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Date: 7/6/2016
Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs Section publicité de l’administration 7 juin 2016 AVIS n° 2016-57 Sur le refus de donner accès du dossier fiscal à l’origine d’un dégrèvement litigieux (CADA/2016/54) 2 1. Un aperçu 1.1. Par un courrier du 23 mars 2016, la Commune d’Oreye s’est adressée à l’administrateur général de la Perception et du Recouvrement, Service Consolidation et Audit du SPF Finances et à l’inspecteur principal du cadastre de Waremme du SPF Finances pour avoir accès aux données du dossier fiscal à l’origine du dégrèvement litigieux afin de prendre connaissance des motifs de droit et de fait de cette décision. 1.2 Par lettre de 9 mai 2016, le Ministre des Finances exprime sa volonté d’améliorer l’information à l’égard des communes « tout en respectant la loi concernant le secret professionnel et la loi concernant la protection de la vie privée ». 1.3 Par lettre du 31 mai 2016, madame Fortemps et Me Jean Bourtembourg, agissant pour la commune d’Oreye, introduisent une demande de reconsidération auprès du SPF Finances. Le même jour, ils saisissent la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l’administration, ci-après la Commission, pour avis. 2. La recevabilité de la demande d’avis La Commission estime que la demande d’avis est recevable. La Commission constate que la demande de reconsidération adressée SPF Finances et la demande d’avis adressée à la Commission ont été introduites simultanément comme le requiert l’article 8, §2 de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration. 3. Le bien-fondé de la demande d’avis 3.1. Principe général L’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 énoncent le principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. L’accès aux documents administratifs ne peut être refusé que lorsque l’intérêt pour l’accès à un document à caractère personnel fait défaut et lorsqu’un ou plusieurs motifs d’exception visés à l’article 6 de la loi du 11 avril 1994 peuvent ou doivent être invoqués, ce qui doit pouvoir être motivé de manière concrète et pertinente. Seuls les motifs d’exception imposés par 3 la loi peuvent être invoqués ; en outre, ces motifs doivent être interprétés de manière restrictive (Cour d’Arbitrage, arrêt n° 17/97 du 25 mars 1997, considérations B.2.1 et 2.2 et Cour d’Arbitrage, arrêt n° 150/2004 du 15 septembre 2004, considération B.3.2). 3.2 Documents d’un dossier fiscal en tant que documents à caractère personnel La Commission doit, à titre de préalable, faire observer que des documents figurant dans un dossier fiscal ne doivent normalement pas être considérés comme des documents à caractère personnel. Un document à caractère personnel est en effet un document administratif qui emporte un jugement ou une appréciation de valeur relativement à une personne physique citée avec son nom ou facilement identifiable ou la description d’un comportement qui peut manifestement causer un préjudice à la personne concernée (article 1er, alinéa 2, 3, de la loi du 11 avril 1994). Ce n’est que lorsque des documents déterminés peuvent avoir trait à des pratiques frauduleuses commises par une personne physique que ceux-ci doivent être qualifiés comme tels. En principe, l’accès à un dossier fiscal ne requiert aucun intérêt. Le contribuable étant la société BENE00-ORAFTI S.A. qui n’est pas une personne physique, un intérêt n’est pas requis. 3.3. Evaluation des causes d’exception invoquées L’administration fiscale recourt à l’article 337 CIR 92 et l’article 6, § 2, 1°, de la loi du 11 avril 1994. Dans ce cadre, la Commission souhaite signaler que les communes occupent une position particulière et, par conséquent, ne peuvent pas être simplement considérées comme des tiers lorsqu’il s’agit des centimes additionnels qu’elles imposent. En ce sens, l’article 6, § 2, 1° et l’article 6, § 2, 2° de la loi du 11 avril 1994 ne peuvent pas être invoqués sans plus pour refuser l’accès aux documents administratifs demandés à ces institutions. Il faut en outre prendre en considération le fait qu’il est possible d’invoquer ces motifs d’exception moyennant une motivation concrète et pertinente, et ce pour autant que ces informations n’aient aucun lien avec la désignation des 4 tâches de la commune d’Oreye et sa compétence d’imposer des centimes additionnels. Le secret fiscal que traduit notamment l’article 337 CIR 92, n’est en effet pas en réalité un secret professionnel mais un secret fonctionnel renforcé par la loi qui repose sur les agents de l’administration fiscale et auxquels, en cas de méconnaissance, une sanction pénale est applicable, sanction comparable à celle applicable en matière de méconnaissance du secret professionnel. Contrairement à ce que prétend l’administration fiscale par le renvoi qu’elle opère à d’anciens arrêts et jugements, il n’est plus possible aujourd’hui de suivre une interprétation absolue du secret professionnel ; ce secret doit être – à l’instar de la jurisprudence et de la doctrine – appréhendé de manière fonctionnelle. Le secret fiscal est incontestablement une notion large en tant « que le secret professionnel concerne toutes les affaires dont (le fonctionnaire) a eu connaissance en exécution de (s)a mission, même celles qui sont dénuées de caractère fondamental ou ne sont que de nature statistique » (Cass. 14.09.1999, Pas., 1999, I, p. 1146). La Commission souhaite en particulier attirer l’attention sur le fait que le secret fiscal tel que garanti par l’article 337 CIR 92 ne joue que lorsque l’agent fiscal agit en dehors de l’exercice de sa charge. Selon l’article 337 CIR 92, l’agent de l’administration fiscale remplit sa charge «lorsqu’il communique aux autres services administratifs de l’Etat, y compris les parquets et les greffes des cours et de toutes les juridictions, aux Communautés, aux Régions et aux établissement ou organismes publics visés à l’article 329, les renseignements qui sont nécessaires à ces services, établissements ou organismes pour assurer l’exécution des dispositions légales ou réglementaires dont ils sont chargés ». Aux termes de cet article 329, par établissements ou organismes publics, «il faut entendre, au sens des articles 327 et 328, les institutions, sociétés, associations, établissements et offices à l'administration desquels l'Etat, une Communauté ou une Région participe, auxquels l'Etat, une Communauté ou une Région fournit une garantie, sur l'activité desquels l'Etat, une Communauté ou une Région exerce une surveillance ou dont le personnel de direction est désigné par le Gouvernement fédéral ou un Gouvernement de Communauté ou de Région, sur sa proposition ou moyennant son approbation ». Il n’est pas douteux que la commune d’Oreye est une institution publique au sens de l’article 329 CIR 92, ce qui implique que l’exception prévue à l’article 337 CIR 92 ne peut être 5 soulevée lorsque la demande d’information a trait aux impôts additionnels que la commune d’Oreye établit pour remplir les missions qui lui sont imposées par ou vertu de la loi ou des règlements. La protection de la vie privée telle que garantie par l’article 6, § 2, 1°, de la loi du 11 avril 1994 ne peut être également invoquée sans plus dès lors que l’accès demandé ne conduit pas à une publicité mais uniquement à un accès spécifique reconnu à une administration qui est le bénéficiaire des centimes additionnels. En revanche, l’on peut faire jouer cette disposition lorsqu’il s’agit d’accéder à toutes les informations d’un dossier fiscal. Mais, en l’occurrence, la commune d’Oreye ne demande pas à accéder à tous les documents du dossier fiscal de ses habitants, elle demande uniquement d’accéder au dossier fiscal à l’origine du dégrèvement litigieux afin de prendre connaissance des motifs de droit et de fait de cette décision. 3.4. Exception prévue à l’article 6, § 1, 7°, de la loi du 11 avril 1994 La Commission n’exclut pas que certaines informations puissent être couvertes, au titre d’information confidentielles à caractère économique, par l’article 6, § 1, 7°, de la loi du 11 avril 1994; aux termes de cette disposition, l’autorité administrative doit refuser l’accès quand elle a constaté que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur « le caractère par nature confidentiel des informations d'entreprise ou de fabrication communiquées à l'autorité ». Pour autant que l’article 6, § 1er, 7° de la loi du 11 avril 1994 doive être invoqué, la Commission souhaite attirer l’attention sur le fait que ce motif d’exception ne peut pas être invoqué sans autre procédé ; il ne peut l’être que lorsque les informations présentent un caractère par nature confidentiel et portent sur des informations d'entreprise ou de fabrication communiquées à l'autorité. Dans ce cas, il est également requis de procéder à la balance des intérêts entre l’intérêt protégé et l’intérêt qui est servi par la publicité. Enfin, la Commission estime que ce motif d’exception ne peut pas être directement lié à l’exercice des compétences fiscales de la ville d’Oreye. 3.5. Principe de la publicité partielle Enfin, la Commission souhaite encore attirer l’attention sur le principe de la publicité partielle sur la base de laquelle seules les informations qui tombent sous la définition d’un motif d’exception peuvent être 6 soustraites à la publicité. Toutes les autres informations doivent être divulguées. Bruxelles, le 7 juin 2016. F. SCHRAM M. BAGUET secrétaire présidente