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COMMISSION D’ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS Section publicité de l’administration AVIS n°105 27 juin 2016 Commune – fonction publique – contrat de travail – compétence de la CADA wallonne – autorité administrative – document administratif – PV du collège communal – Non transmission à la CADA des documents sollicités – Obligation de collaboration avec la CADA – secret professionnel – Communication Commission d’accès aux documents administratifs Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes Secrétariat – Tél. : 081/33 38 19 – Fax : 081/33 31 33 support.cada@spw.wallonie.be -2- RÉGION WALLONNE COMMISSION D’ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS Séance du 27 juin 2016 Avis n° 105 En cause : Monsieur X, domicilié …, Représenté par ... à 5000 Namur Partie demanderesse, Contre : La Commune de Lasne, Place communale 1 à 1380 Lasne, Représentée par Mes … à 1160 Bruxelles Partie adverse, Vu l’article 32 de la Constitution, Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, l’article 8, § 1 ; Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, l’article L3231-5 ; Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ; Vu l’avis 2016-32 de la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs du 21 mars 2016 ; Vu l’avis n° 104 de la Commission d’accès aux documents administratifs de la Région wallonne du 9 mai 2016 ; Vu la demande d’avis datée du 30 mai 2016 ; Vu la demande de reconsidération adressée le même jour à la partie adverse ; Vu l’accusé de réception et la demande d’information adressée à la partie adverse le 31 mai 2016 ; Vu les observations de la partie adverse communiquées par courrier et par courrier électronique du 9 juin 2016 ; Commission d’accès aux documents administratifs Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes Secrétariat – Tél. : 081/33 38 19 – Fax : 081/33 31 33 support.cada@spw.wallonie.be -3- Considérant que la partie demanderesse souhaite obtenir la communication de six extraits de procès- verbaux du collège communal de la commune de Lasne dans leur intégralité, et non dans la version confidentielle (un nombre important de passages y étant biffés) qui leur a été communiquée ; Considérant que la partie adverse ne s’est exprimée sur cette communication qu’au travers de courriers adressés par ses avocats ; qu’il n’appartient pas à une autorité administrative de déléguer à un avocat l’exercice des compétences qui lui ont été conférées par la loi en matière de publicité de l’administration ; que le refus d’accès à un document administratif constitue en effet une décision administrative susceptible de recours devant le Conseil d’Etat, comme le précise l’article L3231-5, §1er du Code de la démocratie locale et de la décentralisation ; qu’une telle décision doit être adoptée par l’autorité compétente ; que tel ne semble pas être le cas en l’espèce ; Considérant que la partie adverse s’oppose notamment à la communication demandée au motif que la législation relative à la publicité de l’administration ne serait pas applicable à une relation de travail contractuelle, à l’occasion de laquelle la commune n’agit pas en qualité d’autorité administrative ; Examen de la compétence de la Commission Considérant que cet argument avait déjà été soulevé lors de l’avis n° 104 de la Commission du 9 mai 2016, cité ci-avant ; que, dans cet avis, la Commission a considéré que : « Considérant que la partie adverse est une commune wallonne, soumise au Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après le CDLD) ; que selon l’article L3231-1 de ce Code, « le droit de consulter un document administratif d’une autorité administrative provinciale ou communale et de recevoir une copie du document consiste en ce que chacun, selon les conditions prévues par le présent livre, peut prendre connaissance sur place de tout document administratif, obtenir des explications à son sujet et en recevoir communication sous forme de copie » ; Considérant que, par l’expression « document administratif d’une autorité administrative communale », il n’est nullement fait de distinction entre un document relatif aux actes et missions exercés en qualité d’autorité administrative, et tout autre document qu’elle possède en quelque qualité que ce soit ; qu’il importe dès lors peu de savoir si le document dont la publicité est demandée relève ou non de la qualité d’autorité administrative de la commune ; Considérant que la distinction invoquée par la partie adverse n’a de sens que pour les personnes morales de droit privé qui peuvent agir en qualité d’autorité administrative ; que telle était l’intention du législateur fédéral qui a adopté la première loi en matière de publicité de l’administration, et selon lequel « par rapport à ces organismes qui ne sont pas des autorités administratives en tant que telles, mais qui peuvent prendre des décisions habilitées d’un pouvoir public, qui sont susceptibles d’être annulées par le Conseil d’Etat, la loi relative à la publicité de l’administration n’est d’application que dans les affaires pour lesquelles l’organisme obtient le caractère d’autorité administrative » (Doc.parl., Chambre, sess. 1992-1993, n° 1112/1, p. 10-11) ; qu’en revanche, « ceci ne vaut donc pas pour les organismes et institutions qui dans leur ensemble sont considérés par le Conseil d’Etat comme une autorité administrative. Pour ces organismes ou institutions, la question de savoir si un document concerne une affaire qui est soumise au contrôle de légalité du Conseil d’Etat n’est pas pertinente. Tout document qui se trouve chez de telles autorités administratives est un document administratif, et par principe public » (Idem, p. 11 – la Commission souligne) ; Commission d’accès aux documents administratifs Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes Secrétariat – Tél. : 081/33 38 19 – Fax : 081/33 31 33 support.cada@spw.wallonie.be -4- Considérant en toute hypothèse que toute limite à la publicité de l’administration est de stricte interprétation, dès lors qu’elle restreint la portée d’un droit fondamental prévu par l’article 32 de la Constitution ; que la distinction invoquée par la partie adverse permettrait de restreindre les obligations en matière de publicité de toutes les autorité administratives qui sont personnes morales de droit public mais qui pourraient agir en dehors de leur qualité d’autorité administrative ; qu’une telle restriction n’est prévue par aucune des législations fondées sur l’article 32 de la Constitution, et en particulier pas par le Code de la démocratie locale et de la décentralisation ; qu’elle ne peut donc pas être retenue ; Considérant que les diverses décisions de jurisprudence invoquées par la partie adverse pour échapper aux lois relatives à la publicité de l’administration traitent exclusivement de la controverse, bien connue en droit social, relative à l’application aux contrats de travail dans la fonction publique des principes généraux de bonne administration et de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs ; que cette controverse est tout à fait étrangère au régime de la publicité de l’administration : là où la première vise d’abord la qualité de l’administration, est fondée sur des normes à valeur législative et s’applique aux actes administratifs, la seconde vise un droit fondamental des citoyens, est inscrite dans la Constitution et s’applique aux documents administratifs ; qu’aucune des décisions invoquées ne peut donc permettre à une commune d’échapper au droit d’accès aux documents administratifs prévu à l’article 32 de la Constitution ; Considérant au demeurant que tant le Conseil d’Etat1 que les CADA fédérale et fédérées2 ont déjà admis la soumission à la publicité de l’administration des documents administratifs relatifs à une relation de travail contractuelle dans le secteur public ; que dans la présente affaire, la CADA fédérale a également souligné qu’il n’était pas exact « de présumer que la transparence ne s’appliquerait pas de par le fait que le document auquel l’accès est demandé est un document ayant trait à une relation de travail. Le fait que cette relation de travail s’inscrit dans un cadre contractuel qui relève de la compétence des tribunaux du travail n’exclut pas que les documents concernés puissent être des documents administratifs » (avis 2016/32 du 21 mars 2016) ; Considérant que la partie adverse étant soumise, pour tous les documents administratifs dont elle dispose, aux articles L3231-1 et suivants du CDLD, la Commission est compétente pour connaître de la présente demande d’avis, conformément à l’article L3231-5 du CDLD » ; Examen de la demande de communication Considérant, pour le surplus, que la partie adverse refuse la communication intégrale des procès- verbaux demandés au motif que les passages biffés étaient protégés par une obligation de secret prévue par la loi, au sens de l’article 6, §2, 2° du décret wallon du 30 mars 1995, à savoir le secret professionnel de l’avocat ; Considérant que le secret professionnel de l’avocat peut constituer une exception au sens des législations relatives à la publicité de l’administration ; que si ce secret est au cœur des règles déontologiques relatives à la profession d’avocat, il peut aussi trouver son fondement à l’article 458 du 1 C.E., arrêt n° 138.382 du 10 décembre 2004, Brylka. 2 Voy. notamment, outre l’affaire Brylka précitée dans laquelle la CADA fédérale était également intervenue : CADA er wallonne, avis n° 2007-9 du 1 février 2007 ; Beroepsinstantie inzake openbaarheid van bestuur van de Vlaamse overheid, décision 2015/39 du 12 mars 2015 ; décision 2013/122 du 3 octobre 2013 ; décision 2009/126 du 20 octobre 2009. Commission d’accès aux documents administratifs Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes Secrétariat – Tél. : 081/33 38 19 – Fax : 081/33 31 33 support.cada@spw.wallonie.be -5- Code pénal ainsi que dans les droits fondamentaux protégés par les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme3 ; Considérant que, pour pouvoir invoquer cette exception, la partie adverse doit analyser, au cas par cas, l’étendue et la portée plus ou moins générale de l’obligation de secret, le lien entre le secret imposé et les documents dont la communication est demandée, et la mesure dans laquelle la publicité porte atteinte à cette obligation de secret ; que la partie adverse doit donc démontrer in concreto l’atteinte au secret professionnel ; Considérant que la partie adverse reste en défaut de réaliser cet examen ; qu’elle se réfugie derrière un courrier (non communiqué à la Commission) du bâtonnier du Barreau de Bruxelles qui aurait confirmé que les passages biffés relevaient du secret professionnel ; que, pour ce motif, les conseils de la partie adverse ont refusé de communiquer à la Commission l’intégralité des procès-verbaux demandés ; Considérant que l’article 12 de l’arrêté du gouvernement wallon du 9 juillet 1998 prévoit qu’"A la demande du président et dans le cadre du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration, les autorités administratives sont tenues de communiquer à la Commission tous les documents et renseignements utiles" ; qu’aucune exception à cette obligation de collaboration dans l’instruction du dossier ne peut être invoquée ; considérant qu'en l'absence de communication des documents litigieux à la Commission et ce, malgré sa demande, celle-ci est dans l'impossibilité de procéder aux vérifications nécessaires et donc d'éclairer in concreto l'autorité sur la légalité de son refus de communication ; Considérant en tout état de cause que la protection du secret professionnel des avocats s’étend essentiellement aux documents émanant des avocats eux-mêmes ; qu’en l’espèce, les procès-verbaux demandés émanent au contraire de la partie adverse ; que le secret professionnel de l’avocat a pour objectif de permettre à l’avocat et à son client de communiquer en toute liberté, sans crainte de voir le contenu de ces échanges divulgué à des tiers ; qu’en l’espèce, les passages biffés des procès-verbaux concernent à chaque fois quelques phrases qui précèdent ou qui concernent une décision du collège à l’égard de la partie demanderesse ; que pour prendre, voire pour rédiger ces décisions, la partie adverse a pu avoir recours aux conseils de ses avocats, mais qu’elle ne s’en est pas moins approprié les contenus de ces conseils ou d’une partie de ceux-ci ; que la Commission ne voit pas comment, en particulier, les motifs biffés de la décision de licenciement pour motif grave extraite du procès-verbal du collège du 10 décembre 2015, pourraient être protégés par le secret professionnel invoqué ; que la brièveté de ces biffures montre d’ailleurs que le collège n’a pas reproduit dans son procès-verbal de larges extraits, ni l’intégralité de la consultation éventuellement reçue ; que même la référence explicite à la consultation d’un avocat n’est pas couverte par un tel secret : seul le contenu de la consultation est parfois considéré comme couvert par le secret professionnel ; que certains des passages biffés, enfin, sont manifestement étrangers aux relations entre la partie adverse et ses conseils (certains concernant les courriers de l’avocat de la partie demanderesse ; certains concernant le Directeur général ;…) ; Considérant, en synthèse, que la divulgation de l’intégralité des procès-verbaux litigieux ne semble en rien porter atteinte aux objectifs poursuivis par le secret professionnel de l’avocat ; que l’exception 3 Voy. l’avis de la section de législation du Conseil d’Etat n° 54.460/2 du 4 décembre 2013, Doc.parl., Chambre, sess. 2013-2014, n° 2764/2 ; l’arrêt C.C. 10/2008 du 23 janvier 2008. Commission d’accès aux documents administratifs Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes Secrétariat – Tél. : 081/33 38 19 – Fax : 081/33 31 33 support.cada@spw.wallonie.be -6- tirée d’une obligation de secret imposée par la loi n’est donc ni concrètement ni suffisamment justifiée ; La Commission rend l’avis suivant : Les documents demandés doivent être communiqués dans leur intégralité à la partie demanderesse. Ainsi délibéré le 27 juin 2016 par la Commission d’accès aux documents administratifs composée de Mesdames MICHIELS, Présidente, ROSOUX, Présidente suppléante, GRAVAR, membre effective, et de Messieurs DE BROUX, vice-président et rapporteur, et PILCER, membre effectif. La Secrétaire, La Présidente, F. JOURETZ V. MICHIELS Commission d’accès aux documents administratifs Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes Secrétariat – Tél. : 081/33 38 19 – Fax : 081/33 31 33 support.cada@spw.wallonie.be