Commission d'accès aux documents administratifs de la Région de Bruxelles-Capitale Avis n° 159.17 Demande d'avis de la Commune de Wolimc-Saint-Lanibert fondée sur l'article 9, § 2, de la loi du 12 novembre 1997 relative à la publicité de l'administration dans les provinces et communes 1. L'objet de la demande Par courrier daté du 23 janvier 2017, parvenu à la Commission le 27 janvier, la commune de Woluwe-Saint-Lambert a saisi là Commission d'une demande d'avis fondée sur l'article 9, §2, de la loi du 12 novembre 1997 relative à la publicité de l'administration dans les provinces et communes, à la suite de la réception de diverses demandes qui lui ont été adressées par le biais du site internet « transparencia » (ntros://transparencia.beY La commune vise ainsi quatre demandes et sollicite l'avis de la Commission sur la légalité de celles-ci et sur l'obligation d'y accéder, eu égard au « système d'intermédiation » que constitue le site internet « transparencia ». La commune estime que ce système appelle des réserves pour les différentes raisons qu'elle énumère dans son courrier, et qui peuvent être résumées comme suit. Premièrement, elle constate que le site internet est un service mis en place par Anticor Belgium qui n'a, à sa connaissance, pas de personnalité juridique, de sorte qu'aucune responsabilité ne pourrait être établie, alors que, par ailleurs, le site «transparencia» fonctionne sans que les messages échangés entre utilisateurs de la plateforme et les autorités publiques ne soient lus, édités ou vérifiés avant leur publication automatique, en libre accès. Dans ses conditions générales d'utilisation, « transparencia » déclinerait en outre toute responsabilité quant à V utilisation et au contenu du site, y compris en cas de piratage. Deuxièmement, d'après la commune, aucune obligation d'identification n'est imposée au demandeur, ce qui aurait diverses implications : * 1/8 1. si le demandeur ne communique pas ses coordonnées, il est impossible à la commune de notifier sa décision par la voie « légale » - courrier ou courriel dûment signé -, ce qui le priverait de ce fait d'un recours effectif à la CADA et au Conseil d'Etat ; 2. l'absence d'identification complète des demandeurs empêche l'autorité d'exercer son pouvoir d'appréciation - par exemple s'agissant d'évaluer l'intérêt du demandeur à accéder à des documents à caractère personnel, ou d'apprécier le caractère abusif ou répété d'une demande ; 3. l'absence d'identification complète des demandeurs empêcherait l'autorité communale de garantir le respect des lois sur l'emploi des langues en cas de demande introduite par une entreprise privée, alors que toute commune bruxelloise a l'obligation de répondre dans la langue de la commune dans laquelle l'entreprise est établie. Troisièmement, le site ne garantirait pas que la réponse émane bien de l'autorité publique compétente, rien n'empêchant potentiellement une usurpation de l'identité de celle-ci par la création d'un compte. Quatrièmement, le site pourrait encourager des demandes abusives et, ainsi, entraver la prestation par l'administration des autres services publics qui lui incombent. Cinquièmement, le site ne présenterait pas toutes les garanties en ce qui concerne le respect de la législation relative à la protection de la vie privée pour les données qui y sont traitées. La commune pointe spécialement l'article 12 et l'article 17 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel. 2. La recevabilité de la demande L'article 9, § 2, de la loi du 12 novembre 1997 relative à la publicité de l'administration dans les provinces et communes est rédigé comme suit : * « La commission peut également être consultée par une autorité administrative provinciale ou communale ». L'article 9, § 3, de la même loi, prévoit ce qui suit : * «La commission peut, d'initiative, émettre des avis sur l'application générale de la loi relative à la publicité de l'administration dans les provinces et les communes. Elle peut soumettre au pouvoir législatif des propositions relatives à son application et à sa révision éventuelle. » 2/8 La commission dont il est question est, aux termes de l'article 9, § 1er, de la même loi, pour ce qui concerne la Région de Bruxelles-Capitale, la Commission Régionale d'accès aux documents administratifs créée par l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration. Or, l'article 21 de cette ordonnance est rédigé comme suit : * «La Commission peut, d'initiative, émettre des avis sur l'application générale de l'ordonnance. Elle peut soumettre au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et au Gouvernement des propositions relatives à son application et sa révision éventuelle. La Commission peut également être consultée par une autorité administrative régionale. » La question se pose d'abord de savoir s'il est permis de déduire de l'articulation de cette dernière disposition que la Commission, lorsqu'elle est consultée par les autorités administratives régionales, l'est uniquement pour émettre un avis « sur l'application générale de l'ordonnance » du 30 mars 1995, ou si elle peut être consultée pour émettre un avis sur des cas particuliers. La question se pose ensuite de savoir si la même conclusion, quelle qu'elle soit, s'impose également lorsque la Commission est consultée par des autorités administratives locales. La Commission est-elle supposée ne rendre un avis que sur l'application générale de la loi du 12 novembre 1997 relative à la publicité de l'administration dans les provinces et communes, ou peut-elle émettre un avis à propos de cas particuliers, ceci alors qu'elle n'a, par hypothèse, pas été saisie d'une demande d'avis par un administré sur le fondement de l'article 9, § 1er, de la même loi? En l'espèce, la commune de Woluwe-Saint-Lambert demande clairement un avis de la Commission sur l'application générale de la loi du 12 novembre 1997 dans l'hypothèse où une commune reçoit des demandes formalisées par l'intermédiaire de la plateforme internet « transparencia ». Sous cet angle, sa demande est recevable pour ce qui concerne à tout le moins ses quatre premières « réserves ». En y répondant, la Commission contribue en effet au développement d'une interprétation uniforme de la législation qu'elle doit appliquer, ce qui correspond exactement au rôle que le législateur avait voulu assigner à la Commission d'avis (fédérale) dès l'adoption de la loi du 11 avril 1994, qui, elle aussi, lui avait confié la mission de répondre aux demandes d'avis formulées par les autorités administratives elles-mêmes1. * Doc. pari, Ch., sess. ord. 1992-1993, n° 9112/1, p. 20 :? « La Commission peut également être consultée par une autorité administrative fédérale. 3/8 Pour ce qui concerne la cinquième réserve exprimée par la commune de Woluwe-Saint-Lambert, relative au respect par la plateforme « transparencia » de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, la Commission est d'avis qu'elle soulève des questions qu'il y aurait lieu de soumettre à la Commission pour la protection de la vie privée, éventuellement sur la base d'une plainte, comme le permet l'article 31 de la loi du 8 décembre 1992, cette plainte pouvant déboucher sur un avis, des recommandations ou une décision. Mais la commune soumet par ailleurs quatre dossiers de demande d'accès et sollicite l'avis de la Commission sur la légalité de ces demandes et sur son obligation d'y accéder. En l'absence d'exclusion claire de cette possibilité dans les textes applicables, la Commission est d'avis que la commune est recevable à la consulter à ce propos. La demande est donc recevable, sous réserve des questions relatives au respect, par le site «transparencia», de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel. 3. Avis général L'article 32 de la Constitution est rédigé comme suit : * « Chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s'en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixes par la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134. » La Région de Bruxelles-Capitale a adopté diverses ordonnances en application de cette disposition constitutionnelle, toutes destinées essentiellement à prévoir les exceptions au droit d'accès aux documents administratifs et à fixer les modalités pour y accéder. S'applique ainsi, notamment, l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration, lorsque les demandes d'accès sont adressées à l'une des autorités Par ses avis, la Commission contribuera au développement d'une interprétation uniforme de la présente loi ». C'est en des termes semblables qu'est commenté l'article 9 de la loi du 12 novembre 1997 relative à la publicité de l'administration dans les provinces et communes {Doc. pari, Ch., sess. ord. 1996-1997, n°S71/l, p. 9). L'article 21 de l'ordonnance du 30 mars 1995 est commenté également dans les mêmes termes {Doc, Pari. Rég. Brux.-Cap., sess. ord. 1994-1995, A-353/1, pp. 8-9). 4/8 administratives désignées à l'article 2 de cette ordonnance. S'applique également, comme en l'espèce, la loi du 12 novembre 1997 relative à la publicité de l'administration dans les provinces et communes. S'applique par ailleurs, le cas échéant, l'ordonnance du 27 octobre 2016 visant à l'établissement d'une politique de données ouvertes (Open Data) et portant transposition de la Directive 2013/37/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 modifiant la Directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public, publiée au Moniteur belge le 10 novembre 2016 et entrée en vigueur le jour-même. Cette ordonnance s'applique également aux communes bruxelloises. Pour répondre de manière générale à la préoccupation dont fait état la commune dans sa demande de consultation, la Commission est d'avis que les demandes qui sont adressées aux autorités administratives à travers la plateforme « transparencia » doivent toutes être traitées dans le respect notamment des articles 10, 11 et 32 de la Constitution, des lois, décrets et ordonnances adoptés en vertu de cette dernière disposition, et des principes généraux du droit administratif, de la même manière que le seraient des demandes formulées par d'autres biais. En d'autres termes, il s'agit de réserver à ces demandes les mêmes garanties qu'à toute autre demande d'accès, mais également de leur appliquer les mêmes exigences inscrites dans les législations relatives à la publicité de l'administration, le cas échéant sans rompre avec l'interprétation constante qui est faite de ces dispositions par les autorités, instances et juridictions appelées à les appliquer. Or, par exemple, s'il est vrai que la loi du 12 novembre 1997 prévoit, en son article 6, qu'une demande doit être adressée par écrit à l'autorité administrative locale, sans exclure que cet écrit puisse prendre la forme d'un courrier électronique, cette condition, commune à d'autres législations relatives à la publicité de radministration, est interprétée souplement par les administrations, qui accueillent et traitent les demandes formulées par la voie électronique. De même, en application de .l'article 4 de l'ordonnance du 13 février 2014 relative à la communication par voie électronique dans le cadre des relations avec les autorités publiques de la Région de Bruxelles-Capitale, une autorité publique peut communiquer par voie électronique avec chaque destinataire qui a accepté expressément d'échanger des communications électroniques produisant des effets juridiques à son égard. Par conséquent, lorsque le demandeur d'accès à un document administratif exprime le souhait qu'il lui soit répondu à l'adresse électronique qu'il renseigne, la Commission n'aperçoit pas quelles objections l'autorité pourrait soulever quant à ce mode de communication (sous réserve, bien entendu, de la question de savoir si elle rejettera la demande d'accès sous forme de copie par 5/8 courriel, pour n'accepter qu'une demande de consultation sur place ou d'explication au sujet d'un document administratif). En ce qui concerne la recevabilité d'une demande adressée par le biais de « transparencia », il n'y a pas lieu de faire prévaloir une interprétation restrictive de l'article 6 de la loi du 12 novembre 1997, en exigeant un écrit signé et permettant l'identification du demandeur, au risque de commettre une rupture inexpliquée par rapport à une ligne de conduite jusque-là constante des autorités publiques s'agissant d'interpréter - souplement - cette exigence et d'accepter de répondre à des demandes formulées par simple courrier électronique. Toutefois, lorsque la demande porte sur un document à caractère personnel, l'autorité doit vérifier l'identité du demandeur pour apprécier s'il dispose de l'intérêt légalement requis pour y accéder, ce que ne permet pas l'envoi d'un simple message électronique. Une telle demande devrait être déclarée irrecevable, mais l'autorité pourrait inviter le demandeur à lui réadresser une demande strictement conforme aux exigences formelles de l'article 6 de la loi du 12 novembre 1997. À toutes fins utiles, la Commission attire l'attention sur l'article 6 de l'ordonnance du 13 février 2014 relative à la communication par voie électronique dans le cadre des relations avec les autorités publiques de la Région de Bruxelles-Capitale2. En outre, en vertu de l'article 7 de la même ordonnance, lorsque, par ou en vertu d'une ordonnance, une communication doit être signée pour produire les effets de droit prévus par les dispositions légales et réglementaires applicables et que la nature de la communication ne s'y oppose pas, cette exigence peut être remplie par une procédure électronique. Cette même disposition permet que l'utilisation de la carte d'identité électronique soit rendue obligatoire. En ce qui concerne la réponse à apporter à la demande, l'autorité est libre de faire usage ou non de la plateforme « transparencia ». Toutefois, il se justifierait que l'autorité publique sollicitée à travers la plateforme refuse de répondre sur celle-ci à une demande portant sur un document à caractère personnel étant donné qu'elle n'a pas la garantie que celui-ci ne sera pas immédiatement diffusé sur le site, et qu'elle exige donc du demandeur qu'il propose une adresse personnelle à laquelle le document pourra lui être envoyé. Pour rappel, en vertu de l'article 11 de l'ordonnance du 30 mars 1995, lorsque, en vertu de l'article 10, §§ 1er à 3, un document administratif devrait être partiellement soustrait à la publicité, l'autorité communique alors la partie restante. ' « Sans préjudice de l'application des autres dispositions de cette ordonnance, une communication par voie électronique à une autorité publique ne produit des effets juridiques équivalents à ceux prévus par les dispositions légales ou réglementaires applicables pour cette communication effectuée par support papier, que lorsque cette autorité a rendu public que l'usage de la voie de communication électronique est effectivement ouverte dans le cadre des procédures réglementées par ces dispositions. Afin de faciliter l'administration des échanges, l'autorité publique peut dans ce cas fixer des restrictions et des exigences techniques à la communication par voie électronique. » 6/8 En outre, rien n'empêche les autorités publiques contactées via « transparencia », et qui sont donc informées du fait que les documents qu'elles transmettront seront mis à disposition du public sur le site, de mettre en ouvre les dispositions de l'ordonnance du 27 octobre 2016, Cette ordonnance prévoit notamment ce qui suit : * «Art. 4 Des documents détenus par les autorités publiques peuvent être réutilisés à des fins commerciales ou non commerciales conformément aux conditions définies dans la présente ordonnance. Les autorités publiques peuvent soumettre la réutilisation des documents à des conditions supplémentaires, comme définies aux articles 14 et 15 de la présente ordonnance. (...)» Art. 5 Un document qui comporte des données à caractère personnel ne peut être réutilisé qu'à la condition préalable que l'autorité publique ait pris les mesures de précaution nécessaires afin d'occulter l'identité de la personne à laquelle les données à caractère personnel ont trait, en particulier en rendant les informations anonymes, conformément à la définition donnée à l'article 1er, 5°, de l'arrêté royal du 13 février 2001 portant exécution de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel. » Enfin, il revient à l'autorité saisie d'une demande d'accès d'apprécier si celle-ci est manifestement abusive au sens de l'article 7, alinéa 1er, 3°, de la loi du 12 novembre 1997. Le fait que, comme l'indique la commune dans sa demande de consultation, le site «transparencia» pourrait encourager des demandes abusives, est ainsi une hypothèse à laquelle la législation applicable permet de répondre, fût-ce a posteriori. De la même manière, il reviendra à la commune, si elle devait s'apercevoir que son identité a été usurpée en vue de réagir à sa place à des demandes d'accès, de prendre toutes les mesures juridictionnelles qui s'imposeraient dans ce cas. 4. Avis sur les dossiers particuliers Sur la recevabilité des demandes d'accès communiquées par la commune à la Commission, il est renvoyé à l'avis général. 7/8 Sur le fond, en l'absence de développement de motifs de refus par la commune, la Commission estime, sous réserve de la question de savoir si les documents demandés existent, qu'aucune des quatre demandes d'accès (registres de sécurité des bâtiments scolaires, liste des mandats désignés par le conseil communal, liste des ASBL subsidiées par le programme de cohésion sociale, tout document lié à l'utilisation par la commune de Google Analytics) ne paraît se heurter à une cause de refus prévue en matière de publicité passive. Il pourrait éventuellement être considéré que la demande relative aux registres de sécurité des bâtiments scolaires doit être appréciée en tenant compte de l'intérêt supérieur de la sécurité de la population (article 10, § 1er, 1°, de l'ordonnance du 30 mars 1995, applicable aux pouvoirs locaux en vertu de l'article 7, alinéa 1er, de la loi du 12 novembre 1997), mais la Commission ne dispose pas d'éléments lui permettant de donner un avis circonstancié à ce propos. Avis donné le 23 février 2017 par la Commission d'accès aux documents administratifs de la Région de Bruxelles-Capitale, sur rapport de Madame Joëlle Sautois. Etaient présents, Monsieur M. Leroy, Président, Mesdames E. Willemart, L. Therry, J. Sautois, membres, et Monsieur R. Ghods, Secrétaire f.f. S/8