administration. 4. L’article 6, §1er, 7°, de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration dispose comme suit : « § 1. L'autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants : (…) 7° le caractère par nature confidentiel des informations d'entreprise ou de fabrication communiquées à l'autorité ». Le droit au respect de la vie privée des personnes morales englobe la protection de leurs secrets d’affaires. Ce principe général de droit a été reconnu par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n°118/2007 du 19 septembre 2007. Selon la Commission européenne, ce principe protège notamment «les informations techniques et financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d’approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de client et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d’une entreprise »1. En outre, au vu de l’objet des documents sollicités, il ne pourrait être exclu que leur communication porte atteinte à « un intérêt économique ou financier de la Région », au sens de l’article 6, §1er, 6°, du décret et lequel intérêt constitue une exception au principe de publicité. Toutefois, la Commission rappelle que, conformément à l’article 6, §4, du décret, « Lorsque, en application des paragraphes 1er à 3, un document administratif ne doit ou ne peut être soustrait que partiellement à la consultation, l'explication ou la communication sous forme de copie, celles-ci sont limitées à la partie restante ». L’existence d’informations portant atteinte au secret des affaires ou à un intérêt économique ou financier de la Région dans le rapport sollicité ne fait donc pas obstacle à la Voyez l’avis de la CADA wallonne n°117 du 6 février 2017. 1 communication des parties du rapport qui ne sont pas concernées par les exceptions ici analysées ou par une autre exception légale. Enfin, il appartiendra à la partie adverse d’examiner in concreto ces exceptions. Cet examen doit se faire pour chacun des éléments du rapport et doit, conformément à la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, être explicité dans la décision relative à la demande d’accès. Dans ce cadre, la partie adverse envisagera ces exceptions en tenant compte de ce que toute limite à la publicité de l’administration est de stricte interprétation, dès lors qu’elle restreint la portée d’un droit fondamental prévu par l’article 32 de la Constitution2. 4. Compétence de l’auteur de la décision Il appartient enfin à la partie adverse de veiller à ce que la décision prise à la suite de la demande de reconsidération soit adoptée par son organe compétent, conformément à l’arrêt du Conseil d’Etat n°238.457 du 8 juin 2017. La Commission rend l’avis suivant : Les documents sollicités doivent être transmis, le cas échéant partiellement, par la partie demanderesse sous réserve de l’application des exceptions légales. Ainsi délibéré le 3 août 2018 par la Commission d’accès aux documents administratifs composée de Mesdames MICHIELS, Présidente, GRAVAR, membre effective, et de Monsieur LEVAUX, membre effectif et rapporteur. La Secrétaire, La Présidente, F. JOURETZ V. MICHIELS Voyez en ce sens, par exemple, l’avis de la CADA wallonne n°120 du 6 mars 2017. 2