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Date: 15/01/2018
Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs Section publicité de l’administration 15 janvier 2018 AVIS n° 2018-4 QUESTION SUR L’INTERPRETATION GENERALE DE LA LEGISLATION SUR LA PUBLICITE (CADA/2018/01) 2 1. Un aperçu Par courriel du 7 janvier 2018, Madame Ioana Cristoiu du SPF Mobilité et Transport a demandé à la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l’administration, ci- après nommée la Commission, un avis sur l’interprétation générale de la législation fédérale sur la publicité. Par l’article 11 de la loi du 22 décembre 2008 ‘portant des dispositions diverses (I)’, un Chapitre III – « Amendes administratives » a été introduit dans la loi du 27 juin 1937 ‘portant révision de la loi du 16 novembre 1919 relative à la réglementation de la navigation aérienne concernant les Amendes administratives en matière de transport aérien’. L’article 46, § 1, 2°, de la loi du 27 juin 1937 prévoit que celui à qui une amende administrative peut être infligée pour infraction à une des dispositions visées a le droit de consulter son dossier. Les travaux préparatoires de la loi modificative du 22 décembre 2008 ne fournissent aucune explication sur la question du droit de consulter le dossier. Dans le système prévu par la loi de 1937, le législateur a créé une amende administrative punissant l’auteur d’une infraction (pénale) à cette loi. Il s’agit d’une alternative à la sanction pénale. Le fonctionnaire compétent ne peut infliger d’amende administrative que si le ministère public a classé le dossier sans suite ou a omis de faire connaître sa décision audit fonctionnaire. Questions : 1. Peut-on considérer, comme exception (lex specialis) à la loi de 1994 que seul le droit de consultation est prévu par la loi du 1937 (telle que modifiée en 2008) ? 2. Peut-on transmettre une copie des amendes administratives (à caractère pénal) concernant une personne ou une société, à des tiers ? 2. La recevabilité de la demande d’avis La Commission est d’avis que la demande est recevable. Selon l’article 8, § 3, de la loi du 11 avril 1994 ‘relative à la publicité de l’administration’, une autorité administrative fédérale peut consulter la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section 3 publicité de l’administration. Le SPF Mobilité et Transport est une autorité administrative fédérale. 3. Le fondement de la demande d’avis 3.1. Le contexte de la problématique et les dispositions pertinentes de la loi du 27 juin 1937 Par la loi précitée du 22 décembre 2008, le législateur a introduit un chapitre III dans la loi du 27 juin 1937 ‘portant révision de la loi du 16 novembre 1919 relative à la réglementation de la navigation aérienne’, par lequel des amendes administratives sont instaurées comme sanction de la violation des articles 11 à 29, 31 et 32 de la loi. Toutefois, les amendes admnistratives peuvent seulement être infligées à l’intéressé par le fonctionnaire de la Direction générale Transport aérien désigné par le Roi quand le procureur du Roi a communiqué l’information dans les 90 jours après la réception du procès-verbal ou en l’absence de cette communication endéans ce délai. L’accès pour consultation au dossier judiciaire ou l’obtention d’une copie de ce dernier, pour autant qu’il soit en possession des services judiciaires, est réglé par l’article 21bis du Code de procédure pénale : “Sans préjudice des dispositions des lois particulières et de l’application des articles 28quinquies, § 2, 57, § 2, et 127, § 2, il est statué sur la demande de la personne directement intéressée de consulter le dossier ou d’en obtenir copie par le juge d’instruction, conformément à l’article 61ter, ou par le ministère public, en fonction de l’état de la procédure. Est considérée comme personne directement intéressée : l’inculpé, la personne à l’égard de laquelle l’action publique est engagée dans le cadre de l’instruction, la personne soupçonnée, la partie civilement responsable, la partie civile, celui qui a fait une déclaration de personne lésée, ainsi que ceux qui sont subrogés dans leurs droits ou les personnes qui les représentent en qualité de mandataire ad hoc, de curateur, d’administrateur provisoire, de tuteur ou de tuteur ad hoc. Dans tous les autres cas, la décision sur l’autorisation de consulter le dossier ou d’en obtenir copie est prise par le ministère public, même pendant l’instruction.” 4 Quand le fonctionnaire de la Direction générale Transport aérien est compétent pour infliger une sanction administrative, il ou elle doit, en vertu de l’article 46, § 1, 2°, de la loi du 27 juin 1937, informer l’intéressé d’un certain nombre d’éléments par lettre recommandée accompagnée d’une copie du procès-verbal, en ce compris les jours et heures pendant lesquels il a le droit de consulter son dossier. De la jurisprudence du Conseil d’État, il ressort que les documents en possession d’une autorité administrative - il en va aussi ainsi des documents qui sont copiés du dossier pénal avec l’autorisation du procureur - en vue de leur traitement administratif au sens de l’article 46 de la loi du 27 juin 1937 doivent être considérés comme des documents administratifs au sens de l’article 32 de la Constitution. La question qui se pose est celle de savoir comment l’article 46, § 1, 2°, de la loi du 27 juin 1937 se rapporte à la loi du 11 avril 1994 ‘relative à la publicité de l’administration’, qui a concretisé de façon générale le droit d’accès aux documents administratifs tel que garanti par l’article 32 de la Constitution. 3.2. La publicité de l’administration L’article 32 de la Constitution confrère à chacun le droit de consulter ou de recevoir copie de tout document administratif. Etant donné qu’un droit fondamental est concerné, les textes législatifs existants qui ont trait au droit d’accès doivent, autant que possible, être interprétés dans ce sens, à moins que le législateur ait expressément indiqué pourquoi il a prévu une limitation de la méthode d’accès. La loi du 11 avril 1994 ‘relative à la publicité de l’administration’ règle les manières dont le droit d’accès peut être exercé et y ajoute aussi un droit d’explication au sujet des documents demandés. La loi du 11 avril 1994 n’est pas nécessairement la seule loi par laquelle le droit d’accès aux documents administratifs est réglé. Rien n’a empêché le législateur d’élaborer des règles d’accès spécifiques pour des documents administratifs spécifiques. Cela pose la question de savoir comment les règles spécifiques d’accès se rapportent à la règlementation générale contenue dans la loi du 11 avril 1994. En effet, certaines règles de droit datent d’avant l’article 32 de la Constitution qui a fait de la publicité de l’administration un principe. Dans d’autres dispositions législatives qui reconnaissent l’accès aux 5 documents, le législateur n’a, en outre, pas toujours été cohérent dans la terminologie utilisée. 3.3. Le rapport entre le droit d’accès dans le cadre de la publicité de l’administration et la disposition de l’article 46, § 1, 2°, de la loi du 27 juin 1937 La question se pose, à cet égard, de savoir s’il peut être déduit du fait que le législateur fait seulement mention à l’article 46, § 1, 2°, de la loi du 27 juin 1937 du droit de l’intéressé (lisez : celui à qui une autorité administrative vise à infliger une amende administrative) de consulter son dossier que le droit d’en recevoir une copie est exclu. La Commission est d’avis que l’article 46, § 1, 2°, de la loi du 27 juin 1937 n’empêche pas qu’une copie du(des) document(s) demandé(s) soi(en)t également fournie(s) à l’intéressé. En effet, cette disposition ne concerne pas la règlementation afférente à la publicité des documents administratifs mais règle essentiellement la façon dont une personne qui fait l’objet d’une procédure de sanction administrative peut exercer ses droits de la défense, en ce compris son droit d’accès au dossier administrtatif. L’article 46, § 1, 2° prévoit à cette fin qu’il est fait mention, dans une lettre recommandée, des jours et heures pendant lesquels il a le droit de consulter son dossier. En conclusion, l’article 46, § 1, 2°, de la loi du 27 juin 1937 est indépendant d’une demande d’accès sur pied de la loi du 11 avril 1994 ‘relative à la publicité de l’administration’ et du droit fondamental contenu à l’article 32 de la Constitution. L’article 46 se situe ainsi dans le cadre (de l’exercice) des droits de la défense comme garantie pour celui qui fait l’objet d’une (potentielle) sanction administrative. 3.4. La concrétisation de la publicité de l’administration dans la loi du 11 avril 1994 ‘relative à la publicité de l’administration’ Parce qu’il est question de documents administratifs - il en va aussi ainsi des documents qui sont copiés d’un dossier pénal avec l’autorisation du procureur en vue de leur traitement administratif au sens de l’article 46 de la loi du 27 juin 1937 -, il doit être apprécié si, sur pied des motifs d’exception de la loi du 11 avril 1994, les tiers peuvent, à côté de 6 l’intéressé, demander l’accès aux documents qui font partie du dossier en question. Le droit à la publicité des documents administratifs visé par la Constitution vaut pour chacun et, donc, aussi en principe pour un tiers étant entendu que le droit d’accès peut, en vertu de l’article 32 de la Constitution, être restreint par une disposition normative qui a force de loi. Toutefois, en ce qui concerne l’accès aux documents du dossier en possession du SPF Mobilité et Transport afférent à l’infliction d’une sanction administrative, une distinction doit être faite selon que le demandeur est celui qui est concerné par le dossier, ou un tiers. Pour apprécier l’invocabilité de motifs d’exception déterminés, il doit en effet être tenu compte du demandeur. Que le demandeur qui y sollicite l’accès soit celui qui est concerné par le dossier ou que le demandeur soit un tiers, il convient de vérifier si l’article 6, § 1, 5°, de la loi du 11 avril 1994 peut être invoqué. Ce motif d’exception prévoit qu’une autorité administrative doit refuser la divulgation si elle juge que l’intérêt public qui est servi par la divulgation ne pèse pas plus lourd que l’intérêt qui est servi par la recherche ou la poursuite de faits punissables, ce qui doit être justifié in concreto. En effet, ce motif d’exception ne protège pas la personne qui est concernée par le dossier, mais l’intérêt public en matière de publicité de l’administration. 3.4.1. Le demandeur est celui qui est concerné par le dossier S’il semble qu’une information à caractère personnel est présente dans les documents administratifs du dossier, seule la personne physique qui est concernée par l’information peut être réputée avoir l’intérêt requis sans qu’elle doive expressément le démontrer. Un document à caractère personnel est en effet un “document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d’un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne.” Une personne morale qui souhaite obtenir l’accès à une information à caractère personnel d’un de ses employés, n’agit toutefois pas automatiquement au nom de ses employés et est 7 partant tenue de démontrer son intérêt pour obtenir l’accès à ces informations. 3.4.2. Le demandeur est un tiers Si le demandeur est un tiers et que l’information doit être qualifiée de document à caractère personnel, il doit en tout cas démontrer l’intérêt requis pour obtenir l’accès à cette information. Il s’agit ici d’une exigence préalable qui doit être remplie avant que l’examen des motifs d’exception ait lieu. La Commission souhaite en tout cas attirer l’attention du SPF Mobilité et Transport sur l’exception prévue à l’article 6, § 1, 2°, de la loi du 11 avril 1994, sur pied de laquelle une autorité administrative doit refuser la divulgation quand elle a constaté que l’intérêt de la publicité ne l’emportait pas sur la protection des libertés et droits fondamentaux des administrés. En particulier, la Commission souhaite relever qu’il est possible que la divulgation - du moins tant que la procédure est pendante - porte préjudice au droit à un procès équitable tel que garanti par l’article 6 CEDH. De plus, la Commission souhaite souligner la possibilité que soit incorporée dans le dossier une information donnée à caractère économique qui, par nature, est confidentielle. Si l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur la protection du caractère par nature confidentiel des informations d’entreprise ou de fabrication communiquées à l’autorité, l’autorité administrative concernée doit refuser l’accès à ces informations sur pied de l’article 6, § 1, 7°, de la loi du 11 avril 1994. La Commission souhaite insister sur ce que tout refus doit être accompagné d’une motivation concrète du motif d’exception invoqué. Le cas échéant, si le fonctionnaire compétent du SPF Mobilité et Transport constate que la publicité porterait préjudice à la protection de la vie privée, la divulgation des informations concernées doit être refusée. La Commission souhaite faire remarquer, à cet égard, que ce motif d’exception ne peut pas être invoqué sans raison. Ainsi, il doit premièrement être constaté que la donnée est bien protégée par la vie privée et ensuite que la divulgation porterait atteinte à la vie privée. Une fois ceci constaté in concreto, la divulgation doit être refusée. Dans ce cas, aucune balance des intérêts n’est ainsi exigée. 8 La Commission n’exclut pas qu’éventuellement, encore d’autres motifs d’exception doivent ou puissent être invoqués. Compte tenu de ce qu’aucun dossier concret ne lui est soumis dans le cadre de la procédure organisée à l’article 8, § 3, de la loi du 11 avril 1994, elle ne peut se prononcer plus avant par le biais de sa compétence d’avis générale. Enfin, la Commission souhaite attirer l’attention sur le principe de la divulgation partielle, sur pied duquel une autorité administrative ne peut soustraire l’information à la divulgation que dans la seule mesure où cette information tombe dans le champ d’application d’un motif d’exception. Toute autre information contenue dans un document administratif doit être rendue publique. Bruxelles, le 15 janvier 2018. F. SCHRAM K. LEUS secrétaire présidente