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Date: 09/06/2020
Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs Section publicité de l’administration 9 juin 2020 AVIS n° 2020-48 CONCERNANT UNE REPONSE A QUELQUES QUESTIONS (CADA/2020/37) 2 1. Aperçu 1.1. Le 20 avril 2020, Monsieur X demande au Ministre de l’Agenda numérique, des Télécommunications et de la Poste, chargé de la Simplification administrative, de la Lutte contre la fraude sociale, de la Protection de la vie privée et de la Mer du Nord de répondre à certaines questions : « 1. Qui constitue le groupe de travail sur les équipements de protection (“task force shortages”) 2. Pouvez-vous expliquer comment travaille cette task force? 3. Comment, en pratique, le fédéral procède-t-il à ces commandes? Qui cherche les fournisseurs? Qui signe les bons de commande? Qui finance? 4. Pouvez-vous, individuellement, récapituler les commandes de matériel de protection qui ont été passées par le fédéral depuis le 4 février? En précisant les éléments suivants : A/ Type de matériel (masques chirurgicaux, de confort, FFP2, FFP3…) B/ A quelle date la commande a-t-elle été passée et par qui? C/ Qui était le fournisseur ? D/ Y avait-il un intermédiaire ? E/ Quel était le coût TTC de cette commande? (si cette commande groupait plusieurs matériels de protection différents, merci de distinguer les coûts) F/ Comment la marchandise a-t-elle été payée : à la commande? lors de la mise en route de la production? à la réception? G/ Quand et où ces commandes ont-elles été réceptionnées? H/ Le matériel reçu était-il conforme aux attentes? I/ Si oui, à qui a-t-il in fine été livré et quand? J/ Si non, qu’est-il devenu? 5. Quels sont les laboratoires de contrôle agréés par le Fédéral [pour] vérifier la bonne conformité de ces équipements de protection? 6. A combien ont été évalués, sur un rythme mensuel et par exemple jusqu’à la fin des vacances d’été, les besoins en équipements de protection (masques de confort, chirurgicaux, FFP2 et FFP3, surbouses, charlottes, protège-chaussures, gants, …) ? » Le demandeur indique vouloir reçevoir toutes les réponses au plus tard pour le mercredi 22 avril 2020 à 18 heures. 1.2. Par courriel du 25 avril 2020, le demandeur réitère sa demande et veut également obtenir des réponses aux questions complémentaires suivantes : « Sauf erreur de ma part, dans les communiqués du cabinet de M. De Backer faisant le point sur les livraisons de masques, il y a des incohérences. Par exemple, dans le communiqué du 31 mars, il est indiqué 3 que 22 881 525 masques chirurgicaux ont été reçus mais ce chiffre n’est plus que de 10 277 800 unités dans le communiqué du 3 avril. Comment l’expliquer ? Depuis le 07/04, il semble que aucun masque FFP2 n’ait été distribué alors que près de 5 millions ont été reçus. Est-ce bien exact ? Si oui, pour quelle raison ? Les chiffres communiqués par le cabinet de M. De Backer englobent-ils les commandes passées par la Région wallonne et la Région flamande ? Dans le communiqué du 10 avril, il est fait état de trois millions de masques refusés. S’agit-il bien des masques commandés à la société chinoise Daddy Baby, dont la presse s’était fait écho (https://www.rtbf.be/info/economie/detail_coronavirus-la-societe-qui-a- fourni-troismillions-de-masques-ne-repondant-pas-aux-normes-s- explique?id=10480079) Selon le SPF Economie (https://economie.fgov.be/sites/default/files/Files/Entreprises/ATPtested -masks.pdf), deux sortes de masques de cette entreprise Daddy Baby ont été refusés. Quelles étaient les références des trois millions de masques refusés : E- KZ01L50 et/ou KZ01S50B ? Une plainte a-t-elle été déposée à l’égard du fabriquant (Baby Daddy) et/ou de l’importateur (Life) ? Le ministère chinois du commerce met en ligne une liste des producteurs de masques agréés (par exemple, https://mp.weixin.qq.com/s/vA8LwajnHHJJqdSP0yU17w) : l’entreprise « Baby Daddy » n’y figure pas. Des vérifications ont-elles été faites préalablement à cette commande de 3 millions de masques qui se sont avéré défectueux ? Si oui, comment alors le gouvernement fédéral a-t-il eu l’assurance que cette entreprise était reconnue par les autorités chinoises ? Sauf erreur de ma part, le premier récapitulatif envoyé par la cellulle shortage renvoie à la situation au 27 mars : 16 millions de masques ont alors été livrés. S’agit-il des masques commandés par Mme De Block, en ce compris un lot de six millions et un lots de 5,5 millions ? Dans ce premier état des lieux du 27 mars, il est fait état de plus de masques livrés (16 millions) et même distribués (11 millions) que de masques commandés (9 millions). De même, le 31 mars. Comment l’expliquer ? Les chiffres donnés chaque semaine par le fédéral incluent-ils les commandes au benefice des Région wallonnes, bruxelloise et flamande ? Est-il exact d’écrire qu’en date du dernier bilan diffusé (30 millions de masques chirurgicaux reçus et cinq millions de FFP2/FFP3), les stocks détruits en 2009 n’avaient toujours pas, en date du 21 avril 2020 été reconstitués ? 4 Enfin, de combien de groupes de travail (task forces) M. De Backer a-t-il la charge et quelles sont leurs missions ». Le demandeur indique vouloir reçevoir toutes les réponses au plus tard pour le mardi 28 avril 2020 à 18 h00. 1.3. Par courriel du 28 avril 2020, envoyé au nom du ministre, une réponse est donnée aux différentes questions du demandeur. 1.4. Par courriel du 14 mai 2020, le demandeur introduit une demande de reconsidération auprès du ministre et explique que certaines questions n’ont pas reçu de réponse : « Q. Selon le SPF Economie (https://economie.fgov.be/sites/default/files/Files/Entreprises/ATP- tested-masks.pdf), deux sortes de masques de cette entreprise Daddy Baby ont été refusés. Quelles étaient les références des trois millions de masques refusés : E-KZ01L50 et/ou KZ01S50B ? R. En raison de l’intérêt économique, il n'est pas possible de transmettre ces données. Q. Une plainte a-t-elle été déposée à l’égard du fabriquant (Baby Daddy) et/ou de l’importateur (Life) ? R. Nous vous rassurons que les mesures (juridiques) nécessaires ont été prises. Mais vous comprendrez qu’aucun commentaire n’est fait sur les procédures en cours. Q. Pouvez-vous, individuellement, récapituler les commandes de matériel de protection qui ont été passées par le fédéral depuis le 4 février ? En précisant les éléments suivants : A/ Type de matériel (masques chirurgicaux, de confort, FFP2, FFP3…) B/ A quelle date la commande a-t-elle été passée et par qui? C/ Qui était le fournisseur ? D/ Y avait-il un intermédiaire ? E/ Quel était le coût TTC de cette commande? (si cette commande groupait plusieurs matériels de protection différents, merci de distinguer les coûts) F/ Comment la marchandise a-t-elle été payée : à la commande? lors de la mise en route de la production? à la réception? G/ Quand et où ces commandes ont-elles été réceptionnées? H/ Le matériel reçu était-il conforme aux attentes? I/ Si oui, à qui a-t-il in fine été livré et quand? J/ Si non, qu’est-il devenu? R. En raison de l’intérêt économique, il n'est pas possible de transmettre ces données. Nous ne sommes pas censés saper notre propre position de négociation ». 5 Le demandeur précise dans sa demande de reconsidération que « [c]omme vous le savez, l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 consacrent le principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. [Il se permet] à ce sujet deux remarques : D’une part, donner le nom des fournisseurs de l’Etat belge et des Régions ainsi que le prix payé pour chaque commande ne saperait en rien votre position dans les négociations, étant entendu que la Belgique a aujourd’hui passé commande de plus de 313 millions de masques chirurgicaux et de 54 millions de masques FFP2. Les réserves belges sont donc en passe d’être reconstituées et qui plus est, ce marché est aujourd’hui beaucoup moins sous tension qu’il pouvait l’être il y a quelques semaines Comme l’a récemment relevé la Ctif (https://www.ctifcfi.be/website/images/FR/covid19fr2.pdf), évoquant les commandes urgentes de matériel de protection par les gouvernements, ‘Il est évident que les caractéristiques du marché et le caractère exceptionnel de la situation dans laquelle se trouve le marché forment un terreau fertile à diverses formes de corruption’. La situation exceptionnelle que nous vivons ne peut donc justifier un manque de transparence et de publicité, que du contraire ». 1.5. Le demandeur adresse en cc. la demande de réconsidération à la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l’administration, ci-après la Commission. 1.6. Par courriel du 15 mai 2020, le demandeur introduit une nouvelle demande de reconsidération auprès du ministre concerné et explique que certaines questions n’ont pas reçu de réponse : « Q. Selon le SPF Economie (https://economie.fgov.be/sites/default/files/Files/Entreprises/ATP- tested-masks.pdf), deux sortes de masques de cette entreprise Daddy Baby ont été refusés. Quelles étaient les références des trois millions de masques refusés : E-KZ01L50 et/ou KZ01S50B ? R. En raison de l’intérêt économique, il n'est pas possible de transmettre ces données. Q. Une plainte a-t-elle été déposée à l’égard du fabriquant (Baby Daddy) et/ou de l’importateur (Life) ? R. Nous vous rassurons que les mesures (juridiques) nécessaires ont été prises. Mais vous comprendrez qu’aucun commentaire n’est fait sur les procédures en cours. Q. Pouvez-vous, individuellement, récapituler les commandes de matériel de protection qui ont été passées par le fédéral depuis le 4 février ? En précisant les éléments suivants : A/ Type de matériel (masques chirurgicaux, de confort, FFP2, FFP3…) 6 B/ A quelle date la commande a-t-elle été passée et par qui? C/ Qui était le fournisseur ? D/ Y avait-il un intermédiaire ? E/ Quel était le coût TTC de cette commande? (si cette commande groupait plusieurs matériels de protection différents, merci de distinguer les coûts) F/ Comment la marchandise a-t-elle été payée : à la commande? lors de la mise en route de la production? à la réception? G/ Quand et où ces commandes ont-elles été réceptionnées? H/ Le matériel reçu était-il conforme aux attentes? I/ Si oui, à qui a-t-il in fine été livré et quand? J/ Si non, qu’est-il devenu? R. En raison de l’intérêt économique, il n'est pas possible de transmettre ces données. Nous ne sommes pas censés saper notre propre position de négociation ». Le demandeur précise dans sa demande de reconsidération que « [c]omme vous le savez, l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 consacrent le principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. [Il se permet] à ce sujet deux remarques : D’une part, donner le nom des fournisseurs de l’Etat belge et des Régions ainsi que le prix payé pour chaque commande ne saperait en rien votre position dans les négociations, étant entendu que la Belgique a aujourd’hui passé commande de plus de 313 millions de masques chirurgicaux et de 54 millions de masques FFP2. Les réserves belges sont donc en passe d’être reconstituées et qui plus est, ce marché est aujourd’hui beaucoup moins sous tension qu’il pouvait l’être il y a quelques semaines Comme l’a récemment relevé la Ctif (https://www.ctifcfi.be/website/images/FR/covid19fr2.pdf), évoquant les commandes urgentes de matériel de protection par les gouvernements, ‘Il est évident que les caractéristiques du marché et le caractère exceptionnel de la situation dans laquelle se trouve le marché forment un terreau fertile à diverses formes de corruption’. La situation exceptionnelle que nous vivons ne peut donc justifier un manque de transparence et de publicité, que du contraire ». 1.7. Dans son avis 2020-47, la Commission a estimé que le premier recours administratif n’avait pas été introduit conformément à l’article 8, § 2 de la loi du 11 avril 1994 ‘relative à la publicité de l’administration’ (ci- après la loi du 11 avril 1994) 7 2. La recevabilité de la demande d’avis La Commission estime que la demande d’avis est recevable. Le demandeur a en effet envoyé simultanément sa demande de reconsidération au Ministre de l’Agenda numérique, des Télécommunications et de la Poste, chargé de la Simplification administrative, de la Lutte contre la fraude sociale, de la Protection de la vie privée et de la Mer du Nord, et sa demande d’avis à la Commission, tel que prévu par l’article 8, § 2, de la loi du 11 avril 1994 ‘relative à la publicité de l’administration’ (ci-après : la loi du 11 avril 1994). 3. Le bien-fondé de la demande d’avis L’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 consacrent le principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. L’accès aux documents administratifs ne peut être refusé que lorsque l’intérêt requis pour l’accès à des documents à caractère personnel fait défaut et lorsqu’un ou plusieurs motifs d’exception figurant à l’article 6 de la loi du 11 avril 1994 peuvent ou doivent être invoqués et qu’ils peuvent être motivés de manière concrète et pertinente. Seuls les motifs d’exception imposés par la loi peuvent être invoqués et doivent par ailleurs être interprétés de manière restrictive (Cour d’Arbitrage, arrêt n° 17/97 du 25 mars 1997, considérants B.2.1 et 2.2 et Cour d’Arbitrage, arrêt n° 150/2004 du 15 septembre 2004, considérant B.3.2). La Commission tient avant tout à signaler que le droit d’accès aux documents administratifs ne s’applique pas à des questions pour lesquelles une réponse est attendue. Il semble à la Commission que la plupart des questions ne portent pas sur l’accès à un document administratif. La Commission souhaite toutefois nuancer en ajoutant que lorsque la réponse à certaines questions se trouve dans un ou plusieurs documents administratifs, l’autorité administrative fédérale concernée doit mettre à disposition ces documents administratifs sauf si elle peut ou doit invoquer certains motifs d’exception et qu’elle motive ceux-ci de manière concrète. La Commission tient en outre à attirer l’attention du demandeur sur le fait qu’il ne peut avoir aucune exigence quant au délai dans lequel il souhaite avoir accès à un document administratif, délai qui est d’ailleurs plus court que celui prévu par la loi. L’article 6, § 5, de la loi du 11 avril 1994 dispose en effet ce qui suit : « L'autorité administrative fédérale qui ne peut pas 8 réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l'ajournement ou du rejet. En cas d'ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours. » La Commission constate que le ministre compétent invoque « l’intérêt économique » pour ne pas répondre à certaines questions posées par le demandeur. Pour autant que la réponse se trouve dans un document administratif, la Commission tient à signaler que « l’intérêt économique » n’est en soi pas un motif d’exception présent dans la loi du 11 avril 1994. La loi du 11 avril 1994 reprend deux motifs d’exception à l’article 6, § 1er, 6° et 7° qui en l’occurrence peuvent être pris en considération. Ils s’énoncent comme suit: « L'autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants : 6° un intérêt économique ou financier fédéral, la monnaie ou le crédit public; 7° le caractère par nature confidentiel des informations d'entreprise ou de fabrication communiquées à l'autorité; » La Commission tient à attirer l’attention sur le fait que les motifs d’exception sont différents et ne coïncident par conséquent pas. Celui mentionné à l’article 6, § 1er, 6° de la loi du 11 avril 1994 protège l’intérêt économique de l’autorité fédérale; l’article 6, § 1er, 7° de la loi du 11 avril 1994 protège par contre les intérêts économiques privés. De plus, ces motifs d’exception ne peuvent pas être invoqués sans raison. Ils requièrent non seulement qu’il soit concrètement démontré que la publicité peut porter préjudice aux (à l’) intérêt(s) protégé(s) par le motif d’exception prévu par la loi mais ils requièrent par ailleurs de procéder à une mise en balance des intérêts entre l’intérêt servi par le droit de publicité ancré dans la constitution d’une part et l’intérêt servi par le motif d’exception à invoquer d’autre part. La Commission doit constater que l’intérêt général qui est servi par la publicité des informations relatives à la crise du COVID- 19 est grand et qu’il y a lieu d’en tenir compte lors de la mise en balance. Cette mise en balance doit concrètement avoir lieu. La Commission souhaite enfin rappeler le principe de publicité partielle pour autant que les questions puissent être converties en une demande 9 d’accès à un document administratif. Ce principe implique que des informations présentes dans un document administratif peuvent être soustraites à la publicité pour autant qu’elles soient couvertes par un ou plusieurs motifs d’exception. Toutes les autres informations contenues dans un document administratif doivent dès lors être divulguées. Bruxelles, le 9 juin 2020. F. SCHRAM K. LEUS secrétaire présidente