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COMMISSION D’ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS Section publicité de l’administration AVIS n° 104 9 mai 2016 Commune – fonction publique – contrat de travail – compétence de la CADA wallonne – autorité administrative – document administratif – dossier personnel d’un employé communal – vie privée – communication sous forme de copie Commission d’accès aux documents administratifs Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes Secrétariat – Tél. : 081/33 38 19 – Fax : 081/33 31 33 support.cada@spw.wallonie.be -2- RÉGION WALLONNE COMMISSION D’ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS Séance du 9 mai 2016 Avis n° 104 En cause : Monsieur X, domicilié …, Représenté par … Partie demanderesse, Contre : La Commune de Lasne, Place communale 1 à 1380 Lasne, Représentée par … Partie adverse, Vu l’article 32 de la Constitution, Vu le décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’Administration, l’article 8, § 1 ; Vu le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, l’article L3231-5 ; Vu l’arrêté du Gouvernement wallon du 9 juillet 1998 fixant la composition et le fonctionnement de la Commission d’accès aux documents administratifs ; Vu l’avis 2016-32 de la Commission fédérale d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs du 21 mars 2016 ; Vu la demande d’avis datée du 13 avril 2016 ; Vu la demande de reconsidération adressée le même jour à la partie adverse ; Vu l’accusé de réception et la demande d’information adressée à la partie adverse le 15 avril 2016 ; Vu les observations de la partie adverse communiquées par courrier du 27 avril 2016 ; Vu les observations en réplique de la partie demanderesse communiquées par courrier recommandé du 28 avril 2016 ; Commission d’accès aux documents administratifs Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes Secrétariat – Tél. : 081/33 38 19 – Fax : 081/33 31 33 support.cada@spw.wallonie.be -3- Considérant que la partie demanderesse souhaite obtenir la communication sous forme de copie du dossier personnel qui la concerne, relatif à la relation de travail contractuelle qui l’a liée à la partie adverse entre février 1988 et décembre 2015 ; Considérant que la partie adverse s’oppose à cette communication au motif principal que la législation relative à la publicité de l’administration ne serait pas applicable à une relation de travail contractuelle, à l’occasion de laquelle la commune n’agit pas en qualité d’autorité administrative ; Examen de la compétence de la Commission Considérant que la partie adverse est une commune wallonne, soumise au Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après le CDLD) ; que selon l’article L3231-1 de ce Code, « le droit de consulter un document administratif d’une autorité administrative provinciale ou communale et de recevoir une copie du document consiste en ce que chacun, selon les conditions prévues par le présent livre, peut prendre connaissance sur place de tout document administratif, obtenir des explications à son sujet et en recevoir communication sous forme de copie » ; Considérant que, par l’expression « document administratif d’une autorité administrative communale », il n’est nullement fait de distinction entre un document relatif aux actes et missions exercés en qualité d’autorité administrative, et tout autre document qu’elle possède en quelque qualité que ce soit ; qu’il importe dès lors peu de savoir si le document dont la publicité est demandée relève ou non de la qualité d’autorité administrative de la commune ; Considérant que la distinction invoquée par la partie adverse n’a de sens que pour les personnes morales de droit privé qui peuvent agir en qualité d’autorité administrative ; que telle était l’intention du législateur fédéral qui a adopté la première loi en matière de publicité de l’administration, et selon lequel « par rapport à ces organismes qui ne sont pas des autorités administratives en tant que telles, mais qui peuvent prendre des décisions habilitées d’un pouvoir public, qui sont susceptibles d’être annulées par le Conseil d’Etat, la loi relative à la publicité de l’administration n’est d’application que dans les affaires pour lesquelles l’organisme obtient le caractère d’autorité administrative » (Doc.parl., Chambre, sess. 1992-1993, n° 1112/1, p. 10-11) ; qu’en revanche, « ceci ne vaut donc pas pour les organismes et institutions qui dans leur ensemble sont considérés par le Conseil d’Etat comme une autorité administrative. Pour ces organismes ou institutions, la question de savoir si un document concerne une affaire qui est soumise au contrôle de légalité du Conseil d’Etat n’est pas pertinente. Tout document qui se trouve chez de telles autorités administratives est un document administratif, et par principe public » (Idem, p. 11 – la Commission souligne) ; Considérant en toute hypothèse que toute limite à la publicité de l’administration est de stricte interprétation, dès lors qu’elle restreint la portée d’un droit fondamental prévu par l’article 32 de la Constitution ; que la distinction invoquée par la partie adverse permettrait de restreindre les obligations en matière de publicité de toutes les autorité administratives qui sont personnes morales de droit public mais qui pourraient agir en dehors de leur qualité d’autorité administrative ; qu’une telle restriction n’est prévue par aucune des législations fondées sur l’article 32 de la Constitution et, en particulier, pas par le CDLD ; qu’elle ne peut donc pas être retenue ; Considérant que les diverses décisions de jurisprudence invoquées par la partie adverse pour échapper aux lois relatives à la publicité de l’administration traitent exclusivement de la controverse, bien connue en droit social, relative à l’application aux contrats de travail dans la fonction publique des Commission d’accès aux documents administratifs Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes Secrétariat – Tél. : 081/33 38 19 – Fax : 081/33 31 33 support.cada@spw.wallonie.be -4- principes généraux de bonne administration et de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs ; que cette controverse est tout à fait étrangère au régime de la publicité de l’administration : là où la première vise d’abord la qualité de l’administration, et est fondée sur des normes à valeur législative et s’applique aux actes administratifs, la seconde vise un droit fondamental des citoyens, est inscrite dans la Constitution et s’applique aux documents administratifs ; qu’aucune des décisions invoquées ne peut donc permettre à une commune d’échapper au droit d’accès aux documents administratifs prévu à l’article 32 de la Constitution ; Considérant au demeurant que tant le Conseil d’Etat1 que les CADA fédérale et fédérées2 ont déjà admis la soumission à la publicité de l’administration des documents administratifs relatifs à une relation de travail contractuelle dans le secteur public ; que, dans la présente affaire, la CADA fédérale a également souligné qu’il n’était pas exact « de présumer que la transparence ne s’appliquerait pas de par le fait que le document auquel l’accès est demandé est un document ayant trait à une relation de travail. Le fait que cette relation de travail s’inscrit dans un cadre contractuel qui relève de la compétence des tribunaux du travail n’exclut pas que les documents concernés puissent être des documents administratifs » (avis 2016/32 du 21 mars 2016) ; Considérant que la partie adverse étant soumise, pour tous les documents administratifs dont elle dispose, aux articles L3231-1 et suivants du CDLD, la Commission est compétente pour connaître de la présente demande d’avis, conformément à l’article L3231-5 du CDLD ; Examen de la demande de communication sous forme de copie Considérant, pour le surplus, que la partie adverse refuse la communication sous forme de copie des documents demandés pour trois motifs successifs : tout d’abord parce que le dossier demandé ne serait pas un document administratif, au sens de l’article L3231-1 du CDLD ; ensuite parce que la communication du dossier demandé porterait atteinte « à une série de dispositions légales, belges et internationales, relatives à la protection de la vie privée des travailleurs » ; et enfin, parce que la partie adverse a déjà autorisé la partie demanderesse comme son conseil à venir consulter le dossier demandé ; Considérant, en ce qui concerne la qualité de « document administratif », que l’expression doit être interprétée à la lumière de l’article 32 de la Constitution, dont elle émane ; que selon le pouvoir constituant, cette expression « couvre toute information, sous quelque forme que ce soit, dont les autorités administratives disposent. Il doit être pris au sens large. Il concerne toutes les informations disponibles, quel que soit le support : documents écrits, enregistrements sonores et visuels y compris les données reprises dans le traitement automatisé de l’information » (Doc. parl., Chambre, session 1992-1993, n° 839/1, p. 5) ; Considérant que le dossier personnel de la partie demanderesse, qui peut être compris comme visant toutes les informations que possède la commune à propos du contrat de travail de la partie demanderesse et de son exécution, relève incontestablement de la notion de « document administratif » ; que la qualification de document administratif a déjà été – implicitement ou 1 C.E., arrêt n° 138.382 du 10 décembre 2004, Brylka. 2 Voy. notamment, outre l’affaire Brylka précitée dans laquelle la CADA fédérale était également intervenue : CADA er wallonne, avis n° 2007-9 du 1 février 2007 ; Beroepsinstantie inzake openbaarheid van bestuur van de Vlaamse overheid, décision 2015/39 du 12 mars 2015 ; décision 2013/122 du 3 octobre 2013 ; décision 2009/126 du 20 octobre 2009. Commission d’accès aux documents administratifs Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes Secrétariat – Tél. : 081/33 38 19 – Fax : 081/33 31 33 support.cada@spw.wallonie.be -5- explicitement – reconnue au contrat de travail lui-même par toutes les décisions et avis cités ci-avant du Conseil d’Etat et des CADA fédérale et fédérées ; que, dans la présente affaire, la CADA fédérale elle-même, dans son avis précité 2016-32 du 21 mars 2016, a évoqué le fait que les documents demandés pouvaient être considérés comme des documents administratifs ; Considérant que, dans le sens donné par la Commission à la demande, le dossier personnel de la partie demanderesse doit donc être considéré comme un document administratif au sens de l’article 3231-1 du CDLD ; Considérant que le seul motif d’exception invoqué par la partie adverse pour refuser la communication du dossier est la protection de la vie privée ; que ce motif n’est cependant en rien étayé ; qu’il revenait à la partie adverse d’examiner chaque document administratif du dossier pour voir s’il contient des éléments concrets qui permettent l’application de cette exception, laquelle peut alors aboutir à un refus de communication ou à une communication partielle occultant les éléments relatifs à la vie privée ; Considérant en particulier que la majorité des données de vie privée dans le dossier demandé concernent la partie demanderesse elle-même ; que, de manière constante, la protection de la vie privée d’une personne ne peut être invoquée pour refuser l’accès à un document administratif à cette même personne3 ; que sur ce point, l’exception doit être rejetée ; que si le dossier personnel de la partie demanderesse contient des données relatives à la vie privée d’autres personnes, ces données devraient être occultées des documents administratifs concernés, conformément à l’article L3231-3, al. 2 du CDLD ; qu'en l'absence de communication des documents litigieux à la Commission et ce, malgré sa demande, celle-ci est dans l'impossibilité de procéder, dans le délai de rigueur prévu par l’article L3231-5, §1er, alinéa 2, du CDLD, aux vérifications nécessaires susmentionnées et donc d'éclairer davantage la partie adverse sur la légalité de son refus de communication ; qu’en toute hypothèse, ce motif de refus semble dépourvu de toute consistance dès lors que la partie adverse reconnaît avoir autorisé la partie demanderesse à consulter le dossier sans aucune réserve ; Considérant d’ailleurs que la partie adverse estime encore son refus de communication légitime, précisément au motif qu’elle a autorisé la partie demanderesse à consulter le dossier demandé auprès du service compétent de l’administration communale ; que ce motif procède d’une lecture erronée de l’article L3231-1 du CDLD, qui permet au demandeur de choisir entre ou de cumuler, sans laisser sur ce point la moindre appréciation à l’autorité communale, les différents modes de publicité que sont la consultation, l’explication ou la communication sous forme de copie ; que la communication sous forme de copie se différencie des autres modes de publicité uniquement par le fait qu’elle peut être soumise à une rétribution par le Conseil communal (art. L3132-9 du CDLD) ; que le refus d’une communication sous forme de copie au motif que la consultation a déjà été autorisée est dépourvu de tout fondement légal ; Considérant enfin que, comme l’a rappelé la CADA fédérale dans son avis précité, « il n’appartient pas à une autorité administrative de déléguer à un avocat l’exercice des compétences qui lui ont été conférées par la loi en matière de publicité de l’administration » ; que, conformément à l’article L3231-5, §1er, al. 3, la partie adverse doit communiquer « sa décision d’approbation ou de refus de la demande de reconsidération au demandeur et à la Commission dans un délai de quinze jours de la réception » du présent avis ; 3 Voy. les nombreuses références aux avis de la CADA fédérale sur ce point dans V. Michiels (dir.), La publicité de l’administration, Larcier, 2014, p. 139, note 29. Commission d’accès aux documents administratifs Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes Secrétariat – Tél. : 081/33 38 19 – Fax : 081/33 31 33 support.cada@spw.wallonie.be -6- La Commission rend l’avis suivant : Les documents demandés doivent être communiqués sous forme de copie à la partie demanderesse. Ainsi délibéré le 9 mai 2016 par la Commission d’accès aux documents administratifs composée de Mesdames MICHIELS, Présidente, ROSOUX, Présidente suppléante, GRAVAR, membre effective, et de Messieurs DE BROUX, vice-président et rapporteur et LEVAUX, membre suppléant. La Secrétaire, La Présidente, F. JOURETZ V. MICHIELS Commission d’accès aux documents administratifs Place de la Wallonie, 1 – 5100 Jambes Secrétariat – Tél. : 081/33 38 19 – Fax : 081/33 31 33 support.cada@spw.wallonie.be