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Date: 29/9/2014
Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs Section publicité de l’administration 29 septembre 2014 AVIS n° 2014-77 sur la proposition de loi modifiant la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration (Doc. parl. Chambre des Représentants, DOC 54 0061/001) (CADA/2014/avispropreinitiative1) 2 1. Mise en contexte Le 14 juillet 2014, Mesdames Leen Dierick et Veerle Heeren ont introduit une proposition de loi modifiant la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration. Cette proposition reprend, avec un certain nombre d’adaptations, le texte de la proposition de loi DOC 63 2096/001 précédemment introduite au sujet de laquelle la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l’administration, ci-après dénommée la Commission, a déjà formulé un avis, plus spécifiquement l’avis 2012-42. Le législateur n’a pas encore imposé de condition d’avis systématique à l’égard de toutes les initiatives législatives relatives à la publicité mais, sur la base de l’article 8, § 4 de la loi du 11 avril 1994, la Commission a la possibilité de formuler un avis sur l’application générale de la loi relative à la publicité de l’administration. Par ailleurs, elle peut faire des propositions au pouvoir législatif en ce qui concerne l’application et l’éventuelle révision de cette loi. Cela constitue le fondement légal sur la base duquel la Commission a élaboré le présent avis. 2. Analyse et évaluation La Commission tient à ce que le législateur se penche à nouveau sur la législation fédérale en matière de publicité afin de corriger un certain nombre de points. L’intention des auteurs est clairement plus restrictive que ce qu’elle qui était le cas dans de la proposition initiale et en ce qu’elle se limite, au vu de l’article 32 de la Constitution, à « établir des règles claires concernant les documents administratifs qui peuvent être consultés, des procédures de demande modernes et courtes et, enfin et surtout, une instance de recours indépendante en cas de litige ou de refus » (proposition de loi p. 3). La Commission constate toutefois qu’à la lumière de cette intention, les auteurs n’ont pas suffisamment tenu compte des remarques et problèmes que la Commission a signalés dans ses rapports annuels. Un certain nombre de ces problèmes constituent en effet un obstacle important au bon fonctionnement de la publicité de l’administration au niveau du pouvoir fédéral. Par ailleurs, les auteurs ne tiennent pas compte des 3 évolutions qui surviennent à l’étranger et au niveau international dans le domaine de la publicité de l’administration. Ils se contentent en effet de s’inspirer du décret flamand du 26 mars 2004 relatif à la publicité de l’administration. Ils oublient toutefois que ce décret devait résoudre un certain nombre de problèmes de conformité avec l’article 32 de la Constitution qui n’ont jamais été rencontrés au niveau fédéral à l’égard de la loi du 11 avril 1994 qui a en effet partiellement servi d’exemple pour la rédaction de ce décret. La fonction d’exemple de ce décret doit donc être évaluée avec la prudence nécessaire. 2.1 Plaidoyer en faveur d’un renouvellement fondamental La proposition de loi se fonde sur une vision désuète de la publicité de l’administration dans laquelle la publicité passive, ou la publicité à la demande, constitue le cœur de la publicité de l’administration. Cette vision est surannée. L’accent doit être bien plutôt mis sur la publicité active des documents administratifs. Les technologies actuelles de l’information offre la possibilité de rendre publics la majorité des documents administratifs de manière active grâce à des fonctionnalités de recherche qui ne requièrent pas du citoyen de devoir introduire une demande. Cela offre un certain nombre d’avantages. En premier lieu, le citoyen peut prendre connaissance de documents administratifs dont il ne pouvait connaître l’existence. Par ailleurs la publicité active implique une simplification administrative considérable tant pour l’administration que pour le citoyen. En effet, plus aucune procédure n’est exigée. A cet égard, la proposition de loi ne tient pas suffisamment compte de l’un de ses propres objectifs, à savoir « (…) adapter la réglementation au traitement électronique des textes » (proposition de loi p. 3). En explorant cette piste, le législateur fédéral sera à nouveau le pionnier de la publicité de l’administration en Belgique, car sur ce point également, le décret du 26 mars 2004 n’est pas encore adapté aux possibilités et évolutions technologiques au sein de l’administration. 2.2 L’élargissement du champ d’application personnel (article 2 de la proposition de loi) Les auteurs de la proposition de loi ont opté pour un élargissement du champ d’application personnel à la fois en introduisant une nouvelle notion permettant de définir le champ d’application personnel qu’en 4 proposant une nouvelle définition du champ d’application personnel lui- même. De cette manière, ils rencontrent les attentes de la Commission quant à l’adaptation de ce champ d’application personnel. 2.2.1 L’élargissement du champ d’application personnel par le biais de l’introduction de la notion “d’instance administrative” 2.2.1.1 Justification Afin de réaliser cet élargissement, les auteurs de la proposition de loi proposent de recourir à la notion “d’instance administrative”, afin que la législation en matière de publicité concorde avec la législation telle qu’en vigueur dans les régions et celle portant sur les informations environnementales. La proposition de loi dispose qu’il s’agit “d’une harmonisation demandée par le secteur” (proposition de loi p.4), mais l’on n’aperçoit pas clairement de quel secteur il s’agit, outre le fait que cette législation ne s’adresse pas à un secteur mais principalement au public dans son ensemble. La Commission souhaite par ailleurs attirer l’attention sur le fait que la présentation des choses ne cadre pas avec la réalité. La notion “d’instance administrative” n’est utilisée que dans le décret du 26 mars 2004 de la Communauté flamande et de la Région flamande relatif à la publicité de l’administration. La proposition entend introduire une notion définie en termes clairs et plus large que la notion “d’autorité administrative” qui est actuellement la notion de base permettant de décrire le champ d’application personnel de la législation fédérale en matière de publicité. La notion “d’autorité administrative” est définie comme “une autorité administrative visée à l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat” (article 1er, alinéa 2, 1° de la loi du 11 avril 1994; article 2, alinéa 2, 1° de la loi du 12 novembre 1997 relative à la publicité de l’administration dans les provinces et les communes 1 ). La notion 1 La Commission souhaite attirer l’attention des auteurs de la proposition de loi sur le fait que bien que la compétence organique pour les provinces et les communes a été transférée aux régions, ce transfert n’a pas été intégral. Le législateur fédéral a conservé un certain nombre de compétences organiques et est par conséquent resté compétent 5 d’autorité administrative est trop étroitement liée à la prise de décisions unilatérales contraignantes et au contentieux objectif. Or, il était clair que l’intention du législateur constitutionnel était de ne pas faire ce lien et de garantir un droit d’accès à tous les documents administratifs indépendamment du fait qu’ils ont un lien direct avec le processus décisionnel. La Commission a également adopté ce point de vue dans son rapport annuel 2011 dans lequel elle avançait ce qui suit: « Toutefois, l’application de la publicité de l’administration ne requiert pas nécessairement l’existence d’actes juridiques administratifs, de sorte que la référence faite à l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’État pose problème dans certains cas. En raison de la sécurité juridique, il est dès lors souhaitable que le législateur décrive lui-même clairement le champ d’application de la loi du 11 avril 1994 et que, conformément à l’article 32 de la Constitution, il opte pour une interprétation extensive. » La notion “d’autorité administrative” constitue non seulement une base trop étroite pour donner forme au droit constitutionnel mais cette notion engendre en outre une grande insécurité juridique. C’est donc là une bonne chose pour les auteurs de cette proposition de loi que de vouloir y mettre fin. Les auteurs de la proposition se réfèrent également à la manière dont la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement, adoptée en exécution de la directive 2003/4/CE, cerne le champ d’application personnel. Il n’est ici plus fait usage de la notion « d’autorité administrative » mais bien de la notion « d’instance environnementale ». La Commission souhaite toutefois attirer l’attention sur le fait que le législateur n’avait ici qu’un choix limité en tant qu’il devait se conformer au champ d’application de la directive européenne. C’est à juste titre que les auteurs de la proposition visent à ne pas « rétrécir le droit constitutionnel d’accès aux documents administratifs à la publicité de l’autorité administrative, du moins pour autant qu’il pour organiser l’accès aux documents relatifs à ces compétences. De ce fait, la loi du 12 novembre 1997 a gardé son intérêt au niveau fédéral. 6 s’agisse de l’exécution des missions de service public, sachant notamment qu’un nombre croissant de missions d’intérêt public sont confiées en sous-traitance à des partenaires privés ou attribuées à des entreprises publiques » (proposition de loi p. 7). La Commission souhaite néanmoins attirer l’attention sur le fait que le choix d’une nouvelle notion pour décrire le champ d’application doit renforcer la sécurité juridique et que le remplacement d’une notion par une autre ne permet pas nécessairement d’atteindre cet objectif. La Commission souhaite dès lors examiner si la notion “d’instance administrative” engendre une plus grande sécurité juridique. 2.2.1.2 La notion “d’instance administrative” dans le décret du 26 mars 2004 comme solution au problème Les auteurs de la proposition de loi choisissent de faire de la notion “d’instance administrative”, telle que définie dans le décret flamand du 26 mars 2004, la notion-clé de la législation fédérale en matière de publicité. Le législateur flamand a circonscrit cette notion. La Commission souhaite souligner que cette définition repose sur un certain nombre de critères qui sont la conséquence de choix politiques posés à moment donné. D’autres critères sont toutefois possibles. Il y a lieu de réfléchir de manière approfondie aux critères dans la mesure où ceux-ci ont pour conséquence que si certaines institutions tombent sous la définition de la notion, ce ne sera pas le cas pour d’autres. Le choix qui a été fait d’opter pour la notion “d’instance administrative” dans le décret du 26 mars 2004 n’est en outre pas sans problèmes d’interprétation. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a interprété une partie de la définition de la notion « d’instance administrative », telle qu’utilisée dans le décret du 26 mars 2004, d’une manière qui ne correspond pas nécessairement à l’interprétation que le législateur décrétal flamand envisageait de lui donner en sorte que le champ d’application attribué à la législation en matière de publicité est plus limité.2 Il est donc de peu de sens d’entrer dans une logique qui aboutit à créer de nouveaux problèmes d’interprétation dans la réglementation fédérale en matière de publicité. 2 Voir à ce propos F. SCHRAM, "Het begrip "bestuursinstantie" en onderwijsinstellingen", Tijdschrift voor Onderwijsrecht en Onderwijsbeleid 2012-2013, juillet-août 2013, 27-36. 7 Si l’on veut modifier le champ d’application personnel, il s’indique d’accroître la sécurité juridique3. Le législateur doit être conscient que chaque définition engendre des risques et que d’autres critères peuvent également être utilisés. C’est pourquoi la Commission invite le législateur à mener une réflexion approfondie quant à son choix et à clairement établir l’inventaire des conséquences qu’induit un tel choix. Par ailleurs, le législateur doit s’inspirer de l’esprit de l’article 32 de la Constitution qui part du principe d’un champ d’application aussi large que possible. 3 Dans la mesure où le législateur souhaite remplacer la notion “d’autorité administrative”, il peut s’inspirer des textes suivants: - la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement. Cette loi utilise la notion « d’instance environnementale » que l’article 3, 1° définit comme : a) une personne morale ou un organe créé par ou en vertu de la Constitution, d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution; b) toute personne physique ou morale qui exerce des fonctions administratives publiques, y compris des tâches, activités ou services spécifiques en rapport avec l'environnement; c) toute personne physique ou morale ayant des responsabilités ou des fonctions publiques, ou fournissant des services publics, en rapport avec l'environnement, sous le contrôle d'un organe ou d'une personne visé(e) au point a) ou b). Les organes et institutions avec une compétence judiciaire ne tombent pas sous cette définition à moins qu'ils agissent avec une autre fonction que judiciaire. Les assemblées législatives et les institutions y attachées ne relèvent pas de cette définition, sauf si elles agissent en qualité administrative. - La Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents officiels, qui a déjà été signée par la Belgique, n’a pour le moment pas encore été ratifiée. Dans cette convention, on utilise la notion de “public authorities” qui contient ce qui suit : 1. government and administration at national, regional and local level; 2. legislative bodies and juridicial authorities in so far as they perform administrative functions according to national law; 3. natural or legal persons in so far as they exercise administrative authority. De plus, la Convention permet qu’une partie à la Convention prévoie l’extension de cette définition à une ou plusieurs des institutions suivantes: 1. legislative bodies as regards their other activities; 2. juridicial authorities as regards their other activities; 3. natural or legal persons in so far as they perform public functions or operate with public funds, according to national law. 8 2.2.1.3 Pas de copie exhaustive de la définition dans le décret du 26 mars 2004 La définition de la notion “d’instance administrative” dans la proposition de loi ne présente pas exactement de la même manière que celle donnée à la notion “d’instance administrative” dans le décret du 26 mars 2004. Il semble cependant que le contenu respecte l’intention des auteurs lorsqu’ils précisent que “La présente proposition de loi reproduit cette définition de l’instance administrative” (p. 6). Le tableau ci-après montre clairement les divergences existant entre la proposition de loi et le décret flamand: Notion d’instance administrative Notion d’instance administrative dans la proposition de loi dans le décret du 26 mars 2004 a) une personne morale créée par ou a) une personne morale créée par en vertu de la Constitution, d’une ou en vertu de la Constitution, loi, d’un décret ou d’une d'une loi, d'un décret ou d'une ordonnance; ordonnance; b) une personne physique, un b) une personne physique, un groupement de personnes groupement de personnes physiques, une personne morale ou physiques, une personne morale un groupement de personnes ou un groupement de personnes morales dont le fonctionnement est morales dont le fonctionnement déterminé et contrôlé par une est déterminé et contrôlé par a) ; instance administrative visée au a); c) une personne physique, un c) une personne physique, un groupement de personnes groupement de personnes physiques, une personne morale ou physiques, une personne morale un groupement de personnes ou un groupement de personnes morales, dans la mesure où ils ont morales, dans la mesure où ils sont été chargés par une instance chargés par une instance administrative visée au a) d’exercer administrative dans le sens de a), une mission d’intérêt général ou de l'exécution d'une tâche pour autant qu’ils se consacrent à d'intérêt général ou dans la mesure une mission d’intérêt général et où ils défendent une tâche prennent des décisions liant des d'intérêt général et prennent des 9 tiers. décisions liant des tiers. Le pouvoir judiciaire et les Le pouvoir judiciaire ne relève pas juridictions administratives ne de cette définition, sauf s'il agit en relèvent pas de la définition visée à qualité autre que la qualité l’alinéa 1er, 4°, sauf lorsqu’ils judiciaire. agissent en une autre qualité que la qualité judiciaire. Les Chambres législatives et les Les assemblées législatives et les institutions qui y sont liées ne institutions y attachées ne relèvent relèvent pas de cette définition, sauf pas de cette définition, sauf en ce en ce qui concerne les matières qui concerne les matières relatives relatives aux marchés publics et aux aux marchés publics et aux membres du personnel de leurs membres du personnel de leurs services. services. Le pouvoir exécutif ne relève pas Le pouvoir exécutif n'en relève pas non plus de cette définition dans la non plus dans la mesure où il agit mesure où il agit en qualité en qualité judiciaire. judiciaire. En recourant à la notion “d’instance administrative”, telle que définie dans le décret du 26 mars 2004, un certain nombre d’institutions sont partiellement exclues du champ d’application. C’est le cas du pouvoir législatif, du pouvoir judiciaire et des juridictions administratives. La Commission constate que les auteurs de la proposition de loi excluent de la définition tant les “juridictions administratives” que le « pouvoir exécutif dans la mesure où il agit en qualité judiciaire ». Par « le pouvoir judiciaire dans la mesure où il agit en qualité judiciaire », le législateur décrétal flamand entendait en réalité « les juridictions administratives ». La Commission estime que l’exclusion de la notion de « juridictions administratives » peut être maintenue et que le renvoi au pouvoir exécutif qui agit en qualité judiciaire peut être supprimé. En ce qui concerne les juridictions administratives, la Commission tient à souligner que consécutivement à l’entrée en vigueur du décret flamand du 9 juillet 2010 relatif à l’organisation des archives administratives, les juridictions administratives flamandes tombent aussi et entièrement sous le champ d’application de ces mêmes règles de publicité (voir les articles 4, 1°, et 13, §1er du décret du 9 juillet 2010). Cet aspect doit aussi être 10 pris en compte lors du choix de la notion qui joue un rôle central dans le cadre de la définition du champ d’application personnel. En ce qui concerne le pouvoir législatif et les institutions y attachées, il y a lieu de signaler que ceux-ci ne sont considérés comme une instance administrative que dans la mesure où il s’agit d’activités relatives aux marchés publics et aux membres du personnel de leurs services. Afin de satisfaire à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, le législateur a placé certains actes des organes de l’Etat qui ne sont pas des autorités administratives, sous le contrôle de légalité du Conseil d’Etat. Le législateur a d’ailleurs récemment apporté des modifications dont il n’a pas été tenu compte dans cette proposition. Ces actes se limitaient initialement à ceux qui concernaient les marchés publics ou leur personnel. Après que la Commission (avis n° 2011/310 ; avis n° 2011-313) et la Cour constitutionnelle (notamment l’arrêt 2011-161) aient attiré l’attention sur des lacunes dans la protection juridique, le type d’actes couverts a été récemment élargi. L’actuel article 14, §1er des lois sur le Conseil d’Etat s’énonce comme suit: « Si le contentieux n'est pas attribué par la loi à une autre juridiction, la section statue par voie d’arrêts sur les recours en annulation pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir, formés contre les actes et règlements : 1° des diverses autorités administratives; 2° des assemblées législatives ou de leurs organes, en ce compris les médiateurs institués auprès de ces assemblées, de la Cour des comptes et de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’État et des juridictions administratives ainsi que des organes du pouvoir judiciaire et du Conseil supérieur de la Justice, relatifs aux marchés publics, aux membres de leur personnel, ainsi qu'au recrutement, à la désignation, à la nomination dans une fonction publique ou aux mesures ayant un caractère disciplinaire. Les irrégularités visées à l'alinéa 1er ne donnent lieu à une annulation que si elles ont été susceptibles d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise, ont privé les intéressés d'une garantie ou ont pour effet d'affecter 11 la compétence de l'auteur de l'acte. L’article 159 de la Constitution s’applique également aux actes et règlements visés à l'alinéa 1er, 2° ». L’extension du champ d’application à l’égard des actes des autorités non administratives n’est plus seulement limitée aux actes posés en matière de marchés publics et les membres de leur personnel, mais s’étend à tous les actes posés en matière de recrutement, de désignation, de nomination dans une fonction publique ou de mesures ayant un caractère disciplinaire. Il appartiendra à la Cour constitutionnelle de juger si le législateur a ainsi suffisamment satisfait à ses préoccupations. Les auteurs de la proposition de loi en ont en tout cas insuffisamment tenu compte. Indépendamment du fait que l’exclusion de certaines institutions du champ d’application est formulée de manière trop vaste, la Commission souhaite attirer l’attention sur le fait que la formulation en est législativement problématique. Soit les institutions sont exclues du champ d’application personnel dans la disposition décrivant le champ d’application soit l’exclusion se fait par le biais de la définition de la notion et cette exclusion doit figurer dans la définition de la notion même et non dans un paragraphe distinct qui est séparé des définitions. La manière dont l’exclusion est décrite dans la proposition de loi peut engendrer des problèmes d’interprétation qui portent atteinte à la sécurité juridique. 2.2.2 La définition du champ d’application personnel Cette proposition opte non seulement pour l’insertion d’une nouvelle notion visant à délimiter le champ d’application personnel mais en plus, le champ d’application personnel est décrit autrement que dans le texte existant: “La présente loi s’applique aux instances suivantes: 1° les Chambres législatives et les institutions qui y sont liées; 2° les services, institutions et personnes morales qui relèvent de l’État fédéral; 3° les instances autre que les instances fédérales, mais uniquement dans la mesure où, pour des motifs relevant des 12 compétences fédérales, la présente loi interdit ou limite la publicité de documents administratifs.” La Commission souhaite tout d’abord signaler que les auteurs de la proposition de loi utilisent, au 3°, une notion qui n’a jamais été définie auparavant, à savoir la notion «d’instances ». Il semble logique d’également utiliser la notion « d’instance administrative » dans ce cas. La Commission doute que la définition proposée ait pour conséquence que les institutions qui ne tombent pas sous le champ d’application de la loi fédérale en matière de publicité tombent bien sous le champ de la loi modifiée. La Commission attire particulièrement l’attention sur les zones de police pluricommunales et leurs organes ainsi que sur les futures zones de secours pluricommunales et leurs organes. Si l’intention des auteurs est en outre de faire de la loi du 11 avril 1994 la seule loi générale en matière de publicité, il y a lieu de recommander l’abrogation de la loi du 12 novembre 1997 et de veiller à ce que les compétences organiques relatives aux communes et aux provinces, qui sont explicitement restées fédérales (police, services d’incendie, état civil, …), tombent également sous le champ d’application de la loi du 11 avril 1994. 2.3 L’ajout problématique d’un nouveau motif d’exception à l’article 6, § 2, 4° de la loi du 11 avril 1994 La Commission remarque l’ajout problématique fait à l’article 6, §2, d’un 4° par la loi du 4 février 2010 relative aux méthodes de recueil des données par les services de renseignement et de sécurité (M.B. du 10 mars 2010). L’article 6, §2, 4° dispose ce qui suit : “L'autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif qui lui est adressée en application de la présente loi si la publication du document administratif porte atteinte aux intérêts visés à l'article 3 de la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification, aux habilitations, attestations et avis de sécurité.” Cette disposition est particulièrement problématique et ce, pour diverses raisons. Premièrement, cette disposition se réfère “aux intérêts” visés à 13 l’article 3 de la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification, aux habilitations, attestations et avis de sécurité sans mettre celle-ci en relation avec la classification des documents. Il est en outre également fait référence à un certain nombre d’intérêts qui sont déjà protégés par l’article 6, §1er. Certains intérêts sont donc protégés deux fois, que ce soit en d’autres termes et sous d’autres conditions : dans l’article 6, §1er, il s’agit de motifs d’exception relatifs de sorte qu’il y a lieu de procéder à une mise en balance des intérêts avec l’intérêt général qui est servi par la publicité tandis que ce n’est pas le cas pour les motifs d’exception de l’article 6, § 2, où l’on peut suffisamment constater que la publicité porte atteinte aux fondements qui y sont repris. Une telle formulation peut engendrer des problèmes d’interprétation considérables. La Commission tient d’ailleurs à souligner que l’existence de motifs d’exception absolus va à l’encontre de l’esprit de l’article 32 de la Constitution. Le législateur constitutionnel estimait en effet que seuls des motifs d’exception relatifs sont possibles pour tenir suffisamment compte du droit fondamental : « Les motifs d’exception sont relatifs. Cela implique que l’intérêt de la publication doit chaque fois contrebalancer concrètement l’intérêt qui est protégé par un motif d’exception. » (Note explicative à la Proposition du Gouvernement visant à insérer un article 24ter dans la Constitution relatif à la publicité de l’administration, Doc. parlementaires Chambre, 1992-1993, n° 839/1, 5). 2.4 La possibilité de demander des documents par la voie électronique La Commission constate que les développements de la proposition de loi et l’article y afférent ne concordent pas à 100%. Dans les développements, il est stipulé ce qui suit : « La procédure est adaptée au XXIe siècle. Les demandes peuvent être introduites par la voie électronique (e-mail, formulaire web,…), par courrier ou par fax. Par le passé, la Commission d’accès aux documents administratifs jugeait que ni le fax ni l’email n’étaient appropriés. Les documents électroniques sont, sur demande, mis à disposition par la voie électronique. La demande d’une rétribution n’est pas une obligation. La rétribution ne peut en aucun cas excéder le prix coûtant et doit viser à prévenir les 14 abus. Le calcul du prix coûtant se base sur les frais de port et le coût du support (papier, cédérom, …). Le montant doit être raisonnable afin de ne pas entraver le bon fonctionnement rapide de la publicité. » (p. 4-5) Sur la base de cette argumentation, les changements suivants sont apportés à la loi du 11 avril 1994. Premièrement, la notion de « demande écrite » est définie comme suit : « une demande introduite par lettre, par fax, par voie électronique ou remise en mains propres. » La Commission constate que les auteurs ont, à cette fin, cherché leur inspiration dans l’article 17 du décret du 26 mars 2004. La Commission suggère de plutôt s’inspirer de l’article 3, 3° de la loi du 5 août 2006 dans lequel la notion de “par écrit” est définie comme suit : « par courrier, par fax, par e-mail ou par formulaire sur le web ». De cette manière, la notion de « par écrit » qui ne s’applique pas seulement à la demande mais également au recours qui peut éventuellement être introduit, reçoit une large portée. La Commission se réjouit à l’idée de réaliser un accès aussi extensif que possible au droit d’accès aux documents administratifs et n’entend imposer aucun frein inutile. La Commission souhaite toutefois attirer l’attention des auteurs de la proposition de loi sur le fait que cela est assez inattendu. En effet, il y a entre-temps eu une évolution dans la pratique. L’arrêté royal du 17 août 2007 fixant le montant de la rétribution due pour la réception d'une copie d'un document administratif ou d'un document qui contient des informations environnementales a abrogé l’arrêté royal du 30 août 1996 fixant le montant de la rétribution due pour la réception d'une copie d'un document administratif. Ce n’est pas la loi du 11 avril 1994 mais bien ce dernier arrêté royal qui donnait une interprétation limitée à la notion de “par écrit”. En raison de l’abrogation de cet arrêté royal, il ne subsistait aucun fondement pour conserver une interprétation restrictive. Depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté royal du 17 août 2007, la Commission a déjà jugé qu’il y a lieu de donner une portée plus large à la notion de “par écrit”, en ce compris “par la voie électronique”. De plus, les auteurs de la proposition de loi introduisent une définition de “copie” qui inclut une copie sur papier ou sur support électronique. La Commission ne voit pas directement la nécessité d’introduire une telle définition. La manière dont la définition est formulée pourrait même 15 avoir pour conséquence que le demandeur peut toujours exiger une copie sur support électronique même si le document administratif existant n’existe que sous format papier. Il n’est pas possible à quiconque tombant sous le champ d’application de la loi du 11 avril 1994 de facilement fournir des versions électroniques de versions papier. Il faut en effet veiller à ce qu’aucun frais supplémentaire ne soit imposé aux différentes administrations. La Commission fait remarquer que le développement consacré au prix ne trouve aucun appui dans le texte existant de la loi ni dans la version modifiée du texte de la loi. Il appartient en effet au Roi de régler la rétribution. Afin de limiter la possibilité pour le Roi de fixer les rétributions, il est indiqué d’adapter l’article 12 existant de la loi du 11 avril 1994. L’article 19, §2 de la loi du 5 août 2006 peut être source d’inspiration lorsqu’il énonce : “La réception d'une copie d'une information environnementale peut être soumise au paiement d'une rétribution dont le montant est fixé par le Roi et qui ne peut excéder le prix coûtants.” Il est préférable de laisser au Roi le soin de la mise en œuvre concrète de cet aspect. L’arrêté royal existant va plus loin que ce qui est envisagé dans la proposition de loi : les copies qui sont envoyées par la voie électronique sont toujours gratuites (article 7 de l’arrêté royal du 17 août 2007). Dans ce domaine, il a déjà été résolument opté pour la société de l’information électronique et il n’est pas souhaitable que le législateur fasse un pas en arrière. 2.5 Les délais Les auteurs de la proposition de loi visent à introduire des délais de décision et d’exécution plus stricts. Ils avancent en effet ce qui suit: « Des délais de décision et d’exécution plus stricts doivent rendre le droit à la publicité passive de l’administration plus effectif et plus efficace pour tous les intéressés. Le demandeur reçoit les documents ou une réponse dans un délai de 15 jours, qui peut exceptionnellement être porté à 30 jours. 16 Actuellement, l’administration dispose, en application de la législation fédérale sur la publicité, d’un délai de 30 jours qui peut être prolongé encore une fois de 15 jours, pour informer le demandeur du motif du rejet. Dans le cas d’une procédure de reconsidération, l’autorité administrative dispose d’un délai supplémentaire de 45 jours pour communiquer sa décision d’acceptation ou de rejet au demandeur. En raison de ces longs délais ou temps d’attente, la législation fédérale sur la publicité ne répond pas entièrement au besoin parfois urgent d’associations, de citoyens et surtout aussi de médias et de journalistes de consulter certains documents administratifs ou d’en obtenir une copie. Par analogie avec le décret flamand sur la publicité, une décision doit en principe être prise dans les 15 jours. Un délai d’exécution est également prévu. Par le passé, le Conseil d’État a jugé en effet qu’une décision ne devait pas être exécutée immédiatement3. La pratique en matière d’avis de la Commission d’accès aux documents administratifs fait également apparaître que l’exécution ne doit pas avoir lieu immédiatement4, avec tous les problèmes pratiques relatifs à l’effectivité de ce droit fondamental que cela suppose. » 2.5.1 Le délai dans lequel la décision doit être notifiée La Commission souhaite attirer l’attention sur le fait que l’introduction d’une uniformité avec le décret du 26 mars 2004 en ce qui concerne les délais ne tient pas suffisamment compte des différences existant entre ce dernier décret et la loi du 11 avril 1994. Tout d’abord, la loi du 11 avril 1994 ne contient aucun délai de décision mais un délai dans lequel la décision doit être notifiée. Cela a pour conséquence que le délai pour prendre une décision est beaucoup plus court que le délai de trente jours. De plus, le délai prend cours à la réception de la demande, alors que dans le décret du 26 mars 2004, il ne prend cours qu’au moment de l’enregistrement de la demande dans un registre spécifiquement prévu à cette fin. Ces différences avec le décret du 26 mars 2004 ont pour conséquence que les délais effectifs divergent bien plus que ce n’est de la différence entre 15 jours dans le décret et 30 jours dans la loi. La question est de savoir s’il est opportun d’utiliser un 17 délai encore plus court que celui fixé dans le décret flamand du 26 mars 2004. La Commission constate que le délai de correction ou de complément des informations dans un document administratif qui portent sur le demandeur, a été réduit de moitié. La Commission trouve toutefois curieux qu’à l’égard de cette disposition on utilise néanmoins un double délai par rapport à ce qui est le cas pour donner accès aux documents administratifs. Etant donné que la charge de la preuve appartient au demandeur et que cette disposition est de nature supplétive, la Commission ne voit pas pourquoi un double délai devrait s’appliquer à l’égard de la correction ou du complément d’un document administratif. 2.5.2 L’introduction d’un délai d’exécution Bien que dans les développements de la proposition de loi (p. 5) il soit fait mention d’un délai d’exécution, on ne retrouve pas une telle proposition de modification dans la proposition de loi. Même si cela était le cas, la question se poserait alors de savoir si son introduction modifiera fortement la pratique existante. Du fait qu’aucun délai d’exécution n’a été fixé, la règle selon laquelle il faut également donner exécution à la décision de publicité dans les meilleurs délais s’applique. L’introduction d’un délai d’exécution peut avoir pour conséquence que l’exécution de fait aura lieu plus tard ce que ce qui est actuellement le cas. Bien que les auteurs de la proposition de loi avancent à juste titre que dans le chef du demandeur, il existe parfois un besoin urgent d’avoir accès à un document administratif, certainement lorsque celui-ci est nécessaire dans le cadre de la protection d’autres droits, imposer un délai d’exécution général n’est toutefois pas la solution à ce problème. Afin de répondre à cette préoccupation, le législateur peut choisir d’associer la garantie d’autres droits à l’obtention dans le respect des délais de certains documents administratifs. Le législateur décrétal flamand n’a proposé aucune solution à ce problème. 18 2.5.3 L’introduction d’un délai de recours pour l’introduction d’un recours administratif (article 12, alinéa 2 de la proposition de loi) La Commission constate que les auteurs de la proposition de loi imposent aussi, sans aucune motivation précise, un délai dans lequel le recours administratif doit être introduit. Un tel délai fait actuellement défaut dans la loi du 11 avril 1994. La Commission a la conviction qu’un délai d’introduction du recours est souhaitable. Elle estime toutefois que ce délai est trop court. Précédemment, le législateur fédéral avait déjà opté pour l’introduction, dans la loi du 5 août 2006, d’un délai raisonnable qui correspond au délai d’introduction d’un recours en annulation auprès du Conseil d’Etat, à savoir soixante jours. 2.6 Les droits intellectuels (article 8 de la proposition de loi) 2.6.1 Remarques relatives à la relation entre le droit d’auteur et la publicité de l’administration Le législateur s’est limité à la rédaction d’un règlement pour le droit d’auteur dans le cadre du droit d’accès aux documents administratifs tel que prévu dans la loi du 11 avril 1994. Dans son avis 96/7 du 22 mars 1996, la Commission a déjà analysé la problématique de manière détaillée : « Le projet initial du gouvernement prévoyait une exception au droit d’auteur, dans ce sens que pour la publicité d’une œuvre protégée par les droits d’auteur dans le cadre de la publicité passive de l’administration, le consentement de l’auteur n’était pas requis. Le Conseil d’état a formulé la remarque suivante à l’égard de ce projet d’article “on ne peut nier qu’il y a une tension entre le droit à la publicité de l’administration et les conséquences liées à la protection du droit d’auteur, tout au moins lorsqu’une personne autre que l’autorité à laquelle la demande de publicité est adressée est le titulaire ou le détenteur contractuel du droit d’auteur ». 19 Afin de diminuer au maximum cette tension, le Conseil d’Etat a proposé d’adapter le projet d’article 9 (Avis du Conseil d’Etat, 18 février 1994, Doc., Chambre, 1112/1-92/93, 40-41 et 67). Le gouvernement et le législateur ont repris cette proposition de texte dans la version finale de l’article 9 de la loi du 11 avril 1994. Il est évident que l’intention du législateur était de respecter le droit d’auteur en ce qui concerne la communication sous forme de copie, “tout au moins lorsqu’une personne autre que l’autorité à laquelle la demande de publicité est adressée est le titulaire ou le détenteur contractuel du droit d’auteur” (Avis Conseil d’Etat, 18 février 1994, Doc. Chambre, 1112/1, 92/93, 40-41). La raison sous-jacente est que l’autorité qui impose les obligations en matière de publicité à son administration doit par ailleurs respecter les droits d’auteur de tiers. Interpréter et appliquer l’article 9 de la loi du 11 avril 1994 en ce sens qu’il appartient à une autorité administrative de refuser la communication sous forme de copie simplement parce que le document administratif concerné est protégé par le droit d’auteur et que celui-ci est détenu par l’administration concernée (ou par ses fonctionnaires), reviendrait à éroder la loi du 11 avril 1994. En effet, de nombreux documents administratifs, tels que les courriers, notes de service, et autres peuvent être considérés comme des œuvres protégées par le droit d’auteur dans le sens de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins. Dans ces cas-là, invoquer l’article 9 de la loi du 11 avril 1994 aurait pour conséquence que l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration deviendraient en grande partie inapplicables. C’est pourquoi l’article 9 ne peut être considéré applicable qu’à l’égard de documents administratifs dans lesquels est repris une œuvre protégée par les droits d’auteur dont le droit d’auteur n’est pas détenu par l’autorité administrative ou par ses fonctionnaires mais par des tiers. Ce n’est que dans ces cas- là que l’autorité administrative peut procéder à la reproduction d’un document administratif/d’une œuvre protégée par le droit d’auteur, après que le tiers/l’ayant-droit 20 d’auteur a donné son autorisation. Soit dit en passant, il est recommandé que l’administration fasse figurer dans les dispositions contractuelles en la matière une clause par laquelle l’auteur/l’ayant-droit d’auteur abandonne d’ailleurs son droit de reproduction pour autant que cela entre dans le cadre de l’article 4 de la loi du 11 avril 1994. L’autorité administrative qui détient elle-même les droits d’auteur sur un document administratif ne peut pas invoquer le droit d’auteur pour refuser la communication sous forme de copie comme reproduction au risque de vider en grande partie la loi du 11 avril 1994 de son sens. » Bien que le point de vue développé par la Commission a jusqu’à ce jour été suivi, il est souhaitable d’explicitement consolider dans la loi cette interprétation en ce qui concerne les documents administratifs qui contiennent une œuvre d’auteur et dont le droit d’auteur est détenu par l’autorité ou par ses fonctionnaires. La Commission insiste sur la nécessité d’un règlement par la voie législative pour le transfert des droits patrimoniaux du droit d’auteur des fonctionnaires. La compétence du Roi est en effet limitée sur ce plan. Un règlement par voie d’arrêté royal aurait pour conséquence qu’un certain nombre de catégories de personnes ne seraient pas concernées par ce transfert des droits patrimoniaux. La Commission a toujours estimé que le règlement dans la loi du 11 avril 1994 en ce qui concerne le rapport entre cette loi et la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, est trop restrictif à l’égard du droit fondamental visé à l’article 32 de la Constitution. 2.6.2 L’extension à tous les droits intellectuels Les auteurs de la proposition de loi envisagent de supprimer l’actuel article 9 de la loi du 11 avril 1994 et à le remplacer par un nouvel article 6/1 s’énonçant comme suit : « Art. 6/1. Lorsque la demande de publicité porte sur un document administratif d’une instance administrative fédérale incluant une œuvre protégée par un droit intellectuel, l’autorisation de l’auteur ou de la personne à laquelle les droits de celui-ci ont été transmis n’est pas requise pour autoriser la 21 consultation sur place ou la consultation électronique du document, ou pour fournir des explications à son propos. En cas de demande de communication sous forme de copie d’une œuvre protégée, l’intérêt d’une autorisation préalable de l’auteur ou de la personne à laquelle les droits de celui-ci ont été transmis est mis en balance avec l’intérêt de la publicité. Dans tous les cas, l’instance administrative spécifie que l’œuvre est protégée. » La Commission peut avaliser l’objectif des auteurs de la proposition de loi de régler le rapport entre les droits intellectuels et la publicité de l’administration en général. Elle a toutefois des questions quant à la manière dont cet objectif est traduit dans la proposition de loi. Les auteurs de la proposition de loi affirment en effet à tort que les droits intellectuels constituent une exception à la publicité de l’administration (p. 5). La Commission souhaite attirer l’attention sur le fait que cela n’est le cas ni dans le texte actuel ni dans le texte nouvellement proposé. Cette disposition constitue seulement une restriction à la manière dont le droit d’accès peut s’exercer. Elle garantit en effet que le droit d’accès par consultation ou par explication peut toujours être exercé. La Commission confirme le point de vue selon lequel dans la loi actuelle, la relation entre le droit d’auteur et l’obtention d’une copie d’un document administratif contenant une œuvre est aujourd’hui insuffisamment nuancée et que cette restriction du mode d’exécution du droit d’accès devrait revêtir un caractère relatif, impliquant qu’il faudrait examiner si l’intérêt servi par la publicité sous la forme d’une copie ne l’emporte pas sur l’intérêt de l’ayant-droit d’auteur de devoir donner son accord. La Commission constate que les auteurs de la proposition de loi se sont inspirés de l’article 30 de la loi du 5 août 2006 qui s’énonce comme suit : « Lorsque la demande porte sur une information environnementale protégée par le droit d'auteur, l'autorisation de l'auteur ou de la personne à laquelle les droits de celui-ci ont été transmis n'est pas requise pour autoriser la consultation sur place du document ou pour fournir des explications à son propos. 22 Lorsque la demande porte sur la communication sous forme de copie d'une information environnementale protégée par le droit d'auteur, l'autorisation de l'auteur ou de la personne à qui ces droits ont été transmis est requise conformément à la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins. Dans chaque cas particulier, l'intérêt public servi par la divulgation est mis en balance avec l'intérêt spécifique servi par le refus de divulguer. » La Commission souhaite faire remarquer que cette loi a également limité le règlement de la relation entre la publicité de l’administration et les droits intellectuels à un règlement relatif au droit d’auteur et aux droits voisins. Là où l’objet de la protection par droits d’auteur porte sur une “œuvre”, ce terme ne peut pas être utilisé à l’égard des autres droits intellectuels. Dans cette mesure, il conviendrait de déjà adapter la formulation avancée dans la proposition de loi. En outre, la disposition à l’article 30 de la loi du 5 août 2006 se réfère explicitement à l’application de la loi du 30 juin 1994, de sorte que cette loi, en ce compris les exceptions qui y figurent, doit être prise en compte. L’élargissement envisagé dans la proposition de loi ne comprend aucun renvoi spécifique, de sorte que l’on ne sait pas clairement si les exceptions qui s’appliquent à l’égard des différents droits intellectuels seront bien prises en compte. Les auteurs de la proposition de loi ne sont en outre pas suffisamment attentifs aux conséquences de la diversité des différents droits intellectuels bien qu’ils aient conscience de la diversité de ces droits. Cela ressort d’ailleurs des développements : « Par droits de propriété intellectuelle, on entend les régimes de protection légaux que sont le droit d’auteur, les droits voisins, les programmes informatiques, les banques de données, les brevets, les marques, les dessins et les modèles, les topographies de semi-conducteurs (circuits intégrés), les obtentions végétales, les indications géographiques et les appellations d’origine. » (p. 7-8) 23 Pour certains droits intellectuels, il n’y a en effet aucune raison de s’opposer à la remise d’une copie. Seule l’utilisation du droit intellectuel n’est possible que sous certaines conditions fixées par la législation. 2.7. Une procédure de recours administratif révisée Les auteurs de la proposition de la loi affirment explicitement : « Une instance de recours indépendante6 est créée sur la base du modèle flamand. À l’heure actuelle, il est uniquement possible d’introduire un recours au sein du même département. S’il est vrai que le Conseil d’État peut annuler une décision, force est de constater qu’une telle annulation ne résout pas grand-chose en pratique et qu’elle suppose en outre la mise en œuvre d’une procédure très longue » (p. 6) La Commission souhaite attirer l’attention sur le fait que la situation actuelle est plus nuancée que ce qu’avancent les auteurs de la proposition. Sur la base de l’article 8, § 2 de la loi du 11 avril 1994, le recours administratif comporte deux étapes, à savoir une demande de reconsidération auprès de l’administration et une demande d’avis auprès de la Commission. Cette obligation de simultanéité constitue un obstacle procédural pour de nombreux citoyens et ralentit également la procédure. Dans ses rapports annuels, la Commission a déjà, à plusieurs reprises, insisté sur la nécessité d’au moins simplifier cette double étape. Cela n’est possible qu’en faisant démarcher le demandeur auprès de la Commission, à charge pour celle-ci d’informer l’administration que le recours administratif a été introduit. Dans ce cadre, la procédure du décret du Parlement de la Communauté française du 22 décembre 1994 relatif à la publicité de l’administration peut servir d’inspiration. Il n’y aurait dès lors plus de problème en ce qui concerne la date de début de la procédure qui coïnciderait alors avec la date de réception de la demande d’avis. L’avis de la Commission n’est pas sans influence car il engendre un alourdissement de l’obligation de motivation si l’administration entend déroger au point de vue exprimé par la Commission dans l’avis. Cela n’ôte rien au fait qu’une administration qui refuse la publicité à l’encontre de la loi peut difficilement être sanctionnée pour autant. Une annulation par le Conseil d’Etat a en effet pour conséquence que 24 l’administration doit prendre une nouvelle décision mais ne peut pas être contrainte à divulguer un document administratif même si ce refus se fait à tort. Comme la Commission l’a déjà souligné à maintes reprises dans ses rapports annuels, rien ne s’oppose à ce qu’elle soit érigée en organe de recours. C’est une possibilité à considérer outre la simplification de la procédure existante que cela pourrait impliquer. La Commission estime, dans l’’hypothèse où elle serait appelée à être remaniée, devoir être revêtue de la dénomination de “Commission fédérale pour l’accès aux documents administratifs” afin de se distinguer de manière claire des instances de recours régionales. Il est en outre souhaitable que, pour souligner son indépendance, la Commission fédérale de recours soit présidée par un magistrat et de préférence par un conseiller d’état. L’expérience de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales montre qu’être familiarisé avec les questions administratives mais également les questions juridiques en général, emporte une plus-value pour le fonctionnement de l’instance. Elle est en effet confrontée à des demandes de publicité dans de nombreux domaines. De plus, la nomination d’un membre du Conseil d’Etat à la fonction de président accentue l’indépendance de la Commission. Il est en effet souhaitable que la Commission existante soit, dans cette seconde option, constituée en organe de recours et qu’aucun nouvel organe ne soit créé. La Commission existante a en effet acquis une vaste expérience en la matière et le traitement des recours se nourrira directement d’une expertise que la Commission a progressivement acquise pendant vingt ans. La manière dont la Commission sera composée tant de membres externes que de fonctionnaires garantira en outre un transfert optimal de connaissances et d’expérience et ce, dans tous les aspects de la publicité de l’administration. De plus, tant le président que le secrétaire sont membres de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales en manière telle que l’expérience acquise en matière de prise de décisions administratives soit assurée. Par ailleurs, la continuité sera aussi garantie de manière optimale. 25 2.6.3 L’objet du recours administratif (article 12, alinéa premier de la proposition de loi) La Commission constate que la formulation actuelle des compétences de la Commission est plus large que ce qui est repris dans la proposition de loi. Les auteurs de la proposition de loi se sont en effet fortement inspirés du décret du 26 mars 2004 alors que la loi fédérale existante offre parfois plus de garanties pour le citoyen. L’article 8, § 2 existant de la loi du 11 avril 1994 dispose que lorsqu’un demandeur rencontre des difficultés pour obtenir la consultation ou la correction d’un document administratif sur la base de cette loi, il peut introduire un recours. Dans la proposition, cela n’est possible que lorsque l’administration est récalcitrante. La Commission ne voit cependant aucune raison d’introduire une formulation plus restrictive dans ce cas. On peut éventuellement chercher l’inspiration à l’article 35 de la loi du 5 août 2006 qui dispose ce qui suit : « Le demandeur peut former un recours auprès de la Commission fédérale de recours pour l'accès aux informations environnementales contre une décision d'une instance environnementale visée à l'article 4, § 1er, si le délai imparti pour prendre la décision est venue à expiration ou, en cas de refus d'exécution ou d'exécution incorrecte d'une décision, ou en raison de toute autre difficulté qu'il rencontre dans l'exercice des droits que confère la présente loi. » 2.6.4 La compétence d’avis de l’organe de recours (article 12 de la proposition de loi) La Commission souhaite que les compétences de la Commission pour formuler des avis sur l’interprétation de la législation en matière de publicité soient maintenues comme c’est le cas pour la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales. Cela permet, indépendamment de toute situation conflictuelle, de faire appel à cette Commission pour l’interprétation générale de la loi et lui donne ainsi la possibilité de jouer un rôle d’appui aux administrations. Il s’indique également de maintenir voire de renforcer le rôle existant de la Commission de formuler des avis de sa propre initiative, comme la Commission l’a, à plusieurs reprises, avancé dans ses rapports annuels : 26 « La Commission constate que des initiatives législatives concernant l'accès aux documents administratifs ou ayant une influence sur celui-ci et ne tenant pas suffisamment compte du cadre légal existant sont parfois prises, ce qui ne profite pas toujours à la sécurité juridique. La Commission recommande que, lors de la préparation de nouvelles règles, le législateur utilise la possibilité de demander l'avis de la Commission en la matière. Le législateur a en effet créé la Commission pour aider à garantir la cohérence et l'interprétation de la législation en matière de publicité. » (voir par exemple le Rapport annuel 2011, pp. 25-26) A titre d’exemple d’une disposition qu’il aurait pu être intéressant de soumettre à l’avis de la Commission, on citera l’article 65/10 de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fourniture et de services, tel que modifié par la loi du 23 décembre 2009 (M.B. du 28 décembre 2009). L’imprécision de la formulation et la confusion entre la publicité et le droit d’information spécifique pour les soumissionnaires engendrent de nombreux problèmes d’interprétation et d’application. Cette disposition est entrée en vigueur le 25 février 2010 (article 76 de l’arrêté royal du 10 février 2010 modifiant certains arrêtés royaux exécutant la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services (M.B. du 16 février 2010). L’article 10 de la loi du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l’information et aux voies de recours en matière de marchés publics et de certains marchés de travaux, de fournitures et de services (M.B. du 21 juin 2013) qui a abrogé le précédent règlement mais qui a simplement repris l’article précité et est entré en vigueur le 1er juillet 2013, en est une autre illustration. 2.6.5 Le délai dans lequel le recours doit être traité (article 14 de la proposition de loi) Les auteurs de la proposition de loi proposent des délais relativement stricts dans lesquels l’organe de recours doit prendre sa décision et ne prévoient une possibilité de prolongation de quinze jours que dans des conditions strictes. La pratique de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales nous apprend toutefois que ces délais ne 27 sont pas souvent concluants et que cet organe de recours ne réussit pas nécessairement à prendre sa décision dans ce délai. La raison de cette impossibilité n’est pas, en général, liée au fonctionnement de l’organe mais bien plutôt au fait que pas mal de temps s’écoule avant que l’organe de recours soit en possession des documents sur lesquels il doit se prononcer. Comme cette Commission l’a déjà signalé dans l’une des observations formulées dans ses rapports annuels 2011, 2012 et 2013, il arrive même que malgré l’obligation figurant dans la loi du 5 août 2006 de mettre les documents demandés à la disposition de la Commission, les administrations refusent de les lui fournir en sorte que la Commission se trouve dans l’impossibilité de prendre une décision, ce qui est de nature à engendrer une certaine frustration dans le chef des personnes qui introduisent un recours administratif. Les auteurs de la proposition de loi reprennent la même obligation à charge des administrations (article 15 de la proposition de loi) mais ne fixent aucun délai dans lequel les documents devraient être transmis à l’organe de recours et ne déterminent aucun mécanisme de sanction en vue de forcer la communication des documents utiles. La Commission estime que le fait d’imposer à l’organe de recours des délais restreints, n’a aucun sens si le législateur omet par ailleurs de régler les autres aspects de la problématique. L’obtention des documents demandés par l’organe de recours est essentielle du respect de l’obligation d’exécution si l’administration se refuse à exécuter la décision de publicité. En effet, l’article 24 dispose notamment ce qui suit : « § 3. L'instance qui détient les informations ou les a déposées dans des archives, exécute la décision d'acceptation du recours dans les meilleurs délais et au plus tard dans les quarante jours calendaires. En cas de décision de prolongation, visée à l'article 24, § 1er, alinéa deux, ce délai d'exécution est porté à cinquante-cinq jours calendaires au plus. Si l'instance n'a pas exécuté la décision dans le délai visé au premier alinéa, l'instance de recours exécute la décision dans les meilleurs délais. » La Commission constate que dans ce troisième paragraphe, on se réfère à un délai qui porte sur le délai dans lequel la Commission prend une décision. Cela ne peut toutefois pas être de l’intention des auteurs. Ces derniers ne peuvent en effet vouloir qu’une chose : c’est qu’une fois 28 forclos le délai de quinze jours dans lequel l’instance pouvait exécuter la décision de la Commission, la Commission elle-même soit compétente pour la mettre à exécution. Pour éviter des problèmes d’interprétation, il conviendrait en outre que le moment où le délai de quinze jours prend cours soit fixé. 2.6.6 Un droit d’accès direct à l’enregistrement (article 13 de la proposition de loi) L’article 13 de la proposition de loi confère un droit d’accès immédiat aux données d’enregistrement pour la personne qui introduit le recours et pour l’administration. La formulation de l’article 37 de la loi du 5 août 2006 reste toutefois préférable. Cet article dispose ce qui suit : « Art. 37 § 1er La Commission fédérale de recours pour l'accès aux informations environnementales qui reçoit un recours, le consigne sans délai dans un registre, avec mention de la date de réception. § 2. Le demandeur qui a formé un recours ainsi que les instances environnementales concernées ont un droit d'accès immédiat aux données d'enregistrement relatives au recours. § 3. La Commission fédérale de recours pour l'accès aux informations environnementales informe immédiatement l'instance environnementale visée à l'article 4, § 1er, du recours et envoie simultanément un avis de réception à la personne qui a formé le recours. » La notion de “public” signifie en effet “accessible pour tout le monde”. Cette disposition a pour but de créer un droit d’accès spécifique, pour la personne qui introduit un recours et pour l’administration contre laquelle le recours est introduit, aux informations relatives au recours qui sont contenues dans le registre. Avec cette disposition, l’on est assuré que sur la base de la législation en matière de publicité, l’accès à ces informations ne doit pas être demandé par les deux parties. La Commission trouve étrange que contrairement à ce qui était prévu dans le décret du 26 mars 2004 qui est la source d’inspiration des auteurs de la propositions de loi, un tel droit n’est garanti qu’à l’égard des informations relatives à l’enregistrement du recours administratif et non à l’égard des informations relatives à l’enregistrement de la demande 29 initiale. L’article 21 de la loi du 5 août 2006 prévoit en revanche une telle disposition. Elle s’énonce comme suit : « § 3. L'instance environnementale qui reçoit la demande et qui dispose de l'information environnementale, la consigne sans délai dans un registre avec mention de la date de réception. L'instance environnementale envoie simultanément un accusé de réception au demandeur. Le demandeur a un droit d'accès immédiat aux données d'enregistrement de sa demande. » Les auteurs de la proposition gagneraient à plutôt se baser sur cette règle. 2.6.7 L’indépendance de l’organe de recours Les auteurs de la proposition de loi disposent à juste titre que « L’instance de recours exerce sa mission en toute indépendance et neutralité » (article 16 de la proposition de loi). Cette disposition a toutefois des conséquences quant à la responsabilité des membres de l’organe de recours. Pour cette raison, le législateur a récemment, par une loi du 16 février 2012, adapté la loi du 5 août 2006, notamment en disposant que les membres de la Commission ne peuvent être personnellement tenus responsables par les ayant-droit concernés par une décision de cette Commission. Une responsabilité plus lourde peut compromettre l’indépendance des membres de l’organe de recours. Les développements de la loi modificative contiennent à cet égard une justification circonstanciée : « Il est essentiel également que les membres de la Commission exercent leur fonction indépendamment de toutes pressions extérieures, dont notamment la menace d’une action ultérieure en responsabilité civile. En effet, bien que les membres ordinaires soient des fonctionnaires et donc, soumis à la loi du 10 février 2003 relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques, ils ne bénéficient cependant pas de la protection de cette dernière lorsqu’ils agissent dans le cadre de la Commission de recours. Le président, quant à lui, est exclu de facto du champ d’application ratione personae de cette loi. Il convient en conséquence de prévoir une disposition stipulant 30 l’immunité personnelle de responsabilité civile des membres de la Commission de recours à l’égard des personnes concernées par une décision de la Commission. La clause exonératoire de responsabilité civile vise à prémunir les membres de la Commission de toute pression qu’ils pourraient subir par des tiers dans l’exercice des tâches de la Commission de recours. Les membres de la Commission échapperaient donc au régime commun de responsabilité mais uniquement dans la mesure où il s’agirait d’une action en responsabilité civile portée par une/des personne(s) concernée(s) par une décision de la Commission de recours. Cette disposition n’exclut donc pas l’application du régime commun de responsabilité qui serait actionnée par l’État belge s’il s’avérait qu’une décision a été prise en cas de faute lourde ou de tromperie. » (Doc. Parl. Chambre, 2010 – 2011, document n° 53 K1759001, 5) En raison de son indépendance, il est également nécessaire que la Commission puisse être représentée par un avocat de son choix lorsque sa décision est contestée en droit. L’insertion d’une disposition identique est dès lors souhaitable. La disposition est expliquée en détails dans l’exposé des motifs de la loi modificative : « Vu le caractère indépendant de la Commission de recours, il est fondamental que celle-ci puisse se faire représenter, le cas échéant, en cas d’actions en justice devant les tribunaux ordinaires ou de recours devant le Conseil d’État, ce bien qu’elle ne possède pas la personnalité juridique. En effet, lors de telles actions, si l’État belge est déjà représenté via les ministres de tutelle de la loi, c’est-à-dire le ministre qui a l’Environnement dans ses attributions et le ministre de l’Intérieur, cette représentation peut, dans certains cas, porter à mal l’indépendance requise, par exemple lorsque ces ministres ont également sous leur tutelle le dossier faisant l’objet du recours. Il convient de noter que la possibilité pour la Commission de se faire représenter au niveau juridictionnel ne viendrait en rien modifier le système actuel de représentation de l’État belge via les ministres de tutelle, lequel resterait identique. Les frais liés au contentieux seront 31 pris en charge par l’État belge, comme cela est le cas de manière classique pour les litiges concernant ce dernier. » (Doc. Parl. Chambre, 2010 – 2011, document n° 53 K1759001, 4 - 5) Afin de garantir l’indépendance de la Commission, il est en outre recommandé que la composition actuelle comptant tant des personnes internes que des personnes externes à l’autorité, soit maintenue. 2.6.8 La nécessité de prévoir les moyens et le personnel nécessaires pour l’organe de recours Certes, conférer à la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l’administration, un rôle décisionnel sur le recours, implique qu’elle revoie son approche des affaires. Exercer des compétences décisionnelles requiert souvent une analyse approfondie des documents administratifs demandés, tandis que les compétences d’avis actuelles se limitent souvent à l’évaluation de la motivation avancée par l’administration. L’expertise dont disposent déjà les membres de cette Commission devrait cependant faciliter l’émergence de cette nouvelle approche. Ceci ne doit pas pour autant occulter la question de la rétribution qui devrait nécessairement assortir l’implication approfondie requise dorénavant des membres de la Commission. En effet, actuellement, seul le président de la Commission reçoit un jeton de présence et le secrétaire et son suppléant sont rémunérés en leur qualité d’agents de l’autorité. Pour satisfaire à ces nouvelles responsabilités, il s’imposera de prévoir des moyens suffisants, des rétributions raisonnables et un statut de personnel adapté pour le secrétariat. 2.7 L’absence de tentative d’uniformisation des régimes de publicité L’un des problèmes qui crée une certaine pression sur la transparence du système fédéral de publicité tient à l’existence de divers régimes de publicité : outre le régime de publicité général pour les documents administratifs, il y a un règlement distinct pour les informations environnementales établi par la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement ainsi qu’un règlement distinct pour les informations géographiques organisé par la loi du 15 32 décembre 2011 transposant la Directive 2007/2/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2007 établissant une infrastructure d'information géographique dans la Communauté européenne. De plus, il existe également des régimes spécifiques pour des documents spécifiques. Il y a un nombre considérable de différences entre ces régimes. Cela engendre de sérieuses difficultés, tant pour les citoyens que pour l’administration. La Commission a ainsi déjà attiré l’attention sur la problématique de la distinction faite entre les informations environnementales et les informations non environnementales et sur le fait que de nombreux documents administratifs ont un caractère mixte dès lors qu’ils contiennent tant des informations environnementales que non environnementales (voir par exemple le Rapport annuel 2011 de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales, p. 6). De plus, il existe deux procédures de recours administratif différentes avec des commissions distinctes qui remplissent chacune un autre rôle. Pour ce qui est de l’accès aux informations géographiques, on ne perçoit même pas clairement si une procédure de recours administratif est possible. La Commission plaide dès lors en faveur du développement d’un système de publicité uniforme. La complexité du système de publicité en Belgique est en effet particulièrement forte du fait que pour mettre en œuvre l’article 32 de la Constitution, les règles répartitrices de compétences engendrent de devoir parfois appliquer simultanément plusieurs législations. L’élaboration d’une loi fédérale qui s’applique à toutes les informations, permettant que les mêmes procédures s’appliquent avec un seul organe de recours, constituerait une énorme simplification. Afin d’accroître la transparence, il est également essentiel que la loi fédérale générale relative à la publicité soit conçue comme une règle minimum qui n’empêche pas que le législateur prévoie une publicité plus large pour des documents spécifiques. 2.8 Une relation mieux établie avec la loi relative aux archives La loi du 11 avril 1994 et la loi du 12 novembre 1997 organisent clairement l’accès aux documents administratifs qui ont été déposés aux archives. Le principe est que les documents administratifs qui ont été déposés aux archives continuent à ressortir à l’application des lois en 33 matière de publicité et que la décision sur l’accès est prise par le responsable de l’administration. Il est douteux que la manière dont la relation avec la loi de 1955 relative aux archives du Royaume est réglée, corresponde à l’intention du législateur. L’article 11 de la loi du 11 avril 1994 et l’article 12 de la loi du 12 novembre 1997 disposent en effet ce qui suit : « Les alinéas premier à trois (deux) ne s'appliquent pas aux Archives Générales du Royaume ou aux Archives de l'Etat dans les Provinces, auxquelles les dispositions légales relatives aux Archives restent entièrement d'application ». Cela ne pose aucun problème pour les documents administratifs qui doivent être déposés aux archives par une autorité administrative fédérale, provinciale ou communale, et ce à partir du délai qui s’applique à l’obligation de dépôt. L’idée était en effet que la loi relative aux archives contienne une règle de publicité spécifique ayant pour conséquence que tous les documents qui doivent être déposés aux archives sont publics. Il en va autrement pour les documents administratifs auxquels ne s’applique aucune obligation de dépôt ou pour les documents administratifs qui doivent être déposés avant terme ou le sont sur une base volontaire. La disposition de l’article 11 de la loi du 11 avril 1994 et de la loi du 12 novembre 1997 a en effet pour conséquence qu’il ne serait plus possible d’invoquer des motifs d’exception pour ces documents, le principe étant que tous les documents administratifs sont publics sauf si la loi impose des motifs d’exception. La loi relative aux archives ne contient toutefois aucun motif d’exception. Il est souhaitable que les motifs d’exception de la législation fédérale en matière de publicité puissent malgré tout être invoqués pour ces trois catégories de documents administratifs ; à défaut, il est possible que certaines informations, dont la publicité n’est pas encore souhaitée, soient divulguées. La disposition actuelle est également problématique pour une seconde raison : les Archives générales du Royaume ne sont elles-mêmes pas exclues de la législation en matière de publicité, ce qui est partiellement justifié. Les Archives générales du Royaume (et les archives du Royaume dans les provinces) sont en effet une institution scientifique fédérale qui produit et reçoit elle-même des documents administratifs. Mais elle obtient en outre des documents d’autres autorités, d’autorités administratives et d’autorités non administratives. En raison de l’interprétation large de la notion de document administratif, les documents qui ne sont pas des documents administratifs peuvent être 34 qualifiés de documents administratifs en raison de leur obligation de dépôt, ce qui n’était certainement pas l’intention du législateur. La Commission estime dès lors que l’intention du législateur pourrait être mieux exprimée ; à cette occasion, il appartiendra au législateur d’évaluer dans quelle législation des précisions doivent être ajoutées. 2.9 Une meilleure structure du texte Les auteurs de la proposition de loi souhaitent donner une structure plus claire à la loi du 11 avril 1994. A cette fin, ils scindent le texte en sections. Il est en effet important qu’un texte qui contribue à une plus grande transparence des interventions publiques soit lui-même aussi plus clair pour le citoyen. De ce point de vue, il s’indiquerait de remplacer le texte actuel par un nouveau texte qui intègre les actuelles législations générales en matière de publicité et les régimes généraux pour les informations spécifiques (informations environnementales, informations géographiques, …) et les modifications proposées. La Commission estime en outre souhaitable de prévoir une section “procédure de demande” à l’instar de ce que prévoient les auteurs de la proposition de loi en ce qui concerne la section “procédure de recours”. Bruxelles, le 29 septembre 2014. F. SCHRAM M. BAGUET secrétaire présidente