Commission d'accès aux documents administratifs de la Région de Bruxelles-Capitale Avis (article 20 de l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration) En cause : Monsieur M'Hamed ACHTATOU, ayant pour conseil Me Olivier STRYPSTEIN, avocat, Chaussée de Charleroi, 138, bte 5,1060 Bruxelles 1. Résumé des faits Le demandeur est bailleur d'un logement situé rue Frédéric Basse, 14 (3 e étage avant), à 1000 Bruxelles. Par une lettre recommandée à la Poste le 28 août 2009, l'Administration de l'Aménagement du territoire et du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale - Direction de l'Inspection régionale du Logement - l'informe qu'elle envisage de lui infliger une amende administrative, sur la base de l'article 15 de l'ordonnance du 17 juillet 2003 portant le Code bruxellois du Logement. Dans ce courrier, l'Administration précise que les infractions justifiant les amendes ont été constatées à la suite d'une plainte et d'une visite effectuée le 18 août 2009. Elle invite le demandeur à se présenter en ses bureaux, en vue de son audition, le 1er octobre. Le 15 septembre, le conseil du demandeur adresse une demande écrite à l'Administration, afin de pouvoir prendre connaissance du dossier administratif, préalablement à l'audition. Le dossier administratif est mis à sa disposition le 25 septembre. L'avocat constate, à cette occasion, que la « plainte » dont l'administration a été saisie ne figure pas dans le dossier. A cet égard, il lui est indiqué, verbalement, que le document a été soustrait du dossier, afin de préserver la confidentialité de l'identité du plaignant. Par un courrier du 28 septembre, le conseil du demandeur conteste cette explication verbale, demande à l'Administration de lui faire connaître la motivation de son refus et formule, pour autant que de besoin, une demande de reconsidération conformément à l'article 20 de l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration. A la même date, il saisit la Commission d'accès aux documents administratifs d'une demande d'avis. Par un courrier du 6 octobre, la Direction de l'Inspection régionale du Logement transmet à la Commission un avis circonstancié sur la demande de communication de documents administratifs, ainsi que le document dont la communication a été refusée. -2- 2. Compétence de la Commission La Commission ne peut émettre d'avis qu'au sujet de difficultés rencontrées pour obtenir la consultation de documents administratifs émanant d'une « autorité administrative visée à l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat »1. Ceci exclut, notamment, que la Commission émette un avis au sujet de la communication d'un document administratif émanant d'une autorité participant à la fonction juridictionnelle, telle qu'une juridiction administrative2. En dépit de la finalité répressive de l'amende administrative qu'il peut prononcer sur la base de l'article 15 de l'ordonnance portant le Code du Logement, le fonctionnaire dirigeant de l'Inspection régionale du Logement - ou son délégué - ne peut être considéré comme une instance juridictionnelle. Organe de l'administration active, dont la décision est susceptible d'un recours administratif organisé devant le Gouvernement ou un fonctionnaire délégué à cet effet, il répond à la définition de l'« autorité administrative ». En statuant sur la demande d'avis, la Commission ne s'immisce donc pas dans le déroulement d'une procédure juridictionnelle en cours. 3, Examen de la demande 1. La Direction de l'Inspection régionale du Logement est une « autorité administrative dépendant de la Région de Bruxelles-Capitale », au sens de l'article 2, 1°, de l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration. Le document matérialisant la dénonciation dirigée contre le demandeur répond manifestement à la définition du « document administratif » visé à l'article 3,2°, de la même ordonnance. Ce document entre donc, en principe, dans le champ d'application de l'ordonnance. 2. Le principe de la transparence administrative connaît, toutefois, de nombreuses exceptions. En particulier, l'article 10, § 1er, de l'ordonnance du 30 mars 1995 dispose comme suit : 1 Article 3, 1°, de l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration. 2 Voy. not, par analogie, CE., arrêt n° 51.549, Michaux c. Ordre des médecins vétérinaires, du 6 février 1995, rendu en application de la législation fédérale. Voy. égal, de nombreux arrêts confirmant cette jurisprudence, notamment en matière fiscale. Not. CE., arrêt n° 54.901, S.A. La Herseautoise, du 29 août 1995; CE., arrêt n° 58.514, Tarabichi, du 8 mars 1996; CE., arrêt ,n° 59.897, Delahaut-Paindaveine, du 5 juin 1996; CE., arrêt n° 63.650, S.A. La Herseautoise, du 18 décembre 1996; CE., arrêt n° 60.563, Dehvart, du 27 juin 1996; CE., arrêt n° 68.609, S.P.R.L. Ba-Wa, du 2 octobre 1997; CE., arrêt n° 94.082, Louis, du 16 mars 2001. -3- « L'autorité administrative régionale ou non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, si elle constate que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants: [...] 8° le secret de l'identité de la personne qui a communiqué le document ou l'information à l'autorité administrative à titre confidentiel pour dénoncer un fait punissable ou supposé tel ». Cet article ne joue pas de manière automatique. Il convient, dans chaque cas d'espèce, de procéder à une mise en balance des intérêts, c'est-à-dire de vérifier si la protection du secret de l'identité du dénonciateur est de nature à l'emporter sur l'intérêt de la publicité. Dans l'affirmative, il incombe à l'autorité d'en donner les raisons. En l'espèce, le demandeur considère que la confidentialité de la dénonciation porte atteinte au principe du contradictoire et au respect dû aux droits de la défense, dans la mesure où elle l'empêche de vérifier la qualité du dénonciateur au regard de l'article 13, § 2,2°, de l'ordonnance du 17 juillet 2003 portant le Code bruxellois du Logement. Cet intérêt doit toutefois être mis en balance, au vu des circonstances propres au cas d'espèce, avec la protection de l'identité du dénonciateur. En l'espèce, la Commission est d'avis que la communication de ce document ne présente pas un réel intérêt du point de vue de la défense du demandeur. D'une part, la confidentialité de ce document n'empêche pas le demandeur, s'il le souhaite, de soulever, à toutes fins utiles, devant l'autorité compétente pour prononcer la sanction, un moyen pris de ce que son auteur n'aurait pas qualité pour saisir l'administration. D'autre part, à supposer même que le dénonciateur ne revête pas l'une des qualités énumérées à l'article 13, § 2, 2°, de l'ordonnance, la procédure ne serait pas pour autant affectée d'une illégalité. L'article 13, § 2, 2°, ne définit pas les conditions de régularité de la procédure administrative; il dote certaines catégories de personnes d'« un pouvoir de saisine » qui leur permet d'« activer une procédure d'enquête »3. La dénonciation d'une personne appartenant à l'une de ces catégories impose aux services de l'Inspection régionale du Logement d'effectuer un visite de contrôle. Il reste que l'Inspection régionale peut aussi effectuer une visite d'initiative. La Commission est donc d'avis que, dans le cas d'espèce, l'intérêt protégé par la confidentialité de la dénonciation l'emporte sur l'intérêt de la publicité. 3. Par ailleurs, selon l'article 11 de l'ordonnance du 30 mars 1995 : « Lorsque, en application de l'article 10, §§ 1er à 3, un document administratif ne doit ou ne peut être soustrait que partiellement à la publicité, la consultation, l'explication ou la communication sous forme de copie est limitée à la partie restante ». En l'espèce, la Commission constate que l'occultation de l'identité du dénonciateur n'est pas possible. De surcroît, ce qui subsisterait du document ne présenterait plus d'intérêt pour le demandeur, dans la mesure où tant la demande de reconsidération, que la demande d'avis font valoir que l'intérêt du 3 Projet d'ordonnance portant le Code bruxellois du logement, Rapport fait au nom de la Commission du Logement et de la Rénovation urbaine, Doc. pari R.B.C., sess. 2002-2003, A-416/2, p. 71. -4- document, pour le demandeur, consiste précisément à vérifier la qualité du dénonciateur. 4. Conclusion La Commission est d'avis que la dénonciation ne peut pas être communiquée au demandeur. La Commission a émis cet avis en sa séance du 22 octobre 2009 ; le rapport a été préparé par Mme E. Willemart, absente pour cause de maladie le jour de la réunion, et présenté par le président ; étaient présents M.M. Leroy, président, Mne V. Goret, M. Fr. Gosselin et Mme L. Therry, secrétaire. La secrétaire, Le président, L. Therry M. Leroy