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Date: 24/11/2014
Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs Section publicité de l’administration 24 novembre 2014 AVIS n° 2014-93 Sur l’accès aux documents qui révèlent la position de la Belgique sur des décisions de l’Union européenne (CADA/2014/88) 2 1. Un récapitulatif Par courrier en date du 22 août 2014, Monsieur Joseph Hage Aaronson LLP, demande au nom de OJSC Rosneft Oil Company, les informations suivantes : « information which (a) identifies any fact or circumstance relied on as justifying the European Council Decision 2014/512/CFSP and European Council Regulation (EU) 833/2014 of 31 July 2014, (b) identifies any evidence or information on which assessments underpinning the Decision or Regulation were based, (c) is or would have been otherwise elevant to the making or not making of the Decision and the Regulation ». Sans porter préjudice à la généralité de la demande, le demandeur souhaite des copies spécifiques de tous les rapports, comptes rendus de réunions, opinions, observations, analyses et avis pertinents relatifs à: - « The matters set out in the recitals to the Decision, and in particular the assertions of fact and law contained in recitals (1), (5), (6), (7), (8), (9) and (12) ; - The matters set out in (including in particular the assertions of fact and law contained in the recitals to the Council Decision 2014/145/CFSP of 17 March concerning restrictive measures in respect of actions undermining or threatening the territorial integrity, sovereignty and independence of Ukraine, which Decision is referred to in recital (2) to the Decision ; - Any analysis of the short, medium and long-term impact which the measures imposed by the Decision and the Regulation were expected to have upon the oil exploration and production industry in Russia and relevant EU Exporters which were expected to be affected by the said measures ; - The operations of, and anticipated impact of the said measures upon, Rosneft and its subsidiaries ; - The request by the Council dated 21 March 2014 to the Commission and Member States to prepare possible targeted measures, and documents prepared by the Commission and/or the European External Action Service (EEAS) for the Council which set out the preparatory work on targeted measures, in particular in relation to sensitive technologies and the energy sector ; - The reasons for adopting each of the definitions in Article 1 of the Regulation, and for the lack of definition of certain terms, and for 3 the listing of each of the specific technologies listed in Annex II of the Regulation ; - The adoption of Articles 7 and 8 of the Decision and Articles 11 and 12 of the Regulation ; - Which Member States voted for the Decision and the Regulation, and the arguments both for and against the measures which were considered by the Council prior to the implementation of the Decision and the Regulation ; - Other restrictive measures which were contemplated or considered by the Council at the relevant time(s), but not adopted, and the reasons for not adopting such other restrictive measures ; - The legality of the Decision and the Regulation ; - The legality of Russia’s actions in relation to the Ukraine, and the factual basis for such legal analysis of Russia’s action ; - The anticipated reaction of the Government of the Russian Federation to the implementation of the measures, and in particular with regard to its foreign policy objectives in relation to the Ukraine ; - Communications with non EU Member States, in particular the United States of America, regarding restrictive measures under consideration or to be adopted. » Le demandeur exprime le souhait de recevoir tous les documents par e- mail sous un « machine-readable electronic format ». Par courrier en date du 22 août 2014, le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement refuse de donner accès aux documents demandés sur la base des motifs d’exception suivants cités dans la loi du 11 avril 1994: - les relations internationales fédérales de la Belgique (article 6, § 1er, 3° de la loi du 11 avril 1994) - l'ordre public, la sûreté ou la défense nationales (article 6, § 1er, 4° de la loi du 11 avril 1994). Pour autant que cela soit nécessaire, le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement invoque également l’article 6, § 2, 1° de la loi du 11 avril 1994 parce que la publicité d’un certain nombre de documents auxquels se réfère le demandeur portent atteinte au respect de la vie privée. 4 Le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement invoque en outre l’article 6, § 2, 4° de la loi du 11 avril 1994 parce que certains documents portent sur les intérêts mentionnés à l’article 3 de la loi du 11 décembre 1998 et pour cette raison ne peuvent pas être diffusés. Enfin, le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement invoque l’article 6, § 3, 1° de la loi du 11 avril 1994, parce que nombre des documents demandés sont en rapport avec un processus décisionnel (rapports intermédiaires, rapports d’avancement, …) et ne peuvent pas être considérés comme achevés. Pour cette raison, la publicité de ces documents peut engendrer un malentendu. N’étant pas d’accord avec les motifs d’exception invoqués, Monsieur Joseph Hage Aaronson LLP demande par courrier en date du 17 novembre 2014, envoyé par e-mail et par courrier, à la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, ci-après dénommée la Commission, de formuler un avis. Le même jour, il adresse également une demande de reconsidération au SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement. 2. La recevabilité de la demande d’avis La Commission constate que la demande d’avis est recevable. Le demandeur a en effet adressé une demande de reconsidération à l’autorité administrative fédérale concernée et une demande d’avis à la Commission. 3. Le bien-fondé de la demande d’avis La Commission souhaite expressément attirer l’attention du SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement sur le fait que sur la base de l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration, tous les documents administratifs sont en principe publics. La publicité ne peut être refusée que si l’intérêt requis pour avoir accès aux documents à caractère personnel fait défaut ou si un ou plusieurs motifs d’exception peuvent être invoqués et que cela est motivé de manière concrète et pertinente. La Commission ne peut que constater que toute motivation concrète en vue d’étayer juridiquement le refus fait défaut. 5 La Commission souhaite toutefois souligner que le droit d’accès aux documents administratifs n’existe qu’à l’égard de documents administratifs, ce qui implique que ceux-ci doivent exister. Le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement n’a pas précisé s’il était en possession des documents administratifs demandés vu la vaste portée de la demande. Bien que la Commission ne remette pas en question le fait que pour certaines informations contenues dans les documents administratifs demandés, l’article 6, § 1er, 3° et 4° de la loi du 11 avril 1994 doit être invoqué, il manque une motivation concrète pour le constat que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur la protection des relations internationales fédérales de la Belgique et la protection de l’ordre public, de la sécurité et de la défense nationales. La Commission insiste sur le fait qu’il s’agit ici de deux motifs d’exception. Invoquer ceux-ci ne requiert pas seulement que l’on ait constaté qu’il est porté préjudice aux intérêts énumérés à l’article 6, § 1er, 3° et 4°, mais qu’il y a également une mise en balance concrète entre d’une part, l’intérêt servi par la publicité et d’autre part, les deux intérêts protégés. La Commission souhaite attirer l’attention sur le fait que lors de cette mise en balance, il n’y a pas lieu de tenir compte de l’intérêt éventuel de la compagnie pétrolière concernée, étant donné qu’elle ne peut qu’invoquer un intérêt particulier, mais bien de l’intérêt général qui est servi par la publicité. Le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement invoque en outre l’article 6, §2, 1° de la loi du 11 avril 1994. Ce motif d’exception dispose qu’une autorité administrative doit refuser la publicité lorsque celle-ci porte atteinte à la vie privée, sauf si la personne concernée a préalablement donné son accord par écrit à la consultation ou à la communication sous forme de copie. Il manque à la Commission toute indication concrète des informations pouvant tomber sous ce motif d’exception. Elle tient à souligner que ce motif d’exception peut en effet être invoqué lorsque la publicité porte atteinte à la vie privée et non pour soustraire à la publicité toute information portant sur des personnes physiques. Bien que le motif d’exception cité à l’article 6, § 2, 1° ait un caractère absolu, lors de l’évaluation, il y a lieu de tenir compte des personnes concrètes. Il ressort en effet manifestement de la jurisprudence que tout le monde ne bénéficie pas de la protection de la vie privée dans une même mesure. Ce motif d’exception ne peut ainsi pas être invoqué à l’égard des fonctionnaires lorsque les informations 6 concernées ne portent que sur leur intervention administrative. Sur la base de ce motif d’exception, leur identité ne peut en aucun cas être soustraite à la publicité. On ne peut pas non plus invoquer l’article 6, § 2, 4° de la loi du 11 avril 1994 sans motivation concrète. Dans ses rapports annuels, la Commission a déjà, à plusieurs reprises, attiré l’attention sur la formulation problématique de ce motif d’exception. Comme la Commission l’a déjà précédemment avancé dans son avis 2010-32, l’article 6, § 2, 4° de la loi du 11 avril 1994 ne peut pas porter sur des documents qui sont classifiés sur la base de la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification et aux habilitations, attestations et avis de sécurité. L’article 26 de cette loi exclut en effet que la loi du 11 avril 1994 s’applique aux documents classifiés: “La loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration ne s'applique pas aux informations, documents ou données, au matériel, aux matériaux ou matières, sous quelque forme que ce soit, qui sont classifiés en application des dispositions de la présente loi.” En invoquant l’article 6, § 2, 4°, le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement exclut dès lors les documents qui seraient classifiés des documents demandés. La Commission estime que lors de l’interprétation de l’article 6, § 2, 4° de la loi du 11 avril 1994, le principe constitutionnel du droit d’accès aux documents administratifs, tel que garanti par l’article 32 de la Constitution, doit servir de fil conducteur. Pour cette raison, la Commission estime que dans la mesure où des intérêts similaires à l’article 6, § 1er de la loi du 11 avril 1994 sont invoqués, ceux-ci sont prioritaires sur ceux auxquels il est fait référence à l’article 6, § 2, 4°. Des intérêts similaires à ceux mentionnés à l’article 6, §1er de la loi du 11 avril 1994 ne peuvent être invoqués que pour autant qu’ils aient une teneur plus vaste. Dans la mesure où les intérêts invoqués sont ceux auxquels on se réfère à l’article 6, § 2, 4°, une autorité administrative ne peut pas se limiter à se référer simplement à l’article mais doit prouver concrètement que la publicité porte préjudice à ces intérêts. La présence de ces intérêts dans un document administratif ne suffit dès lors pas pour en refuser la publicité. La Commission souhaite en outre attirer l’attention sur le fait que lorsqu’un document provient d’une institution de l’Union européenne, le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au 7 développement est tenu, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être fourni, de consulter l’instance concernée afin de pouvoir prendre une décision ne compromettant pas la réalisation des objectifs du règlement 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission et ce, sur la base de l’article 5 de ce Règlement. Un renvoi du demandeur vers l’instance concernée n’est pas possible en droit belge. Enfin, la Commission souhaite explicitement attirer l’attention sur le principe de la publicité partielle qui implique que les informations contenues dans un document administratif ne peuvent être soustraites à la publicité que pour autant qu’elles tombent sous un motif d’exception et que toutes les autres informations doivent être divulguées. Le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement manque à ses obligations parce qu’il omet de tenir compte de la publicité partielle qui est non seulement mentionnée à l’article 6, §4, de la loi du 11 avril 1994 mais découle directement de l’article 32 de la Constitution. Bruxelles, le 24 novembre 2014. F. SCHRAM M. BAGUET secrétaire présidente