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Date: 05/11/2018
Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs Section publicité de l’administration 5 novembre 2018 AVIS n° 2018-113 CONCERNANT L’ACCÈS AUX DOCUMENTS D’UNE PERSONNE MORALE AUPRÈS DE L’AFSCA (CADA/2018/108) 2 1. Un aperçu 1.1. Par lettre du 28 août 2018, Maître Mathieu Velghe demande à l’Agence fédérale pour la Sécurité de la Chaîne alimentaire (ci-après dénommée : l’AFSCA) de lui communiquer au nom de sa cliente, la SPRL Nanny’s Home, « s’il y a lieu : - l’identité de tout tiers, public ou privé, qui s’est adressé à [l’]agence au sujet de [sa] cliente ; - la copie des documents adressés, par tout tiers, à [l’]agence au sujet de [sa] cliente ; - toute explication que [l’AFSCA jugerait] utile d’apporter à leur propos. [Sa] cliente souhaite également savoir si l’AFSCA a communiqué des informations relatives au contrôle qu’elle a effectué le 24 mai [2018] à des tiers, qu’ils soient publics et/ou privé. » 1.2. L’AFSCA confirme que trois plaintes (nos 1565, 1613 et 1632) ont effectivement été introduites auprès de son point de contact en mai 2018. L’AFSCA refuse l’accès à l’identité du plaignant, la divulgation étant de nature à pouvoir engendrer des conséquences dommageables (par exemple des représailles ou une action à l’encontre de celui-ci) et à nuire au bon fonctionnement de l’Agence en décourageant le dépôt de plainte. Dans le même ordre d’idées, la communication du contenu in extenso de ces trois plaintes étant susceptible d’occasionner l’identification des plaignants, l’AFSCA déclare qu’elle ne peut donner une suite favorable à la demande de copie desdites plaintes. 1.3. Dans sa lettre de 17 octobre 2018, le demandeur introduit une demande de reconsidération auprès l’AFSCA. Au même moment, il sollicite la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l’administration, ci-après dénommée la Commission, afin d’obtenir un avis. 2. La recevabilité de la demande d’avis La Commission estime que la demande d’avis est recevable. L’article 8, § 2, de la loi du 11 avril 1994 ‘relative à la publicité de l’administration’ (ci-après : la loi du 11 avril 1994) requiert que la demande de reconsidération auprès de l’AFSCA et la demande d’avis auprès de la Commission soient introduites simultanément. Le demandeur a satisfait à cette obligation de simultanéité. 3 3. Le bien-fondé de la demande d’avis L’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 consacrent le principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. L’accès aux documents administratifs ne peut être refusé que lorsque l’intérêt requis pour l’accès à des documents à caractère personnel fait défaut et lorsqu’un ou plusieurs motifs d’exception figurant à l’article 6 de la loi du 11 avril 1994 peuvent ou doivent être invoqués et qu’ils peuvent être motivés de manière concrète et pertinente. Seuls les motifs d’exception imposés par la loi peuvent être invoqués et doivent par ailleurs être interprétés de manière restrictive (Cour d’Arbitrage, arrêt n° 17/97 du 25 mars 1997, considérants B.2.1 et 2.2 et Cour d’Arbitrage, arrêt n° 150/2004 du 15 septembre 2004, considérant B.3.2). L’AFSCA invoque l’article 6, § 1er, 8°, de la loi du 11 avril 1994 pour refuser l’accès à l’identité de l’intéressé. L’article 6, § 1er, 8°, de cette loi dispose qu’une autorité administrative « rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif si elle a constaté que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur la protection de l’un des intérêts suivants : (…) 8° le secret de l’identité de la personne qui a communiqué le document ou l’information à l’autorité administrative à titre confidentiel pour dénoncer un fait punissable ou supposé tel ». Pour invoquer ce motif d’exception, il doit être démontré in concreto qu’il est bien satisfait à tous ces éléments. En premier lieu, il est requis que l’information ait été communiquée à l’autorité administrative. Le plaignant doit également avoir sollicité la confidentialité de son identité au moment de l’introduction de la plainte. Troisièmement, la communication doit avoir eu pour objectif de dénoncer un fait punissable ou supposé tel. Enfin, il doit être démontré que l’intérêt qui est servi par la divulgation l’emporte sur l’intérêt protégé. En ce qui concerne ce dernier, il existe dans cette affaire un intérêt général qui plaide en faveur du secret, et l’intérêt invoqué par la SPRL Nanny’s Home est un intérêt individuel qui ne l’emporte pas sur l’intérêt protégé servi par l’intérêt général. Il échet de tenir compte de l’article 4, 3°, de la loi du 29 juillet 1991 ‘relative à la motivation formelle des actes administratifs’. La circonstance que deux des trois plaignants auraient fait part de l’introduction de leur plainte à l’ONE ne signifie pas pour autant que c’est à juste titre que l’ONE a divulgué leur identité, de sorte que le caractère éventuellement confidentiel desdites identités – dans la mesure où il existe -, n’a pas 4 automatiquement disparu. La circonstance que certains faits qui auraient été rapportés n’ont pas été constatés ne signifie pas que ces faits ne se sont pas produits dans le passé et qu’il faudrait en déduire une preuve de ce que les plaignants avaient comme objectif de nuire à la SPRL. En tout état de cause, l’identité du troisième plaignant n’est pas connue de la SPRL Nanny’s Home, et ne peut être présumée. Même s’il n’était pas satisfait à toutes les conditions requises pour invoquer ce motif d’exception, l’AFSCA pourrait encore refuser la divulgation sur pied de l’article 6, § 2, 1°, de la loi du 11 avril 1994. En vertu de cette disposition, la divulgation doit être refusée si une autorité administrative, en assurant la publicité du document administratif, porterait atteinte à la vie privée, sauf si la personne concernée a préalablement donné son accord par écrit à la consultation ou à la communication sous forme de copie. S’il s’avère que la publicité pourrait avoir un impact négatif sur la vie privée de l’intéressé, la divulgation de l’identité et de toute information contenue dans la plainte pouvant conduire à l’identification de l’intéressé, doit être refusée. Il s’agit en effet d’un motif d’exception absolu. En l’espèce, il ressort bien de la correspondance que la publicité pourrait avoir un impact négatif sur la vie privée de l’intéressé, puisque la SPRL Nanny’s Home dit souhaiter introduire une demande d’indemnisation à l’encontre des plaignants. Le contenu de la plainte est également protégé, dans la mesure où il concerne un avis ou une opinion communiquée librement et à titre confidentiel à l’autorité par un tiers. Ce motif d’exception ressort de l’article 6, § 3, 2°, de la loi du 11 avril 1994 et revêt un caractère facultatif. Il ne peut toutefois pas être invoqué pour soustraire des faits contenus dans une plainte de la publicité. Il est requis que la communication ne repose pas sur une obligation légale et que la confidentialité ait été demandée lors du dépôt de la plainte. En raison du caractère facultatif de ce motif d’exception, une motivation plus extensive est exigée pour pouvoir l’invoquer. L’accès à la plainte qui émane de l’ONE ne peut être refusé sur base de ce motif : l’ONE ne peut pas être considéré comme un tiers. Comme il a déjà été démontré ci- avant, l’identité du plaignant lui-même ne peut pas être communiquée et cette information peut être soustraite à la publicité. Toute autre information doit bien être divulguée en application de l’article 6, § 4, de la loi du 11 avril 1994. 5 Bruxelles, le 5 novembre 2018. F. SCHRAM K. LEUS secrétaire présidente