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Date: 7/9/2015
Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs Section publicité de l’administration 7 septembre 2015 AVIS n° 2015-64 Sur le refus de donner accès à la décision motivée et au détail des données chiffrées ayant présidé à la décision de la Banque Nationale de Belgique, autorisant ainsi la SA DKBV et la SA Axa Belgium à augmenter leurs primes (CADA/2015/62) 2 1. Un récapitulatif 1.1 Par courrier en date du 12 février 2015, Madame Julie Frère et Monsieur Jean-Philippe Ducart demandent, au nom de Test-Achats, à la Banque Nationale de Belgique “de communiquer – dans les 15 jours de la présente – la décision motivée et le détail des données chiffrées ayant présidé à la décision de la Banque Nationale de Belgique, autorisant ainsi la SA DKBV et la SA Axa Belgium à augmenter leurs primes”. 1.2 Par courrier en date du 3 mars 2015, Madame Julie Frère et Monsieur Jean-Philippe Ducart rappellent leur demande à la Banque Nationale de Belgique. 1.2 Par courrier en date du 10 mars 2015, Monsieur Jan Smets, gouverneur de la Banque Nationale de Belgique refuse de donner accès aux documents demandés sur la base de l’article 6, § 2, 2° de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration combiné à l’article 35, alinéa 1er, de la loi du 22 février 1998 fixant le statut organique de la Banque Nationale de Belgique qui stipule que la Banque et les membres et anciens membres de ses organes et de son personnel sont tenus au secret professionnel et ne peuvent divulguer à quelque personne ou autorité que ce soit les informations confidentielles dont ils ont eu connaissance en raison de leurs fonctions. 1.4 Les demandeurs n’étant pas d’accord avec ces points de vue, Monsieur Frédéric Krenc introduit au nom de Test-Achats, par courrier en date du 6 août 2015, une demande de reconsidération auprès de la Banque Nationale de Belgique. Par courrier à la même date, il introduit également une demande d’avis auprès de la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l’administration, ci-après dénommée la Commission. 2. La recevabilité de la demande d’avis La Commission constate que le demandeur a introduit simultanément, comme le prescrit l’article 8, § 2 de la loi du 11 avril 1994, une demande de reconsidération auprès de la Banque nationale de Belgique et une demande d’avis auprès de la Commission. Par conséquent, la demande d’avis est recevable. 3 3. Le bien-fondé de la demande d’avis L’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration adhèrent au principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. L’accès aux documents administratifs ne peut être refusé que si l’intérêt requis pour l’accès à un document à caractère personnel fait défaut et si un ou plusieurs motifs d’exception figurant à l’article 6 de la loi du 11 avril 1994 peuvent ou doivent être invoqués et qu’ils peuvent être motivés de manière concrète et pertinente. Seuls les motifs d’exception imposés par la loi peuvent être invoqués et s’applique en outre la règle qu’ils doivent être interprétés de manière restrictive (Cour d’Arbitrage, arrêt n° 17/97 du 25 mars 1997, considérants B.2.1 et 2.2 et Cour d’Arbitrage, arrêt n°150/2004 du 15 septembre 2004, considérant B.3.2). La Commission constate que le gouverneur de la Banque Nationale de Belgique invoque l’article 6, § 2, 2° de la loi du 11 avril 1994 conjointement avec l’article 35, alinéa 1er, de la loi du 22 février 1998 fixant le statut organique de la Banque Nationale de Belgique. L’article 6, § 2, 2° de la loi du 11 avril 1994 dispose qu’une autorité administrative rejette la demande d’accès à un document administratif si la publication du document administratif porte atteinte à une obligation de secret instaurée par la loi. Il ressort de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et de la pratique d’avis de la Commission que ce motif d’exception ne peut pas être invoqué comme ça. Il s’agit en effet d’une exception à un droit fondamental qui doit être interprétée de manière restrictive. En tout cas, il y a lieu de motiver la raison pour laquelle les informations concernées tombent sous l’obligation de secret. Il faut en outre tenir compte de l’objectif que visait le législateur en instaurant une disposition relative à l’obligation de secret. Contrairement à ce que le demandeur semble affirmer, des dispositions relatives à l’obligation de secret ne peuvent pas toutes être interprétées de la même manière mais il y a lieu de tenir compte de la spécificité de leur formulation et objectif. La Commission a également attiré l’attention sur le fait qu’une disposition relative à l’obligation de secret applicable dans le chef de personnes individuelles ne signifie pas nécessairement que celle-ci peut également être invoquée par une institution. L’article 35 de la loi du 22 février 1998 fixant le statut organique de la Banque Nationale de Belgique s’énonce comme suit: 4 “Hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice en matière pénale, la Banque et les membres et anciens membres de ses organes et de son personnel sont tenus au secret professionnel et ne peuvent divulguer à quelque personne ou autorité que ce soit les informations confidentielles dont ils ont eu connaissance en raison de leurs fonctions. L'alinéa 1er ne porte pas préjudice à la communication d'informations confidentielles à des tiers dans les cas prévus par et en vertu de la loi. (…) Les infractions au présent article sont punies des peines prévues par l'article 458 du Code pénal. Les dispositions du livre 1er du Code pénal, sans exception du chapitre VII et de l'article 85, sont applicables aux infractions au présent article. Le présent article ne fait pas obstacle au respect par la Banque, les membres de ses organes et de son personnel de dispositions légales spécifiques en matière de secret professionnel, plus restrictives ou non, notamment lorsque la Banque est chargée de la collecte d'informations statistiques ou du contrôle prudentiel.” La disposition actuelle a modifié la disposition initiale par l’article 194 de l’arrêté royal du 3 mars 2011 mettant en œuvre l'évolution des structures de contrôle du secteur financier, M.B. du 9 mars 2011, tel que confirmé par l’article 298 de la loi du 3 août 2012 relative aux organismes de placement collectif qui répondent aux conditions de la Directive 2009/65/CE et aux organismes de placement en créances (MB du 19 octobre 2012). Dans le Rapport au Roi de l’arrêté royal du 3 mars 2011, il est indiqué, en ce qui concerne l’article 194, qu’il adapte les dispositions relatives au secret professionnel, applicables à la Banque, à la nouvelle situation créée par le transfert des compétences de tutelle. Aucune autre explication n’est par conséquent donnée quant à l’ampleur et à la portée du secret professionnel introduit. Ce n’était pas non plus le cas de l’article dans sa formulation initiale. 5 La Commission constate que le secret professionnel introduit porte tant sur les personnes mentionnées à l’article 35 que sur l’institution en tant que telle. Le secret professionnel ne s’applique toutefois pas à toutes les informations. Il se limite aux «informations confidentielles dont ils ont eu connaissance en raison de leurs fonctions”. La décision du gouverneur de la Banque Nationale n’est dès lors pas suffisamment motivée parce qu’il n’est pas concrètement indiqué que les informations figurant dans les documents administratifs demandés satisfont à cette condition. Par ailleurs, le législateur a prévu des exceptions obligeant de communiquer, par ou en vertu de la loi, des informations confidentielles à des tiers. Le gouverneur de la Banque nationale doit dès lors vérifier si la demande peut éventuellement tomber sous l’une de ces exceptions et cela doit ressortir de la motivation. Le fait que le motif d’exception figure à l’article 6, § 2, 2° de la loi du 11 avril 1994 a pour conséquence qu’aucune justification d’intérêt n’est requise et qu’il suffit qu’il soit concrètement démontré pourquoi il est porté préjudice au secret professionnel. En tout cas, cette obligation de secret vise à protéger les acteurs économiques et non, comme l’affirme le demandeur, les clients de ces acteurs économiques de sorte que la disposition relative à l’obligation de secret peut être invoquée à l’égard des clients de ces acteurs économiques. Bruxelles, le 7 septembre 2015. F. SCHRAM M. BAGUET secrétaire présidente