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Date: 8/8/2011
Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs Section publicité de l’administration 8 août 2011 AVIS n° 2011-302 Sur le refus de donner accès à l’intégrité du dossier fiscal (CADA/2011/303) 2 1. Un récapitulatif Le 16 juin 2011, Monsieur Gérard van den Berg et Madame Nathalie Hollasky, demandent au nom de Madame X, à l'Inspection spéciale des Impôts (ISI) de Bruxelles 6, par courrier recommandé, à obtenir l'accès au dossier administratif et notamment aux documents qui ont donné lieu à la notification du 3 février 2011 et à la demande de renseignements du 31mai 2011 sur la base de l'article 333, troisième alinéa, du Code des Impôts sur les revenus 1992 (ci-après CIR 92). Par lettre recommandée en date du 29 juin 2011, l'ISI de Bruxelles 6 refuse partiellement l'accès au dossier administratif, plus précisément aux renseignements obtenus auprès de l'administration fiscale française qui ont donné lieu à la notification et à la demande de renseignements. Le refus a lieu sur la base de l'article 6, § 2, 2° de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration combiné à des articles 28quinquies et 57 du Code d'Instruction criminelle. L'article 28quinquies, § 1er du Code d'Instruction criminelle stipule que l'information, hormis les exceptions légales, est secrète et que toute personne qui est appelée à prêter son concours professionnel à l'information est tenue au secret. Celui qui viole ce secret est puni des peines prévues à l'article 458 du Code pénal. Dans le courrier, il est mentionné que les parquets de Bruxelles et d'Anvers ont ouvert une information sur la base des renseignements obtenus auprès de l'administration fiscale française, de sorte que ces renseignements font partie d'une information ouverte auprès des deux parquets. L'article 57 du Code d'instruction criminelle porte sur le secret de l'instruction. Par courrier recommandé en date du 28 juillet 2011, Monsieur Gérard van den Berg et Madame Nathalie Hollasky, introduisent au nom de Madame X, une demande de reconsidération. Par courrier recommandé à la même date, ils demandent à la Commission d'accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l'administration, ci-après dénommée la Commission, de formuler un avis. 3 2. La recevabilité de la demande d'avis La Commission estime que la demande d'avis est recevable. Le demandeur a en effet satisfait à la condition de simultanéité de la demande de reconsidération et de la demande d'avis, imposée par l'article 8, §2 de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration. Dans la mesure où il s'agit de documents à caractère personnel, les demandeurs n'ont l'intérêt requis que pour les documents qui concernent leur cliente. Pour les documents qui ne peuvent pas être qualifiés de documents à caractère personnel, le demandeur ne doit justifier d'aucun intérêt. Un document à caractère personnel est selon l'article 1er, deuxième alinéa, 3°, de la loi du 11 avril 1994 "document administratif comportant une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d'un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne.” Il n'est donc pas suffisant qu'un document administratif porte sur une personne physique pour pouvoir être considéré comme un document à caractère personnel. Etant donné que le demandeur a obtenu partiellement accès aux documents, l'avis de la Commission se limite aux documents administratifs auxquels l'accès à été refusé. 3. Le bien-fondé de la demande d'avis L'article 32 de la Constitutions et la loi du 11 avril 1994 partent du principe de la publicité de tous les documents administratifs. L'accès ne peut être refusé que si une ou plusieurs exceptions peuvent être invoquées. La Commission constate que l'ISI de Bruxelles 6 invoque l'article 6, § 2, 2° de la loi du 11 avril 1994 combiné à l'article 28quinquies, §1er, du Code d'Instruction criminelle. L'article 28quinquies du Code d'Instruction criminelle a été inséré par l'article 5 de la loi du 12 mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction. Il ressort de la préparation parlementaire de cette loi (Doc. Parl. La Chambre, 1996 – 1997, document n° 857/1, 7 et 26) que cet article introduit explicitement le secret de l'instruction et que cela s'applique tant à l'égard de l'auteur des faits et de la victime qu'à l'égard 4 de tiers et du public. Il a été jugé nécessaire, pour le bon déroulement de l'enquête préliminaire, d'empêcher que la divulgation d'informations résulte en la perte d'éléments de preuve importants et, pour la protection des droits du suspect, d'empêcher que la divulgation d'informations ne puisse conduire à un jugement public entraînant une violation du droit à la présomption d'innocence et au droit au respect de la vie privée. L'information est "l’ensemble des actes destinés à rechercher des infractions, leurs auteurs et les preuves, et à rassembler les éléments utiles à l’exercice de l’action publique" et se déroule sous la direction et l'autorité du ministère public. Il ressort de la préparation parlementaire que le secret de la phase préparatoire du procès n'est pas absolu et doit être adouci à l'égard de la presse afin de garantir le droit à la liberté d'expression prévu à l'article 10 de la CEDH. A l'égard du suspect, le principe du caractère secret de la phase préparatoire au procès a pour conséquence qu'il n'est en principe pas impliqué dans les investigations, hormis dans les investigations qui le concernent personnellement et que les résultats de ces investigations ne lui sont pas communiqués. Au cours de cette phase, ni le suspect ni son avocat n'ont le droit de regard dans le dossier pénal. La Commission estime qu'il n'est pas opportun d'invoquer l'article 6, § 2, 2° de la loi du 11 avril 1994 combiné à l'article 28quinquies, §1er, du Code d'Instruction criminelle pour refuser la consultation. L'article 28quinquies, § 1er du Code d'Instruction criminelle stipule que l'information est en principe secrète et que toute personne qui est appelée à prêter son concours professionnel à l'information est tenue au secret de l'enquête. Cette disposition ne s'applique toutefois pas aux fonctionnaires de l'Inspection spéciale des Impôts, étant donné que sur la base de l'article 463, premier alinéa du CIR 92 ceux-ci ne peuvent être entendus que comme témoins. Il est dès lors interdit aux fonctionnaires de l'administration fiscale de collaborer activement à l’information ou à l’instruction. Ils ne peuvent pas intervenir à titre d’expert ni participer à des perquisitions, des descentes sur les lieux ou des auditions. (Cour de Cassation, 17 décembre 2008, AR P.2008.0878.F, à consulter sur www.cass.be). Le fait que l'information à laquelle il est demandé accès fasse également l'objet d'une information n'empêche pas qu'il s'agisse toujours d'un document administratif au sens de la loi du 11 avril 1994. A l'article 1er, deuxième alinéa, 2°, de la loi un "document administratif" est en effet décrit comme "toute information, sous quelque forme que ce soit, 5 dont une autorité administrative dispose". L'information et l'instruction sont en effet indépendantes de l'enquête fiscale. La Commission n'exclut toutefois pas que d'autres motifs d'exception empêchent totalement ou en partie la divulgation des informations. Tout d'abord, elle souhaite attirer l'attention sur l'article 6, §1er, 5° de la loi du 11 avril 1994 sur la base duquel une autorité administrative fédérale ou non-fédérale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de la recherche ou de la poursuite de faits punissables. Ce motif d'exception devrait être invoqué s'il devait apparaître que la publicité peut entraver, voire même rendre impossible, la recherche ou la poursuite de faits punissables. Si tel est le cas, l'ISI doit le démontrer concrètement et cela doit faire l'objet d'une mise en balance des intérêts entre d'une part, l'intérêt général servi par la publicité et d'autre part, l'intérêt protégé. Ensuite, la Commission souhaite attirer l'attention sur l'article 6, § 1er, 6° de la loi du 11 avril 1994 sur la base duquel une autorité administrative fédérale ou non-fédérale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection d'un intérêt économique ou financier fédéral, la monnaie ou le crédit public. Il ressort de la pratique d'avis de la Commission et de la jurisprudence du Conseil d'Etat que l'intérêt fiscal doit être considéré comme faisant partie de l'intérêt économique ou financier fédéral. Dès lors, dans la mesure où la publicité porte préjudice à cet intérêt et où l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas, l'ISI peut, moyennant une motivation concrète et pertinente, refuser la divulgation de ces informations. Il est également possible que le document demandé reprenne des informations portant sur des tiers. Dans ce cas, l'accès à ces informations doit être refusé sur la base de l'article 6, § 2, 1° et sur la base de l'article 6, § 2, 2°. Dans le premier cas, une autorité administrative fédérale ou non- fédérale ne peut pas donner accès aux informations portant sur des tiers si la publicité du document administratif porte préjudice au respect de la vie privée de ces tiers. Dans le deuxième cas, la divulgation 6 d'informations portant sur des tiers doit être refusée en raison d'une obligation de réserve imposée par l'article 337 du CIR92. Toutefois, ces motifs d'exception ne peuvent pas être invoqués à l'égard du demandeur dans la mesure où ces informations portent sur leurs cliente. La Commission souhaite insister sur le fait que, sur la base de l'article 6, § 4 de la loi du 11 avril 1994, toutes les informations contenues dans un document administratif qui n'entrent pas dans la définition d'un motif d'exception doivent être divulguées. Enfin, la Commission souhaite attirer l'attention des demandeurs sur le fait que l'application de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration n'a pas d'influence sur les délais et effets qui sont fixés dans le CIR 92 en ce qui concerne une demande de renseignements et sur la base desquels le demandeur est tenu de répondre dans le mois qui suit la date d'envoi (cf. art. 316 CIR 92). Bruxelles, le 8 août 2011. F. SCHRAM J. BAERT secrétaire président