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Date: 8/7/2013
Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs Section publicité de l’administration 8 juillet 2013 AVIS n° 2013-19 Sur le refus de donner accès à des copies des décisions (CADA/2013/52) 2 1. Un récapitulatif Par courrier recommandé en date du 23 avril 2013, Monsieur Louis Dehin demande, au nom de la commune de Marche-en-Famenne, à la SA Belgacom la « communication de la copie des décisions sociales d’introduire les réclamations suivantes auprès de la commune de Marche-en-Famenne : - Réclamation introduite en date du 20 mars 2002 à l’encontre des articles de rôle 000004 et 000005 de l’exercice 2001 ; - Réclamation introduite en date du 31 décembre 2002 à l’encontre des articles de rôle 000002 et 000010 de l’exercice 2002 ; - Réclamation introduite en date du 24 juillet 2003 à l’encontre des articles de rôle 000003 et 000004 de l’exercice 2003 ; - Réclamation introduite en date du 15 novembre 2004 à l’encontre des articles de rôle 000002 et 000009 de l’exercice 2004 ; - Réclamation introduite en date du 11 janvier 2006 à l’encontre des articles de rôle 000004 et 000005 de l’exercice 2005 ; - Réclamation introduite en date du 11 décembre 2006 à l’encontre des articles de rôle 000004 et 000005 de l’exercice 2006 ; - Réclamation introduite en date du 31 octobre 2007 à l’encontre des articles de rôle 000004 et 000005 de l’exercice 2007 ; - Réclamation introduite en date du 29 juillet 2008 à l’encontre des articles de rôle 000004 et 000005 de l’exercice 2008 ; - Réclamation introduite en date du 9 mai 2011 à l’encontre des articles de rôle 000010 et 000011 de l’exercice 2009 ; - Réclamation introduite en date du 12 août 2010 à l’encontre des articles de rôle 000004 et 000005 de l’exercice 2010 ; - Réclamation introduite en date du 24 novembre 2011 à l’encontre des articles de rôle 000002 et 000003 de l’exercice 2011 ; Il demande également la « communication de la copie des décisions sociales d’introduire les requêtes suivantes auprès du Tribunal de première instance d’Arlon : - Requête du 8 octobre 2002 dirigée contra la décision de rejet de réclamation rendue par le Collège communal de Marche-en- Famenne le 20 mars 2002 ; 3 - Requête du 17 juillet 2003 dirigée contra la décision de rejet de réclamation rendue par le Collège communal de Marche-en- Famenne le 14 avril 2003 ; - Requête du 6 avril 2004 dirigée contra la décision de rejet de réclamation rendue par le Collège communal de Marche-en- Famenne le 2 février 2004 ; - Requête du 5 mai 2005 dirigée contra la décision de rejet de réclamation rendue par le Collège communal de Marche-en- Famenne le 5 février 2005 ; - Requête du 25 septembre 2006 dirigée contra la décision de rejet de réclamation rendue par le Collège communal de Marche- en-Famenne le 19 juin 2006 ; - Requête du 30 mai 2007 dirigée contra la décision de rejet de réclamation rendue par le Collège communal de Marche-en- Famenne le 5 mars 2007 ; - Requête du 4 juillet 2008 dirigée contra la décision de rejet de réclamation rendue par le Collège communal de Marche-en- Famenne le 7 avril 2008 ; - Requête du 29 avril 2009 dirigée contra la décision de rejet de réclamation rendue par le Collège communal de Marche-en- Famenne le 2 février 2009 ; - Requête du 9 mai 2012 dirigée contra la décision de rejet de réclamation rendue par le Collège communal de Marche-en- Famenne le 6 février 2012 ; - Requête du 18 avril 2011 dirigée contra la décision de rejet de réclamation rendue par le Collège communal de Marche-en- Famenne le 31 janvier 2011 ; - Requête du 6 août 2012 dirigée contra la décision de rejet de réclamation rendue par le Collège communal de Marche-en- Famenne le 11 juin 2012. Par courrier en date du 24 mai 2013, Belgacom refuse de fournir les documents administratifs demandés sur la base des motifs suivants: - La demande fait actuellement l’objet de débats dans le cadre de procédures juridictionnelles devant la Cour d’appel de Liège et le Tribunal de Première Instance d’Arlon. Il en est d’autant ainsi qu’il est de jurisprudence constante que le Conseil d’Etat et la Commission d’accès aux documents administratifs se déclarent incompétents pour connaître d’une demande d’accès à des documents administratifs qui est également faite dans le cadre 4 d’un litige pendant devant une autre juridiction (voyez nt. Conseil. Etat no. 190.238 du 5 février 2009). Ainsi, les procédures organisées par la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration ne peuvent pas se superposer à celles qui sont applicables devant les juridictions administratives et judiciaires (voyez nt. Cons. Etat, arrêt 51.549 du 6 février 1995). - La demande précitée présente un caractère manifestement abusif au sens de l’article 6, § 3, 3° de la loi du 11 avril 1994: Belgacom constate que la commune de Marche-en-Famenne n’a jamais au stade administratif de la procédure, soulevé l’irrecevabilité des réclamations introduites au motif que la décision d’introduire un recours fiscal n’aurait pas fait l’objet d’une décision du conseil d’administration de Belgacom Mobile. Par courrier recommandé en date du 5 juin 2013, Monsieur Louis Dehin introduit, au nom de la commune de Marche-en-Famenne, une demande de reconsidération auprès de la SA Belgacom. Il demande simultanément à la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l’administration, ci-après dénommée la Commission, de formuler un avis. 2. La recevabilité de la demande d’avis La Commission estime que le demandeur a satisfait à la condition légale de simultanéité de la demande de reconsidération adressée à Belgacom et de la demande d’avis adressée à la Commission, telle que stipulée à l’article 8, § 2, de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration. 3. Le bien-fondé de la demande La Commission souhaite explicitement attirer l’attention de Belgacom sur le fait que l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration, partent du principe de la publicité de tous les documents administratifs. La publicité ne peut être refusée que si un ou plusieurs motifs d’exception énumérés à l’article 6 de la loi du 11 avril 1994 peuvent ou doivent être invoqués et qu’ils peuvent être motivés de manière concrète. 5 La Commission souhaite attirer l’attention de Belgacom sur le fait qu’après un débat approfondi, elle a adapté son propre point de vue dans l’avis CADA-2009-49. Il y est estimé que la loi du 11 avril 1994 reste bien d’application même si les documents administratifs concernés sont impliqués dans un litige juridictionnel : « Il ressort de la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE n° 51.549, 6 février 1995, Michaux; CE n° 54.901, 29 août 1995, SA La Herseautoise ; CE n° 58.514, 8 mars 1996, Tarabichi en Keppens ; CE n° 59.897, 5 juin 1996, Delahaut-Paindavine ; CE n° 60.563, 27 juin 1996, Delwart ; CE n° 62.547, 14 octobre 1996, SA Electrification du Rail en Duchene ; CE n° 62.548, 14 octobre 1996, Simenon ; CE n° 66.860, 18 juin 1997, SPRL BA-WA ; CE n° 94.082, 16 mars 2001, Louis ; CE n° 94.419, 28 mars 2001, Swartenbroeckx en Vercruysse : CE n° 160.433, 22 juin 2006, Martin ; CE n° 181.543, 31 mars 2008, Altruye ; CE n° 181.544, 31 mars 2008, De Jongh : CE n° 190.238, 5 février 2009, Vuzdugan) que cette juridiction se déclare incompétente pour se prononcer sur la demande d’annulation d’une décision de refus d’accéder aux documents administratifs si les conditions suivantes sont remplies : 1. la demande de publicité qui a été refusée vise à utiliser des documents devant une juridiction ; 2. la juridiction a déjà été saisie ; 3. le dépôt de ces documents peut être ordonné par cette juridiction. Dans l’arrêt Vuzdugan, le Conseil d’Etat énonce : "3.1. Bien que le Conseil d’Etat soit en principe compétent, sur la base de l’article 8, § 2, 4ème alinéa, de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration, pour connaître des recours dirigés contre des décisions de refus de communication de documents administratifs, cette compétence peut être limitée de par le fait que la contestation relative à l’accès aux documents administratifs s’inscrit dans le cadre d’un litige pendant devant une autre juridiction. Il incombe donc à cette autre juridiction d’ordonner ou non le dépôt des pièces concernées. Le Conseil d’Etat interviendrait dans le litige pendant devant cette autre juridiction s’il se 6 prononçait sur la légitimité du refus de l’administration d’accorder au demandeur l’accès aux pièces visées. La compétence du Conseil d’Etat, qui lui est conférée par l’article 8, § 2, 4ème alinéa, de la loi du 11 avril 1994, cesse dès lors d’exister lorsqu’a été saisie une juridiction qui, dans le respect du droit de la défense, peut ordonner le dépôt de documents. Certes, il n’y a aucune garantie que la juridiction ordonnera le dépôt de ces pièces, mais il n’appartient pas au Conseil d’Etat d’éviter le risque d’un éventuel rejet de la demande de dépôt ou de communication". De ce que le Conseil d’Etat se déclare incompétent pour intervenir dans des litiges pendants, il ne peut toutefois se déduire que la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration ne serait pas applicable dans ces cas-là. La loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration s’applique en principe à tous les documents administratifs. La raison pour laquelle une personne souhaite avoir accès aux documents administratifs et ce qu’elle entend en faire une fois obtenus, ne peut en principe pas influencer la réponse apportée à sa demande d’accès. En vertu de l’article 32 de la Constitution, des motifs d’exception et d’autres restrictions à ce principe peuvent uniquement être fixés par une loi, un décret ou une ordonnance. Ce point de départ fondamental se dégage tant des travaux parlementaires préparatoires de l’article 32 de la Constitution et de la loi du 11 avril 1994, que de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et du Conseil d’Etat. La Commission constate que le législateur n’a inclut aucun motif d’exception spécifique dans la loi du 11 avril 1994, qui permette de refuser l’accès pour le motif que le document porte sur un litige qui est pendant devant une juridiction. Par ailleurs, le législateur n’a pas non plus voulu porter atteinte aux procédures existantes devant des juridictions leur permettant d’ordonner la publication, ni aux rapports entre les juridictions. La Commission est par conséquent d’avis qu’une administration peut faire application de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration lorsqu’il lui est 7 demandé de publier un document administratif, indépendamment du fait qu’une juridiction ait été saisie et de la question de savoir si le document porte sur ce litige. Il se peut néanmoins, en vertu de la jurisprudence du Conseil d’Etat, que, pour avoir accès au document administratif en question après un refus définitif de l’administration, le demandeur doive s’adresser à la juridiction compétente pour se prononcer sur le litige. C’est cette juridiction – peut-être le Conseil d’Etat lui-même – qui devra juger, dans le cadre de la solution du litige, si le document administratif concerné est nécessaire pour se prononcer et, le cas échéant, ordonner son dépôt. » Par conséquent, la Commission estime que Belgacom refuse injustement l’accès aux documents administratifs demandés sur la base du fait que plusieurs litiges sont en cours. La Commission ne peut pas non plus se ranger au point de vue de Belgacom selon lequel la demande est manifestement abusive. Belgacom ne démontre en effet pas concrètement que le fait de satisfaire à la demande entraîne des efforts tels qu’elle serait dans l’impossibilité d’exécuter ses tâches ou en serait fortement empêchée. La Commission souhaite en outre insister sur le fait que pour juger du caractère manifestement abusif d’une demande, le moment auquel la demande a été introduire n’est pas pertinent. La Commission estime que les motifs invoqués pour refuser la publicité ne sont pas d’application. Dans la mesure où Belgacom n’invoque dès lors aucun autre motif d’exception et ne les motive pas de manière concrète, les documents administratifs demandés doivent être publiés. Bruxelles, le 8 juillet 2013. F. SCHRAM M. BAGUET secrétaire présidente