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Date: 17/08/2020
Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs Section publicité de l’administration 17 août 2020 AVIS n° 2020-97 CONCERNANT L’ACCES A L’ACHAT DES MASQUES PAR LA DEFENSE (CADA/2020/86) 2 1. Aperçu 1.1. Par courriel du 17 juin 2020, Madame X, demande au Ministre de la Défense d’obtenir copie électronique des documents suivants : - le ou les appels d’offres complets comprenant entre autres : 1. le document de consultation du marché envoyé le 29 avril aux candidats fournisseurs relatif aux objectifs, au déroulement de la procédure, aux données du candidat, aux exigences minimales, … 2. le document technique envoyé le 29 avril aux candidats fournisseurs ; 3. le nouveau document technique daté du 28 avril envoyé aux candidats fournisseurs concernant les modifications techniques au document du 29 avril ; 4. le courrier du 02 mai envoyé à midi aux candidats fournisseurs leur rappelant les nouvelles normes moins exigeantes. - le cahier des charges envoyé le 03 mai ; - la liste des fournisseurs contactés ; - les offres de prix et les fiches techniques rentrées par les différents candidats fournisseurs ; - la liste des fournisseurs retenus et sur quels motifs ont-ils été sélectionnés ; - la liste des fournisseurs écartés et sur quels motifs ont-ils été exclus ; - tout certificat et/ou résultat de tests concernant les masques ; - les documents et/ou les actes désignant les Sociétés Avrox et Twee & Cottons ; - les contrats d’achat de masques ; - les factures d’achat des maques aux Sociétés Avrox et Twee & Cottons. 1.2. Par lettre du 8 juillet 2020 envoyée par courriel du 10 juillet 2020, Monsieur Tom Wouters, général de brigade, délivre pour le Ministre de la Défense la décision relative à la demande. Ce courriel contient également des annexes concernant la demande. L’accès est partiellement accordé pour les raisons suivantes : « Le marché public des masques buccaux a été passé selon la procédure négociée sans publication préalable (article 42, § 1er, 1, de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics). Ceci implique qu’il n’existe pas d’appel d’offres à proprement parler. Toutefois, il existe des documents de consultation du marché, comprenant deux parties et une mise à jour datée 3 du 2 mai 2020. Ces documents vous sont communiqués au titre de publicité de l’administration. S’agissant d’une demande relative à la matière des marchés publics, le terme « contrat » employé dans votre demande doit être interprété comme un « engagement contractuel ». Cet engagement contractuel repose sur le cahier spécial des charges, l’offre des contractants et la lettre de notification avec décision motivée d’attribution. Les offres de prix et fiches techniques rentrées par les candidats (en ce compris les certificats et rapports d’essai) ne peuvent être divulguées en raison du caractère par nature confidentiel des informations d’entreprise, communiquées à la Défense, qu’elles contiennent (article 6, § 1er, 7° de la loi sur la publicité de l’administration, ci-après « LPA »). Il en va de même des factures émises par les sociétés Avrox S.A. et Tweeds & Cottons N.V. En effet, l’article 6, § 1er de la LPA prévoit que « l’autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif si elle a constaté que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur la protection de l’un des intérêts suivants […] : 7° le caractère par nature confidentiel des informations d’entreprise ou de fabrication communiquées à l’autorité [… ] ». Les autres documents composant l’engagement contractuel, à savoir, le cahier spécial des charges et la lettre de notification avec décision motivée d’attribution, peuvent vous être communiqués. Dans la décision motivée d’attribution, vous trouvez les informations demandées relatives à la liste des soumissionnaires et aux critères de sélection et d’exclusion utilisés. » 1.3. Par courriel du 16 juillet 2020 la demanderesse introduit une « demande de reconsidération » auprès du Ministre de la Défense concernant les informations/documents manquants/refusés : - les dates d’envoi des dix documents transmis dans le mail du 10 juillet - les offres de prix, les fiches techniques rentrées par les différents candidats fournisseurs et les factures d’achat des maques des Sociétés Avrox et Twee & Cottons ; - tout certificat et/ou résultat de test concernant les masques. 1.4. Par courriel du même jour, la demanderesse adresse une « demande de recours » à la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité, ci-après la Commission. En annexe de cette demande elle joint les documents reçus, une copie de la demande 4 initiale, une copie de la réponse à la demande initiale et une copie de la demande de reconsidération. Ces trois derniers documents ne contiennent pas toutes les informations nécessaires à la Commission pour statuer. La demanderesse renvoie la Commission à un site web privé pour le surplus. 1.5. Le secrétaire de la Commission demande par courriel du 16 juillet 2020 à la demanderesse de fournir à la Commission l’information nécessaire pour traiter sa demande. 1.6. Par courriel du même jour la demanderesse envoie à nouveau un fichier incomplet à la Commission. 1.7. Le secrétaire réitère sa demande par courriel du 17 juillet 2020. 1.8. Par courriel du même jour, la demanderesse envoie à la Commission un document qui contient plus d’informations sur la correspondance échangée entre elle et le Ministère de la Défense. 2. La recevabilité de la demande d’avis Il apparaît utile d’attirer l’attention de la demanderesse sur le fait que la Commission n’est pas un organe de recours, mais un organe d’avis qui endosse un rôle dans le cadre du recours administrative organisé par la loi du 11 avril 1994‘relative à la publicité de l’administration’ (ci-après : la loi du 11 avril 1994). Le « recours » doit partant être considéré comme une demande d’avis. La Commission estime que la demande d’avis n’est recevable que dans la seule mesure où la demande de reconsidération et la demande d’avis se rapportent à des documents administratifs demandés. En effet, l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 ne garantissent pas un droit d’accès à toute information, mais seulement aux documents administratifs. La demande d’avis est recevable puisque la demanderesse a pour le surplus envoyé sa demande de reconsidération auprès du Ministère de la Défense et sa demande d’avis à la Commission simultanément, tel que le prévoit l’article 8, § 2, de la loi du 11 avril 1994. La Commission souhaite également attirer l’attention de la demanderesse sur le fait qu’elle doit immédiatement fournir toutes les informations utiles à la Commission afin de lui permettre de traiter la demande d’avis. Il est 5 déconseillé d’utiliser un serveur privé qui ne génère pas directement toutes les métadonnées nécessaires au traitement de la demande. La demandeuse ne peut pas non plus renvoyer la Commission à un site Internet privé. 3. Le bien-fondé de la demande d’avis Dans la mesure où l’information demandée ne concerne pas l’accès à un document administratif existant, la demande d’avis n’est pas fondée. Le Ministre de la Défense n’a aucune obligation de créer des documents administratifs pour donner suite à une demande dans le cadre de la loi du 11 avril 1994. L’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 consacrent le principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. L’accès aux documents administratifs ne peut être refusé que lorsque l’intérêt requis pour l’accès à des documents à caractère personnel fait défaut et lorsqu’un ou plusieurs motifs d’exception figurant à l’article 6 de la loi du 11 avril 1994 peuvent ou doivent être invoqués et qu’ils peuvent être motivés de manière concrète et pertinente. Seuls les motifs d’exception imposés par la loi peuvent être invoqués et doivent par ailleurs être interprétés de manière restrictive (Cour d’Arbitrage, arrêt n° 17/97 du 25 mars 1997, considérants B.2.1 et 2.2 et Cour d’Arbitrage, arrêt n° 150/2004 du 15 septembre 2004, considérant B.3.2 et Cour Constitutionnel, arrêt n° 169/2013 du 19 décembre 2013). Le Ministère de Défense refuse l’accès aux offres de prix, aux fiches techniques rentrées par les candidats (en ce compris les certificats et rapports d’essai) et aux factures émises par les sociétés Avrox S.A. et Tweeds & Cottons N.V en raison du « caractère par nature confidentiel des informations d’entreprise », communiquées à la Défense et se réfère en outre à l’article 6, § 1er, 7° de la loi du 11 avril 1994. L’article 6, § 1er, 7° de la loi du 11 avril 1994 s'énonce comme suit : « L’autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants : […] 7° le caractère par nature confidentiel des informations d'entreprise ou de fabrication communiquées à l'autorité. » Ce motif d’exception n’exclut pas l’accès à toutes les informations d’entreprise qui sont communiquées à l’autorité, mais se limite aux informations d’entreprise ou de fabrication ayant un 6 caractère par nature confidentiel qui ont été communiquées à l'autorité. Le Ministère de la Défense doit par conséquent démontrer que les informations concernées peuvent être qualifiées de la sorte. A cet effet, il peut s’inspirer de la définition de la notion de « secret d’affaires » mentionnée au Titre Ier/1 - Secrets d’affaires du Livre XI du Code de droit économique. Il ne suffit pas non plus de démontrer que les informations concernées sont considérées comme des informations qui sont par nature confidentielles. Il y a en outre lieu de procéder à une mise en balance entre, d’une part, l’intérêt général servi par la publicité et, d’autre part, l’intérêt protégé. Cette mise en balance doit être concrètement réalisée par le Ministère de la Défense. La Commission doit constater qu’un intérêt public élevé est en jeu avec la publication de certaines informations. Toutefois, cela ne signifie pas que la publicité doit être prioritaire. Le fait qu’une autre autorité ait publié l’information relative à l’achat de masques ne représente pas non plus une raison suffisante pour procéder à la publicité. Il s’agit en effet d’un motif d’exception obligatoire, c’est-à-dire qu’il doit être invoqué s’il peut être suffisamment motivé in concreto. Enfin, la Commission souhaite rappeler le principe de la publicité partielle, sur pied duquel les seules informations d’un document administratif qui peuvent être soustraites à la publicité sont celles couvertes par un motif d’exception. Toutes les autres informations contenues dans un document administratif doivent dès lors être divulguées. Il apparaît à la Commission que le Ministère de la Défense a omis, s’il devait constater que le motif d’exception invoqué empêche la publication de certaines informations, d’appliquer ce principe lié au caractère constitutionnel du droit d’accès aux documents administratifs. Bruxelles, le 17 août 2020. F. SCHRAM K. LEUS secrétaire présidente