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Avis n° 98

Concernant une copie des conventions et les dossiers accompagnants et les dossiers administratifs inventoriés accompagnant de certains arrêtés royaux

Date: 19/08/2019

Transposition

   Commission d’accès aux et de
    réutilisation des documents
            administratifs

  Section publicité de l’administration




                19 août 2019




            AVIS n° 2019-98

CONCERNANT UNE COPIE DES CONVENTIONS
 ET LES DOSSIERS ACCOMPAGNANTS ET LES
 DOSSIERS ADMINISTRATIFS INVENTORIÉS
  ACCOMPAGNANT DE CERTAINS ARRÊTÉS
                 ROYAUX
               (CADA/2019/93)
                                                                            2

   1. Un aperçu

1.1. Par lettre du 11 juin 2019 référencée « SPF.FIN.3 » Maître Gérard
Leplat, curateur de la faillite des Forges de Clabecq a demandé, en cette
qualité, le droit de consulter et de prendre copie d’une série de documents
administratifs sur pied de la loi sur la transparence administrative du 11
avril 1994. Ce courrier est reçu par l’administration en date du 25 juin
2019. Il demande les dossiers administratifs inventoriés accompagnant
    a. l’arrêté royal du 20 juillet 1994 modifiant le statut de la Société
        nationale de Crédit à l’industrie et organisant l’apport de la
        participation de l’Etat dans la Société nationale du Crédit à
        l’industrie à la Caisse générale d’Epargne et de Retraite-Holding
        (M.B. 30 juillet 1994, p. 19665).
    b. l’arrêté royal du 14 septembre 1995 relatif à la cession de la
        participation de la Société fédérale de Participations dans le capital
        de la Société nationale de Crédit à l’Industrie (M.B. 6 octobre 1995,
        p. 28414) ;
    c. l’arrêté royal du 18 juillet 1997 prescrivant à la Société fédérale de
        Participations de céder des actions de la SA. Caisse générale
        d’Epargne et de Retraite-Banque et de la SA. Caisse générale
        d’Epargne et de Retraite-Assurances (M.B. 29 juillet 1997, p.
        19430) ;
    d. l’arrêté royal du 21 décembre 1998 relatif à la cession par la Société
        fédérale de participations de ses actions de la Caisse générale
        d’Epargne et de Retraite-Assurances (M.B. 31 décembre 1998, p.
        42111).
Il demande aussi les documents suivants :
    a. des avis de la Commission d’évaluation des Actifs de l’Etat
        concernant la cession, notamment celui mentionné dans le
        préambule de l’arrêté royal du 18 juillet 1997 ;
    b. les conventions suivantes, accompagnées de leur décision
        administrative d’approbation et du dossier administratif inventorié
        s’y référant :
        - Convention de cession des parts de la SFP dans la SNCI dont la
            curatelle ne connait pas la date exacte (normalement en 1995) ;
        - Convention de cession de 24,7% des parts de la SPF dans la
            CGER, dont la curatelle ne connait pas la date exacte
            (probablement en novembre 1997) ;
        - Convention de cession de 25,1% des parts de la SFP dans la
            CGER du 12 février 1999 ;
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        -   Convention de fusion de la SNCI et de la CGER (fusion au 19
            octobre 1997) ;
        -   Toute autre convention conclue entre l’Etat et la SNCI ou la
            CGER relativement à ces cessions.

1.2. Par lettre du juillet 2019, le SPF Finances refuse l’accès aux
documents demandés. Il invoque les motifs suivants :
«

   I.       Inapplication de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de
            l’administration

   1. Les documents auxquels vous demandez accès correspondent, pour
      l’essentiel, à ceux dont vous sollicitiez la production, dans vos
      conclusions de synthèse du 7 mars 2019, sur pied de l’article 19,
      alinéa 3 du Code judiciaire dans le cadre de la procédure vous
      opposant à l’Etat belge actuellement pendante devant la Cour
      d’appel de Bruxelles (R.G. 2018/AR/1043). Les documents
      supplémentaires auxquels vous sollicitez l’accès s’inscrivent
      manifestement dans le contexte de la même procédure.
   2. Or, par son arrêt du 27 mai 2019, la Cour d’appel de Bruxelles a
      refusé de faire droit à cette demande au motif que l’intérêt pour la
      Curatelle des Forges de Clabecq d’accéder à ces documents n’était
      pas suffisamment établi :

        « 12. A ce stade du litige, dans le cadre d’une appréciation sommaire
        (prima facie) des droits invoqués par les parties en vertu de l’article
        19, alinéa 3, du Code judiciaire, il apparaît que l’Etat belge base sa
        demande sur deux fondements légaux, à savoir la subrogation
        (premier fondament) et la cession de créance (second fondement).

        La production de documents sollicitées par la curatelle des Forges de
        Clabecq s’inscrit apparemment dans une réfutation du premier
        fondement invoqué. Dans l’hypothèse où le second fondement
        devrait être retenu, et ce indépendamment de la question du
        fondement légal de la mesure avant dire droit postulée par la
        curatelle des Forges de Clabecq, l’utilité des documents dont la
        production est sollicitée n’apparaît donc pas.

        Dans l’hypothèse contraire, l’appréciation de l’utilité de la mesure
        requiert un examen approfondi du dossier que la mise en état sur pied
        de l’article 19, alinéa 3 du Code judiciaire n’autorise pas. Compte tenu
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         de l’apparente complexité de l’actuelle procédure qui fait suite à deux
         autres procédures mues au niveau européen et belge jusque devant
         les plus hautes juridictions, de l’existence de contestations émises par
         l’Etat belge en du principe d’économie de procédure qui domine la
         Code judiciaire, l’utilité de la production des documents réclamés par
         la Curatelle des Forges de Clabecq et l’intérêt de cette dernière à les
         obtenir ne sont, à ce stade, pas suffisamment établis.

         Il se déduit de ce qui précède que les demandes de la Curatelle des
         Forges de Clabecq – formées à titre principal, subsidiaire et très
         subsidiaire – ne sont pas fondées. » (point 12, pp. 14 et 14 ; souligné
         par l’Etat belge).

    3. Les enseignements de l’arrêt précité sont en tous points applicables
       à votre demande de publicité administrative prise sur pied de la loi
       du 11 avril 1994, et ce d’autant plus que la curatelle invoquait déjà
       les dispositions de cette loi pour fonder sa demande de mesures
       avant dire droit soumise à la Cour d’appel de Bruxelles. En effet, la
       présente demande n’a d’autre finalité que de vous permettre
       d’obtenir accès et l’utilisation, dans la procédure judiciaire en cours,
       de documents dont l’inutilité a déjà été constatée par la Cour d’appel
       de Bruxelles.

    4. Or, il est constant que la loi sur la publicité administrative ne saurait
       être invoquée pour obtenir l’accès à des documents en vue de leur
       utilisation dans une procédure devant une juridiction qui à la
       capacité d’en ordonner elle-même la production. Si tel était le cas,
       les demandes de publicité risqueraient de faire entrave au bon
       fonctionnement de la justice, et en particulier aux règles judiciaires
       relatives aux mesures avant dire droit.

         La jurisprudence du Conseil d’Etat est en effet fixée en ce ces : « les
         formes de publicité organisées par la loi du 11 avril 1994 ne sont pas
         applicables lorsqu’elles tendent à faire déposer devant une
         juridiction des documents dont cette juridiction peut ordonner la
         production ».1




1
 C.E. (11e ch.), 29 août 1995, nr. 54.901, S.A. La Herseautoise ; C.E. (11e ch.), 6 février
1995, n° 51.549, Michaux ; C.E. (6e ch.), 8 mars 1996, arrêt n° 58.514, Tarabichi et Keppens ;
C.E. (6e ch.), 18 décembre 1996, n° 63.650, S.A. La Herseautoise. La Conseil d’État souligne
explicitement qu’il s’agit de procédures distinctes soumises à des textes propres.
                                                                                  5

           Les décisions précitées révèlent qu’ne l’espèce, une demande de
           production de documents devant l’ordre judiciaire ne peut être
           fondée que l’article 877 du Code judiciaire.

           Le Conseil d’Etat a ainsi décidé à différentes reprises – notamment
           dans l’arrêt Vuzdugan du 5 février 2009 1 – de se déclarer
           incompétent pour statuer sur un recours en annulation d’une
           décision de refus d’accès à des documents et fondé sur la loi du 11
           avril 1994, au motif que ces documents faisaient par ailleurs l’objet
           d’un différend devant les tribunaux de l’ordre judiciaire.

       5. L’Etat belge ne pourrait dès lors accéder à votre demande, qui
          constitue manifestement une tentative détournée obtenir des
          informations dont la production vous a par ailleurs été refusée par la
          voie judiciaire, sans heurter le principe de la séparation des pouvoirs
          et entraver le bon fonctionnement de la justice.

II. Motifs d’exception

       6. Si toutefois, par impossible, il fallait considérer qu’elle ne serait pas
          contraire au principe de la séparation des pouvoirs et qu’elle soit
          recevable sur base de la loi du 11 avril 1994, encore convient-il de
          considérer que votre demande devrait être rejetée sur base des
          motifs suivants.

       7. Premièrement, et comme il sera développé ci-après, certains
          documents sollicités, soit ont déjà été communiqués à la curatelle,
          soit pour d’autre, ne soit plus en possession de l’Etat belge.

       8. Deuxièmement, eu égard à l’arrêt précité de la Cour d’appel de
          Bruxelles ayant considéré notamment sur la base de la loi du 11 avril
          1994, que les documents dont vous avez en vain sollicité la
          production en justice ne présentent à ce stade aucune utilité pour la
          curatelle, la réitération de cette demande sous la forme d’une
          demande fondée adressée directement à l’Etat belge est
          manifestement abusive.

           Le caractère manifestement abusif d’une demande en application de
           l’article 6, § 3, 3°, de cette loi ne saurait du reste et en toute
           hypothèse être apprécié indépendamment de la théorie générale de
           l’abus de droit. La Cour de cassation définit à cet égard l’abus de droit

1
    C.E. (9e ch), 5 février 2009, n° 190.238, Vuzdugan.
                                                                                            6

         comme « l’exercice d’un droit d’une manière qui dépasse
         manifestement les limites de l’exercice normal de celui-ci par une
         personne prudente en diligente ».1 Or, l’un des critères permettant
         d’évaluer le caractère abusif d’une demande est le fait, pour une
         personne, d’exercer son droit « sans intérêt ou motif légitime ou
         sans intérêt raisonnable et suffisant ».2

    9. Troisièmement, doit également être rejetée une demande formulée
       de façon manifestement trop vague (article 6, § 3, 4°, de la loi du 11
       avril 1994).

    10. Quatrièmement, l’intérêt de la publicité de certains des documents
        auxquels la curatelle sollicite l’accès ne l’emporte pas sur plusieurs
        des intérêts protégés par l’article 6 de la loi du 11 avril 1994.

         Cet article impose à l’autorité administrative soumise à demande de
         publicité de ne pas y faire droit lorsque l’intérêt de publicité ne
         l’emporte pas notamment sur :
         « 6° un intérêt économique ou financier fédéral, la monnaie ou le
         crédit public ;

         7° le caractère par nature confidentiel des informations d’entreprise
         ou de fabrication communiquées à l’autorités. »

         Il impose en substance à l’autorité d’effectuer une mise en balance
         entre d’une part l’intérêt de la publicité pour le demandeur et,
         d’autre part, l’intérêt légal protégé par le motif d’exception.

         Or, en l’absence d’utilité des documents auxquels vous sollicitez
         l’accès, les intérêts précités l’emportent nécessairement sur l’intérêt
         à la publicité de l’information.

         En l’occurrence, les documents auxquels vous sollicitez l’accès sont,
         pour la plupart, liés à des conventions relatives à des opérations
         financières que l’Etat belge a conclu avec des acteurs privés tel que
         la SNCI/CGER/BNP et qui ne pourraient être divulgués sans porter
         atteinte à la nature confidentielle des secrets d’affaires qu’ils
         contiennent.


1
  Cass. 10 juin 2004, Pas. p. 996 ; Cass. 6 janv. 2006, Pas. 2006, p. 71 ; Cass. 9 févr. 2005,
Pas., 2005, p. 329 ; Cass. 12 déc. 2005, Pas., 2005, p. 2498 ; Cass. 9 mars 2009, J.T. 2009,
p. 392.
2
  Cass. 17 mai 2002, JT, 2002, p. 694 ; Cass. 30 jan. 2003, R.G.D.C., 2004, p. 405.
                                                                          7

11. Eu égard à ce qui précède, votre demande doit être rejetée pour les
    motifs suivants :
    - Pour tout ce qui concerne les instruments de payement du 6 avril
        1998, du 5 février 1999 et du 15 décembre 2015 (y compris les
        décisions administratives et dossiers administratifs inventoriés
        ainsi que la correspondance et les éventuelles conventions entre
        l’Etat et la SNCI/CGER/BNP Paribas Fortis concernant ces
        paiements), ces documents correspondent pour l’essentiel à
        ceux dont vous sollicitiez la production dans vos conclusions du
        7 mars 2019 (points b, c, e, f et g du dispositif).

       Par courrier du 21 août 2018, l’Etat belge a par ailleurs déjà
       indiqué à la Curatelle n’avoir pas pu retrouver les extraits de
       compte reprenant les deux premiers paiements qui remontent à
       plus de 20 ans. La publicité de ces documents dont l’existence
       s’est perdue ne peut donc plus être ordonnée.

       Il est en effet admis que la loi du 11 avril 1994 ne saurait résulter
       en une obligation pour l’autorité administrative de recréer ou
       reconstituer des documents administratifs n’ayant jamais existé,
       ayant disparu ou ayant été détruits. Une des conditions
       d’application de cette loi est en effet de porter sur les documents
       administratifs dont une autorité administrative « dispose »
       (article 1er, b), 2°). Cette condition fait défaut pour les documents
       précités.
       En outre, la consultation sollicitée de ces pièces est dépourvue
       de toute utilité pour la Curatelle. Celle-ci admet en effet elle-
       même l’existence des trois paiements, intervenus en date des 6
       avril 1998, 5 février 1999 et 15 décembre 2015. Ces paiements
       sont par ailleurs incontestablement établis par les éléments du
       dossier de sorte qu’il est manifestement abusif d’en demander la
       publicité.

       Pour le surplus, il est renvoyé aux points 53 à 60 des secondes
       conclusions additionnelles de synthèse sur les mesures avant
       dire droit de l’Etat belge prises le 12 avril 2019 dans la cause
       pendante devant la Cour d’appel de Bruxelles sous le n°
       2018/AR/1043, tenues pour être ici expressément reproduites,
       et dont il ressort que la demande concernant ces documents est
       pour partie formulée de manière manifestement vague et pour
       le surplus manifestement abusive.
                                                                     8

-   La demande de consulter et obtenir copie de « tout échange »
    entre le service du Crédit Public et la SNCI/CGER relativement au
    report des garanties consenties par l’Etat et de toutes
    conventions relatives à l’exécution de cette garanties correspond
    pour l’essentiel à la demande de production de documents
    formulée dans vos conclusions de synthèse du 7 mars 2019 (point
    d, l et m du dispositif).

    A cet égard, votre demande de pouvoir consulter « tout
    échange » relatif au report de la garantie est formulée de façon
    manifestement trop vague au sens de l’article 6, § 3, 4° de la loi
    du 11 avril 1994 puisqu’elle ne cible pas de façon précise et
    déterminée les documents ni même la matière concernée par la
    demande.

    Par ailleurs, cette demande doit également être considérée
    comme manifestement abusive. En effet, il est fait état de ce
    report de garantie dans de nombreux instruments vous ayant
    déjà été communiquées et notamment dans la décision de la
    Commission européenne du 18 décembre 1996, de la Cour
    d’appel de Bruxelles du 19 octobre 2012 qui est devenu
    irrévocable, ou encore dans courriers du 1er juillet 1996 ou du 22
    janvier 1997 que produit la Curatelle elle-même dans ses
    conclusions.

    Complémentairement à ces éléments, l’Etat belge a par ailleurs
    retrouvé et vous a transmis, dans ses conclusions de synthèse du
    12 avril 2019 (pièce n° 32), une lettre du 14 novembre 1996 du
    Ministre confirmant explicitement cette extension à la SNCI ce
    qui coupe court à toute discussion.

    Les éléments du dossier démontrent que cette prorogation est
    incontestablement intervenue et la Curatelle en est parfaitement
    consciente.

    Il en est également ainsi de la demande se rapportant aux
    conventions relatives à l’exécution de cette garantie, qui est
    formulée de façon trop vague et est pour le reste manifestement
    abusive.

    Pour le surplus, il est renvoyé aux points 35 à 52 et 58 et 60 des
    secondes conclusions additionnelles de synthèse sur les mesures
    avant dire droit de l’Etat belge prises le 12 avril 2019 dans la
                                                                     9

    cause pendante devant la Cour d’appel de Bruxelles sous le n°
    2018/AR/1043, tenues pour être ici expressément reproduites,
    et dont il ressort que la demande concernant ces documents est
    pour partie formulée de manière manifestement vague et pour
    le surplus manifestement abusive.

-   Vous sollicitez également la consultation ou la copie de plusieurs
    conventions de cession de parts de la SFP dans la SNCI/CGER ainsi
    que de la convention de fusion de la SNCI/CGER et de « toutes
    autres conventions » liées à celles précitées. Cette demande
    correspond pour l’essentiel à la demande de production de
    documents formulée dans vos conclusions de synthèse du 7 mars
    2019 (point i, j et k du dispositif).

    Tous ces documents sollicités par la curatelle à propos du
    processus de privatisation de la SNCI/CGER sont dépourvus
    d’utilités dans la procédure judiciaire en cours et la demande de
    publicité est partant, manifestement abusive.

    La demande est par ailleurs formulée de manière manifestement
    vague.

    Au surplus, ces documents concernent des conventions conclues
    entre l’Etat belge et des acteurs privés dont la publicité est
    protégée par les motifs d’exception liés à l’intérêt économique
    ou financier fédéral et au caractère par nature confidentiel des
    informations d’entreprise tels que mentionnés ci-dessus.

    Pour le surplus, il est renvoyé aux points 47 à 52 des secondes
    conclusions additionnelles de synthèse sur les mesures avant
    dire droit de l’Etat belge prises le 12 avril 2019 dans la cause
    pendante devant la Cour d’appel de Bruxelles sous le n°
    2018/AR/1043, tenues pour être ici expressément reproduites,
    et dont il ressort que la demande concernant ces documents est
    pour partie formulée de manière manifestement vague et pour
    le surplus manifestement abusive.

-   Vous sollicitez enfin la publicité des documents suivants : « Les
    avis de la Commission d’évaluation des Actifs de l’Etat,
    notamment celui mentionné dans le préambule de l’arrêté royal
    du 18 juillet 1997 » et les dossiers administratifs inventoriées
    accompagnant les arrêtés royaux du 20 juillet 1994, du 14
    septembre 1995, du 18 juillet 1997 et du 21 décembre 1996.
                                                                           10



           Ces demandes, qui s’inscrivent dans le même contexte judiciaire
           que celui rappelé ci-avant et sont dès lors pareillement
           dépourvues d’utilité, doivent également être considérées
           comme manifestement abusives pour les motifs indiqués ci-
           avant. »

1.3. Le demandeur introduit une « demande de reconsidération » auprès
du SPF Finances par lettre du 5 août 2019. Le même jour il demande par
courriel et lettre à la Commission d’accès aux et de réutilisation des
documents administratifs, section publicité de l’administration, ci-après la
Commission, un avis.

2. La recevabilité de la demande d’avis

La Commission estime que la demande d’avis est recevable. L’article 8, § 2
de la loi du 11 avril 1994 ‘relatif à la publicité de l’administration’ (ci-
après : loi du 11 avril 1994) donne au demandeur la possibilité lorsqu’il
rencontre des difficultés pour obtenir la consultation ou la correction d'un
document administratif en vertu de la loi précitée, d’adresser à l'autorité
administrative fédérale concernée une demande de reconsidération. Au
même moment, il doit demander à la Commission d'émettre un avis. La
demande de reconsidération est introduite le 5 août 2019 et la demande
d’avis le même jour. Les conditions de l’article 8, § 2 de la loi du 11 avril
1994 sont dès lors remplies.

3. Le bien-fondé de la demande d’avis

L’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 consacrent le
principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. L’accès aux
documents administratifs ne peut être refusé que lorsque l’intérêt requis
pour l’accès à des documents à caractère personnel fait défaut et lorsqu’un
ou plusieurs motifs d’exception figurant à l’article 6 de la loi du 11 avril
1994 peuvent ou doivent être invoqués et qu’ils peuvent être motivés de
manière concrète et pertinente. Seuls les motifs d’exception imposés par la
loi peuvent être invoqués et doivent par ailleurs être interprétés de
manière restrictive (Cour d’Arbitrage, arrêt n° 17/97 du 25 mars 1997,
considérants B.2.1 et 2.2 et Cour d’Arbitrage, arrêt n° 150/2004 du 15
septembre 2004, considérant B.3.2).
                                                                              11

La Commission souhaite tout d’abord souligner que le droit d’accès aux
documents administratifs est défini comme suit à l’article 4 de la loi du 11
avril 1994 : « Le droit de consulter un document administratif d'une
autorité administrative fédérale et de recevoir une copie du document
consiste en ce que chacun, selon les conditions prévues par la présente loi,
peut prendre connaissance sur place de tout document administratif,
obtenir des explications à son sujet et en recevoir communication sous
forme de copie. » Le droit d’accès ne comprend dès lors pas le droit de faire
des copies soi-même.

Premièrement, le SPF Finances invoque le fait que l’existence d’une
procédure juridique empêche l’utilisation de la loi du 11 avril 1994. Le
demandeur affirme que les documents administratifs demandés peuvent
jouer un rôle dans la résolution du conflit qui fait l’objet de la procédure
juridique invoquée. La Commission a déjà rejeté cet argument dans
plusieurs avis. La principale raison est que le législateur n’a pas prévu un
tel motif d’exception. L’application d’un motif d’exception sans fondement
légal est contraire à l’article 32 de la Constitution. La Commission tient à
souligner que la possibilité de demander, en vertu de l’article 877 du Code
judiciaire, la production de documents à un juge saisi du litige, a une
finalité fondamentalement différente de celle du droit d’accès accordé par
l’article 32 de la Constitution et par la loi du 11 avril 1994. L’article 877 du
Code judiciaire permet, lors d’un litige, à une partie de demander la remise
de certains documents dont elle estime qu’ils pourraient jouer un rôle dans
la résolution du litige. Il revient au juge de déterminer si la remise des
documents demandés dans le cadre de la procédure introduite devant lui
contribue à la résolution de ce litige. Cependant, le juge n’est pas lié par
les motifs d’exception repris dans la loi du 11 avril 1994. En effet, cette loi
n’est en principe pas d’application au pouvoir judiciaire. Seules les
autorités administratives fédérales peuvent être soumises à la loi du 11
avril 1994 qui reprend une série de motifs d’exception pouvant ou devant
être invoqués lorsque ceux-ci peuvent être motivés de manière
suffisamment concrète. L’évaluation de la publicité de documents
administratifs sur la base de la loi du 11 avril 1994 n’implique aucunement
d’évaluer l’utilité de ces documents dans la résolution d’un éventuel litige
introduit devant un juge. Sur la base de la jurisprudence du Conseil d’État,
la Commission a également jugé que lorsque le demandeur introduit un
recours contre un refus de donner suite à une demande de reconsidération,
il ne peut s’adresser qu’au juge saisi du litige. Le fait que tout le monde
peut recourir à la publicité de l’administration tel que garanti par l’article
                                                                              12

32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 ne porte pas atteinte à la
séparation des pouvoirs. Si les documents concernés sont présentés dans
le cadre d’une procédure judiciaire, il revient toujours au juge de
déterminer si ces documents ont la moindre utilité dans le cadre de la
procédure introduite devant lui. Le droit d’accès en vertu de la loi du 11
avril 1994 n’y porte pas préjudice.

Par ailleurs, la Commission tient à souligner que dans ses conclusions du
12 avril 2019, le SPF Finances est d’accord avec ce point de vue :

     « En revanche, le Conseil d’État a effectivement décidé à différentes
     reprises – notamment dans l’arrêt Vuzdugan du 5 février 2009 cité par
     la Curatelle – de se déclarer incompétent pour statuer sur un recours
     en annulation d’une décision de refus d’accès à des documents et fondé
     sur la loi du 11 avril 1994, au motif que ces documents faisaient par
     ailleurs l’objet d’un différend devant les tribunaux de l’ordre judiciaire.
     Cette décision est critiquée par la doctrine et par les commissions
     d’accès aux documents. Cette critique consiste à relever que l’existence
     d’une procédure juridictionnelle ne constitue pas une exception à
     l’obligation de publicité passive de la loi du 11 avril 1994. Il s’en déduit
     que l’existence d’une procédure judiciaire n’est pas un motif valable
     pour s’opposer au recours devant le Conseil d’État prévu par l’article
     8 de la loi du 11 avril 1994.
     Cette critique n’affecte cependant en rien l’argumentation du
     concluant. Celui-ci [le SPF Finances] n’invoque pas la jurisprudence du
     Conseil d’État pour prétendre que, compte tenu de la présente
     procédure judiciaire, la Curatelle ne pourrait pas diligenter une
     procédure devant le Conseil d’État. L’État soutient uniquement que la
     loi du 11 avril 1994 ne constitue pas un fondement juridique pertinent
     pour solliciter la production de documents administratifs dans le cadre
     de la présente procédure judiciaire, seul l’article 877 du Code judiciaire
     pouvant être invoqué.
     […]
     Il y a lieu de relever à titre surabondant que l’affirmation de la
     Curatelle selon laquelle l’article 877 du Code judiciaire limiterait les
     droits consacrés par l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril
     1994 est dénuée de fondement. Ces dispositions ont, comme expliqué
     ci-avant, des champs d’application différents et autonomes l’un par
     rapport à l’autre.
     L’affirmation de la Curatelle repose sur la prémisse inexacte que
     l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 permettraient de
     demander la production en justice de documents administratifs dans
                                                                              13

      une plus large mesure que celle prévue par l’article 877 du Code
      judiciaire – quod non.
      Pour le surplus, le fait que la demande de production de documents
      soit obligatoirement fondée sur l’article 877 du Code judiciaire n’a
      évidemment pas pour effet de priver la Curatelle du droit de
      demander la consultation des documents qui, par hypothèse, ne
      seraient pas produits sur pied de l’article 877 du Code judiciaire. Ceci
      démontre à nouveau que l’article 877 du Code judiciaire ne restreint
      pas la portée de l’article 32 de la Constitution et de la loi du 11 avril
      1994. Le débat n’est pas là. » (pp. 17-18).”

Le rejet d’une demande d’accès à des documents administratifs sur la base
de la loi 11 avril 1994 peut par conséquent uniquement reposer sur les
motifs d’exception repris dans cette loi. Ceci implique également que le
refus de donner suite à la demande sur la base de la loi du 11 avril 1994 ne
peut pas reposer sur des arguments invoqués provenant des documents qui
sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire introduite devant la
cour d’appel.

Le SPF Finances invoque deux motifs d’exception formels pour justifier
son refus. À cet égard, la Commission tient à indiquer que ces deux motifs
d’exception ne peuvent en principe pas être invoqués en même temps : la
formulation manifestement trop vague de la demande implique en effet
que l’autorité administrative ne peut pas vraiment identifier quels sont les
documents administratifs que le demandeur souhaite obtenir. Pour
pouvoir invoquer le caractère manifestement abusif, l’autorité
administrative doit savoir exactement quels documents le demandeur
souhaite obtenir. La Commission souhaite également souligner que ces
deux motifs d’exception concernent la demande dans son ensemble et non
certains documents administratifs demandés.

Tout d’abord, le SPF Finances invoque le caractère manifestement abusif
de la demande, motif d’exception repris à l’article 6, §3, 4° de la loi du 11
avril 1994. La Commission n’exclut pas automatiquement que la demande
puisse être rejetée pour cette raison. Cependant, la Commission tient à
souligner qu’une motivation suffisante est requise pour invoquer ce motif
d’exception. En ce qui concerne cette possibilité, la Commission renvoie
à l’avis émis de sa propre initiative, à savoir l’avis 2019-33 du 1er avril 2019
qui        est       consultable        sur        son       site       internet
(www.documentsadministratifs.be).
                                                                           14

Ensuite, le SPF Finances invoque la formulation manifestement trop vague
de la demande, motif d’exception repris à l’article 6, §3, 4° de la loi du 11
avril 1994. La Commission ne peut pas approuver le recours à ce motif
d’exception. Elle ne voit pas comment le demandeur peut mieux formuler
sa demande. La Commission tient néanmoins à souligner que nombre de
documents administratifs demandés ne doivent pas nécessairement être
inventoriés. En effet, l’exigence d’inventorisation ne constitue pas une
obligation à laquelle l’autorité administrative est soumise. Toutefois,
conformément à la loi relative aux archives, un certain classement est
censé être fait au moment où les documents administratifs concernés sont
transférés aux Archives générales du Royaume et aux archives de l’État
dans les Provinces. Le fait que le demandeur demande l’accès à « une
convention ou un acte administratif » ne signifie pas que la formulation de
cette demande est manifestement trop vague pour la simple raison que le
demandeur ne connaît pas la date précise du document. Une demande doit
en effet être estimée suffisamment claire si un fonctionnaire compétent en
la matière comprend de quel document administratif il s’agit. Il va
également de soi que le demandeur n’est pas toujours informé de
l’existence d’un document administratif ou de la portée de la
correspondance échangée entre l’État et la Banque au sujet des prêts
consentis aux Forges. La Commission doit souligner que lorsqu’il est estimé
que la formulation d’une demande est trop vague à ce stade,
l’administration n’est pas tenue de prier le demandeur de préciser sa
demande sur la base de la loi du 11 avril 1994. Cela n’empêche bien
entendu pas le demandeur d’introduire une nouvelle demande d’accès
avec une formulation plus précise.

De plus, le SPF Finances invoque deux motifs d’exception de fond pour
refuser la publicité. Premièrement, le SPF Finances invoque l’article 5, §
1er, 7° de la loi du 11 avril 1994 selon lequel une autorité administrative
« rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication
sous forme de copie d'un document administratif si elle a constaté que
l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des
intérêts suivants :
(…) 6° un intérêt économique ou financier fédéral, la monnaie ou le crédit
public ; » Pour invoquer ce motif d’exception, le SPF Finances doit
démontrer qu’il y a effectivement des informations relevant de l’article 6,
§1er, 6° de la loi du 11 avril 1994 dans les documents administratifs
demandés. En outre, il doit concrètement démontrer que l’intérêt général
servi par la publicité ne l’emporte pas sur l’intérêt que le législateur
                                                                             15

souhaite protéger. Cette mise en balance doit être effectuée concrètement,
c.-à-d. sur la base des informations présentes dans un document
administratif. La Commission tient à souligner qu’il n’y a pas lieu de
procéder à une mise en balance avec l’intérêt spécifique aux demandeurs.
Dans tous les cas, aucune information ne peut être soustraite à la publicité
sur la base de ce motif d’exception dans la mesure où l’information est déjà
connue du public de manière légale, par exemple car elle figure dans un
arrêté royal publié au Moniteur belge. Ce n’est pas forcément le cas
lorsqu’il s’agit d’informations parues dans les journaux étant donné qu’elles
n’ont pas nécessairement été obtenues légalement.

Deuxièmement, le SPF Finances invoque l’article 6, §1er, 7° de la loi du 11
avril 1994 sur la base duquel une autorité administrative « rejette la
demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme
de copie d'un document administratif si elle a constaté que l'intérêt de la
publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants :
(…) 7° le caractère par nature confidentiel des informations d'entreprise
ou de fabrication communiquées à l'autorité ». Ce motif d’exception ne
protège pas toutes les informations d’entreprises ou de fabrication. Elles ne
sont protégées que si elles sont confidentielles par nature. En d’autres
mots, il doit s’agir d’informations considérées comme un secret d’affaires
au sens de la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des secrets
d’affaires. Dans ce cas également, cette constatation ne mène pas
automatiquement au secret. Dans les faits, la mise en balance des intérêts
doit avoir lieu entre d’une part l’intérêt général servi par la publicité et
d’autre part l’intérêt protégé. Cette mise en balance revient au SPF
Finances.

La Commission tient à rappeler au SPF Finances le principe de publicité
partielle selon lequel seule une partie des informations peut être soustraite
à la publicité, partie soumise à un motif d’exception, et que toutes les autres
informations doivent être rendues publiques.

Bruxelles, le 19 août 2019.




   F. SCHRAM                                                    K. LEUS
   secrétaire                                                  présidente